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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 13 octobre 2022, n° 20/04762

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Txica (Sasu)

Défendeur :

Alain Martinière (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

Avocats :

Me Lugosi, Me Parisé, Me Lesénéchal, Me Bismuth

T. com. Paris, du 5 févr. 2020, n° 20190…

5 février 2020

EXPOSE DU LITIGE

La société Alain Martinière, qui exploite un fonds de commerce de vente au détail d'articles de prêts à porter, a commandé à la société Txica des articles textiles.

Alléguant des non-conformités affectant les articles livrés les 4 avril et le 2 mai 2018 et un retard de livraison, la société Alain Martinière a retourné les commandes à la société Txica.

Par courriel du 21 avril 2018, la société Alain Martinière a demandé l'annulation de la commande passée pour la saison hiver 2018 et a mis fin aux relations commerciales avec la société Txica.

Le 30 mai 2018, la société Txica a mis en demeure la société Alian Martinière de lui régler les factures impayées ainsi que des indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement.

Par acte du 12 février 2019, la société Txica a assigné la société Alain Martinière en paiement des factures et indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, et en dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies.

Par jugement du 5 février 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Txica de sa demande en paiement des factures du 31 mai 2018 de 7 572 euros, du 7 juillet 2018 de 13 938 euros et du 24 janvier 2019 de 7 226,40 euros ;

- condamné la société Alain Martinière à régler à la société Txica la somme de 2 095,20 euros TTC, avec intérêt au taux légal à compter du 30 mai 2018 ;

- condamné la société Alain Martinière à payer à la société Txica la somme de 600 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

- débouté la société Txica de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

- débouté la société Txica de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Txica de ses demandes autres, plus amples ou contraires ;

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;

- condamné la société Alain Martinière.

Par déclaration du 5 mars 2020, la société Txica a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en paiement des factures du 31 mai 2018 de 7 572 euros, du 7 juillet 2018 de 13 938 euros et du 24 janvier 2019 de 7 226,40 euros, en dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 5 novembre 2020, la société Txica demande, au visa des articles 1186 et 1187, 1224 et suivants du code civil, de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en paiement des factures du 31 mai 2018 de 7 572 euros, du 7 juillet 2018 de 13 938 euros et du 24 janvier 2019 de 7 226,40 euros, en dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuant à nouveau, condamner la société Alain Martinière à lui payer les sommes de 28 736,40 euros au titre des factures n°18120 du 31 mai 2018, n°18131 du 7 juillet 2018 et n°19002 du 24 janvier 2019 ;

- à titre subsidiaire, condamner la société Alain Martinière à lui restituer, à ses frais et en parfait état, les deux colis de la collection été 2018 qui lui ont été livrés le 5 avril 2018 ;

- en tout état de cause, condamner la société Alain Martinière à lui payer la somme de 15 125,68 euros de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies ;

- condamner la société Alain Martinière à lui payer une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Alain Martinière aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2020, la société Alain Martinière demande de :

- débouter la société Txica de ses demandes ;

- confirmer la décision en toutes ses dispositions ;

- condamner la société Txica à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Txica aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été prononcée le 7 avril 2022.

MOTIFS

- Sur le paiement des factures :

L'article 1219 du code civil dispose qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Aux termes de l'article 1220 du même code, une partie peut suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais.

La société Txica a réclamé le règlement de solde de factures, au titre de commandes pour l'hiver 2016 et été 2017.

En réponse, la société Alain Martinière a, par courriel du 29 janvier 2018, réclamé des avoirs correspondant à des retours de marchandises défectueuses en 2016 avant de procéder à des règlements, indiquant être dans l'impossibilité de 'rapprocher les bons de retour des avoirs'.

La société Txica a, par courriel du 30 janvier 2018, indiqué les 'avoirs' envoyés.

Par le même courriel du 29 janvier 2018, la société Alain Martinière a demandé 'de suspendre toute livraison été 18".

La 'commande été 18' avait été confirmée par la société Txica par courriel du 30 novembre 2017.

Elle a été livrée en deux colis le 4 avril 2018 et le 2 mai 2018, de manière incomplète, plusieurs articles étant manquants tant en ce qui concerne les tailles que les modèles, 389 pièces étant livrées sur les 449 articles commandés, ainsi qu'il résulte de la comparaison de la commande et des bons de livraison.

Par courriel du 5 avril 2018, la société Alain Martinière a informé la société Txixa de son refus de recevoir les deux colis et de l'annulation de sa commande pour l'hiver 2018.

Par courriel du 21 avril 2018, la société Alain Martinière a confirmé cette annulation de commande, invoquant l'absence de réception de confirmation de la commande et le nombre important de retours effectués lors des dernières saisons en raison de 'défauts répétés'sur les articles.

Il résulte de courriels du 30 janvier 2018 et du 20 avril 2018 de la société Txica, et de son 'relevé de compte Martinière' que plusieurs 'avoirs' significatifs ont été accordés à la société Alain Martinière, notamment pour l'été 2016 (2736 euros et 6326,40 euros pour des factures de 3351,60 euros et 20'432,40 euros), l'hiver 2016 (5844 euros pour des factures de 5748 euros, 10'110 euros et 228 euros) et l'hiver 2017 (6996 euros pour des factures de 4776 euros, 1552,80 euros et 8085,60 euros), soit respectivement plus 38 %, 36 % et 48 % des factures, ainsi que l'a relevé le tribunal de commerce.

Un courriel du 24 octobre 2017 vise un 'avoir de la pièce défectueuse renvoyée le 1er septembre', ce qui accrédite la justification des 'avoirs' par la défectuosité d'articles, étant relevé que la société Txixa ne justifie pas d'une autre cause de ces 'avoirs'.

Ainsi, il est établi que la société Txica a gravement manqué et de manière répétée à son obligation de livrer une marchandise conforme à ce qui avait été commandé, et que ces manquements justifient la résolution des ventes des collections 'été 2018' et 'hiver 2018'.

Le jugement, qui a rejeté la demande de la société Txica en paiement des factures du 31 mai 2018 de 7 572 euros, du 7 juillet 2018 de 13 938 euros et du 24 janvier 2019 de 7 226,40 euros, correspondant à ces collections, sera confirmé.

La société Alain Martinière demeure débitrice d'un solde de factures de 2016 et 2017 s'élevant à la somme de 2 095,20 euros au 5 juin 2018, après déduction d'avoirs et de règlements, correspondant à des commandes de collections 'été 2016' à 'hiver 2017' livrées et acceptées.

Le jugement, qui a rejeté la demande de la société Txica en paiement des factures du 31 mai 2018 de 7 572 euros, du 7 juillet 2018 de 13 938 euros et du 24 janvier 2019 de 7 226,40 euros, sera confirmé.

Les deux colis de la collection 'été 2018' seront restitués par la société Alain Martinière à la société Txica aux frais de cette dernière.

Il est relevé que ni la société Txica, ni la société Alain Martinière, ne sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Alain Martinière à régler à la société Txica la somme de 2 095,20 euros TTC, avec intérêt au taux légal à compter du 30 mai 2018, ainsi que celle de 600 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.

- Sur la rupture des relations :

L'article L. 442-6 I 5° du code de commerce dispose qu''engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels', sans cependant faire obstacle à 'la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure'.

En l'espèce, des manquements graves et répétés de la société Txica à son obligation de livraison conforme justifient la rupture des relations commerciales avec la société Alain Martinière sans préavis.

Le jugement, qui a rejeté la demande de la société Txica en dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies, sera confirmé.

- Sur les demandes accessoires :

La société Txica succombant, sera tenue aux dépens d'appel, et le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il apparaît équitable de condamner la société Txica à payer à la société Alain Martinière la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

La cour, dans les limites de sa saisine,

- Confirme le jugement du 5 février 2020 du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions, et y ajoutant,

- Dit que les deux colis de la collection 'été 2018' seront restitués par la société Alain Martinière à la société Txica aux frais de cette dernière ;

- Condamne la société Txica à payer à la société Alain Martinière la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société Txica aux dépens d'appel.