CA Riom, 1re ch. civ., 27 avril 2021, n° 19/01830
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Dome Technique (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Marcelin
Conseillers :
M. Acquarone, Mme Bedos
EXPOSE DES FAITS DE LA PROCEDURE ET DES MOYENS DES PARTIES :
Monsieur Andrew H. et Madame Jane R. épouse H. ont confié à la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE la réalisation de travaux d'électricité dans leur immeuble situé [...] (63).
La Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE a saisi le juge des référés du tribunal d'instance de Clermont-Ferrand à l'effet d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire pour faire constater la qualité des travaux réalisés.
Par ordonnance rendue le 03 mars 2016, le tribunal d'instance de Clermont-Ferrand a désigné Monsieur Martial C. qui a déposé son rapport le 18 janvier 2018.
Par actes d'huissier en date du 18 juin 2018, la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE a fait assigner Monsieur Andrew H. et Madame Jane R. épouse H. devant le tribunal d'instance de Clermont-Ferrand afin d'obtenir le paiement des travaux.
Par jugement rendu le 03 septembre 2019, le tribunal d'instance de Clermont-Ferrand a :
- Déclaré recevables les demandes formées par la SARL DOME TECHNIQUE EGE
- Débouté la SARL DOME TECHNIQUE EGE de sa demande de paiement de la somme de 3.134,50 € au titre de la facture du 05 octobre 2014
- Débouté la SARL DOME TECHNIQUE EGE de sa demande de paiement de la somme de 1.000 € au titre de la résistance abusive
- Condamné la SARL DOME TECHNIQUE EGE à payer aux époux H. la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens, ce compris les frais d'expertise
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration électronique du 19 septembre 2019, la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE a interjeté appel de cette décision en ce que le premier juge l'a débouté, à tort, de l'ensemble des demandes en paiement présentées à l'encontre de Mr et Mme H., alors même que son action était déclarée recevable, et notamment de :
- sa demande en paiement de la somme de 3.134,50 € au titre de sa facture du 5 octobre 2014,
- sa demande en paiement de la somme de 1.000,00 € au titre de la résistance abusive,
- sa demande en paiement de la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du CPC
- et de sa demande de condamnation des époux H. aux entiers dépens en ce compris d'expertise judiciaire La société DOME TECHNIQUE forme également appel de la condamnation prononcée à son encontre et en faveur des époux H. à hauteur de la somme de 500 € au titre de l'article 700 du CPC, outre sa condamnation aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.
L'affaire a été orientée à la mise en état.
Par conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 10 février 2021, la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE a demandé à la cour de :
« INFIRMER la décision dont appel,
DECLARER recevables et bien fondées les demandes de la Société DOME TECHNIQUE,
CONDAMNER Monsieur et Madame H., in solidum, à payer et porter à la Société DOME TECHNIQUE la somme de 3.134,50 €, au titre du solde de la facture du 5 octobre 2014,
CONDAMNER Monsieur et Madame H., in solidum, à payer et porter à la Société DOME TECHNIQUE la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement,
CONDAMNER Monsieur et Madame H., in solidum, à payer et porter à la Société DOME TECHNIQUE la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
FAIRE application des dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil, sur la capitalisation des intérêts à compter de la première année suivant la mise en demeure du 15 novembre 2014,
DEBOUTER Monsieur et Madame H. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER Monsieur et Madame H. in solidum aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.»
La Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE fait valoir que les époux H. ne sont pas consommateurs, et que les parties étaient liés par un contrat de louage d'ouvrage et qu'il s'agit d'un marché au métré.
Elle ajoute que l'absence de devis et de détermination préalable du prix ne fait pas obstacle au droit au paiement de l'entreprise et maintient qu'il n'y a eu aucun surcoût.
Par conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 11 janvier 2021, Monsieur Andrew H. et Madame Jane R. épouse H. demandent à la cour de :
« - Juger que la Société DOME TECHNIQUE n'a jamais établi de devis préalable à l'établissement de la facture litigieuse.
- Juger que les époux H. n'ont jamais reçu ' avant la vente ' une information relative au prix des services et aux conditions de sa fixation.
- Juger que les parties sont tombées d'accord pour un règlement global et forfaitaire à la somme de 10 800 €.
- Juger que l'installation électrique n'a pas fait l'objet d'un certificat de conformité.
- Juger que la Société DOME TECHNIQUE de rapporte pas la preuve que la facture litigieuse est conforme aux prestations réalisées.
En conséquence,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal d'instance de CLERMONT-FERRAND en date du 03 septembre 2019 en tant qu'il a :
- Débouté la SARL DOME TECHNIQUE EGE de sa demande de paiement de la somme de 3.134,50 € au titre de la facture du 05 octobre 2014
- Débouté la SARL DOME TECHNIQUE EGE de sa demande de paiement de la somme de 1.000 € au titre de la résistance abusive
- Condamné la SARL DOME TECHNIQUE EGE à payer aux époux H. la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens, ce compris les frais d'expertise
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement
- Rejeter le surplus des demandes
- Condamner la Société DOME TECHNIQUE à payer et porter aux époux H. la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC.
- Condamner la même aux entiers dépens de l'instance, et dire et juger qu'elle supportera seule les frais d'expertise ainsi que ceux de la première instance et ceux d'appel. »
Les époux H. exposent que les dispositions du code de la consommation leur sont applicables et que la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE n'établit pas l'existence d'un contrat d'entreprise.
Ils ajoutent que la Société DOME TECHNIQUE est défaillante dans son devoir d'information, n'ayant notamment jamais communiqué de devis préalable à la facture litigieuse en date du 5 octobre 2014. Les factures versées aux débats démontrent une surfacturation de la part de la Société DOME TECHNIQUE et la somme réclamée est manifestement excessive.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
La clôture de la présente instance a été prononcée le 25 février 2020.
MOTIFS DE LA DECISION :
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' ou de 'dire' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Sur les relations contractuelles entre les parties :
Aux termes de l'article 1710 du code civil, le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre moyennant un prix convenu entre elles.
Il est constant que le contrat de louage n'est soumis à aucun formalisme particulier, que la preuve du contrat d'entreprise peut être rapportée par tous moyens et que l'établissement d'un devis n'est pas nécessaire à son existence. Il est présumé conclu à titre onéreux. Un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas un élément essentiel du contrat d'entreprise.
Les dispositions du code de la consommation s'appliquent au contrat de louage d'ouvrage et d'industrie conclu entre un professionnel et un non professionnel. L'article L. 111-1 de ce code, dans sa version applicable à la cause, n'impose pas que l'information due par le professionnel prenne la forme d'un devis.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE a réalisé des travaux de fourniture et de pose d'électricité dans l'immeuble des époux H. dont la matérialité n'est pas contestée dès lors qu'ils ont versé le 04 mars 2014 un acompte d'un montant de 4.000 euros. Seul le coût des travaux est contesté.
Dès lors, la prestation réalisée par la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE présente les caractéristiques du contrat d'entreprise.
Aux termes de l'article liminaire du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2014, un consommateur s'entend notamment comme toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
Aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que les travaux ont été réalisés dans le cadre d'une activité professionnelle des époux H. qui sont consommateurs.
Sur le paiement de la facture litigieuse :
S'agissant d'un contrat d'entreprise, au regard du code civil, ou d'un contrat de prestation de service tel que le définit le code de la consommation, il est formé par la rencontre des volontés des parties sur son objet, la détermination du prix pouvant s'opérer ultérieurement, après achèvement des travaux et en cas de désaccord il peut être fixé par le juge.
La Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE demande le paiement de la somme de 3.134,50 euros au titre de sa facture du 5 octobre 2014. Les époux H. s'y opposent, faisant valoir que les factures versées aux débats démontrent une surfacturation de la part de la Société DOME TECHNIQUE et la somme réclamée est manifestement excessive et que la société est défaillante dans son devoir d'information.
L'article L111-1 du code de la consommation énonce notamment qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1.
L'article L111-2 du même code précise que tout professionnel, avant la conclusion d'un contrat de fourniture de services et, lorsqu'il n'y a pas de contrat écrit, avant l'exécution de la prestation de services, met à la disposition du consommateur ou lui communique, de manière lisible et compréhensible, les informations complémentaires relatives à ses coordonnées, à son activité de prestation de services et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Ainsi l'article R. 111-2, précise notamment que tout professionnel prestataire de services doit également communiquer au consommateur qui en fait la demande les informations complémentaires suivantes :
a) Lorsque le prix n'est pas déterminé au préalable par le prestataire pour un type de service donné, le prix du service ou, lorsqu'un prix exact ne peut pas être indiqué, la méthode de calcul permettant au destinataire de vérifier ce dernier, ou un devis suffisamment détaillé.
Pour autant, le texte ne sanctionne pas le non-respect de ces exigences par la nullité ou le rejet de toute rémunération, étant admis, conformément au principe selon lequel la charge de prouver l'obligation dont est sollicitée l'exécution incombe au créancier, qu'il appartient au maître d'oeuvre qui réclame paiement, d'établir la réalisation de la prestation et de justifier de son prix.
Il ressort du rapport d'expertise déposé par Monsieur Martial C. le 18 janvier 2018 que 'les travaux réalisés au 3ème étage n'ont pas fait l'objet de devis, ceux-ci ayant été confiés par les époux H. dans l'esprit des travaux réalisés précédemment sans devis", que la facture litigieuse 'est établie à partir d'ensemble ne permettant pas de détailler les prix unitaires', que 'l'absence de constat contradictoire ne permettant pas d'affirmer les travaux réellement réalisés. De même la fourniture de certaines prestations par le maître de l'ouvrage ne permet pas de définir précisément les prestations effectuées ', que 'les travaux n'ayant pas fait I'objet de devis préalable, il ne peut être par ce fait évoqué de surcoût' et que 'la prestation électrique réalisée ne peut être comparée à d'autres chantiers pour diverses raisons: qualité des prestations, conditions de réalisation, adaptation à l'existant. L'absence de devis préalable pour le 3ème étage tout comme le 2ème étage ou la colonne montante n'explique pas un refus de règlement, sauf à apporter la preuve tangible de la sur facturation', que 'les conditions de réalisation peuvent justifier certains écarts sur les prix unitaires dans la mesure où cet écart est démontré. Aucun élément ne nous permet de vérifier cet écart'.
Le premier juge a relevé à juste titre qu'il est ainsi impossible de déterminer avec précision si les travaux réalisés correspondent bien à ceux acceptés par Monsieur Andy H. et Madame Jane R. épouse H., ces derniers n'ayant pas fait l'objet d'un devis, ni d'établir si le prix figurant sur la facture en date du 05 octobre 2014 est excessif alors que la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE n'était pas dispensée de son obligation de conseil et d'information à l'égard de ses clients, notamment s'agissant du prix des prestations réalisées.
La Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE soutient que les parties appliquaient des prix unitaires aux quantités réellement exécutées, dit marché au métré. Le prix du marché au métré est défini selon les prix unitaires du bordereau de prix avec éventuellement indication de la majoration ou du rabais applicable à ces prix unitaires. Or, l'expert a conclu que les travaux du 3ème étage n'ont pas fait l'objet d'un devis et que la facture litigieuse ne permet pas de détailler les prix unitaires alors que les époux H. ont fourni une partie du matériel électrique posé. En l'absence d'autres documents produits aux débats, la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE ne justifie aucunement de l'existence d'un marché au métré convenu par les parties.
Les époux H. ont versé postérieurement à l'établissement de la facture la somme de 6.500 euros en complément de l'acompte de 4.000 euros. Ils précisent que, conformément à l'accord verbal conclu avec la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE, cette somme venait en paiement du solde des travaux commandés, ce que conteste cette dernière.
Entre le 06 août 2012 et le 05 octobre 2017, les époux H. ont confié à la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE la réalisation de nombreux travaux d'électricité dans leur immeuble pour lesquels ils ont payé la somme totale de 20.677,61 euros, sans jamais contester les factures.
La facture établie le 05 octobre 2014 fait état d'un acompte versé d'un montant total de 10.500 euros. Les époux H. ont versé le 14 mars 2014 par chèque bancaire la somme de 4.000 euros, puis le 16 octobre 2014, soit postérieurement à l'établissement de la facture, la somme de 6.500 euros, ce qui ne peut en conséquence correspondre au versement d'un acompte, mais au solde des travaux ce qui confirme l'existence d'un accord verbal.
La facture produite par la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE, qui n'a pas communiqué la méthode de calcul des prix, ne permet pas de détailler les prix unitaires ni de déterminer les prestations effectivement réalisées par l'entreprise alors que selon l'expert les époux H. ont fourni certains matériaux et posé certaines prises de courant.
En conséquence, le jugement de premier instance sera confirmé en ce que la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE ne rapporte pas la preuve de l'obligation qu'elle sollicite de sorte que sa demande de paiement de la somme de 3.134,50 euros sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE :
Le jugement de première instance étant confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement présentée par la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE, celle-ci ne peut prétendre à l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires :
Il n'est pas inéquitable de condamner la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE à verser aux époux H. la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE sera condamnée aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 03 septembre 2019 par le tribunal d'instance de Clermont-Ferrand,
Condamne la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE à verser aux époux H. la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la Société à Responsabilité Limitée DOME TECHNIQUE aux dépens.