Livv
Décisions

Cass. com., 29 mars 1994, n° 91-20.394

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Huglo

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me de Nervo

Aix-en-Provence, du 12 oct. 1990

12 octobre 1990

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 octobre 1990), la Caisse hypothécaire anversoise (la caisse) a prêté, par acte sous seing privé du 14 août 1985, à la société à responsabilité limitée Promotion Mozart et aux époux X..., solidairement et indivisiblement, une somme de 67 050 000 francs belges ; que, le même jour, les époux X... ont consenti à la caisse une hypothèque sur l'immeuble leur appartenant à La Colle-sur-Loup et Mme X... a remis en nantissement à la caisse la totalité des actions de la société Promotion Mozart ; que la caisse a poursuivi la vente sur saisie immobilière de l'immeuble hypothéqué ; que les époux X..., par un dire au cahier des charges du 19 avril 1988, ont invoqué la nullité du contrat de prêt et des garanties qui y sont attachées ; qu'ils ont fait valoir notamment que, du fait des pertes subies par la société Promotion Mozart au moment de l'octroi du prêt, par l'effet de celui-ci, elle se trouvait sous le contrôle de la caisse, dès ce moment, en contravention à la réglementation des changes ;

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leur dire tendant à voir constater la nullité du prêt et d'avoir fixé la date d'adjudication de l'immeuble, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 2-3° du décret du 27 janvier 1967, sont considérées comme investissements directs " toutes opérations (qui) ont pour effet de permettre à une ou plusieurs personnes de prendre ou d'accroître le contrôle d'une société " ; qu'en limitant son champ d'application aux seules opérations " portant sur le capital social ", la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse interprétation, ensemble l'article 4 dudit décret et l'article 6 du Code civil par refus d'application ; alors, d'autre part, qu'en se bornant à faire état de l'éventualité du paiement du créancier au terme de la procédure de saisie immobilière, de l'infériorité du passif de la société lors de l'octroi du prêt par rapport au montant de l'emprunt, de déclarations des époux X... sur l'utilisation partielle et potentielle des fonds, de l'absence d'intention de prise de contrôle prêtée à la caisse, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le prêt litigieux, en raison de son importance et du nantissement destiné à garantir son remboursement, n'était pas soumis à autorisation préalable, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et, partant, privé sa décision de base légale au regard de l'article 2-3° du décret du 27 janvier 1967, ensemble l'article 4 du même décret et l'article 6 du Code civil ; alors, encore, que la législation des changes a pour objet la défense des intérêts nationaux, que ses dispositions sont dès lors d'ordre public et que leur violation entraîne la nullité des conventions y faisant échec ; qu'en énonçant que " la réglementation des changes ne prévoit pas la nullité des conventions non déclarées et non autorisées ", la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 4 du décret du 27 janvier 1967, ensemble l'article 6 du Code civil par refus d'application ; alors, enfin, qu'aux termes de l'article 2-3° du décret du 27 janvier 1967, pour l'application du présent décret, il faut entendre par investissements directs toutes opérations (qui) ont pour effet de permettre à une ou plusieurs personnes de prendre ou d'accroître le contrôle d'une société, ou d'assurer l'extension d'une telle société déjà sous leur contrôle ; qu'en énonçant, pour refuser de prononcer la nullité du contrat de prêt, que " la notion d'investissement direct repose sur un contrôle de la société française préexistant à l'opération litigieuse, alors que la caisse ne détient aucune participation dans la société Mozart promotion ", la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse interprétation, ensemble l'article 4 du décret du 27 janvier 1967, et l'article 6 du Code civil, par refus d'application ;

Mais attendu, en premier lieu, que, par motifs adoptés, l'arrêt retient à bon droit que ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que l'octroi de prêt ou de garantie peut conduire à la prise de contrôle d'une société et constate qu'il n'est nullement justifié en l'espèce l'existence de telles circonstances par lesquelles la Caisse aurait pris le contrôle de la société Promotion Mozart ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que la caisse poursuit seulement le recouvrement de sa créance par une procédure de saisie immobilière sur un immeuble appartenant à titre personnel aux époux X... ; que le prix d'adjudication de cet immeuble est supérieur au montant du prêt consenti par la caisse ; qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant visé par la quatrième branche du moyen, la cour d'appel a pu en déduire qu'il n'est établi aucun investissement direct de la part de la caisse dans la société Promotion Mozart ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Que le moyen, dès lors inopérant en sa troisième branche, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.