Cass. com., 14 février 2006, n° 04-14.854
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mars 2004), que la société en nom collectif Invest Hôtel Blanc-Mesnil (la SNC) a, lors d'une assemblée générale mixte du 30 septembre 1998, pour faire face à un besoin de trésorerie de 5 000 000 francs, adopté à l'unanimité une résolution tendant à une suspension du remboursement des comptes courants d'associés ; qu'au cours d'une assemblée générale extraordinaire du 20 novembre 1998, une augmentation de capital a été décidée ; que celle-ci a été souscrite par un associé de la SNC, la société Envergure participations, partiellement par compensation avec le solde de son compte d'associé ; qu'un associé, la société Cerisier, après refus par le gérant de la SNC, a assigné cette dernière en remboursement de son compte courant d'associé ;
Attendu que la société Cerisier fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le refus de remboursement de son compte courant d'associé opposé par la SNC était bien fondé, alors, selon le moyen :
1°) que seule une convention particulière passée entre une société et son associé est de nature à justifier la limitation du droit de celui-ci à obtenir le remboursement de son compte courant d'associé ; que ne saurait être assimilée à une telle convention une résolution adoptée par l'assemblée générale de la société, quand bien même elle aurait été votée à l'unanimité et donc par l'associé concerné, tout d'abord car ce dernier n'est intervenu à cet acte qu'en sa qualité d'associé et non de créancier et ensuite car son engagement unilatéral faute d'acceptation par la société personne morale ne saurait lui être opposé ; qu'en décidant néanmoins qu'en votant une résolution aux termes de laquelle l'assemblée générale des associés convenait que les soldes des comptes courants d'associé seraient maintenus dans la société tant que la trésorerie de celle-ci ne permettra pas le remboursement, la société cerisier avait régulièrement limité le droit au remboursement dont elle était titulaire, la cour d'appel aurait violé les articles L. 221-6 et L. 225-96 du Code de commerce ;
2°) que la compensation entre deux dettes réciproques opère extinction de chacune d'elle jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ; que la cour d'appel qui constatait qu'une partie de l'augmentation de capital de la société était intervenue par voie de compensation avec un compte courant d'associé, ne pouvait néanmoins décider que le solde de ce compte courant était "maintenu dans la société" sans méconnaître l'effet extinctif de la compensation qu'elle relevait et partant violer les articles 1289 et 1290 du Code civil ;
3°) que la résolution adoptée par l'unanimité des associés le 30 septembre 1998 prévoyait que les comptes courants d'associés ne seraient pas rémunérés et que leurs soldes après affectation du résultat seraient maintenus jusqu'à reconstitution de la trésorerie de la société ; que l'augmentation de capital de la société opérée partiellement par voie de compensation avec le compte courant de l'un des associés emportait extinction de ce compte courant et partant, méconnaissait l'engagement souscrit par l'ensemble des associés ; qu'en décidant néanmoins que l'égalité des créanciers n'avait pas été rompue par cette opération, la cour d'appel a méconnu le sens clair et précis de cette résolution en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt énonce que l'associé titulaire d'un compte d'associé peut accepter d'assortir la créance qu'il détient ainsi sur la société des limites qu'il juge opportunes et relève en l'espèce qu'en votant une résolution, adoptée à l'unanimité, aux termes de laquelle "l'assemblée générale des associés convient, jusqu'à nouvelle décision contraire, que les comptes courants d'associés ne seront pas rémunérés et que le solde de ces comptes courants après affectation du résultat sera maintenu dans la société tant que la trésorerie de celle-ci n'en permettra pas le remboursement", la société Cerisier n'a fait que limiter l'exercice d'un droit dont elle était titulaire ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;
Attendu, en second lieu, que c'est par une interprétation que les termes ambigus de la résolution rendaient nécessaire et l'effet extinctif de la compensation intervenue que la cour d'appel a souverainement retenu, sans méconnaître l'effet extinctif de la compensation intervenue, que la souscription d'une partie de l'augmentation de capital par voie de compensation avec le compte d'un associé avait "maintenu dans la société" le solde de ce compte ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.