Cass. crim., 17 janvier 2007, n° 06-83.067
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Ract-Madoux
Avocat général :
M. Fréchède
Avocat :
SCP Piwnica et Molinie
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 432-14 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a jugé Georges X... coupable d'avoir porté atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics et l'a condamné à un mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs qu'il est reproché à Georges X..., en sa qualité de président de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse, d'avoir procuré à autrui, entre 1991 et 1994, un avantage injustifié, en passant avec les sociétés SNFERT, STNI, TAS et SOFISO, des marchés sans mise en concurrence et sans appel d'offres, alors que les montants concernés rendaient ces modalités obligatoires ; qu'antérieurement à 1995, année de l'avènement de la nouvelle équipe de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse, aucune procédure d'appel d'offre n'avait été mise en place, pour les contrats de location de l'enceinte du Parc des expositions ou d'organisation des salons par la SNFERT, passés avec la chambre de commerce et d'industrie ; que, par arrêt du 13 janvier 1995 (chambre de commerce et d'industrie de la Vienne), le Conseil d'Etat a implicitement considéré que le code des marchés publics était applicable aux marchés passés par les chambre de commerce et d'industrie qui sont des établissements publics de l'Etat ; qu'aux termes de l'article 97 du code des marchés publics, l'administration choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante, en tenant compte du prix des prestations, de leur coût d'utilisation, de leur valeur technique, des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des candidats et du délai d'exécution ; que Georges X..., en permettant l'attribution de marchés à la SNFERT, au mépris des règles du code des marchés publics, sans appel à la concurrence, a procuré un avantage injustifié à autrui, entrant dans les prévisions de l'article 432-14 du code pénal dans lequel a été inséré, par la loi du 22 juillet 1992, l'article 7 de la loi du 3 janvier 1991 ; que, cependant, la responsabilité pénale du prévenu doit être largement atténuée ; qu'il convient en effet, de prendre en considération le fait que ses décisions de passation de marchés ont été prises après vote conforme de l'assemblée générale ; qu'il doit être, en outre, souligné qu'aucune plainte ou dénonciation n'a été adressée au procureur de la République, sur le fondement des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale ; que l'examen et l'attribution des marchés a été "transparente" et s'est faite en présence et sous le contrôle des plus hautes autorités administratives de la région ; que, si rien n'empêchait juridiquement la chambre de commerce et d'industrie de passer un marché avec mise en concurrence et appel d'offres, pour l'organisation des salons, l'idée était très fortement ancrée dans l'esprit des dirigeants et décideurs, notamment chez les prédécesseurs de Georges X..., que le contrat ne devait pas être dissocié en deux prestations mais au contraire être global (location plus organisation des salons), comme constituant un lot, gage de moindre complexité et d'économie d'échelle ; que le recours à la SNFERT pour la location du parc des expositions était considéré comme un "passage obligé", puisque la ville de Toulouse avait concédé à cette dernière l'exploitation dudit parc ; qu'il n'est pas démontré que l'attribution systématique des marchés à la SNFERT, au mépris des procédures d'attribution prévues par le code des marchés publics, aurait porté atteinte à la bonne utilisation des deniers publics ;
"1) alors que le délit de favoritisme n'est constitué que pour autant que l'avantage procuré est injustifié ; que la cour d'appel, qui a constaté que l'attribution des marchés à la SNFERT était économiquement justifiée et qu'avant un arrêt rendu le 11 janvier 1995 par le Conseil d'Etat, le code des marchés n'était pas considéré comme applicable aux marchés passés par les chambres de commerce, devait rechercher si l'avantage que constituait, pour la SNFERT, l'absence de mise en concurrence, n'était pas justifié ;
"2) alors qu'il n'y a pas de délit sans intention de le commettre ; que l'élément moral du délit de favoritisme est constitué par la conscience de méconnaître les prescriptions légales ou réglementaires ; que la cour d'appel, a constaté que, jusqu'à un arrêt rendu le 13 janvier 1995 par le Conseil d'Etat, le code des marchés publics n'était pas considéré comme applicable aux chambres de commerce ; qu'en omettant de rechercher si, dans ces conditions, Georges X... pouvait avoir conscience de méconnaître les prescriptions de ce code, elle a privé sa décision de base légale ;
"3) alors qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles Georges X... faisait valoir que le choix des cocontractants résultait d'une délibération de l'assemblée générale de la chambre de commerce de sorte qu'aucun délit ne pouvait lui être imputé, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 432-14 du code pénal ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt infirmatif attaqué que Georges X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, notamment, pour avoir à Toulouse, entre 1991 et 1994, en sa qualité de président de la chambre de commerce et d'industrie, procuré à autrui un avantage injustifié, en passant avec les sociétés SNFRT, SNTI, TAS, et SOFISO, des marchés sans mise en concurrence et sans appel d'offres, alors que les montants concernés rendaient ces modalités obligatoires ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, l'arrêt, après avoir relevé "qu'antérieurement à 1995, aucune procédure d'appel d'offres n'avait été mise en place, pour les contrats de location de l'enceinte du parc des expositions ou d'organisation des salons par la SNFERT, passés avec la chambre de commerce et d'industrie" et que, "par arrêt du 13 janvier 1995, le Conseil d'Etat a implicitement considéré que le code des marchés publics était applicable aux marchés passés par les chambres de commerce et d'industrie qui sont des établissements publics de l'Etat", se borne à énoncer que "Georges X..., en permettant l'attribution de marchés à la SNFERT, au mépris du code des marchés publics, sans appel à la concurrence, a procuré un avantage injustifié à autrui" ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, qui ne caractérisent pas les éléments constitutifs de l'infraction retenue à l'encontre du prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 22 mars 2006, en ses seules dispositions ayant condamné Georges X... pour favoritisme, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.