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Décisions

Cass. com., 7 mai 2019, n° 17-18.785

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Bordeaux, du 28 mars 2017

28 mars 2017

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 mars 2017), que le capital de la société à responsabilité limitée Eosol énergies nouvelles (la société Eosol EN) était détenu majoritairement par la société Eosol energy SL, à raison de six cent cinquante parts, M. Y... détenant deux cents parts et formant avec trois autres personnes, dont M. C..., un groupe minoritaire détenant 25 % des parts ; que des négociations ont eu lieu en 2011 sur le rachat des parts de M. Y... et M. C... par la société Eosol energy SL et ont abouti à la cession des parts de ce dernier le 9 août 2011 ; que le 6 octobre 2011, l'assemblée générale extraordinaire de la société Eosol EN l'a transformée en société par actions simplifiée et a réduit le capital social de 100 000 euros à zéro, puis l'a augmenté à 312 500 euros, avec une prime d'émission et un droit préférentiel de souscription pour les anciens associés ouvert du 6 au 14 octobre 2011 ; qu'une nouvelle assemblée générale extraordinaire du 2 novembre 2011 a constaté que seule la société Eosol energy SL avait souscrit à l'augmentation de capital ; qu'estimant que cette opération de réduction suivie d'une augmentation de capital avait pour seul objectif de l'exclure du capital de la société Eosol EN, M. Y... a assigné la société Eosol EN et la société Eosol energy SL afin d'obtenir la nullité des décisions sur le capital résultant des assemblées générales des 6 octobre et 2 novembre 2011, et celles des assemblées générales postérieures, et qu'il soit dit qu'il était demeuré propriétaire de deux cents parts de la société Eosol EN ;

Attendu que les sociétés Eosol EN et Eosol energy SL font grief à l'arrêt de faire droit à ces demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la résolution d'une assemblée d'actionnaires ne peut être annulée, sur le fondement de la fraude aux droits des minoritaires ou de l'abus de majorité, que s'il est établi qu'elle a été prise contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser des membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité ; qu'en affirmant, pour retenir la fraude aux droits de M. Y..., que si les pertes au titre de l'exercice 2010 s'élevaient à 724 283 euros, le résultat de l'année 2011 faisait apparaître un résultat de plus de 1,4 million d'euros qui aurait permis de reconstituer les capitaux propres sans nécessiter de réduction de capital, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce bénéfice suffisait à couvrir la dette incombant à la société Eosol EN de près de 2 700 000 euros, au titre de prêts consentis par son associé majoritaire, la société Eosol energy SL, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

2°/ que la résolution d'une assemblée d'actionnaires ne peut être annulée, sur le fondement de la fraude aux droits des minoritaires ou de l'abus de majorité, que s'il est établi qu'elle a été prise contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser des membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité ; qu'en affirmant, pour retenir la fraude aux droits de M. Y..., qu'avait été créée une prime d'émission pour 750 000 euros et que le capital n'avait été augmenté que de 250 000 euros, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le montant de la prime d'émission n'avait pas permis, par compensation, d'apurer les pertes de l'exercice précédent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

3°/ que la résolution d'une assemblée d'actionnaires ne peut être annulée, sur le fondement de la fraude aux droits des minoritaires ou de l'abus de majorité, que s'il est établi qu'elle a été prise contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser des membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité ; qu'en affirmant que l'opération sur le capital de la société Eosol EN effectuée le 6 octobre 2011 n'était pas nécessaire à sa survie sans rechercher, comme elle y était invitée, si la modification réglementaire intervenue en septembre 2011, instaurant un système d'appels d'offres dont le cahier des charges imposait la production de la cotation Banque de France du candidat et précisait que le candidat dont les capacités financières étaient insuffisantes serait éliminé, ne l'avait pas contrainte à procéder en urgence à une recapitalisation afin de pouvoir poursuivre son activité et répondre à des appels d'offres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

4°/ que le caractère frauduleux d'un acte ne peut être déduit de la survenance d'un fait qui lui est postérieur ; qu'en retenant la fraude des associés majoritaires de la société Eosol EN de la circonstance que le résultat de l'année 2011, inscrit au bilan du 31 décembre 2011, aurait permis de reconstituer les capitaux propres sans réduire le capital, la cour d'appel a déduit l'intention frauduleuse de la société Eosol energy SL d'un bilan connu plusieurs mois après les opérations litigieuses, qui dépendait de la finalisation incertaine de contrats en cours, violant ainsi l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

5°/ que la sanction de la fraude est l'inopposabilité de l'acte frauduleux ; qu'en sanctionnant la fraude entachant les opérations litigieuses par l'annulation des opérations sur le capital votées par assemblées générales des 6 octobre et 2 novembre 2011, et l'annulation de l'ensemble des assemblées générales postérieures, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

6°/ que la nullité des actes ou délibérations pris par les organes d'une société commerciale ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II du code de commerce ou des lois qui régissent les contrats ; qu'en sanctionnant la fraude entachant les opérations litigieuses par l'annulation des opérations sur le capital votées par assemblées générales des 6 octobre et 2 novembre 2011, et l'annulation de l'ensemble des assemblées générales postérieures, la cour d'appel a violé l'article L. 235-1 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'associé majoritaire a décidé de la réduction à zéro du capital au vu des chiffres de l'exercice 2010 faisant apparaître des pertes, cependant qu'il savait que ceux de l'année 2011 seraient bien meilleurs, que le résultat de l'année 2011, inscrit au bilan du 31 décembre 2011, soit seulement trois mois après la réduction du capital, aurait permis de reconstituer les capitaux propres sans nécessiter de réduction du capital, que la société Eosol energy SL a racheté en août et septembre 2011 les parts de deux associés minoritaires pour un prix treize fois supérieur à la valeur nominale, et que lors de l'augmentation immédiate du capital, l'assemblée a voté une prime d'émission de 30 euros par action nouvelle d'une valeur de 10 euros, soit pour un montant total de 750 000 euros, cependant que le capital n'était augmenté que de 250 000 euros, l'arrêt retient que l'opération de réduction du capital à zéro n'était pas nécessaire à la survie de la société Eosol EN et a été décidée sur la base de documents comptables constatant une perte, mais ne reflétant pas la situation de la société, dont la valeur réelle n'était pas nulle ; qu'il souligne le délai anormalement réduit de souscription, qui a été imposé à M. Y... par la décision de l'assemblée générale du 6 octobre 2011, jusqu'au 14 octobre suivant seulement, pour réunir une somme de 250 000 euros ; qu'il relève que l'opération est venue mettre fin de façon inattendue aux discussions sur le rachat des parts de M. Y... par la société Eosol energy SL, qui ont duré plusieurs semaines, et ce tandis que ce dernier avait accepté en juillet 2011 une première offre de rachat de ses parts pour un montant de 233 164 euros assorti d'une commission de 184 250 euros, puis une nouvelle offre le 19 septembre 2011, soit moins d'un mois avant l'assemblée générale litigieuse ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que l'opération, qui avait pour objectif d'exclure M. Y... et non de préserver un intérêt social, était frauduleuse, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de procéder à la recherche inopérante invoquée par la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, que sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le grief de la quatrième branche ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de la valeur de la société Eosol EN au jour de la réduction à zéro de son capital ;

Et attendu, enfin, qu'ayant retenu que l'opération sur capital avait été décidée en fraude des droits de M. Y..., c'est à bon droit que la cour d'appel a annulé les assemblées générales des 6 octobre et 2 novembre 2011 et les assemblées générales postérieures, auxquelles il n'avait pu participer du fait de la perte de sa qualité d'associé ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.