Cass. com., 8 avril 2014, n° 13-12.623
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
Me Spinosi, SCP Piwnica et Molinié
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 décembre 2012), que le capital de la société Office d'assurances aériennes G. de Cugnac (la société OAAGC) était, lors de sa constitution, en 1997, réparti entre la société OAAGC holding, actionnaire majoritaire, et la société X...Savoye, cette dernière étant contrôlée par la société X...Savoye et compagnie, elle-même contrôlée par les membres des familles Y... et X...; que les statuts de la société OAAGC comportent une clause prévoyant que dans le cas où le contrôle d'un associé au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce aura changé, cet associé sera réputé avoir offert de céder la totalité de ses titres aux autres associés ; que faisant valoir que le contrôle de la société X...Savoye avait changé à la fin de l'année 2009 à la suite de la restructuration du capital de la société X...Savoye et compagnie, désormais réparti à parts égales entre trois groupes d'actionnaires, dont le Groupe Willis, la société OAAGC holding s'est prévalue de la clause d'exclusion ; que le 16 avril 2010, l'organe de la société OAAGC statutairement investi de ce pouvoir a décidé que la société X...Savoye serait considérée comme ayant offert de céder à la société OAAGC holding la totalité de sa participation dans la société OAAGC ; que cette décision ayant été annulée par jugement du 9 mars 2011, la société OAAGC holding a relevé appel et a réitéré, à titre principal, la demande formée en première instance ; qu'elle a, en outre, demandé, à titre subsidiaire, pour la première fois en cause d'appel, que soit constaté le changement de contrôle de la société X...Savoye « en application de la présomption de contrôle instituée à l'article L. 233-3, II du code de commerce, à la suite de l'acquisition par le Groupe Willis entre 1997 et 2009 d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % » ;
Attendu que la société OAAGC holding fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré cette demande irrecevable, alors, selon le moyen :
1°/ que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement est différent ; que la demande subsidiaire formée en cause d'appel, fondée sur l'article L. 233-3 II du code de commerce et la demande principale formée devant les premiers juges fondée sur les articles L. 233-3 I et III du code de commerce, en ce qu'elles visent toutes deux à constater le changement de contrôle d'un associé en vue d'ordonner la cession de ses titres par application d'une clause statutaire d'exclusion, constituent l'exercice d'un même droit et tendent aux mêmes fins, et ce même si le fondement et les modalités du changement de contrôle diffèrent ; qu'en statuant en sens contraire, aux motifs que le changement et l'acquisition du contrôle n'étaient pas les mêmes ou que la date de prise d'effet de la demande d'exclusion de l'associé différait sensiblement selon l'hypothèse, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile ;
2°/ que les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; que la demande subsidiaire de l'exposante, qui tendait, en l'absence d'action de concert de nature à conférer aux actionnaires familiaux le contrôle de la société X...Savoye, à juger que le Groupe Willis qui avait acquis plus de 40 % des droits de vote était présumé contrôler la société faute d'associé détenant une participation supérieure, constituait le complément nécessaire de la demande principale fondée sur l'existence d'une action de concert et rejetée par les premiers juges ; qu'en estimant toutefois que la demande était irrecevable car nouvelle, la cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge qui considère qu'une action est irrecevable ne peut statuer au fond sans commettre un excès de pouvoir ; qu'en déclarant irrecevable la demande subsidiaire formée par la société OAAGC holding en cause d'appel à raison de sa nouveauté, tout en estimant qu'elle avait été exercée hors délai compte tenu du délai de quatre vingt dix jours prévu par les statuts, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 564 et 122 du code de procédure civile ;
4°/ que l'article 10 VII des statuts stipule, au titre de la procédure d'exclusion de l'associé, que « Le Délai Prescrit prend fin quatre vingt dix (90) jours après le jour où l'Associé au Capital Modifié, ou l'un quelconque des autres associés, a notifié à la société et aux autres associés que la détention ou le montant du capital de l'Associé au Capital Modifié ne répond plus aux exigences des présentes » ; qu'il s'évince clairement et précisément d'une telle stipulation que seule la notification à la société et aux autres sociétés du changement de contrôle fait courir le délai de quatre vingt dix jours contractuellement prévu ; qu'en retenant que l'action formée par la société OAAGC holding était tardive au regard du délai contractuellement prévu nonobstant l'absence de notification, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la date de prise d'effet de la demande d'exclusion de la société X...Savoye différait sensiblement dans la situation visée par la demande principale, soit décembre 2009, et dans celle visée par la demande subsidiaire, soit janvier 2008, dès lors qu'aux termes des statuts de la société OAAGC, l'associé au capital modifié cesse d'exercer ses droits non pécuniaires à compter de la date à laquelle son contrôle a changé, qu'il ait ou non informé la société, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande subsidiaire de la société X...Savoye ne tendait pas aux mêmes fins que sa demande principale ;
Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que la société OAAGC holding ait fait valoir que sa demande subsidiaire entrait dans les prévisions de l'article 566 du code de procédure civile, dont elle ne s'est pas prévalue ; que la deuxième branche, nouvelle et mélangée de fait et de droit, est irrecevable ;
Attendu, en outre, que la cour d'appel, qui s'est bornée, dans le dispositif de sa décision, à déclarer cette demande irrecevable, n'a pas excédé ses pouvoirs ;
Et attendu, enfin, que la dernière branche qui critique des motifs surabondants est inopérante ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deuxième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.