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Décisions

Cass. com., 31 janvier 2006, n° 04-14.666

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Versailles, 12e ch., sect. 2, du 26 févr…

26 février 2004

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Groupe Denis & Co (la société Denis) ayant recherché la responsabilité de la société British American Tobacco France (la société BATF) en raison de la rupture fautive d'un contrat conclu entre les parties à propos d'un projet de campagne publicitaire, cette dernière a objecté l'absence de tout engagement de sa part ; que la cour d'appel a rectifié et réformé le jugement accueillant la demande ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Denis fait grief à l'arrêt d'avoir rectifié le jugement frappé d'appel quant aux modalités de son exécution provisoire, alors, selon le moyen, que constitue une omission de statuer celle par laquelle le juge omet de reprendre dans son dispositif une prétention sur laquelle il s'est expliqué dans ses motifs ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, en retenant que le tribunal ayant clairement exposé dans ses motifs sa décision d'ordonner l'exécution provisoire sous réserve de la fourniture par la société Denis, en cas d'appel, d'une caution bancaire d'égal montant des condamnations prononcées, c'est bien par suite d'une erreur purement matérielle, au sens de l'article 462 du nouveau Code de procédure civile, qu'il n'en a pas été fait état dans le dispositif, la cour d'appel a violé les articles 462 et 463 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la société Denis ayant demandé à la cour d'appel de lui donner acte qu'elle n'avait pas d'objection à formuler sur la demande de rectification, le grief, contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond, est irrecevable ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1710 du Code civil ;

Attendu que pour écarter l'existence d'un contrat entre les parties, l'arrêt retient qu'une correspondance du 16 octobre 2000 ne peut constituer la preuve d'une convention dont les conditions nécessaires à la validité, telles que prévues aux articles 1108 et 1129 du Code civil, ne sont pas réunies à cette date, le prix de la campagne envisagée n'étant pas arrêté, et ne l'ayant pas été davantage ultérieurement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas une condition essentielle du contrat d'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1108 et 1710 du Code civil ;

Attendu que pour statuer ainsi, l'arrêt retient encore que cette correspondance ne peut constituer la preuve d'une convention dont les conditions nécessaires à la validité, telles que prévues aux articles 1108 et 1129 du Code civil, ne sont pas réunies à cette date, l'objet de la campagne envisagée n'étant pas arrêté, et que par la suite, aucun accord n'est intervenu ni ne pouvait être atteint relativement à l'exploitation du concept, objet même du contrat projeté ;

Attendu qu'en se bornant à cette affirmation, alors qu'elle constatait que la société Denis avait participé à une réunion au cours de laquelle la société BATF avait exposé à diverses agences de communication en compétition son souhait de réaliser une campagne événementielle et présenté l'univers de la marque à valoriser afin qu'elles recherchent un concept dont la création était susceptible de permettre leur sélection, que le concept d'animation proposé par la société Denis avait séduit la société BATF, que celle-ci l'avait rencontrée afin d'envisager le contenu de leurs relations à venir, tant au titre des prestations que du prix, les unes comme les autres devant être définis et déterminés, que le 18 décembre 2000, la société BATF a confirmé son désaccord sur le montant du dernier devis, notamment quant au nombre des opérations et au montant des honoraires de l'agence, et qu'avait été envisagée l'hypothèse d'un rachat du concept par la société BATF à la société Denis et d'une réalisation par ses soins d'un appel d'offres sur la partie exploitation, la cour d'appel, en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Denis, qui, réclamant paiement d'honoraires de création, soutenaient que le contrat avait pour objet, tant la conception des opérations de communication que leur exécution, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour statuer ainsi, l'arrêt retient enfin que l'absence de tout accord de volontés des parties de nature à établir la réalité du contrat allégué est finalement corroborée sans équivoque par la société Denis elle-même, puisque dans son courrier adressé le 28 décembre 2000 à la société BATF, elle conclut : "je veux croire qu'il s'agit d'un simple malentendu ne constituant qu'une étape dans une négociation commerciale à laquelle je souhaite, et ce dans l'intérêt bien compris de nos entreprises respectives, trouver très rapidement une issue positive, afin de clore cette négociation par un contrat qu'il importe de régulariser rapidement" ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que ce courrier indiquait en outre que "le 16 octobre 2000, vous nous avez adressé un courrier à l'effet de nous confirmer que notre agence avait été retenue pour l'organisation et la mise en place d'actions promotionnelles suivant notre concept tel qu'il vous avait été présenté le 15 septembre 2000 ; vous terminiez votre correspondance en nous annonçant prendre très rapidement contact avec nous afin de rédiger le contrat de collaboration ;

cependant, je constate que nonobstant cette promesse, aucun projet de contrat ne nous est parvenu, qui n'a d'ailleurs pas même été évoqué en dépit de nos demandes à l'occasion des différents entretiens et nombreuses réunions de travail que nous avons eus ensemble depuis lors ; en revanche, votre société a continué à nous faire travailler activement, vos demandes, en termes de manifestations notamment, évoluant sans cesse, nous conduisant à élaborer à votre attention de nouvelles solutions ainsi que de nouveaux budgets", de sorte que la société Denis ne faisait état que de l'absence de formalisation écrite d'un engagement dont elle revendiquait le principe, la cour d'appel a dénaturé ce document ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la société Groupe Denis & Co, l'arrêt rendu le 26 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.