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Décisions

Cass. 1re civ., 28 novembre 2007, n° 05-13.153

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Avocats :

Me Blondel, Me Hémery

Grenoble, du 4 janv. 2005

4 janvier 2005

Attendu que le 18 mars 2000, M. X... a entrepris de nettoyer une parcelle de terre appartenant à son épouse, séparée de biens, et y a allumé un feu pour brûler des branchages ; que ce feu a provoqué un incendie qui a détruit des locaux voisins loués à la société Transports Y... ; qu'autorisés par arrêt du 10 septembre 2003 à prendre une hypothèque judiciaire sur les biens immobiliers de Mme X..., la société Transports Y... et les époux Y... ont assigné les époux X... en réparation de leur préjudice ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Transports Y... et les époux Y... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la responsabilité du sinistre leur incombait pour un quart, alors, selon le moyen :

1°/ que toute personne a droit au respect de ses biens ; que dès lors la responsabilité totale de la perte de biens par suite d'incendie causé par un tiers pèse entièrement sur l'incendiaire, sauf à démontrer que le propriétaire aurait par ses actes ou omissions mis un obstacle au sauvetage de ses biens ou détenu de façon illicite tel ou tel bien ; d'où il suit qu'en laissant à la charge des exposants un quart de responsabilité dans la perte de leurs biens après avoir constaté que l'incendie les ayant détruits avait pour seule origine un feu allumé par M. X... et sans relever aucune circonstance imputable aux victimes dans la protection de leurs biens, leur nature étant sans incidence à partir du moment où ils étaient licitement détenus, la cour d'appel viole les articles 1 du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 1382 du code civil ;

2°/ que dans leurs conclusions d'appel, les exposants faisaient valoir qu'ils disposaient du droit de détenir dans les locaux des munitions et que les matériaux contenus dans l'entrepôt étaient indispensables à l'activité de transporteur, licitement exercée ; d'où il suit qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de conclusions établissant que les exposants n'avaient pas agi en créant un risque dépourvu de toute justification, la cour d'appel ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés,
que les époux Y... avaient aménagé leur habitation personnelle dans les locaux loués à la société Transports Y... à usage exclusif de bureaux et dépôt de véhicules de transport et y avaient entreposé des matériaux particulièrement dangereux et inflammables ainsi que des armes et des munitions, étrangers à l'activité professionnelle et d'usage strictement privé, qui avaient amplifié la puissance de l'incendie et l'importance des dégâts ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a ainsi répondu aux conclusions invoquées, a pu en déduire que la société Transports Y... et les époux Y... avaient commis une faute en entreposant des matériaux dangereux en violation des clauses du bail et que cette faute, qui avait concouru à la réalisation du dommage, exonérait partiellement M. X... de sa responsabilité ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 220, 1540 et 1984 du code civil ;

Attendu que le mandat, qui est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose en son nom, ne peut porter que sur des actes juridiques et non des actes matériels ;

Attendu que pour condamner Mme X... solidairement avec son époux à réparer le préjudice subi par la société Transports Y... et par les époux Y... l'arrêt retient que le fait pour le mari d'entretenir une parcelle et de la nettoyer en faisant brûler les branchages, dans l'intérêt commun des deux époux, est un acte banal de la vie courante entre époux engagés dans une communauté de vie, caractérisant un mandat domestique ; que l'épouse ne conteste pas avoir su que son mari entretenait sa parcelle en mettant le feu par jour de vent et ne pas l'avoir surveillé ; qu'elle a ainsi entendu ratifier les actes de son époux ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme X... solidairement avec son époux à payer à la société Transports Y... la somme de 285 585,43 euros et aux époux Y... la somme de 195 212,92 euros en réparation de leur préjudice, l'arrêt rendu le 4 janvier 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée.