Cass. com., 25 octobre 1994, n° 92-21.375
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Lassalle
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
Me Choucroy, Me Roger, Me Blanc
Attendu, selon l'arrêt, que la Société moderne de construction (la SMC) a, par acte du 15 juin 1988, délégué à ses fournisseurs de matériaux, les sociétés Béton contrôle Côte-d'Azur, Mure Sud et Trinité planchers, les créances qu'elle détenait sur la société Provence logis ; que la SMC a été mise en redressement judiciaire le 8 juillet 1988 et la date de cessation des paiements fixée au 8 janvier 1987 ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que le commissaire à l'exécution du plan de cession de la SMC fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de son action en nullité des délégations consenties par la SMC, en cessation des paiements à ses fournisseurs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'arrêt ne pouvait écarter la nullité pour connaissance de l'état de cessation de paiement, sans vérifier si, comme il l'avait soutenu, le choix de ce procédé de règlement ne traduisait pas la connaissance qu'avaient les fournisseurs comme le maître de l'ouvrage de l'impossibilité où se trouvait le débiteur de régler directement ses fournisseurs ;
qu'ainsi, l'arrêt a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que le jugement ouvrant la procédure collective interdit de plein droit tout paiement de créance nées antérieurement ; qu'il s'ensuit que l'arrêt qui s'abstient de vérifier si la délivrance des factures par le fournisseur au maître de l'ouvrage, qui emportait acceptation de la délégation et novation par changement de débiteur et de créancier, n'était pas postérieure à l'ouverture de la procédure collective, a entaché sa décision d'un manque légale au regard de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a énoncé qu'il appartenait au commissaire à l'exécution du plan de cession de prouver que la société Provence logis et les fournisseurs connaissaient, le 15 juin 1988, l'état de cessation des paiements de la SMC et retenu que cette connaissance ne résultait pas de la seule proximité de la date de la conclusion de la convention de délégation de paiement et de celle du jugement d'ouverture du redressement judiciaire ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt que le commissaire à l'exécution du plan de cession ait soutenu devant la cour d'appel les prétentions contenues dans le moyen ;
D'où il suit qu'irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa troisième branche, le moyen est, en sa deuxième branche, mal fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 107, alinéa 1er, 4 , de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que, pour rejeter la demande de nullité des délégations de créances consenties depuis la date de cessation des paiements par la SMC à ses fournisseurs, l'arrêt retient que ce mode de paiement est communément admis dans les relations d'affaires ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société Provence logis, maître de l'ouvrage, et les sociétés Mure Sud, Béton contrôle Côte-d'Azur et Trinité planchers établissaient que, dans les relations d'affaires du secteur professionnel de la construction considéré, le paiement des fournisseurs par la délégation des créances que l'entrepreneur détient sur le maître de l'ouvrage est communément admis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de nullité sur le fondement de l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985, des délégations consenties par la Société moderne de construction aux sociétés Béton contrôle Côte-d'Azur, Trinité planchers et Mure Sud, des créances qu'elle détenait sur la société Provence logis, l'arrêt n° 90/14133 rendu le 10 septembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.