Cass. com., 5 octobre 2022, n° 21-12.488
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Bélaval
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société [G] & Rousselet, en la personne de M. [G], et à la société 2M & associés, en la personne de Mme [C], en leur qualité d'administrateurs de la société Recylex, à la société [W], en la personne de M. [W], et à la société MJA, en la personne de M. [D], en leur qualité de mandataires judiciaires de la société Recylex, et à cette dernière, de leur reprise d'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 janvier 2021), le 28 janvier 2003, la société Metaleurop Nord, filiale de la société Recylex, a été mise en redressement judiciaire puis, le 10 mars 2003, en liquidation judiciaire, MM. [M] et [K] étant désignés liquidateurs. Ceux-ci ont procédé, le 21 mars 2003, au licenciement des salariés.
3. Le 13 novembre 2003, la société Recylex a été mise à son tour en redressement judiciaire, puis, le 24 novembre 2005, a bénéficié d'un plan de continuation de dix ans.
4. A la suite d'actions des salariés licenciés, la qualité de co-employeur de la société Recylex a été reconnue en justice. Les liquidateurs de la société Metaleurop Nord ont assigné la société Recylex, le 17 octobre 2014, afin d'obtenir sa condamnation à leur payer la somme de 21 983 921,80 euros représentant les indemnités légales qu'ils avaient versées aux salariés licenciés.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. MM. [M] et [K], ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer leur action « en responsabilité » irrecevable car prescrite depuis le 21 mars 2013 et de déclarer sans objet ou mal fondé le surplus des demandes, alors « que les termes du litige résultent des écritures des parties ; qu'en l'espèce, MM. [K] et [M], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société Métaleurop Nord, demandaient la condamnation de la société Recylex, dont la qualité de co-employeur des salariés de la société Métaleurop Nord avait été reconnue dans le cadre d'instances prud'homales initiées par ces salariés, à contribuer à la charge des indemnités légales de licenciement dues aux salariés licenciés en raison du prononcé de la liquidation judiciaire ; qu'ils ne recherchaient pas la responsabilité de la société Recylex, mais exerçaient une action récursoire à son encontre, en tant que codébitrice de ces indemnités ; que, pour déterminer si cette action était ou non prescrite, la cour d'appel l'a qualifiée d'action "en responsabilité", en retenant que MM. [K] et [M] ès qualités avaient demandé la condamnation de la société Recylex à leur "payer la somme de 21 983 921,80 euros en réparation du préjudice subi par la liquidation" ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de MM. [K] et [M] ès qualités et a dès lors méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
7. Pour déclarer prescrite l'action « en responsabilité » des liquidateurs engagée le 17 octobre 2014, l'arrêt retient qu'ils avaient, dès la procédure de licenciement le 21 mars 2003, génératrice du préjudice allégué, la connaissance détaillée de l'ensemble des faits leur permettant de rechercher la responsabilité de la société Metaleurop Nord (en réalité de la société Recylex), en faisant valoir sa qualité de co-employeur, que le délai de prescription a donc couru à compter du 21 mars 2003, et que la prescription de leur action en responsabilité était acquise le 21 mars 2013, au terme du délai de dix ans prévu par l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008.
8. En statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions, les liquidateurs de la société Metaleurop Nord ne fondaient pas leur action contre la société Recylex sur sa responsabilité et ne lui demandaient pas la réparation du préjudice qu'elle aurait causé mais lui demandaient de contribuer au paiement des indemnités légales dues aux salariés licenciés, en raison de la consécration de la qualité de co-employeur obligé solidairement à cette dette de la société Recylex, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.