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Décisions

Cass. com., 21 septembre 2022, n° 19-26.203

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocat général :

M. Lecaroz

Avocats :

SCP Richard, SCP Sevaux et Mathonnet

Aix-en-Provence, du 29 août 2019

29 août 2019


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 août 2019), M. [I] et Mme [B] ont contracté mariage le 17 juillet 1970, sans contrat préalable.

2. Le 13 juin 2007, M. [I], revendiquant le bénéfice des dispositions de l'article 1832-2 du code civil, a notifié à la SARL Transports [I], dont son épouse était la gérante, son intention d'être personnellement associé à hauteur de la moitié des parts sociales correspondant à l'apport que cette dernière avait effectué.

3. Invoquant le refus de Mme [B] de lui communiquer les comptes de la société Transports [I], M. [I] l'a assignée, ainsi que la société Transports [I], aux fins de voir constater qu'il avait la qualité d'associé depuis le mois de juin 2007 et d'obtenir la communication de certains documents sociaux.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société Transports [I] fait grief à l'arrêt de dire que M. [I] a la qualité d'associé depuis le 13 juin 2007 et de lui ordonner de lui communiquer les bilans, les comptes de résultats, les rapports de gestion et les procès-verbaux des assemblées générales ordinaires relatifs aux exercices 2014, 2015, 2016 et 2017, alors « que chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage ; que l'époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d'accomplir les actes d'administration et de disposition nécessaires à celle-ci ; que ces dispositions s'opposent à l'exercice de la revendication de la qualité d'associé par le conjoint lorsque l'époux apporteur exerce une profession séparée et que les parts sociales qu'il a acquises sont nécessaires à l'exercice de sa profession ; qu'en affirmant néanmoins que l'autonomie professionnelle de Mme [B], au sein de la société Transports [I], n'était nullement remise en cause par la revendication par M. [I] de sa qualité d'associé de la société, Mme [B] étant toujours associée de la société à hauteur d'un quart du capital, bien que l'ensemble des parts sociales qu'elle avait souscrites ait été le support nécessaire de son activité professionnelle, qu'elle exerçait de manière séparée, ce qui faisait obstacle à la faculté de revendication de la qualité d'associé exercée par M. [I], la cour d'appel a violé les articles 223, 1421, alinéa 2, et 1832-2 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Les articles 223 et 1421, alinéa 2, du code civil ayant pour seul objet de protéger les intérêts de l'époux exerçant une profession séparée, la société Transports [I] n'est pas recevable à se prévaloir de l'atteinte que la revendication, par M. [I], de la qualité d'associé, serait susceptible de porter au droit de Mme [I] d'exercer une telle profession.

6. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

7. La société Transports [I] fait le même grief à l'arrêt, alors « que seul peut revendiquer la qualité d'associé d'une société, celui qui est animé d'une volonté réelle et sérieuse de collaborer activement et de manière intéressée dans l'intérêt commun, avec les autres associés, à la réalisation de l'objet social ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer, pour décider que M. [E] [I] pouvait se prévaloir de la qualité d'associé de la société Transports [I], qu'aucun risque de paralysie de la société ne pouvait faire échec à sa faculté de revendiquer sa qualité d'associé, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si M. [I] était animé d'une volonté réelle et sérieuse de collaborer avec Mme [B], pour l'exercice d'une activité commune, dans l'intérêt de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832, 1833 et 1832-2 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. L'affectio societatis n'est pas une condition requise pour la revendication, par un époux, de la qualité d'associé sur le fondement de l'article 1832-2 du code civil.

9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La société Transports [I] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en l'absence de disposition légale contraire, la renonciation à un droit n'est soumise à aucune condition de forme ; qu'elle peut être tacite dès lors qu'elle résulte d'actes manifestant sans équivoque la volonté de son auteur de renoncer à ce droit ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que M. [I] pouvait se prévaloir de la qualité d'associé de la société Transports [I], que s'il avait la possibilité de renoncer à son droit de revendiquer sa qualité d'associé, cette renonciation ne pouvait être qu'expresse, aucune renonciation tacite ne pouvant faire obstacle à l'exercice de son droit, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

11. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

12. La renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer.

13. Pour dire que M. [I] avait la qualité d'associé depuis le mois de juin 2007 et ordonner à la société Transports [I] de lui communiquer certains documents sociaux, l'arrêt retient que si l'époux peut renoncer, lors de l'apport ou de l'acquisition des parts par son conjoint, ou ultérieurement, à exercer la faculté qu'il tient de l'article 1832-2, alinéa 3, du code civil, c'est à la condition que cette renonciation soit expresse et non équivoque et que la renonciation tacite dont se prévalent Mme [B] et la société Transports [I] ne suffit pas à faire obstacle au droit de M. [I] d'exercer cette revendication.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 août 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.