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Décisions

TUE, 1re ch., 19 octobre 2022, n° T-347/20

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sogia Ellas AE

Défendeur :

Commission européenne, Myloi Sogias AE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kanninen

Juges :

M. Półtorak, M. Porchia

Avocats :

M. Bernitsas, M. Androulakaki, M. Patsalia, M. Kalogiannis, M. Pappas, M. Pappas

TUE n° T-347/20

18 octobre 2022

LE TRIBUNAL (première chambre),

Arrêt

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Sogia Ellas AE, demande l’annulation de la décision (UE) 2020/394 de la Commission, du 7 octobre 2019, concernant les mesures SA.39119 (2016/C) (ex 2015/NN) (ex 2014/CP) mises en œuvre par la République hellénique sous la forme de bonifications d’intérêt et de garanties liées aux incendies de 2007 (la présente décision ne couvre que le secteur agricole) (JO 2020, L 76, p. 4, ci-après la « décision attaquée »).

Antécédents du litige

2 Au cours du mois de juillet 2007, en Grèce, des incendies ont touché le nome de Magnésie, et plus précisément le Pélion, l’île de Skiathos, l’île de Céphalonie, le nome d’Achaïe ainsi que le Péloponnèse. En août 2007, de nouveaux incendies ont touché les nomes de Messénie, d’Élide, d’Arcadie, de Laconie et d’Eubée ainsi que le dème d’Égialée dans le nome d’Achaïe. En raison de la situation causée par ces incendies, le Premier ministre de la République hellénique a déclaré, le 25 août 2007, l’état d’urgence.

3 Par la suite, la République hellénique a adopté des mesures pour soutenir les opérateurs actifs établis dans les entités territoriales affectées par les incendies de 2007 (ci-après les « entités territoriales sinistrées »), expressément visés dans ces mesures.

4 La requérante est une société active dans le secteur de l’alimentation et des matières premières agricoles. Plus précisément, ses activités recouvrent le traitement industriel des graines oléagineuses, l’affinage et la normalisation des huiles de graines et de l’huile d’olive, la production et l’emballage de margarines et de graisses végétales, la production de lécithine ainsi que la gestion, le stockage et la commercialisation de céréales et, plus généralement, de produits agricoles. Ayant des établissements dans les entités territoriales sinistrées, elle a pu bénéficier des mesures mentionnées au point 3 ci-dessus.

5 Le 22 juillet 2014, la Commission européenne a reçu une plainte portant sur une aide qui aurait été accordée par la République hellénique à la requérante et à ses filiales, consistant en des bonifications d’intérêt et des garanties d’État sur des prêts existants qui devaient être renégociés et bénéficier d’une période de grâce et sur de nouveaux prêts.

6 Par lettre du 25 juillet 2014, la Commission a demandé aux autorités grecques de lui fournir des informations concernant les aides alléguées, ce que les autorités grecques ont fait en fournissant des informations détaillées quant à leurs bases juridiques.

7 Le 11 décembre 2015, la Commission a transmis une deuxième lettre aux autorités grecques, leur posant des questions additionnelles et leur indiquant que l’enquête concernant ces mesures ne serait pas limitée à la requérante et à ses filiales, dès lors que les mesures litigieuses avaient pu être accordées à d’autres bénéficiaires.

8 Partant, la Commission a décidé d’entamer une procédure d’examen relative aux aides d’État non notifiées [affaire SA.39119 (2015/NN)] et d’étendre la portée de son enquête à l’ensemble du secteur agricole grec.

9 Le 11 février 2016, la République hellénique a fourni des informations supplémentaires sur les bases juridiques des aides en cause, sur leurs conditions d’octroi et sur leurs bénéficiaires.

10 Par lettre du 17 mai 2016, la Commission a notifié à la République hellénique sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant l’aide d’État SA.39119 (2016/C) (ex 2015/NN) (ex 2014/CP) – aide à Sogia Ellas AE et al. (ci-après la « décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen »).

11 Par la publication de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen au Journal officiel de l’Union européenne le 16 septembre 2016 (JO 2016, C 341, p. 23), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

12 Dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la Commission a demandé aux autorités grecques de lui fournir une estimation du nombre de bénéficiaires de chaque régime recensé dans ladite décision ainsi que les montants des aides concernées.

13 Aucune partie intéressée n’a présenté d’observations. Les autorités grecques ont présenté leurs observations sur la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen le 23 septembre 2016. Dans leurs réponses, elles ont informé la Commission qu’il leur était impossible de fournir toutes les informations demandées, ce qu’elles ont finalement fait par lettres des 9 mars 2017 et 21 février 2018.

14 Le 7 octobre 2019, la Commission a adopté la décision attaquée.

15 Aux termes de la décision attaquée, qui n’a vocation à s’appliquer qu’aux activités liées à la production, à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles, à savoir les produits visés à l’annexe I du traité FUE, à l’exception des produits de la pêche et de l’aquaculture, la Commission a notamment décidé que les régimes d’aides établis au titre de la décision ministérielle no 36579/B.1666/27.8.2007 (modifiée par la suite) sous la forme de bonifications d’intérêts et de garanties accordées par la République hellénique (ci-après les « mesures litigieuses ») constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE illégales et incompatibles avec le marché intérieur, de sorte que la République hellénique était tenue de se faire rembourser les aides visées à son article 1er par leurs bénéficiaires, sauf dans les cas expressément prévus aux articles 3 et 4 de cette décision.

Conclusions des parties

16 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne ou l’article 2 de ladite décision ;

– condamner la Commission aux dépens.

17 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

18 L’intervenante, Myloi Sogias AE, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

19 Au soutien de son recours, la requérante soulève cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et d’une motivation insuffisante de la décision attaquée. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de bonne administration, du délai déraisonnable à la suite duquel la décision attaquée a été adoptée ainsi que du droit d’être entendu et de l’absence de compétence ratione temporis de la Commission pour adopter cette décision, au demeurant insuffisamment motivée. Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’article 16, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Le cinquième moyen est tiré d’une méconnaissance du principe de proportionnalité.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et d’une motivation insuffisante de la décision attaquée

20 Le premier moyen est divisé en trois branches, qu’il convient d’analyser ensemble.

21 Par la première branche, la requérante fait valoir que la Commission a caractérisé de manière erronée le critère de l’avantage économique au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Par la deuxième branche, elle affirme que la Commission a incorrectement appliqué le critère relatif à la nécessité d’une sélectivité de l’avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Par la troisième branche, elle souligne que la Commission n’a pas respecté le critère de distorsion de la concurrence.

22 S’agissant de la qualification d’avantage sélectif, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la requérante fait tout d’abord valoir, en substance, que c’est à tort que la Commission n’a pas appliqué le principe de l’opérateur privé, alors même que, au considérant 51 de la décision attaquée, elle s’y est référée, pour ne plus l’appliquer par la suite, sans autre élément d’explication.

23 Elle ajoute, en substance, que la Commission a apprécié de manière incorrecte l’existence d’un avantage sélectif. Premièrement, elle ne pouvait pas apprécier un tel avantage en se référant aux conditions normales du marché, alors même que, du fait de la calamité naturelle, le marché en cause était en situation de crise. Deuxièmement, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C 524/14 P, EU:C:2016:971), il était nécessaire, pour apprécier l’existence de la sélectivité de l’avantage, de considérer les mesures litigieuses non au regard des opérateurs économiques qui n’étaient pas établis dans les zones sinistrées, mais au regard de ceux qui y étaient établis et qui, ainsi, se trouvaient dans une même situation juridique et factuelle. En effet, c’est à tort que la Commission a considéré que les incendies constituaient un risque économique comme un autre et qu’elle a omis de retenir que l’objet des mesures litigieuses était de rétablir leurs bénéficiaires dans la situation dans laquelle ils se trouvaient antérieurement à la survenance de ces incendies.

24 La requérante fait enfin valoir que c’est à tort que la Commission a considéré que les mesures litigieuses étaient de nature à créer une distorsion de la concurrence, alors même que les frais dont elle avait été exonérée ne ressortissaient pas à ses activités commerciales normales et que lesdites mesures avaient pour objet de la rétablir dans sa situation antérieure aux incendies de 2007.

25 La Commission et l’intervenante concluent au rejet de ces arguments.

26 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C 20/15 P et C 21/15 P, EU:C:2016:981, point 53 et jurisprudence citée).

27 En ce qui concerne la première condition pour qu’une mesure nationale puisse être qualifiée d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il y a tout d’abord lieu de relever que la requérante ne conteste pas que les mesures litigieuses ont été mises en œuvre grâce à des ressources d’État.

28 La requérante conteste, en revanche, le fait que les mesures litigieuses puissent être considérées comme constituant un avantage sélectif pour leur bénéficiaire.

29 À cet égard, premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel c’est à tort que la Commission aurait déterminé l’existence d’un avantage sans appliquer le principe de l’opérateur privé, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante, lorsqu’il existe des doutes quant à l’applicabilité dudit principe à l’État membre concerné, notamment en raison de l’emploi par cet État, lors de l’adoption de la mesure en cause, de ses prérogatives de puissance publique, il incombe audit État membre d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que la mesure mise en œuvre ressortit à sa qualité d’opérateur privé (voir arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C 244/18 P, EU:C:2020:238, point 63 et jurisprudence citée).

30 De plus, afin d’appliquer le principe de l’opérateur privé, en cas de doute, il doit être possible d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que la mesure mise en œuvre par l’État membre en cause ressortit à sa qualité d’actionnaire (voir arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C 385/18, EU:C:2019:1121, point 73 et jurisprudence citée).

31 Or, en l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas les éléments mentionnés au considérant 88 de la décision attaquée, selon lequel les autorités grecques ont fait valoir, en substance, que les mesures litigieuses avaient pour objet de faire face à une circonstance exceptionnelle et « pour but de rétablir l’équilibre financier des zones touchées » et que « [l]es régimes adoptés étaient donc nécessaires pour servir un objectif d’intérêt général ».

32 Il est en outre constant que, au cours de l’enquête, aucune partie intéressée, pas plus que la République hellénique, n’a fait valoir qu’elle avait agi en qualité d’opérateur privé ou d’actionnaire. Cela est d’ailleurs d’autant moins vraisemblable que les mesures litigieuses ne constituent pas une aide individuelle, mais, ainsi qu’il résulte des considérants 14 à 22 et 118 de la décision attaquée, des régimes d’aides applicables à l’ensemble des entreprises établies dans les entités territoriales sinistrées.

33 Ainsi, dès lors que les mesures litigieuses poursuivaient un objectif d’intérêt général et que, lors de l’enquête, la République hellénique n’a pas fait valoir qu’elle avait adopté lesdites mesures en qualité d’actionnaire ou d’opérateur privé, la Commission était en droit de considérer que, en l’espèce, les autorités grecques avaient agi en utilisant des prérogatives de puissance publique, sans qu’il y ait lieu de déterminer si elles avaient agi en qualité d’opérateur privé.

34 À cet égard, s’agissant du considérant 51 de la décision attaquée, dont se prévaut la requérante, il y a lieu de relever qu’il se situe dans le point III de ladite décision, intitulé « Doutes exprimés dans la décision d’ouverture ». Ce considérant ne relève ainsi pas du point V de cette décision, intitulé « Évaluation juridique », qui comprend les considérants 105 à 165 de cette décision et qui expose la position définitive de la Commission en ce qui concerne les mesures litigieuses.

35 Or, la Commission, dans les considérants 105 à 165 de la décision attaquée, ne s’est nullement référée au principe de l’opérateur privé. En effet, notamment aux considérants 113 et 116 de la décision attaquée, elle a relevé que constituait un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, un avantage économique qu’une entreprise n’aurait pas pu obtenir dans des conditions normales de marché et que ces conditions devaient être appréciées sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que le marché était en crise ou non.

36 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que c’est sans erreur de droit ni contradiction de motifs que, dans la décision attaquée, notamment aux considérants 111 à 116 de cette décision, la Commission n’a pas appliqué le principe de l’opérateur privé pour apprécier l’existence d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

37 Deuxièmement, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante, sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas pu obtenir dans des conditions normales de marché (voir arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C 399/08 P, EU:C:2010:481, point 40 et jurisprudence citée, et du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C 74/16, EU:C:2017:496, point 65 et jurisprudence citée).

38 L’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distingue en outre pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 27, et du 29 mars 2012, 3M Italia, C 417/10, EU:C:2012:184, point 36).

39 Selon la jurisprudence, des mesures par lesquelles des avantages sont accordés uniquement à certaines entreprises qui sont déterminées en fonction de leur lieu d’établissement sont, a priori, sélectives (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C 156/98, EU:C:2000:467, point 23, et du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C 88/03, EU:C:2006:511, points 60 et 61).

40 À cet égard, il y a lieu de relever que, sauf dans le cas particulier où des aides ont été octroyées par des autorités infraétatiques disposant, à leur niveau de compétence, d’une autonomie institutionnelle, procédurale et financière suffisante ou par une entreprise publique établissant les conditions d’utilisation de ses biens ou services, le cadre de référence applicable est le cadre national et l’appréciation de la sélectivité d’une mesure bénéficiant, comme en l’espèce, à des entreprises établies sur une partie du territoire d’un État membre se fait par comparaison avec les entreprises de cet État. En effet, un avantage limité à des entreprises établies sur une partie du territoire d’un État membre peut donner lieu à une mesure sélective, puisqu’elle favorise certaines entreprises par rapport à d’autres au sein de cet État (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C 156/98, EU:C:2000:467, point 23 ; du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C 88/03, EU:C:2006:511, points 56 à 58, et du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C 524/14 P, EU:C:2016:971, points 60 à 66).

41 En l’espèce, à la différence notamment des faits ayant conduit aux considérations figurant au point 62 de l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C 524/14 P, EU:C:2016:971), les mesures litigieuses ont été adoptées non par une entreprise publique établissant les conditions d’utilisation de ses biens ou de ses services, mais par la République hellénique. Cela implique que le cadre de référence applicable en l’espèce est le cadre national.

42 Or, il est constant que les mesures litigieuses, qui permettaient à leurs bénéficiaires d’obtenir des prêts à des taux gracieux en tout ou partie du fait de l’intervention de l’État, constituaient nécessairement pour ces bénéficiaires un avantage que les entreprises qui n’étaient pas situées dans les zones sinistrées et qui ne pouvaient de ce fait pas prétendre au bénéfice desdites mesures ne pouvaient pas obtenir sur le marché.

43 Ainsi, outre le fait que, pour apprécier l’existence d’un avantage sélectif, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il n’y a pas lieu de distinguer, comme l’affirme la requérante, selon que le marché est en crise ou qu’il fonctionne normalement, il résulte des points 37 à 42 ci-dessus que lesdites mesures ne profitaient pas indistinctement à l’ensemble des entreprises situées sur le territoire national et qu’elles procuraient en conséquence à leur bénéficiaire un avantage sélectif sur un plan régional.

44 De plus, la requérante conteste la sélectivité des mesures litigieuses en faisant valoir qu’elle se trouvait dans une situation juridique et factuelle différente des entreprises qui n’étaient pas établies dans des zones sinistrées, ce qui impliquait que lesdites mesures avaient pour objet de lui permettre de retrouver son niveau économique d’avant les incendies de 2007. Elle conteste à cet effet la phrase contenue dans le considérant 118 de la décision attaquée selon laquelle les incendies font partie du risque économique auquel toute entreprise peut être exposée.

45 Or, écarter la sélectivité uniquement sur la base de l’objectif poursuivi par le gouvernement de réparer des préjudices liés aux incendies survenus et de remettre à niveau l’économie des entités territoriales sinistrées reviendrait à exclure a priori toute possibilité de qualifier d’« avantages sélectifs » les avantages accordés aux entreprises établies dans les zones touchées par les incendies de 2007. Il suffirait en effet aux autorités publiques d’invoquer la légitimité des objectifs visés au moyen de l’adoption d’une mesure d’aide pour que celle-ci puisse être considérée comme une mesure générale, échappant à l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 16 juillet 2014, Grèce/Commission, T 52/12, non publié, EU:T:2014:677, point 67 et jurisprudence citée).

46 En conséquence, si une telle approche était suivie, une mesure qui, comme en l’espèce, poursuit l’objectif de remédier à la situation des entreprises touchées par une calamité naturelle serait par principe non sélective et échapperait d’emblée à l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ce qui, de ce fait, aboutirait à priver de toute sa substance l’exception prévue par l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

47 C’est d’ailleurs dans ce contexte que doit être lue la phrase mentionnée au point 44 ci-dessus.

48 En effet, par cette phrase, la Commission a voulu signifier que le fait que des entreprises ont subi des dommages en raison des incendies de 2007 ainsi que la volonté de la République hellénique de remettre les entreprises dans la situation économique dans laquelle elles se trouvaient avant ces incendies constituent des éléments insuffisants pour considérer que les mesures litigieuses ne conféraient pas à leurs bénéficiaires un avantage spécifique et, en conséquence, ne constituaient pas une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

49 Il en résulte que c’est sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation et sans adopter un raisonnement contradictoire que la Commission a, en substance, estimé, d’une part, aux considérants 113 à 116 de la décision attaquée, que les mesures avaient conféré à leurs bénéficiaires des avantages qu’ils n’auraient pas pu obtenir dans les conditions normales du marché, indépendamment de la question de savoir si le marché fonctionnait comme d’habitude ou s’il était en crise, et, d’autre part, aux considérants 117 et 118 de cette décision, que les mesures litigieuses étaient sélectives sur un plan régional en ce que, notamment, les avantages qu’elles conféraient à leurs bénéficiaires étaient territorialement limités et ne s’appliquaient pas à l’ensemble des entreprises du territoire hellénique.

50 Troisièmement, s’agissant de l’exigence selon laquelle une mesure, pour constituer une aide d’État, doit fausser ou menacer de fausser la concurrence, ce que la requérante conteste en l’espèce, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence, la Commission est tenue non pas d’établir l’existence d’une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter lesdits échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C 71/09 P, C 73/09 P et C 76/09 P, EU:C:2011:368, point 134 et jurisprudence citée).

51 Il convient également de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent, en principe, les conditions de concurrence (voir arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C 74/16, EU:C:2017:496, point 80 et jurisprudence citée).

52 En l’espèce, pour les motifs mentionnés aux points 37 à 49 ci-dessus, les mesures litigieuses conféraient à leurs bénéficiaires un avantage sélectif eu égard à leurs autres concurrents.

53 Or, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le paiement des intérêts se rapportant aux mesures litigieuses constitue un coût que les entreprises concernées auraient normalement dû supporter dans le cadre de leur gestion courante, indépendamment du fait que lesdites mesures ont été octroyées dans le contexte des incendies de 2007. De plus, retenir l’argumentation de la requérante selon laquelle, en l’espèce, la concurrence n’était pas susceptible d’avoir été faussée, étant donné que les mesures litigieuses avaient pour objet de rétablir leurs bénéficiaires au niveau économique dans lequel ils se trouvaient avant la survenance des incendies de 2007, reviendrait à faire prévaloir les objectifs poursuivis par ces mesures au détriment de leurs effets et, partant, à contrevenir à la notion d’aide d’État telle qu’interprétée par le juge de l’Union européenne, conformément au point 38 ci-dessus.

54 L’octroi des mesures litigieuses a ainsi avantagé la requérante par rapport à ses concurrents non éligibles à l’octroi de ces mesures, ce qui, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 50 ci-dessus, était susceptible de fausser la concurrence sur le marché intérieur et entre les États membres.

55 Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas remis en cause le bien-fondé des considérants 120 à 123 de la décision attaquée, aux termes desquels, notamment et en substance, la Commission a, premièrement, rappelé la jurisprudence selon laquelle, pour que l’aide soit considérée comme faussant la concurrence, il est généralement suffisant qu’elle procure un avantage à son bénéficiaire en libérant ce dernier des coûts qu’il aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante et, deuxièmement, considéré que les mesures litigieuses risquaient de fausser la concurrence sur le marché intérieur et d’affecter les échanges entre États membres, dès lors que les bénéficiaires de ces mesures auraient normalement dû supporter eux-mêmes les coûts des dommages résultant des incendies de 2007 et qu’ils étaient actifs sur le marché hautement concurrentiel des produits agricoles et dans le secteur forestier, qui sont des secteurs sensibles à de telles mesures.

56 Enfin, s’agissant de la motivation insuffisante dont fait état la requérante, sans que cela soit détaillé dans ses écritures, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte notamment des points 36, 49 et 55 ci-dessus, la lecture de la décision attaquée permettait de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que, en l’espèce, les mesures litigieuses répondaient à la notion d’aide d’État telle que définie par l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de sorte que cet argument doit être rejeté.

57 Il en résulte que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE

58 Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que, si elles devaient être considérées comme des aides d’État, les mesures litigieuses seraient compatibles avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, au motif qu’elles constitueraient une réparation des dommages causés par des calamités naturelles. En concluant que les conditions prévues à cette disposition n’étaient pas réunies en l’espèce, la Commission aurait interprété et appliqué de manière erronée cette disposition et aurait commis une erreur de fait.

59 En effet, la Commission n’aurait pas contesté de manière justifiée l’existence d’un préjudice grave subi par la requérante et d’un lien de causalité direct entre ce dommage et les incendies de 2007. Selon la requérante, l’appréciation de la Commission, figurant au considérant 144 de la décision attaquée, qui, en substance, indique que le régime d’aide n’est pas compatible avec le marché intérieur en raison de l’absence de lien entre les dommages et lesdits incendies, serait « totalement générale, infondée et inapplicable dans [son] cas ».

60 À cet égard, la requérante soutient que la Commission met en doute les conséquences des incendies de 2007 pour le secteur agricole. Or, celles-ci auraient été admises par l’ensemble des organismes européens compétents. En outre, la Commission semblerait considérer que la notion de dommage couvre seulement les dommages causés aux actifs. Cette position contredirait la solution retenue dans l’arrêt du 25 juin 2008, Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission (T 268/06, EU:T:2008:222), par laquelle le Tribunal aurait reconnu l’existence d’un lien de causalité direct entre les dommages résultant de la perte de revenu et l’événement extraordinaire survenu.

61 La requérante fait valoir qu’elle a subi un préjudice directement lié aux incendies de 2007, dès lors que le lieu où elle exerce ses activités principales a été touché par ces incendies. Les régimes d’aides en cause auraient ainsi compensé le préjudice économique qu’elle aurait subi du fait de ces incendies.

62 En effet, outre le fait qu’elle aurait subi un préjudice directement lié à la destruction des infrastructures régionales, il serait établi que, si elle n’avait pas été incluse dans le régime de bonification d’intérêts, elle aurait subi un dommage économique encore plus important du fait de la répercussion sur elle du préjudice de ses clients éleveurs dont les biens auraient été détruits et auxquels elle aurait été contrainte de faire des avances de trésorerie ainsi que, conséquemment, de la perte de revenus. Il serait dès lors manifeste que les mesures litigieuses n’auraient pas institué une présomption de dommage, mais auraient constitué une réponse au préjudice réel et direct subi par la requérante.

63 La requérante affirme qu’il ressort de la jurisprudence que la condition relative à l’existence d’un lien de causalité direct relève de l’autonomie procédurale des États membres. Ainsi, il serait évident que, en l’espèce, les autorités grecques auraient considéré, en application du principe de l’équivalence des conditions, qu’il existait un lien de causalité direct entre les incendies de 2007 et les dommages qu’ils auraient causés.

64 Elle fait enfin valoir que la jurisprudence invoquée par la Commission pour contester la recevabilité des arguments qu’elle a soulevés dans le cadre du présent moyen n’est pas applicable au cas d’espèce, puisqu’elle concerne des situations qui ne sont pas comparables à celle de la présente affaire. En effet, d’une part, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 février 2009, Iride et Iride Energia/Commission (T 25/07, EU:T:2009:33), porterait sur une mesure d’aide individuelle et, d’autre part, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 septembre 2012, Fedecom/Commission (T 243/09, non publié, EU:T:2012:497), la partie requérante aurait participé à la procédure administrative.

65 À cet égard, la requérante affirme que, contrairement à ce que soutient la Commission, la charge de la preuve en ce qui concerne les conditions prévues à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ne repose pas sur les bénéficiaires d’un régime d’aide lorsque, comme en l’espèce, cette mesure est destinée à bénéficier à de nombreux bénéficiaires. Par ailleurs, une partie requérante qui n’a pas participé à la procédure administrative aurait la possibilité d’invoquer des arguments factuels devant le Tribunal, à défaut de quoi son recours serait dénué de tout intérêt et objet.

66 La Commission et l’intervenante concluent au rejet des arguments de la requérante. Elles concluent notamment à l’irrecevabilité de l’ensemble de ses allégations, en ce qu’elle n’aurait pas participé à la procédure formelle d’examen.

67 À cet égard, et s’agissant en premier lieu de l’irrecevabilité soulevée par la Commission en ce qui concerne les allégations factuelles de la requérante tendant à prouver l’existence des préjudices qu’elle prétend avoir subis du fait des incendies de 2007 et leur lien avec le montant des aides en cause, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante, lors de la procédure formelle d’examen, il appartient à l’État membre et au bénéficiaire de l’aide de faire valoir leurs arguments de nature à démontrer que cette aide est compatible avec le marché intérieur, l’objet de la procédure formelle étant précisément d’éclairer la Commission sur l’ensemble des données de l’affaire. Dès lors, une partie requérante ne saurait se prévaloir devant le juge de l’Union des conséquences de son défaut de coopération lors de la phase administrative. Une partie requérante qui n’a pas participé à la procédure formelle d’examen prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne saurait ainsi être recevable à se prévaloir d’arguments factuels inconnus de la Commission et qu’elle ne lui aurait pas signalés au cours de la procédure d’examen. En revanche, rien n’empêche l’intéressé de développer à l’encontre de la décision finale un moyen juridique non soulevé au stade de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Fedecom/Commission, T 243/09, non publié, EU:T:2012:497, point 40 et jurisprudence citée).

68 En l’espèce, la requérante n’a pas participé à la procédure formelle d’examen et ne s’est en conséquence pas prévalue, au cours de cette procédure, des éléments factuels la concernant relatifs aux préjudices qu’elle dit avoir subis du fait des incendies de 2007. Elle ne saurait en conséquence se prévaloir devant le Tribunal d’éléments factuels nouveaux pour en tirer la conclusion que la Commission aurait commis des erreurs d’appréciation la concernant.

69 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de déclarer irrecevable le grief tiré d’une appréciation erronée des faits en ce qui concerne la requérante.

70 Il y a toutefois lieu de relever que la requérante soulève des arguments qui tendent à démontrer que la Commission aurait commis une erreur de droit en ce que, en substance, elle aurait à tort refusé de prendre en compte les conséquences de la catastrophe naturelle sur les zones sinistrées et aurait elle-même défini ce qu’est un lien de causalité direct, alors même qu’une telle définition relève de l’autonomie procédurale des États membres.

71 À cet égard, il y a lieu de relever que, en tant que dérogation au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE doit faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Grèce/Commission, C 278/00, EU:C:2004:239, point 81 et jurisprudence citée).

72 Toutefois, cette interprétation stricte ne signifie pas pour autant que les termes utilisés pour définir la dérogation doivent être interprétés d’une manière qui priverait celle-ci de ses effets. En effet, une dérogation doit être interprétée de manière conforme aux objectifs qu’elle poursuit (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Fastweb, C 19/13, EU:C:2014:2194, point 40 et jurisprudence citée).

73 De plus, selon une jurisprudence constante, seuls peuvent être compensés, en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, les désavantages causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C 71/09 P, C 73/09 P et C 76/09 P, EU:C:2011:368, point 175 et jurisprudence citée).

74 Il s’ensuit que, même s’agissant d’un régime d’aide, comme en l’espèce, deux conditions sont requises pour que l’exception prévue par l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE puisse s’appliquer, à savoir, d’une part, l’existence d’un lien direct entre les dommages causés par la calamité naturelle et l’aide étatique et, d’autre part, celle d’une évaluation aussi précise que possible des dommages subis par les producteurs concernés (arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C 73/03, non publié, EU:C:2004:711, point 37).

75 En l’espèce, les documents communiqués par la requérante n’établissent pas que, pour pouvoir bénéficier des mesures litigieuses, celui qui en sollicitait le bénéfice devait, au préalable, quantifier les préjudices dont il avait souffert du fait des incendies de 2007 de sorte que, au final, le montant des aides octroyées n’excède pas celui des préjudices individuellement et réellement subis du fait de ces incendies.

76 À cet égard, et indépendamment des points 67 à 69 ci-dessus, il y a lieu de relever que la requérante ne se prévaut d’aucun élément objectif qui détaille et quantifie les préjudices qu’elle dit avoir subis du fait des incendies de 2007, pas plus qu’elle ne justifie d’avoir communiqué de tels documents aux autorités grecques au moment du dépôt de sa demande.

77 Ainsi, sans qu’il y ait lieu de déterminer si les mesures litigieuses répondaient à l’exigence d’un lien direct entre les préjudices subis et indemnisés et la calamité naturelle survenue, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte, en substance, des considérants 64, 65 et 144 à 151 de la décision attaquée, les mesures litigieuses ne prévoyaient aucune méthode permettant d’évaluer le montant des préjudices subis et, au final, d’éviter une surcompensation possible.

78 De plus, il y a lieu de relever que, si les déclarations des représentants de l’Union ont établi que les incendies de 2007 étaient d’une très grande ampleur, il est constant que ces déclarations ne donnaient aucune assurance en ce qui concerne la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché intérieur et que, en tout état de cause, elles ne sauraient exonérer les États membres des conditions d’application de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

79 En conséquence, et dès lors qu’il est établi que l’une des deux conditions d’application de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, rappelées au point 74 ci dessus, fait en l’espèce défaut, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de la prescription se rapportant à la récupération de l’aide, du principe de bonne administration du fait de l’adoption de la décision attaquée dans un délai déraisonnable et du droit d’être entendu ainsi que de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée

80 Le troisième moyen est divisé en trois branches, qu’il convient d’analyser ensemble.

81 La requérante fait, en substance, valoir que les pouvoirs de la Commission étaient prescrits en matière de récupération de l’aide, de sorte qu’elle ne pouvait pas adopter la décision attaquée. Elle ajoute que la Commission a adopté la décision attaquée dans un délai déraisonnable, a violé son droit d’être entendue et a insuffisamment motivé cette décision, de sorte qu’elle a violé le principe de bonne administration.

82 À cet égard, et s’agissant, tout d’abord, de la prescription en matière de récupération de l’aide, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, les pouvoirs de la Commission en matière de récupération d’une aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. Ce délai s’applique uniquement aux rapports entre la Commission et l’État membre destinataire de la décision de récupération émanant de cette institution (arrêt du 30 avril 2020, Nelson Antunes da Cunha, C 627/18, EU:C:2020:321, point 33).

83 Conformément à la jurisprudence, le délai de prescription commence à courir au moment de l’octroi de l’aide au bénéficiaire, et non à la date d’adoption d’un régime d’aide. Aux fins du calcul du délai de prescription, l’aide doit être considérée comme ayant été accordée au bénéficiaire uniquement à la date à laquelle elle est effectivement octroyée à ce dernier (arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C 81/10 P, EU:C:2011:811, points 81 et 82).

84 En l’espèce, les aides ont été octroyées en vertu des régimes en cause entre le 27 août 2007 et le 31 décembre 2010.

85 Dans ces conditions, le délai de prescription a commencé à courir au plus tôt le 27 août 2007, date à laquelle les mesures ont commencé à être octroyées.

86 S’agissant de l’interruption du délai de prescription, qui, en application de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, a pour effet de faire courir à nouveau le délai de prescription, il convient de relever que, en vertu de la jurisprudence, l’article 12, paragraphe 2, de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, et l’article 5, paragraphe 2, de ce même règlement, impose à l’État membre de fournir tous les renseignements nécessaires à la suite d’une demande en ce sens de la Commission et dans les délais fixés par elle. En effet, la Commission, en adressant une demande de renseignements à un État membre, informe ce dernier qu’elle a en sa possession des informations concernant une aide illégale et que, le cas échéant, cette aide devra être remboursée (arrêt du 10 avril 2003, Département du Loiret/Commission, T 369/00, EU:T:2003:114, point 81).

87 Dès lors, la simplicité de la demande de renseignements n’a pas pour conséquence de la priver d’effet juridique en tant que mesure susceptible d’interrompre le délai de prescription prévu par l’article 17 du règlement 2015/1589, indépendamment du fait que cette demande n’a pas été notifiée aux bénéficiaires de l’aide (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2005, Scott/Commission, C 276/03 P, EU:C:2005:590, point 32, et du 10 avril 2003, Département du Loiret/Commission, T 369/00, EU:T:2003:114, point 82).

88 En l’espèce, il est constant que, ainsi qu’il résulte des considérants 1 et 2 de la décision attaquée, à la suite de la réception d’une plainte, intervenue le 22 juillet 2014, qui dénonçait l’aide reçue par la requérante et ses filiales de la part de la République hellénique, la Commission a, le 25 juillet 2014, envoyé une lettre à cette dernière afin qu’elle lui donne des éléments d’explication sur cette aide, notamment sur sa base juridique, ses conditions d’octroi et ses bénéficiaires.

89 Ainsi, dans la mesure où, par la lettre du 25 juillet 2014, la Commission a informé la République hellénique qu’elle était en possession d’informations concernant une aide illégale et où elle lui a indiqué que, le cas échéant, cette aide devrait être remboursée, il y a lieu de considérer que c’est à cette date que le délai de prescription a été interrompu, indépendamment du fait que cette demande n’a pas été notifiée aux bénéficiaires de l’aide.

90 Par ailleurs, eu égard à l’interruption du délai intervenue le 25 juillet 2014, il y a lieu de constater que les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide n’étaient pas prescrits à la date d’adoption de la décision attaquée, soit le 7 octobre 2019.

91 Il résulte ainsi des points 82 à 90 ci-dessus que le grief tiré du fait que la Commission ne pouvait pas récupérer les aides litigieuses en raison de la prescription prévue par l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 doit être rejeté.

92 S’agissant, ensuite, de la violation du principe de bonne administration, en premier lieu, la requérante fait valoir que la décision attaquée aurait été adoptée dans un délai déraisonnable.

93 À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence, si une aide a été accordée sans être notifiée, le retard mis par la Commission à exercer ses pouvoirs de contrôle et à ordonner la récupération de cette aide n’entache cette décision de récupération d’illégalité que dans des cas exceptionnels qui traduisent une carence manifeste de la Commission et une violation évidente de son obligation de diligence (arrêt du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C 408/04 P, EU:C:2008:236, point 106).

94 Or, en l’espèce, il est constant que la durée de la procédure précédant l’adoption de la décision attaquée est essentiellement due au fait que la République hellénique n’a pas notifié ces régimes et que leur existence n’a été portée à la connaissance de la Commission que sept ans après la survenance des incendies de 2007.

95 À cet égard, il y a lieu de relever que, dès que la Commission a reçu une plainte le 22 juillet 2014, elle a lancé la procédure d’enquête, en adressant une lettre, le 25 juillet 2014, aux autorités grecques afin de se renseigner sur l’aide présumée.

96 Par ailleurs, après des échanges avec la République hellénique, dont la dernière lettre datait du 11 février 2015, la Commission a adopté, le 17 mai 2016, la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

97 Enfin, la Commission a adopté la décision attaquée le 7 octobre 2019, après des échanges avec la République hellénique, dont la dernière lettre datait du 21 février 2018.

98 Si, certes, la dernière étape de la procédure précédant l’adoption de la décision attaquée n’est pas caractérisée par une célérité particulière, il demeure que, au vu de la chronologie des événements survenus entre 2014 et l’adoption de la décision attaquée, il ne saurait être reproché à la Commission un retard excessif ou un manque de diligence dans le déroulement de la procédure administrative qui caractériserait une violation de son obligation de diligence.

99 Il en résulte que les arguments relatifs au dépassement d’un délai raisonnable doivent être rejetés.

100 En deuxième lieu, s’agissant du grief relatif à la violation du droit d’être entendu dont se prévaut la requérante, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante, la procédure administrative en matière d’aides est seulement ouverte à l’encontre de l’État membre concerné, le bénéficiaire de l’aide n’étant considéré que comme intéressé dans cette procédure, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 (voir arrêt du 13 mars 2018, Alouminion/Commission, T 542/11 RENV, non publié, EU:T:2018:132, point 189 et jurisprudence citée).

101 Or, les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances de l’espèce (voir arrêt du 13 mars 2018, Alouminion/Commission, T 542/11 RENV, non publié, EU:T:2018:132, point 190 et jurisprudence citée).

102 En d’autres termes, la procédure de contrôle des aides d’État n’étant pas une procédure ouverte à l’encontre du bénéficiaire ou des bénéficiaires des aides, celui-ci ou ceux-ci ne sauraient se prévaloir de droits aussi étendus que les droits de la défense en tant que tels (voir arrêt du 13 mars 2018, Alouminion/Commission, T 542/11 RENV, non publié, EU:T:2018:132, point 191 et jurisprudence citée).

103 Certes, les intéressés disposent, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, du droit de soumettre des observations durant la phase d’examen visée par l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Toutefois, conformément à cet article, la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations utiles destinées à éclairer la Commission dans son action future, en cohérence avec la jurisprudence qui impartit essentiellement aux intéressés le rôle de sources d’information pour la Commission dans le cadre de la procédure administrative engagée au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt du 13 mars 2018, Alouminion/Commission, T 542/11 RENV, non publié, EU:T:2018:132, points 192 et 193 et jurisprudence citée).

104 Partant, dans la procédure de contrôle des aides d’État, tant les intéressés autres que l’État membre que les bénéficiaires de l’aide concernés ne sauraient prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit dudit État membre, ou encore, de manière générale, à une communication des documents échangés entre la Commission et l’État membre concerné au cours de la procédure d’enquête, aucune disposition de la procédure de contrôle des aides d’État ne réservant, parmi les intéressés, un rôle particulier au bénéficiaire de l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2018, Alouminion/Commission, T 542/11 RENV, non publié, EU:T:2018:132, point 194 et jurisprudence citée).

105 Il résulte des points 100 à 104 ci-dessus que la requérante ne saurait faire grief à la Commission de ne pas lui avoir communiqué la plainte qu’elle a reçue, ni certains documents faisant partie du dossier de la Commission dans le cadre de la procédure d’enquête relative au régime d’aide.

106 De plus, s’agissant spécifiquement de l’absence de notification individuelle en ce qui concerne, notamment, l’invitation à présenter des observations, en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ainsi que la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, dont la requérante fait grief à la Commission, il y a lieu de relever que cette disposition n’exige pas une mise en demeure individuelle et que son seul objet est d’obliger la Commission à faire en sorte que toutes les personnes potentiellement intéressées soient averties de l’ouverture d’une procédure et se voient offrir l’occasion de faire valoir leurs observations à cet égard. Dans ces circonstances, la publication d’un avis au Journal officiel apparaît comme un moyen adéquat et suffisant pour faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure (voir arrêt du 9 avril 2014, Grèce/Commission, T 150/12, non publié, EU:T:2014:191, point 58 et jurisprudence citée).

107 Or, dans la mesure où la Commission a publié la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen au Journal officiel, assortie d’un avis invitant les parties intéressées à participer à la procédure, elle s’est acquittée de son obligation procédurale d’informer les parties intéressées.

108 Le seul fait que la requérante a été identifiée dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen et dans l’avis l’accompagnant ne saurait engendrer une obligation, pour la Commission, de l’informer individuellement. En effet, une telle information individuelle ne trouve pas de fondement dans les règles procédurales régissant la procédure de contrôle des aides d’État.

109 Il en résulte que la requérante ne saurait faire grief à la Commission de ne pas lui avoir notifié individuellement, d’une part, l’avis invitant des parties intéressées à participer à la procédure et, d’autre part, sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen pour en tirer la conséquence qu’elle n’a pas été mise en mesure de faire valoir utilement ses observations au cours de cette procédure.

110 En troisième et dernier lieu, s’agissant de la prétendue insuffisance de motivation dont fait état la requérante, il y a lieu de relever que la décision attaquée est relative à des régimes d’aides. Cela implique que la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, point 65 et jurisprudence citée).

111 Or, dès lors que la requérante s’est abstenue de participer à la procédure formelle d’examen alors que, ainsi qu’il résulte des points 106 à 109 ci-dessus, la possibilité lui en a été donnée et que, ainsi qu’il résulte, notamment, des points 56 et 77 ci-dessus, la lecture de la décision attaquée lui permettait de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission avait considéré que les mesures litigieuses constituaient des aides d’État, elle ne saurait prétendre, sans autre élément d’explication, que cette décision fût insuffisamment motivée.

112 À cet égard, s’agissant du montant prétendument erroné des aides à récupérer, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 110 ci-dessus, il incombe, comme il est retenu à l’article 6, paragraphe 1, sous b) de la décision attaquée, aux autorités grecques de déterminer pour chaque bénéficiaire le montant de l’aide devant être récupéré.

113 Il s’ensuit que le montant de l’aide perçu par la requérante, tel qu’indiqué dans la décision attaquée, ne saurait être que provisoire. Cela est par ailleurs confirmé par le considérant 28 de la décision attaquée, duquel il ressort expressément que les montants qui y sont mentionnés sont provisoires et reposent sur des informations fournies par la République hellénique.

114 Il en résulte que le grief tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être rejeté.

115 Ainsi, dès lors qu’il résulte des points 92 à 114 ci-dessus que les griefs tirés de ce que la décision attaquée a été adoptée dans un délai déraisonnable, de la violation du droit d’être entendu et de l’insuffisance de motivation de cette décision ne sont pas fondés, il y a lieu de rejeter également l’allégation d’une violation du principe de bonne administration, qui, dans les écritures de la requérante, se confond avec lesdits griefs, et de rejeter, en conséquence, le troisième moyen dans son intégralité.

Sur le quatrième moyen, relatif à la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

116 Par son quatrième moyen, la requérante fait, en substance, valoir que la Commission a violé les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique en ce que, dès le mois d’août 2007, les autorités grecques ont mis en œuvre les mesures litigieuses sans que la Commission soulève d’objection, alors même qu’elle était clairement informée de la situation à laquelle ces autorités faisaient face.

117 Elle ajoute que le fait que la Commission n’a ouvert la procédure prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE que neuf ans après la survenance des incendies de 2007 traduit une carence manifeste et une violation de son pouvoir de contrôle constitutives d’une violation du principe de sécurité juridique et qui ont fait naître chez la requérante une confiance légitime dans le fait que la question de la régularité de l’aide ne se posait pas.

118 À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union (voir arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T 273/17, EU:T:2018:480, point 109 et jurisprudence citée).

119 De plus, selon une jurisprudence constante, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l’article 108 TFUE, d’une part, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient se prévaloir, en principe, d’une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à cet article et, d’autre part, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de telle sorte qu’elle est illégale en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de cette aide ne peut se prévaloir, à ce moment, d’une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (voir arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, point 120 et jurisprudence citée).

120 En l’espèce, il y a lieu de relever que les propos des différents représentants de l’Union invoqués par la requérante au point 15 de la requête, s’ils font, en substance, état de l’ampleur des dégâts causés par les incendies de 2007, de leur compassion et de leur volonté de déployer des efforts immédiats pour procéder à la remise en état des zones sinistrées, ne peuvent pas être considérés comme des « assurances précises, inconditionnelles et concordantes » dont il ressortirait que les mesures litigieuses ne pouvaient pas être qualifiées d’aides d’État.

121 De plus, pour les motifs mentionnés aux points 92 à 99 ci-dessus, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir adopté la décision attaquée dans un délai déraisonnable, pas plus qu’une violation de son devoir de diligence de contrôle qui serait constitutive d’une violation du principe de sécurité juridique.

122 Enfin, il est constant que, en l’espèce, la République hellénique n’a pas notifié en temps utile les régimes d’aides en cause, de sorte que la requérante ne saurait utilement se prévaloir, pour les motifs mentionnés aux points 118 et 119 ci-dessus, de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

123 Ainsi, et dès lors qu’il résulte de ce qui précède que la requérante ne saurait utilement se prévaloir des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, elle ne saurait non plus utilement se prévaloir de la violation de l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, en ce que cette disposition prévoit que la Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle va à l’encontre d’un principe général de l’Union.

124 Il en résulte que le quatrième moyen, relatif à la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, doit être rejeté.

Sur le cinquième moyen, relatif à la violation du principe de proportionnalité

125 Par son cinquième moyen, la requérante soutient que l’obligation de procéder à la récupération de l’aide, prévue à l’article 2 de la décision attaquée, est contraire aux principes de proportionnalité et de sécurité juridique.

126 À cet égard, la requérante fait valoir, en substance, que les circonstances exceptionnelles qui entouraient les mesures litigieuses font que les aides en cause ne sont pas récupérables.

127 En effet, ces aides n’auraient pas procuré des « avantages » et ont seulement eu pour objet de garantir la viabilité de la requérante. Leur récupération aurait pour effet de la placer dans une situation défavorable par rapport aux sociétés qui opèrent dans des zones qui n’ont pas été affectées par les incendies de 2007, et ce d’autant plus qu’elle a récemment dû affronter la crise sanitaire de la COVID-19.

128 La Commission et l’intervenante concluent au rejet de ce moyen.

129 À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire, sauf si la récupération de l’aide va à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.

130 De plus, en vertu d’une jurisprudence constante, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et l’obligation pour l’État membre de supprimer une aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché intérieur vise au rétablissement de la situation antérieure (voir arrêt du 14 février 2008, Commission/Grèce, C 419/06, non publié, EU:C:2008:89, point 53 et jurisprudence citée).

131 Par cette restitution, le bénéficiaire perd en effet l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché intérieur par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (voir arrêt du 14 février 2008, Commission/Grèce, C 419/06, non publié, EU:C:2008:89, point 54 et jurisprudence citée).

132 La récupération d’une aide d’État octroyée de façon illégale, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, ainsi, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en la matière (voir arrêt du 14 février 2008, Commission/Grèce, C 419/06, non publié, EU:C:2008:89, point 55 et jurisprudence citée).

133 En l’espèce, comme il a été jugé aux points 26 à 56 ainsi qu’aux points 59 à 79 ci-dessus, les mesures litigieuses constituent un avantage pour ceux qui les ont reçues, quand bien même elles ont été versées à la suite d’une calamité naturelle, et, ainsi qu’il a été jugé, notamment, aux points 99 à 124 ci-dessus, la récupération de l’aide ne va pas à l’encontre d’un principe général du droit.

134 Enfin, s’agissant de la situation de l’entreprise liée aux conséquences de la pandémie de COVID-19, il suffit de relever que le fait invoqué est postérieur à l’adoption de l’acte attaqué et est inopérant dès lors que la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (arrêt du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C 398/13 P, EU:C:2015:535, point 22).

135 Il résulte de ce qui précède que la récupération des régimes d’aides mentionnés à l’article 1er de la décision attaquée n’est pas contraire au principe de proportionnalité.

136 Il y a en conséquence lieu de rejeter ce moyen et le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

137 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Sogia Ellas ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

138 En outre, en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’une partie intervenante autre qu’un État membre ou une institution de l’Union supportera ses propres dépens. En l’espèce, l’intervenante supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Sogia Ellas AE supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3) Myloi Sogias AE supportera ses propres dépens.