Cass. com., 14 novembre 2006, n° 05-15.851
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Philippe X... est décédé le 29 mai 1997, laissant pour lui succéder ses deux fils Timothée et Quentin ainsi que son épouse Mme Véronique Y... ; que la SCI de la Noue (la SCI) dans laquelle Philippe X... était associé principal a demandé aux deux autres associés, MM. Didier X... et Z... d'agréer les ayants droit de Philippe X... comme porteurs de parts ; que le 26 mai 1998, M. Z... a refusé cette proposition et s'est porté acquéreur de la totalité des parts ; que le tribunal a dit que les deux associés MM. Z... et Didier X... étaient les cessionnaires des parts sociales de Philippe X... ; qu'en cause d'appel, M. Z... qui n'avait pas obtenu entière satisfaction a demandé que les consorts X... soient considérés comme agréés au sein de la SCI ; que la cour d'appel a déclaré les prétentions de M. Z... irrecevables comme nouvelles ainsi que celles des consorts X... lesquelles tendaient au remboursement du compte courant d'associé de Philippe X... ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° G 05-17.507 formé par M. Z... :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables comme nouvelles les demandes qu'il a présentées en cause d'appel et d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a dit qu'il était cessionnaire avec M. Didier X... des parts de la SCI de la Noue à concurrence de 25 460 parts et entériné le refus d'agrément des consorts X..., alors, selon le moyen :
1 / que caractérise une circonstance particulière entraînant leur rejet, le dépôt de pièces la veille de l'ordonnance de clôture, fixée au jour des débats, le fait pour une partie de communiquer à son adversaire une pièce ayant trait à un fait nouveau, dont il n'avait pas été débattu et dont le destinataire de ces pièces ignore tout ; que le 5 janvier 2005, M. Didier X... et la SCI de La Noue lui ont communiqué deux pièces, la clôture étant fixée au lendemain, jour de l'audience publique des débats ;
qu'il demandait le rejet de ces pièces, l'une d'entre elles étant le procès-verbal d'une assemblée générale de la SCI de la Noue à laquelle il n'avait pas participé et qui s'était tenue le 24 décembre 2004, invoquant ainsi une circonstance particulière le mettant dans l'impossibilité d'étudier et de réagir à cette pièce pour le lendemain ; qu'en affirmant purement et simplement qu'il ne démontrait aucune circonstance particulière empêchant la contradiction, sans s'expliquer sur le fait que la pièce n° 43 concernait un événement nouveau dans le débat et dont il ignorait tout, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du nouveau code de procédure civile et du principe de la contradiction ;
2 / que des pièces communiquées la veille de la clôture, dont il est prévu qu'elle interviendra le jour des débats, doivent être rejetées lorsque cette communication tardive est le fait d'un comportement déloyal ; qu'il soutenait que la pièce n° 43, communiquée le 5 janvier 2005, la clôture intervenant le lendemain, jour des débats, était le procès-verbal d'une assemblée générale de la SCI de la Noue du 24 décembre 2004 organisée par M. Didier X..., et que cette réunion, destinée à exercer un effet sur l'affaire en cours, aurait pu être organisée plus tôt, M. Didier X... étant partie à la procédure et connaissant la date de clôture de l'instruction, de sorte que cette pièce aurait dû être transmise dans un délai lui laissant le temps d'étudier et de réagir à cet élément nouveau ; que faute de s'être expliquée sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du nouveau code de procédure civile, ensemble le principe de la loyauté des débats ;
Mais attendu qu'en relevant que M. Z... se bornait à soutenir sans le démontrer qu'il avait été dans l'impossibilité de prendre connaissance des deux pièces communiquées le 5 janvier 2005 et à alléguer que ces communications tardives ne tendaient qu'à l'obtention d'un renvoi de l'affaire, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a, à bon droit, décidé qu'aucune circonstance particulière ayant empêché le respect de la contradiction n'était démontrée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu que M. Z... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1 / que la partie qui a été déboutée en première instance d'une demande déterminée est fondée à demander à la cour d'appel d'infirmer le chef du dispositif du jugement qui rejette cette demande, l'appel partiel dans cette hypothèse ne présentant aucune demande nouvelle ; qu'en première instance, il demandait au tribunal de grande instance de le déclarer seul cessionnaire de toutes les parts de M. Philippe X... au prix unitaire de 1,67 euros ; que le jugement entrepris l'ayant débouté de ce chef de demande l'a déclaré cessionnaire d'une fraction seulement des parts litigieuses pour un prix de 2,37 euros, de sorte qu'en interjetant appel de cette décision, il était recevable à demander aux juges du second degré d'infirmer ce chef de dispositif, sans que cette demande ne soit nouvelle ou contraire à ses dernières demandes de première instance ; qu'en déclarant cette demande irrecevable comme étant à la fois contraire au dernier état de ses demandes et en même temps nouvelle, la cour d'appel a violé les articles 562, 564, 565 et 566 du nouveau code de procédure civile ;
2 / que les parties peuvent expliciter des demandes qui étaient virtuellement comprises en première instance par des prétentions qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en première instance, il demandait à être déclaré titulaire de la totalité des parts de M. Philippe X... à un prix déterminé, cette demande excluant implicitement mais nécessairement toute autre solution ; que le jugement l'ayant déclaré cessionnaire d'une fraction seulement de ces parts sociales à un prix distinct, il était fondé à présenter une demande qui explicitait ses prétentions initiales, en demandant que faute de pouvoir obtenir l'attribution totale des parts litigieuses au prix souhaité, il refusait toute acquisition, cette demande éclairant sa demande initiale ; qu'en jugeant cette demande irrecevable au motif qu'elle serait nouvelle et contraire à celle présentée en première instance, la cour d'appel a violé l'article 566 du nouveau code de procédure civile ;
3 / que toute demande nouvelle est recevable en appel, si elle résulte de la révélation d'un fait qui prive d'intérêt une prétention présentée en première instance ; qu'il avait demandé au tribunal de le déclarer cessionnaire de toutes les parts de feu M. Philippe X... à un prix déterminé ; qu'ayant appris que postérieurement à l'ordonnance de clôture de l'instruction de première instance d'importants éléments d'actifs avaient été cédés par la SCI de la Noue, ce qui supprimait l'intérêt pour lui d'être associé majoritaire, il demandait en appel à ce que les consorts X... fussent déclarés associés agréés au sens de l'article 13 des statuts de cette société et que M. Didier X... fût déclaré cessionnaire par voie conventionnelle d'une partie des parts sociales litigieuses ; que faute d'avoir recherché si la vente des actifs de la SCI de la Noue privait d'intérêt ses demandes initiales, la cour d'appel, en déclarant cette demande irrecevable comme étant contraire aux prétentions de première instance et nouvelle en appel, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 564 du nouveau code de procédure civile ;
4 / qu'excède ses pouvoirs, la cour d'appel qui déclare irrecevable une demande et statue ensuite sur le fond de cette demande pour la rejeter ; que faisant droit aux moyens de défense présentés à titre principal par les diverses parties intimées, la cour d'appel a déclaré ses demandes principales irrecevables en ce qu'elles tendaient à déclarer les consorts X... agréés au sens de l'article 13 des statuts de la SCI de la Noue et que M. Didier X... fût déclaré cessionnaire d'une fraction des parts de cette société ; que nonobstant cette décision, la cour d'appel a examiné le fond de ces mêmes demandes pour les déclarer mal fondées et confirmer expressément le jugement entrepris, de sorte qu'en statuant ainsi, elle a excédé les pouvoirs qu'elle tient de l'article 562 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. Z... demandait aux termes de ses dernières conclusions que les consorts X... soient réputés agréés, la cour d'appel a dit, à bon droit, que les prétentions émises en cause d'appel en tant qu'elles visaient à la validation de la renonciation de M. Z... à l'acquisition de parts sociales et à la reconnaissance de la qualité d'associés des consorts X... étaient contraires à celles qui ont été soumises au premier juge et ne tendaient pas aux mêmes fins et a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi n° G 05-15.851 formé par les consorts X..., pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 122 du nouveau code de procédure civile et 1134 du code civil ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de remboursement du compte-courant détenu par Philippe X... dans la SCI de la Noue présentée par les consorts X..., la cour d'appel retient qu'aucune assemblée générale ordinaire n'a décidé le remboursement de ce compte courant ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'une fin de non-recevoir suppose que le demandeur n'ait pas le droit d'agir et que l'absence de détermination par les associés des conditions d'intérêts et de retrait des fonds portés en compte courant ne fait pas perdre à l'associé titulaire d'un tel compte, ainsi qu'à ses ayants droits, le droit d'en demander en justice le remboursement, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la fin de non recevoir, a violé les articles susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande des consorts X..., l'arrêt rendu le 18 mars 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.