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Décisions

Cass. crim., 4 avril 2001, n° 00-84.381

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Martin

Avocat général :

M. Di Guardia

Avocats :

SCP Bore, Xavier et Bore, SCP Waquet, Farge et Hazan

Toulouse, ch. cor., du 31 mai 2000

31 mai 2000

Contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 31 mai 2000, qui, statuant sur renvoi après cassation, a condamné Didier X..., pour banqueroute et prise illégale d'intérêts, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, 5 ans d'interdiction de gérer toute entreprise commerciale, artisanale ou une personne morale, 5 ans d'inégibilité à une fonction publique autre que celle résultant d'un mandat électif et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;

I - Sur le pourvoi de Didier X... :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 de la directive communautaire du 25 juin 1980, L. 626-1 du Code de commerce et 591 à 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a jugé Didier X... coupable du délit de banqueroute ;

"aux motifs que la société d'économie mixte locale de la source de Vélines était une personne morale de droit privé et que Didier X... a employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;

"alors que constitue une entreprise publique toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent ;

qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que la majorité du capital de la société d'économie mixte en liquidation judiciaire appartenait à un syndicat intercommunal, donc à une personne publique ; qu'une entreprise publique ne constitue pas une "personne morale de droit privé" au sens de l'article L. 626-1 du Code de commerce et qu'en conséquence, ses dirigeants ne peuvent pas être poursuivis pour banqueroute ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que le moyen, expressément rejeté par l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 2 juin 1999, ne saurait être présenté à nouveau, nonobstant la cassation totale ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 112-1, alinéa 3 et 432-12 du Code pénal, L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales et 591 à 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a jugé Didier X... coupable du délit de prise illégale d'intérêts ;

"aux motifs que "Didier X..., maire de Saint-Vivien et président du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de Vélines a été désigné par le SIAEP pour siéger au conseil d'administration de la SEM de la Source de Vélines ; que cependant aucune délibération expresse du SIAEP n'a fixé le montant maximum des rémunérations ou avantages particuliers que pourrait percevoir Didier X... de la SEM et n'a précisé la nature des fonctions qui justifieraient ces rémunérations ou avantages ; que les délibérations de la SEM sont inopérantes en l'espèce, comme le fait que la SIAEP ait approuvé les comptes de la SEM, une telle approbation, au demeurant postérieure, n'étant pas une délibération expresse et ne fixant pas un montant maximum de rémunérations ou d'avantages particuliers ; que, dès lors, la dérogation instituée par l'article 1524-5 du Code général des collectivités territoriales, issu de la loi du 6 février 1992, ne pouvant être retenue en ce qui concerne la perception par Didier X... en 1991-1992 de rémunérations et avantages particuliers de la SEM, les textes incriminateurs du Code pénal devront recevoir application" ;

"alors qu'il résulte de l'article L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales que les élus locaux représentant une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales au conseil d'administration d'une société d'économie mixte peuvent exercer, dans cette société, des fonctions rétribuées, lorsqu'ils y ont été autorisés par une délibération expresse de l'assemblée qui les a désignés ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que Didier X... représentait un syndicat intercommunal au sein de la société d'économie mixte de la Source de Vélines et que le syndicat a approuvé les comptes de cette société qui mentionnaient de façon expresse le versement d'un salaire à Didier X... ; que le syndicat intercommunal ne pouvait pas satisfaire à l'avance, par une délibération expresse, aux exigences de l'article L. 1524-5 qui est issu d'une loi du 6 février 1992, puisque cette loi n'existait pas en 1991 lorsque Didier X... a été désigné pour siéger au conseil d'administration de la société d'économie mixte ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer Didier X..., es-qualités de président du Syndicat intercommunal d'alimentation en eaux potables de Vélines (SIAEP) coupable de prise illégale d'intérêts dans la SEM de la source de Vélines dont il était chargé d'assurer l'administration, l'arrêt, relevant que l'intéressé avait bénéficié en 1991 et 1992 d'une rémunération, de frais de déplacements et d'une voiture de fonctions pris en charge par cette dernière, se prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que l'approbation, postérieure aux délibérations de la SEM, ne saurait couvrir l'absence d'autorisation expresse du SIAEP fixant le montant maximum de la rémunération et des avantages particuliers de son représentant, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

II - Sur les pourvois des parties civiles :

Sur le second moyen de cassation présenté pour la commune de Port-Sainte-Foy et Ponchapt, pris de la violation de l'article 2 du Code de procédure pénale, des articles 432-12 du Code pénal, 1524-5 du Code général des collectivités territoriales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la Commune de Port-Sainte-Foy et Ponchapt irrecevable en sa constitution de partie civile à l'encontre de Didier X..., déclaré coupable de prise illégale d'intérêts ;

"aux motifs que le préjudice subi par la Commune, à supposer établi, ne peut qu'avoir été causé indirectement à cette Commune, membre du syndicat intercommunal ;

"alors qu'est suffisamment direct et que justifie sa constitution de partie civile, le préjudice subi par une commune, membre d'un syndicat intercommunal, à raison du délit de prise illégale d'intérêts commis par le président du syndicat intercommunal, également président du conseil d'administration d'une société d'économie mixte dont ce syndicat intercommunal possédait majoritairement les parts, la Commune, membre du syndicat, ayant nécessairement subi un préjudice direct à raison de l'infraction" ;

Attendu que, pour débouter la commune de Sainte Foy Ponchapt, qui s'était constituée partie civile, de sa demande en réparation du dommage découlant du délit de prise illégale d'intérêts retenu contre Didier X..., l'arrêt énonce que ce préjudice, à le supposer établi, ne peut qu'avoir été causé indirectement à cette commune, membre du SIAEP ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le premier moyen de cassation proposé pour le SIAEP de Vélines, pris de la violation de l'article 2 du Code de procédure pénale, des articles 432-12 du Code pénal, 1524-5 du Code général des collectivités territoriales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le SIAEP de Vélines irrecevable dans sa constitution de partie civile à l'encontre de Didier X..., déclaré coupable de prise illégale d'intérêts ;

"aux motifs que le syndicat ne maintient en cause d'appel qu'une demande de réparation de son préjudice moral ; que le syndicat intercommunal, personne morale de droit public, n'est pas susceptible d'éprouver un préjudice moral dont le caractère inexistant est au surplus attesté par la modicité de sa demande ;

"alors que toute personne, physique ou morale, de droit public ou de droit privé, peut subir un préjudice moral dont il appartient aux juges du fond de fixer souverainement l'évaluation ; qu'en affirmant par principe qu'une personne morale de droit public ne peut pas subir un tel préjudice, la cour d'appel a violé les règles fondamentales relatives à la réparation" ;

Vu les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;

Attendu que ces textes ouvrent l'action civile à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objet de la poursuite, sans exclure les personnes morales de droit public ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes du SIAEP qui sollicitait la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral découlant du délit de prise illégale d'intérêts, l'arrêt énonce que ce syndicat intercommunal, personne morale de droit public, n'est pas susceptible d'éprouver un préjudice moral dont le caractère inexistant est au surplus attesté par la modicité de la demande ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe susénoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

I . Sur les pourvois de Didier X... et de la commune de Sainte Foy Ponchapt :

Les REJETTE ;

II . Sur le pourvoi du syndicat intercommunal d'adduction d'eaux potables de Vélines :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse en date du 31 mai 2000, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes du SIAEP, partie civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'AGEN, à ce, désignée, par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.