Livv
Décisions

CA Riom, ch. com., 5 octobre 2022, n° 22/00383

RIOM

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

'SCI [Adresse 8]'

Défendeur :

La société CEGELEC DEFENSE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Anne-Laurence CHALBOS

Conseiller :

Mme Virginie THEUIL-DIF

Avocats :

Me Sophie LACQUIT, SELAS ESTRAMON, SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX &amp

CA Riom n° 22/00383

4 octobre 2022

ARRET :

Prononcé publiquement le 05 Octobre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Virginie THEUIL-DIF, Conseiller, pour le Président empêché, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Cegelec Défense a conclu le 19 août 2021 avec la SCI [Adresse 8] un bail commercial concernant la location de locaux sis [Adresse 2] à [Localité 7].

Se plaignant de l'absence de mise à disposition des locaux dans les délais convenus, à savoir le 20 décembre 2021, la SAS Cegelec Défense a, par acte d'huissier du 24 décembre 2021, sur autorisation du 23 décembre 2021, fait assigner en référé d'heure à heure, la SCI [Adresse 8] devant le président du tribunal judiciaire de [Localité 7], aux fins de voir enjoindre au bailleur de lui mettre à disposition les lieux loués désignés à l'article 3 du bail, et ce, sous astreinte de 3 150 euros par jour de retard à compter du 20 décembre 2021.

Par ordonnance réputée contradictoire du 25 janvier 2022, le juge des référés a:

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront ;

- au provisoire, ordonné à la SCI [Adresse 8], sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de huit jours à compter de la signification de la décision, de mettre à disposition de la SAS Cegelec Défense les locaux principaux situés [Adresse 6]) désignés à l'article 3 du bail et au plan 4 de l'annexe 1, ainsi désignés:

'Atelier 6m : 1 805,7 m²

- Location technique compresseur : 37,7 m²,

- Auvent Sud : 125 m²,

- Auvent Ouest : 111 m²,

- 27 places de parking côté Est,

Et terrain autour' ;

- dit que l'astreinte courra sur une période de 2 mois maximum ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur toutes autres demandes ;

- condamné la SCI [Adresse 8] à payer à la SAS Cegelec Defense la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens comprenant le coût du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 20 décembre 2021.

Le juge a énoncé, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, :

- que l'obligation de mise à disposition des locaux à la SAS Cegelec Défense par la SCI [Adresse 8] à la date du 20 décembre 2021 était établie de manière non contestable ;

- qu'au vu d'un constat d'huissier du 20 décembre 2021, il était constant que la SCI [Adresse 8] ne respectait pas ses engagements contractuels, ce qui causait un trouble évident à la demanderesse qui ne pouvait ni prévoir son déménagement comme prévu, ni réceptionner son courrier.

La SCI [Adresse 8] a interjeté appel de l'ordonnance, suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 16 février 2022.

Suivant ordonnance du 8 mars 2022 rectifiée le 24 mars 2022, rendue au visa des articles 904-1 et 905 du code de procédure civile, la présidente de la 3ème chambre civile et commerciale de la cour d'appel de Riom a fixé l'affaire, à bref délai, à l'audience collégiale du 8 juin 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 8 juin 2022, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 31, 32 et 122, 834 et 835 du code de procédure civile et R.131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- recevoir la SCI [Adresse 8] en son appel et en ses demandes, fins et conclusions ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a ordonné sous astreinte de 1 000 euros par jour la remise des locaux et condamné la SCI [Adresse 8] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

- constater l'absence de versement du dépôt de garantie et des loyers à la date de la délivrance de l'assignation du 24 décembre 2021 ;

- déclarer en conséquence irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir la SAS Cegelec Défense en ses demandes de condamnation sous astreinte, sinon mal fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

- et constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial ;

- ordonner l'expulsion de la SAS Cegelec Défense dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, du local qu'elle occupe, de sa personne, de tous occupants de son chef, ainsi que de ses biens, de justifier de l'acquit des charges locatives et de remettre les clés sous astreinte de 500 euros par jour de retard jusqu'au départ définitif ;

- fixer l'indemnité d'occupation au montant du loyer ;

- autoriser le propriétaire à l'expulser des lieux en faisant procéder, s'il y a lieu, à l'ouverture des portes avec l'assistance de la force publique, faire constater et estimer les réparations locatives par un huissier de justice qui sera commis à cet effet, assisté s'il l'estime utile, d'un technicien;

- débouter la SAS Cegelec Défense en son appel incident et en ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer l'arrêt pour le surplus en ce qu'il a débouté la SAS Cegelec Défense de ses autres demandes ;

- dire n'y avoir lieu à condamnation aux frais irrépétibles ;

- partager les dépens par moitié.

Elle fait valoir que si le bail stipulait une mise à disposition des locaux hors aménagements au 20 décembre 2021, elle avait fait savoir qu'elle rencontrait des problèmes d'approvisionnement et que son gérant avait été brutalement arrêté fin décembre pour soigner un cancer. Ayant déménagé ses locaux et son siège étant en cours de transfert, elle n'a pas pu prendre connaissance en temps utile de l'assignation pour se défendre.

Elle précise que le bail mentionnait que 'suite au congé qu'il a notifié à son bailleur actuel, ces locaux devront être libérés au plus tard le 31 mars 2022. Dans ce contexte, le preneur a prospecté à proximité afin de trouver de nouveaux locaux dont la disponibilité lui permettrait de déménager son activité le 1er janvier 2022". Puis, 'de convention expresse, à compter de la prise d'effet du bail et jusqu'à la mise à disposition des aménagements décrits à l'article 3.1, le preneur bénéficiera d'une franchise de loyer'.

Or, aucun loyer n'était dû entre le 20 décembre et le 1er janvier. Les locaux étaient ensuite disponibles. Un constat d'huissier a été dressé le 13 janvier 2022.

Elle considère que le premier juge ne pouvait se borner à considérer que la prise d'effet du bail aurait été acquise au 20 décembre 2021 :

- sans constater que le preneur n'avait pas justifié de ses obligations, notamment la remise au bailleur du dépôt de garantie ;

- sans constater que le preneur n'avait pas payé d'avance le loyer ;

- sans relever que le preneur avait annoncé déménager son activité le 1er janvier 2022 tandis que le bail prévoyait des dispositions spécifiques relatives au loyer pour tenir compte de la situation portant sur les travaux.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 7 juin 2022, la SAS Cegelec Défense demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile910-4 du code de procédure civile, vu l'urgence manifeste, de juger l'appel formé par la SCI [Adresse 8] infondé et :

à titre principal :

- rejeter comme irrecevables les prétentions résultant des dernières écritures présentées par la SCI [Adresse 8] du 3 juin 2022, visant à l'acquisition de la clause résolutoire et à voir ordonner l'expulsion de la SAS Cegelec Défense des locaux sous astreinte, outre fixation d'une indemnité d'occupation et autorisation à recourir de la force publique ;

- confirmer l'ordonnance sauf en ce qu'elle a limité l'injonction de mise à disposition des locaux sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard seulement à l'issue d'un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision, et statuant à nouveau de :

- juger que le montant de l'astreinte fixé à hauteur de 1 000 euros par jour, inapproprié et insuffisant ;

- juger le point de départ de l'astreinte à l'issue d'un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision rendue, inopportun et tardif ;

- fixer l'astreinte à charge de la SCI [Adresse 8] à hauteur de la somme de 3 150 euros par jour calendaire et à compter du 20 décembre 2021 jusqu'à mise à disposition des lieux visés au paragraphe 3 du bail (hors aménagements), soit jusqu'au 31 janvier 2022 ;

à titre subsidiaire :

- confirmer purement simplement l'ordonnance ;

- juger comme infondées les prétentions résultant des dernières écritures présentées par la SCI [Adresse 8] en date du 3 juin 2022, visant à l'acquisition de la clause résolutoire et à voir ordonner l'expulsion de la SAS Cegelec Défense des locaux sous astreinte, outre fixation d'une indemnité d'occupation et autorisation à recourir de la force publique ;

en tout état de cause :

- déclarer irrecevables les prétentions de la SCI [Adresse 8] ;

- rejeter l'ensemble des prétentions, fins et conclusions ;

- condamner la SCI [Adresse 8] à payer à la SAS Cegelec Défense la somme complémentaire de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI [Adresse 8] aux dépens d'instance et d'appel, en ce compris le coût du constat de Me [W] du 20 décembre 2021.

Elle fait valoir que depuis la signature du bail en août 2021, des échanges quotidiens étaient entretenus par les dirigeants respectifs pour organiser le déménagement pour une mise à disposition des locaux au 20 décembre 2021. Compte-tenu de son activité dans les domaines étatiques de la Défense et de la Sécurité, son déménagement devait être soigneusement planifié et organisé. Elle constate que les difficultés d'approvisionnement invoquées par la SCI concernent seulement une partie des locaux (les locaux complémentaires en cours de travaux d'aménagement et dont la livraison a été prévue au bail à titre dérogatoire ultérieurement).

Aussi, elle conclut que le bailleur n'a pas respecté les engagements pris aux termes du bail en ce qui concerne la mise à disposition des locaux principaux à compter du 20 décembre 2021, ce qui constituait un trouble manifestement illicite. Elle rappelle en outre que la demande du bailleur au titre du dépôt de garantie a été présentée pour la première fois selon facture du 4 mars 2022.

S'agissant de l'astreinte, elle expose que les parties avaient convenu qu'en cas de congé anticipé délivré par le preneur à l'issue de la première période triennale, celui-ci devrait verser au bailleur une indemnité compensatrice de 1 152 000 euros nets, aussi il était justifié auprès du premier juge de ce qu'il n'était pas inéquitable de déterminer l'astreinte sollicitée sur la base de ladite indemnité. Elle ajoute que le fait qu'elle n'ait pu emménager à compter du 20 décembre et qu'elle n'ait pu prendre possession d'une partie des locaux principaux qu'à compter du 31 janvier 2022, a engendré pour elle de lourds préjudices financiers, de l'ordre de 220 000 euros. L'astreinte sollicitée s'avère ainsi la seule mesure coercitive à sa disposition pour faire comprendre au bailleur l'importance du respect de ses engagements.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

La procédure a été clôturée à l'audience du 8 juin 2022 avant l'ouverture des débats.

MOTIFS

- Sur la fin de non-recevoir soulevée par la SCI [Adresse 8] et sur la recevabilité des demandes de la SCI [Adresse 8]

Dans ses premières conclusions du 8 avril 2022, la SCI [Adresse 8] sollicitait de:

'> recevoir la SCI [Adresse 8] en son appel et en ses demandes, fins et ;

> constater la remise des lieux loués ;

> infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné sous astreinte de 1 000 euros la remise des locaux et condamné la SCI [Adresse 8] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

> débouter la société Cegelec Défense de ses demandes ;

> confirmer l'arrêt pour le surplus en ce qu'il a débouté la SCI [Adresse 8] de ses autres demandes.'

Dans ses dernières conclusions, elle demande de :

'> recevoir la SCI [Adresse 8] en son appel et en ses demandes, fins et conclusions ;

> infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a ordonné sous astreinte de 1 000 euros par jour la remise des locaux et condamné la SCI [Adresse 8] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

> constater l'absence de versement du dépôt de garantie et des loyers à la date de la délivrance de l'assignation du 24 décembre 2021 ;

> déclarer en conséquence irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir la SAS Cegelec Défense en ses demandes de condamnation sous astreinte, sinon mal fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

> et constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial ;

> ordonner l'expulsion de la SAS Cegelec Défense dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, du local qu'elle occupe, de sa personne, de tous occupants de son chef, ainsi que de ses biens, de justifier de l'acquit des charges locatives et de remettre les clés sous astreinte de 500 euros par jour de retard jusqu'au départ définitif ;

> fixer l'indemnité d'occupation au montant du loyer ;

> autoriser le propriétaire à l'expulser des lieux en faisant procéder, s'il y a lieu, à l'ouverture des portes avec l'assistance de la force publique, faire constater et estimer les réparations locatives par un huissier de justice qui sera commis à cet effet, assisté s'il l'estime utile, d'un technicien ;

> débouter la SAS Cegelec Défense en son appel incident et en ses demandes, fins et conclusions ;

> confirmer l'arrêt pour le surplus en ce qu'il a débouté la SAS Cegelec Défense de ses autres demandes ;

> dire n'y avoir lieu à condamnation aux frais irrépétibles ;

> partager les dépens par moitié.'

La SCI [Adresse 8] prétend soulever une fin de non-recevoir : elle fait valoir que la SAS Cegelec Défense ne justifiait pas avoir versé le dépôt de garantie à la date de prise d'effet du bail, et que sauf renonciation du bailleur, la condition résolutoire était acquise ; qu'ainsi la SAS Cegelec Défense ne justifiait pas d'un intérêt légitime et d'une qualité à agir à la date de délivrance de l'assignation du 24 décembre 2021 au sens de l'article 122 du code de procédure civile.

Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.

Toutefois, au moment où l'assignation a été délivrée, le 24 décembre 2021, la SAS Cegelec Défense était titulaire d'un contrat de bail. Les locaux n'avaient pas encore été mis à sa disposition. Si le dépôt de garantie devait être versé à la prise d'effet du bail, le défaut de paiement constituant une condition résolutoire, le bailleur n'avait nullement mis en oeuvre la procédure aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire au moment de l'assignation (ce constat est d'ailleurs une évidence dans la mesure où le preneur a assigné son bailleur aux fins que celui-ci mette à sa disposition les locaux pris à bail). La SAS Cegelec Défense disposait ainsi parfaitement de la qualité et d'un intérêt à agir au jour de la délivrance de l'assignation.

Par ailleurs, l'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Ainsi, l'ensemble des demandes visant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial, ordonner l'expulsion de la SAS Cegelec Défense, fixer l'indemnité d'occupation et autoriser le propriétaire à l'expulser des lieux en faisant procéder, s'il y a lieu, à l'ouverture des portes avec l'assistance de la force publique, faire constater et estimer les réparations locatives par un huissier de justice, sont irrecevables au visa de l'article précité pour ne pas avoir été formées dans le cadre des premières conclusions, la SCI [Adresse 8] ne se prévalant nullement des dispositions de l'alinéa 2 de cet article pour voir écarter cette irrecevabilité, et l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile précisant que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

- Sur les demandes de la SAS Cegelec Défense

L'article 835 du code de procédure civile énonce notamment que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, la SAS Cegelec Défense a saisi le juge des référés le 24 décembre 2021 aux fins de voir enjoindre la SCI [Adresse 8] à lui mettre à disposition sous astreinte, les locaux principaux du [Adresse 2] à [Localité 7] ainsi désigné à l'article 3 du bail et au plan 4 de l'annexe 1.

Par acte sous seing privé du 19 août 2021, la SCI [Adresse 8] a consenti un bail commercial à la SAS Cegelec Défense. Le contrat mentionnait préalablement à l'exposé des termes du bail:

'Le preneur occupe actuellement des locaux sis [Adresse 4]. Suite au congé qu'il a notifié à son bailleur actuel, ces locaux devront être libérés au plus tard le 31 mars 2022. Dans ce contexte, le preneur a prospecté à proximité avant de trouver de nouveaux locaux dont la disponibilité lui permettrait de déménager son activité le 1er janvier 2022. Il est en entré en contact directement avec le bailleur propriétaire de locaux sis [Adresse 2] à [Localité 7]. Ces locaux n'étant pas, en l'état actuel, suffisamment dimensionnés pour accueillir l'activité du preneur, le bailleur a envisagé de réaliser des aménagements et a émis une proposition en ce sens par courrier du 6 août 2020. Le preneur s'est déclaré intéressé par cette proposition.

Au terme de discussions qu'elles ont menées, notamment sur la consistance des aménagements et leur date de réalisation, un premier projet de bail a été transmis par le preneur au bailleur le 7 mai 2021, étant précisé que la réalisation des aménagements est une condition essentielle du présent bail pour le preneur.'

Les éléments sur lesquels les parties se sont mises d'accord sont ensuite exposés au sein de 33 articles. Ainsi l'article 2 relatif à la durée stipule que le bail est consenti pour une durée de dix années à compter du 20 décembre 2021 pour se terminer le 19 décembre 2031.

L'article 3 relatif à la désignation des locaux énonce :

'Le bailleur donne à bail au preneur, qui accepte les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] ci-après désignés :

- Atelier 6m : 1805,7 m²

- Location technique compresseur : 37,7 m²

- Auvent Sud = 125 m²

- Auvent Ouest = 111 m²

- 27 places de parking côté Est

Et terrain autour.'

L'article 3.1 précise que : 'Le bailleur s'engage à mettre à la disposition du preneur les aménagements, sis à la même adresse, tels que décrits en annexe 2 au plus tard à la date du 1er avril 2022, à savoir :

- Atelier 6 m : 891 m²

- Mezzanine : 91 m² x é RDC et 1er étage

- Extension bureaux SUD RDC : 57 m²

- Local archive - Ouest : 69,5 m² x 2 étages = 139 m²

- Local Est = 79,7 m² RDC (stockage + local CSE) et 78.8 m² (salle de restauration)

- Fermeture auvent Ouest pour fourniture avec fourniture et mise en place d'une cabine de peinture (superficie 21 m²)

- 20 places de parking côté Est

- 5 places de parking côté Sud

Il indique avoir déposé en ce sens une demande de permis de construire dont le récépissé n°PC 6311321 G0169 est joint en annexe 2 bis'.

L'obligation de mise à disposition des locaux décrits à l'article 3, à la SAS Cegelec Défense par la SCI [Adresse 8] avait pour point de départ contractuel le 20 décembre 2021 contrairement à ce que soutient le bailleur. Les obligations des parties résultent en effet de l'énoncé des termes du bail.

Le contrat prévoyait ensuite la mise à disposition au preneur de divers aménagements complémentaires au sein des locaux au plus tard le 1er avril 2022.

Or, la SAS Cegelec Défense a justifié avoir délivré congé à son bailleur précédent le 7 octobre 2021 pour le 31 décembre 2021.

Le 6 décembre 2021, il a informé son futur bailleur, la SCI [Adresse 8] de l'organisation des démarches pour le déménagement, à savoir le 22 décembre 2021 le transfert des lignes téléphoniques et informatiques, et le 23 décembre le déménagement de l'atelier. Il était demandé la confirmation de la possibilité de réaliser ces démarches dans les délais sachant qu'à défaut, tout retard lui serait préjudiciable dans ses rapports avec ses clients. Un rappel était fait par courriers électroniques des 14 et 15 décembre 2021.

La SAS Cegelec Défense a versé aux débats un constat d'huissier en date du 20 décembre 2021 faisant ressortir que les locaux objets du bail étaient occupés par la société Soréma dont le président est M. [D] [H], gérant de la SCI [Adresse 8]. Les locaux n'étaient donc pas disponibles à cette date. L'huissier de justice a en outre constaté le même jour, la livraison de colis postaux à l'adresse des locaux, à destination de la SAS Cegelec Défense dont l'activité exercée nécessitait la poursuite de l'activité. Aucune des pièces versées aux débats ne permet de confirmer que la SAS Cegelec Défense n'envisageait de déménager qu'à compter du 1er janvier 2022 comme le soutient la SCI [Adresse 8].

Par ailleurs, les éventuelles difficultés d'approvisionnement auxquelles le bailleur fait référence concernent seulement une partie des locaux, c'est à dire les locaux complémentaires en cours de travaux d'aménagement et dont la livraison était prévue ultérieurement. Cela ne concernait pas les locaux principaux objets de la demande.

Ainsi, la SCI [Adresse 8] n'a pas respecté ses obligations contractuelles concernant la mise à disposition des locaux principaux à compter du 20 décembre 2021, ce qui constituait un trouble manifestement illicite dont la SAS Cegelec Défense était en droit de solliciter la cessation immédiate.

Le bailleur ne peut prétendre devant la cour que le fait que le dépôt de garantie ne soit pas versé, ni le loyer au 1er janvier 2022, constituaient les raisons pour lesquelles elle n'avait pas mis à disposition de son preneur les locaux à la date prévue du 20 décembre 2021, alors même que les locaux n'étaient pas disponibles.

Le juge des référés a donc enjoint à juste titre au bailleur de mettre à disposition de la SAS Cegelec Défense les locaux principaux désignés à l'article 3 du contrat de bail.

- Sur l'astreinte et son montant

Selon l'article L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout juge peut ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.

L'astreinte est indépendante des dommages et intérêts en vertu de l'article L.131-2.

L'article R.131-1 énonce que l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire. Toutefois, elle peut prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire.

La SAS Cegelec Défense, qui a fait appel incident, soutient s'agissant de la fixation de l'astreinte assortissant la condamnation du bailleur, que le juge des référés n'a pas été au bout de son raisonnement : selon elle, la mise en place d'une astreinte à compter de la date effective de mise à disposition des locaux, soit le 20 décembre 2021, était la seule mesure coercitive à sa disposition susceptible de mobiliser le bailleur et de le motiver à respecter les termes du bail.

Toutefois, en application de l'article R.131-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge des référés ne pouvait fixer le point de départ de l'astreinte à une date antérieure à sa décision. Il a, en opportunité et à juste titre, fixé le point de départ de l'astreinte huit jours après la signification de son ordonnance.

Par ailleurs, s'agissant de son montant, l'astreinte étant indépendante des dommages et intérêts, le juge des intérêts a fait une juste évaluation permettant de garantir l'exécution de sa décision. La cour confirme également la durée de l'astreinte fixée à deux mois.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant principalement à l'instance, la SCI [Adresse 8] sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande néanmoins de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir soulevée par la SCI [Adresse 8] ;

Déclare irrecevables en appel les demandes de la SCI [Adresse 8] aux fins de voir :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial ;

- ordonner l'expulsion de la SAS Cegelec Défense dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, du local qu'elle occupe, de sa personne, de tous occupants de son chef, ainsi que de ses biens, de justifier de l'acquit des charges locatives et de remettre les clés sous astreinte de 500 euros par jour de retard jusqu'au départ définitif ;

- fixer l'indemnité d'occupation au montant du loyer ;

- autoriser le propriétaire à l'expulser des lieux en faisant procéder, s'il y a lieu, à l'ouverture des portes avec l'assistance de la force publique, faire constater et estimer les réparations locatives par un huissier de justice qui sera commis à cet effet, assisté s'il l'estime utile, d'un technicien ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI [Adresse 8] aux dépens d'appel.