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Décisions

Cass. com., 1 février 2000, n° 96-21.470

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Ghestin, SCP Vincent et Ohl

Rouen, 2e ch. civ., du 12 sept. 1996

12 septembre 1996

Attendu, selon l'arrêt déféré (Rouen, 12 septembre 1996), qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Sablage métallisation peinture (société SMP), le 14 octobre 1988, et la désignation de M. Hess en qualité d'administrateur de la procédure collective, le Tribunal a reporté la date de la cessation des paiements de l'entreprise au 31 mai 1988 puis, par jugement du 11 mai 1990, a arrêté le plan de cession et désigné M. Hess, commissaire à l'exécution du plan ; que le 25 avril 1991, M. Hess, agissant en qualité d'administrateur du redressement judiciaire de la société SMP a assigné la société Banque nationale de Paris (la banque) en paiement d'une certaine somme ; que le 17 mai 1993, M. Hess est intervenu devant le Tribunal afin d'y être également présent en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que le Tribunal ayant condamné la banque à payer à M. Hess, "ès qualités", une somme correspondant à la diminution du risque accepté par elle entre le 31 mai 1988 et le 14 octobre 1988, celle-ci a fait appel contre M. Hess, "pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société SMP" ; que la cour d'appel a déclaré M. Hess irrecevable en toutes ses demandes ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Hess reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans ses conclusions d intimé, M. Hess faisait valoir que la banque n'avait pas interjeté appel du jugement rendu contre lui en sa qualité d administrateur du redressement judiciaire de la société SMP et qu elle était dès lors irrecevable à critiquer le jugement rendu au profit de M. Hess en cette qualité ; qu en réformant le jugement et en déclarant M. Hess irrecevable en toutes ses demandes, sans répondre à ces conclusions, la cour d appel a violé l article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que ne sont intimées que les parties figurant dans la qualité dans laquelle elles ont été désignées par la déclaration d appel ; que dans sa déclaration d appel, la banque n a intimé que M. Hess, en sa qualité de commissaire à l exécution du plan de cession de la société SMP, sans l'intimer en sa qualité d administrateur du redressement judiciaire de la société SMP, ni tenter de régulariser la procédure ultérieurement ; qu en réformant néanmoins, le jugement rendu au profit de M. Hess en sa double qualité d administrateur du redressement judiciaire et de commissaire à l exécution du plan de la société SMP et en déclarant M. Hess, en cette double qualité, irrecevable en toutes ses demandes formées contre la banque, la cour d appel a méconnu l effet limité de l appel à l égard du seul intimé, M. Hess, ès qualités de commissaire à l exécution du plan de la société SMP, violant l article 547 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité de la demande formée par M. Hess, en sa qualité d'administrateur du redressement judiciaire de la société SMP, et condamner la banque à verser une certaine somme "entre les mains de M. Hess, ès qualités", le jugement, qui a constaté que M. Hess avait été nommé commissaire à l'exécution du plan, le 11 mai 1990, et était intervenu, en cette qualité, dans la procédure qu'il avait engagée en sa qualité d'administrateur du redressement judiciaire, retient qu'en application de l'article 126 du nouveau Code de procédure civile, la situation avait été régularisée par cette intervention volontaire et qu'en conséquence l'irrecevabilité devait être écartée dès lors que sa cause avait disparu au moment où le juge statuait ; que le Tribunal ayant ainsi prononcé une condamnation au profit de M. Hess, en sa seule qualité de commissaire à l'exécution du plan, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes dont fait état la première branche, n'a pas encouru le grief de la seconde branche ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Hess reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que l action en nullité de certains actes peut être exercée par l administrateur, par le représentant des créanciers, par le liquidateur ou par le commissaire à l exécution du plan ;

d où il suit que l administrateur conserve le pouvoir d exercer cette action en nullité, concurremment avec les autres représentants de la procédure, jusqu à la clôture des opérations du redressement judiciaire ; qu en énonçant que M. Hess avait perdu sa qualité d administrateur judiciaire de la société SMP, le 11 mai 1990, lorsqu il a été désigné par le Tribunal en qualité de commissaire à l exécution du plan de cette société et qu il ne pouvait, dès lors, plus agir en nullité de certains actes, contre la banque, en cette qualité, la cour d appel a violé les articles 36 et 110 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que le jugement du 11 mai 1990, qui a arrêté le plan de cession, ayant mis fin aux fonctions de l'administrateur du redressement judiciaire même en ce qui concerne les pouvoirs nécessaires à la mise en oeuvre du plan, la cour d'appel en a exactement déduit qu'ayant perdu la qualité d'administrateur du redressement judiciaire, M. Hess était irrecevable à agir en nullité des actes faits durant la période suspecte ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. Hess reproche enfin à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'intimé, M. Hess faisait valoir que ses fonctions de commissaire à l'exécution du plan duraient jusqu à la clôture de la procédure de redressement judiciaire ; que dans ses conclusions d appel, la banque n avait jamais soutenu que M. Hess avait perdu sa qualité de commissaire à l exécution du plan lorsqu il avait déposé ses conclusions d intervention en cette qualité, le 17 mai 1993 ; qu en statuant en dehors des prétentions respectives des parties, la cour d appel a violé l article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité ne peut pas être relevée d office ;

qu en relevant d office la fin de non recevoir tirée de ce que M. Hess aurait perdu la qualité de commissaire à l exécution du plan lorsqu il a déposé, le 17 mai 1993, des conclusions d intervention, en cette qualité, la cour d appel a violé l article 125 du nouveau Code de procédure civile ;

alors, en outre, que le juge doit observer la contradiction ; qu en relevant d office la fin de non-recevoir tirée de ce que M. Hess avait perdu la qualité de commissaire à l exécution du plan lorsqu il avait déposé, le 17 mai 1993, des conclusions d intervention, en cette qualité, sans provoquer au préalable les explications contradictoires des parties, la cour d appel a violé l article 16 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que le commissaire à l exécution du plan conserve sa qualité pour mener toutes les actions relatives à l exécution du plan ; que le jugement "d ouverture" du plan du 11 mai 1990 avait donné mission à M. Hess, en qualité de commissaire à l exécution du plan, de procéder au recouvrement des créances de la société SMP et d engager les actions judiciaires à cet effet, et, après recouvrement de toutes les sommes au titre du plan de cession, de présenter rapport au juge-commissaire en vue de la clôture des opérations de redressement judiciaire ; qu en décidant, dès lors, que M. Hess, en qualité de commissaire à l exécution du plan - plan qui n avait pas pu être clôturé au regard de l action formée contre la banque dans le cadre de l exécution dudit plan - n avait plus qualité pour intervenir à l instance et régulariser la procédure contre la banque, la cour d appel a violé l article 67 de la loi du 25 juillet 1985 ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le jugement du 11 mai 1990 avait fixé à deux années la durée du plan ainsi que la mission du commissaire à son exécution, la cour d'appel, relevant d'office la fin de non-recevoir d'ordre public, tirée du défaut de qualité du commissaire à l'exécution du plan dont la détermination de la mission était dans le débat, en a exactement déduit que, faute d'avoir démontré le renouvellement ou la poursuite de son mandat, M. Hess n'avait plus la qualité de commissaire à l'exécution du plan lorsqu'il avait déposé, le 17 mai 1993, des conclusions d'intervention pour tenter de régulariser la procédure ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.