CA Grenoble, ch. com., 6 octobre 2022, n° 22/00839
GRENOBLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
EXPRESS SERVICE (S.A.R.L.)
Défendeur :
DES LONES (S.C.I.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Madame Marie-Pierre FIGUET
Conseillers :
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, M. Lionel BRUNO
Avocats :
SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, SELAS AGIS, SELARL CABINET FERRARO, Me VIVES
Faits et procédure :
1.Suivant acte sous seing privé du 2 août 1990, la Sci [Localité 1] Gestion, aux droits de laquelle vient la Sci des Lônes, a donné à bail pour une durée de douze années, à la société Express Service, un local commercial au sein du centre commercial E. Leclerc sis [Adresse 2], moyennant un loyer annuel hors taxes de 64.480 francs (15.525,14 euros), outres charges locatives et taxes foncières.
2.Un congé avec offre de renouvellement, moyennant un nouveau loyer annuel de 17.619 euros, a été délivré au preneur le 20 juillet 2004 pour la date du 26 septembre 2005. A défaut d'accord sur le prix du bail renouvelé, la Sci des Lônes a saisi le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Vienne, qui, par un premier jugement du 24 janvier 2008, a ordonné une expertise en vue de la détermination du loyer à la valeur locative.
3.L'expert judiciaire a déposé son rapport le 24 septembre 2009, dont il résulte que la valeur locative des locaux loués à la société Express Service peut être fixée à la somme annuelle de 14.680 euros au 26 novembre 2005. Par jugement du 4 mars 2010, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Vienne a fixé, avec exécution provisoire, à la somme annuelle de 12.900 euros hors taxes et hors charges le loyer du bail renouvelé à compter du 26 septembre 2005, outre intérêts échus. Sur appel du bailleur, par arrêt du 21 février 2013, la cour d'appel de Grenoble a réformé le jugement du 4 mars 2010 et a fixé le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 26 septembre 2005 à la somme annuelle de 14.680 euros hors charges et hors taxes. Elle a dit que chaque terme de loyer supplémentaire exigible à compter du 26 septembre 2005 portera intérêt au taux légal à compter de la demande en justice, et a partagé les dépens par moitié.
4.Cet arrêt a été signifié le 10 juin 2013 à la société Express Service, mais depuis cette date, les parties sont en désaccord sur le décompte des sommes dues, et sur les taxes-foncières. Le 30 septembre 2013, la Sci des Lônes a signifié à la société Express Service un commandement de payer aux fins de saisie-vente en exécution de l'arrêt du 21 février 2013, puis, par courrier officiel du 22 mai 2019, a mis en demeure la société Express Service de lui régler une somme résiduelle de 27.263,20 euros, dont une somme de 15.118,89 euros au titre des taxes foncières, avant de lui faire signifier le 10 décembre 2020 un commandement de payer la somme de 13.557,84 euros, correspondant pour le principal aux taxes foncières de 2007 à 2012 inclues, et de 2016 à 2020 inclues.
5.Faisant état du caractère infructueux du commandement dans le mois qui a suivi, la Sci des Lônes a fait assigner, par acte d'huissier du 23 novembre 2021, la société Express Service devant la juridiction de référé du tribunal judiciaire de Vienne aux fins de voir constater l'acquisition des effets de la clause résolutoire figurant au bail, ordonner l'expulsion de la société Express Service et de tous occupants de son chef des locaux, avec le recours à la force publique, et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard à défaut de restitution des lieux dans les quinze jours de la décision à intervenir, condamner la société Express Service à lui payer la somme de 23.780,56 euros pour les loyers impayés arrêtés au 17 janvier 2022, au taux conventionnel de 12 % calculé sur chaque terme impayé à compter de la date de son échéance et jusqu'à complet paiement, ainsi qu'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux.
6.Par ordonnance du 10 février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Vienne a':
- renvoyé les parties à se pourvoir au fond comme elles en aviseront mais dès à présent, par provision :
- condamné la société Express Service à payer à la Sci des Lônes à titre provisionnel la somme de 23.780,56 euros à valoir sur les loyers échus au 17 janvier 2022 ;
- dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de leur échéance ;
- constaté que Ie bail du 2 août 1990 se trouve résilié par l'effet de la clause résolutoire depuis le 10 janvier 2021 ;
- condamné la société Express Service au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges prévus au contrat résilié jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs ;
- dit qu'à défaut pour la société Express Service d'avoir libéré les locaux commerciaux sis [Adresse 2]), de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef, il sera procédé à son expulsion avec l'assistance de la force publique, si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel garde meuble qu'il plaira à la Sci des Lônes aux frais et risques des expulsés ;
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires formulées par les parties ;
- condamné la société Express Service à payer à la Sci des Lônes la somme de 600 euros au titre de I'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Express Service aux dépens comprenant les frais du commandement de payer ainsi que les frais nécessités par la délivrance de l'état des privilèges et nantissements.
7.La société Express Service a interjeté appel de cette décision le 24 février 2022. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 9 juin 2022.
Prétentions et moyens de la société Express Service':
8.Selon ses conclusions remises le 1er juin 2022, elle demande à la cour, au visa des articles L145-57, L145-41 du code de commerce, 1343-5 du code civil':
- de la recevoir en ses demandes';
- d'infirmer l'ordonnance déférée en qu'elle a renvoyé les parties à se pourvoir au fond comme elles en aviseront et a condamné la concluante à payer à la Sci des Lônes à titre provisionnel la somme de 23.780,56 euros à valoir sur les loyers échus au 17 janvier 2022'; a dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de leur échéance'; a constaté que le bail du 2 août 1990 se trouve résilié par l'effet de la clause résolutoire depuis le 10 janvier 2021'; a condamné la concluante au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges prévus au contrat résilié jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs; a dit qu'à défaut pour la concluante d'avoir libéré les locaux commerciaux sis [Adresse 2]), de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef, il sera procédé à son expulsion avec l'assistance de la force publique, si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel garde meuble qu'il plaira à la Sci des Lônes aux frais et risques des expulsés; a rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires formulées par les parties ; a condamné la concluante à payer à la Sci des Lônes la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile'; a condamné la concluante aux dépens comprenant les frais du commandement de payer ainsi que les frais nécessités par la délivrance de l'état des privilèges et nantissements';
- statuant à nouveau et à titre principal, de déclarer que l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 21 février 2013 vaut bail';
- de déclarer que le commandement de payer du 10 décembre 2020 est dépourvu d'effet'; de dire que la clause exécutoire n'est pas acquise, et ainsi de débouter la Scides Lônes de l'intégralité de ses demandes';
- à titre subsidiaire, d'accorder à la concluante un délai de règlement d'un mois à compter de la signification de l'arrêt et de suspendre le jeu de la clause résolutoire';
- de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a écarté les intérêts au taux conventionnel';
- en tout état de cause, de débouter l'intimée de toute demande plus ample ou contraire';
- de débouter la Sci des Lônes de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- de condamner la Sci des Lônes à régler à la concluante la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- de condamner la Sci des Lônes aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient':
9.- au visa de l'article L145-57 du code de commerce, que suite à l'arrêt de la cour, le bailleur n'a pas régularisé un nouveau bail reprenant les termes de cet arrêt'; que c'est ainsi cette décision qui fixe le prix et les conditions du nouveau bail et qu'elle vaut bail'; que si l'intimée soutient que la charge des impôts fonciers n'a pas été évoquée dans le dispositif de cet arrêt, cependant c'est au regard de sa motivation que le loyer a été fixé'; que cet arrêt a ainsi précisé que les charges imposées au preneur excédaient les usages habituels en ce qu'elles mettaient à son débit les charges afférentes au centre commercial, mais étaient compensées par le fait que l'impôt foncier afférent aux locaux privatifs était à la charge du bailleur'; que d'ailleurs, l'intimée n'a jamais formulé de demandes relatives à l'impôt foncier'; qu'ainsi, le prix du loyer a été fixé en considération du fait que l'impôt foncier devait rester à la charge du bailleur'; en conséquence, que le commandement de payer n'a pu viser le défaut de paiement de l'impôt foncier des années 2007 à 2012 et de 2016 à 2020'; ainsi, que la clause résolutoire n'est pas acquise';
10.- subsidiairement, que la concluante est présente dans la galerie marchande depuis 1990 et a exécuté le bail, en dehors du point posant discussion'; qu'aucun défaut de paiement des loyers n'est visé'; que tous les loyers ont été réglés à l'exception de celui du second trimestre 2020, non visé par le commandement de payer, correspondant à la période de confinement pendant laquelle le magasin est resté fermé pendant deux mois alors que la concluante avait sollicité des délais, demande à laquelle il n'avait pas été répondu'; qu'elle a réglé ce loyer à la réception de l'ordonnance déférée'; qu'elle n'a jamais reçu de comptes de charges détaillés malgré ses demandes réitérées tout en réglant ses charges'; que la concluante est ainsi de bonne foi'; que son gérant est âgé de 68 ans, et que le fonds de commerce constitue sa retraite, alors que le salarié présent devra être licencié si le bail est résilié';
11.- concernant l'appel incident de l'intimée en ce que la décision déférée a déclaré que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, et non au taux conventionnel de 12'%, que la concluante n'a pas à subir les carences de son bailleur, qui a laissé passé plusieurs années sans agir.
Prétentions et moyens de la Sci des Lônes':
12.Selon ses conclusions remises le 2 mai 2022, elle demande à la cour, au visa des articles L.145-41 du code de commerce, 835 alinéa 2 du code de procédure civile, 1103 et 1343-5 du code civil':
- de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la société Express Service à lui payer à titre provisionnel la somme de 23.780,56 euros à valoir sur les loyers échus au 17 janvier 2022; a constaté que le bail du 2 août 1990 se trouve résilié par l'effet de la clause résolutoire depuis le 10 janvier 2021; a condamné la société Express Service au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges prévus au contrat résilié jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs; a jugé qu'à défaut pour la société Express Service d'avoir libéré les locaux commerciaux sis [Adresse 2]), de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef, il sera procédé à son expulsion avec l'assistance de la force publique, si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel garde meuble qu'il plaira à la concluante aux frais et risques des expulsés; a rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires formulées par les parties; a condamné la société Express Service à payer à la concluante la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; a condamné la société Express Service aux dépens comprenant les frais du commandement de payer ainsi que les frais nécessités par la délivrance de l'état des privilèges et nantissements';
- d'infirmer cette ordonnance en ce qu'elle a jugé que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de leur échéance;
- statuant à nouveau, de condamner la Sarl Express Service à régler à la concluante, à titre provisionnel, des intérêts au taux conventionnel de 12% sur chaque somme composant la somme globale de 23.780,56 euros et ce, à compter de la date à laquelle chacune était exigible';
- de rejeter les demandes de l'appelante formées sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens en cause d'appel';
- de condamner l'appelante à payer à la concluante la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'appel.
Elle soutient':
13.- que sa demande en paiement à hauteur de 23.780,56 euros portait sur les taxes foncières 2016 à 2021, outre les indemnités d'occupation dues pour les second trimestre 2020 et quatrième trimestre 2021, ce à quoi il a été fait droit par le juge des référés; que l'appelante a réglé ces sommes';
14.- que la charge du paiement de l'impôt foncier sur le preneur n'est pas sérieusement contestable, alors que l'arrêt du 21 février 2013 n'a pas tranché dans son dispositif sur ce point au sens des articles 455 et 480 du code de procédure civile, seul le dispositif ayant autorité de la chose jugée'; que les motifs d'une décision n'ont pas autorité même s'ils sont décisoires ou décisifs'; qu'ainsi, l'arrêt n'a pas exclu le paiement de l'impôt foncier par le preneur ce qu'a retenu à juste titre l'ordonnance déférée'; qu'en conséquence, le juge des référés a régulièrement constaté la résiliation du bail avec ses conséquences, outre la condamnation de l'appelante au paiement des arriérés;
15.- concernant les intérêts, que l'article 14 du bail a stipulé l'application d'un taux minimum de 12'% pour toute somme due, sans qu'une mise en demeure ne soit nécessaire'; que le juge des référés y a substitué le taux légal sans motivation, alors que l'application du taux conventionnel n'est pas sérieusement contestable'; qu'il convient d'infirmer l'ordonnance déférée de ce chef';
16.- que la demande de délais de l'appelante est mal fondée, puisqu'elle a réglé les condamnations prononcées et n'apporte aucun élément nouveau sur sa situation, ainsi que déjà relevé par le premier juge'; que l'appelante ne peut invoquer le caractère opaque de la refacturation de la taxe foncière, puisque les avis de paiement sont annexés aux factures'; que l'appelante n'a jamais demandé de décompte détaillé des charges'; qu'elle s'est arrogée le droit de ne pas régler le loyer et les charges du second trimestre 2020 alors que le silence du bailleur sur des délais de paiement ne vaut pas acceptation.
*****
17.Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION':
18.Il résulte de l'ordonnance déférée que le premier juge a retenu, concernant la provision à valoir sur les loyers et la résiliation du bail, que la société Express Service a cessé de régler régulièrement les loyers appelés et que la Sci des Lônes rapporte la preuve de l'obligation dont elle réclame l'exécution à titre provisionnel en produisant un décompte arrêté au 17 janvier 2022, révélant qu'il est dû au bailleur la somme de 23.780,56 euros. Il a indiqué qu'il appartient à la locataire, qui conteste en partie la dette locative, d'apporter la preuve d'une contestation sérieuse quant au montant réclamé et que, pour s'opposer à la demande provisionnelle, la société Express Service conteste devoir payer la taxe foncière en faisant valoir que l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 21 février 2013 a réévalué les obligations respectives des parties, de sorte que l'impôt foncier afférent aux locaux privatifs demeure à la charge de la bailleresse.
19.Le juge des référés a relevé que l'arrêt du 21 février 2013 ne saurait avoir modifié les stipulations du bail commercial conclu entre les parties le 2 août 1990, et qu'il est précisé à l'article 7 du contrat de bail intitulé 'Entretien -Réparation et charges' que "le preneur réglera au bailleur ou au gestionnaire qu'il aura désigné, sa quote-part de toutes les charges, prestations, fournitures, taxes et dépenses afférentes aux locaux pris à bail de manière à ce que le loyer perçu soit considéré comme net de charges. Il a également retenu que la gestion des locaux privatifs propriété du bailleur génère des charges privatives, dont l'impôt foncier, qui est ainsi à la charge de la société Express Service. Il en a déduit qu'il n'existe aucune contestation sérieuse à l'application stricte du bail commercial, lequel fait loi entre les parties et vient s'imposer au juge des référés.
20.Le premier juge a également constaté que l'article 2224 du code civil fixe le délai de prescription de droit commun des actions personnelles ou mobilières, de sorte que la prescription quinquennale est applicable, et que l'action de la Sci des Lônes, engagée par assignation délivrée le 23 novembre 2021, lui permet de prétendre au recouvrement des taxes foncières et indemnités d'occupation couvrant la période écoulée entre le 23 novembre 2016 et le 23 novembre 2021. Il a dit que ce bailleur justifie de ce que la taxe foncière s'est élevée à la somme de 1.445,70 euros en 2016, celle de 1.417,09 euros en 2017, celle de 1.370,92 euros en 2018, celle de 1.324,43 euros en 2019, celle de 1.289,02 euros en 2020, celle de 1.669,72 euros en 2021, celle de 7.616,57 euros au titre du loyer et charges dues pour le deuxième trimestre de l'année 2020, et enfin celle de 7.647,11 euros au titre du quatrième trimestre de l'année 2021.
21.Afin de fixer le montant de la créance de la bailleresse, le juge des référés a indiqué qu'il n'est pas contesté par celle-ci que la société Express Service lui a adressé, par courriers datés du 27 décembre 2021 et du 7 janvier 2022 remis en mains propres à la standardiste du Centre commercial E. Leclerc, deux chèques d'un montant respectif de 3.647,11 euros et de 4.000 euros en règlement du loyer et des charges dus pour le quatrième trimestre de l'année 2021, et que la société Express Service ne conteste pas avoir demandé à la bailleresse que l'encaissement de ces chèques soit différé. Il a retenu que la remise d'un chèque ne vaut paiement que sous réserve de son encaissement et qu'il n'est pas établi qu'au moins pour partie la somme de 3.647,11 euros ne se trouve dans les mains de la bailleresse à titre de règlement partiel du loyer et des charges dus pour le quatrième trimestre de l'année 2021 et qu'elle ne peut donc être déduite à ce jour des loyers impayés. Aussi, en l'absence de contestation sérieuse de la créance de la Sci des Lônes, il a fait droit à la demande de provision et a condamné la société Express Service, à titre provisionnel, au paiement de la somme de 23.780,56 euros à valoir sur les loyers arrêtés à la date susvisée.
22.Concernant l'application de la clause résolutoire, le premier juge a énoncé que le bail signé par les parties contient une clause résolutoire qui prévoit qu'à défaut de paiement des sommes dues à la Sci des Lônes, notamment les loyers régulièrement appelés, le contrat pourra être résilié de plein droit à l'initiative de la Sci des Lônes, un mois après un simple commandement de payer resté sans effet, et que par exploit d'huissier du 10 décembre 2020, le bailleur a fait délivrer à la société Express Service un commandement de payer la somme de 13.557,84 euros au titre des loyers échus à cette date. Il a indiqué que ce commandement de payer a été régulièrement délivré et que la société Express Service n'a pas réglé les causes du commandement, ni sollicité de délais pour le règlement de cette dette. En conséquence, il a déduit que la clause résolutoire est définitivement acquise à compter du 10 janvier 2021 et que la société Express Service doit être condamnée à quitter les lieux ainsi que tout occupant de son chef, sans qu'il y ait lieu d'adjoindre une astreinte à l'obligation de libérer les lieux. Il a fixé le paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges prévus au contrat jusqu'à la libération effective des lieux avec remise des clefs.
23.La cour relève que l'article 7.2 du bail conclu en 1990 est relatif aux charges du centre commercial dans lequel se trouve le local appartenant au bailleur, et non aux charges afférentes au local privatif lui-même. Il y est stipulé que le preneur sera tenu de régler au bailleur sa quote-part de toutes les charges et taxes afférentes aux locaux, de manière à ce que le loyer perçu soit considéré comme net de charges. Selon le a) de cet article, les charges affectées au local commercial sont définies dans le cahier des charges de l'association syndicale qui répartit entre les propriétaires et copropriétaires les charges de gestion, d'entretien, de réparation et de renouvellement des ouvrages et équipements à usage commun, ainsi que dans le règlement de copropriété, qui énonce les charges communes, générales et spéciales, incombant aux copropriétaires, dont les impôts et taxes. Il est par ailleurs indiqué que la gestion des locaux privatifs propriété du bailleur génère des charges privatives, dont l'impôt foncier.
24. La présente juridiction constate qu'aucune charge afférente au local privatif lui-même n'a été stipulée, l'article 7.2 ne concernant que les charges afférentes au centre commercial seulement. Le jugement rendu le 4 mars 2010 par le juge des loyers commerciaux, après expertise, indique que l'expert a proposé de fixer le prix du bail renouvelé à la somme de 14.680 euros hors charges par an, cette valeur locative s'entendant dans les conditions du bail dont le renouvellement est proposé. Il n'est pas fait état d'une discussion concernant le paiement des impôts fonciers par le preneur. L'arrêt de la présente cour du 21 février 2013 a fixé le prix du loyer renouvelé à compter du 26 septembre 2005 à la somme de 14.680 euros, en précisant que cette somme est hors charges et hors taxes, et a précisé qu'il résulte des conclusions du bailleur prises devant elle que le preneur n'est pas astreint au remboursement de l'impôt foncier, même s'il supporte les charges afférentes au centre commercial. La société Express Service a confirmé ce point, indiquant que l'impôt foncier est à la charges du propriétaire, alors qu'elle-même paye directement toutes les charges afférentes au centre commercial. Dans la motivation de sa décision, la cour a ainsi indiqué que le paiement des charges afférentes au centre commercial, ainsi que des réparations prévues par l'article 606 du code civil, se trouve compensé par le fait que l'impôt foncier afférent aux locaux privatifs demeure à la charge du bailleur.
25. L'effet de l'arrêt du 21 février 2013, fixant le prix du bail renouvelé, est qu'un nouveau contrat de bail a pris effet, à de nouvelles conditions financières. Cependant, les stipulations de l'ancien bail non concernées par cet arrêt n'ont pas été modifiées. Ce nouveau bail a ainsi été renouvelé aux clauses et conditions du bail venu à expiration, sauf concernant le prix du loyer. La charge des taxes foncières afférentes au local privatif n'a pas été modifiée. En conséquence, à défaut de stipulation précise, et à la vue des conclusions prises
antérieurement par les parties ayant donné lieu à l'arrêt du 21 février 2013, les taxes foncières afférentes au local privatif loué par l'appelante ne sont pas à sa charge.
26.Le commandement de payer rappelant la clause résolutoire insérée au bail, signifié le 10 décembre 2020, porte sur la somme en principal de 13.557,84 euros, mais aucun décompte précis n'est annexé à cet acte, bien que le preneur n'en ait retiré aucune conséquence quant à sa validité, mais qu'il s'en soit plaint auprès du bailleur par courrier de son avocat du 7 janvier 2021, rappelant en outre la motivation de l'arrêt de la cour du 21 février 2013 concernant les taxes foncières afférentes au local privatif. Il résulte des décomptes adressés ultérieurement au preneur que les sommes réclamées visent les taxes foncières échues depuis l'année 2012.
27.En raison des stipulations du bail initial, non modifiées sur ce point par l'arrêt du 21 février 2013, il s'ensuit que la créance du bailleur, reposant sur le paiement des taxes foncières relatives au local privatif, est sérieusement contestable. En conséquence, le juge des référés n'a pu condamner le preneur au paiement d'une provision, constater l'acquisition de la clause résolutoire et ordonner son expulsion. Il en résulte que l'ordonnance entreprise ne peut qu'être infirmée en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, la cour dira qu'il n'y a pas lieu à référer sans qu'il soit nécessaire de plus amplement statuer sur les autres demandes des parties.
28.Succombant devant l'appel de la société Express Service, la Sci des Lônes sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles du L145-1 et suivants du code de commerce, 835-alinéa 2 du code procédure civile;
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions';
statuant à nouveau';
Dit n'y avoir lieu à référé';
Condamne la Sci des Lônes à régler à la société Express Service la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la Sci des Lônes aux entiers dépens de première instance et d'appel';
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.