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Décisions

Cass. com., 5 avril 2005, n° 03-18.006

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Gueguen

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Paris, du 12 juin 2003

12 juin 2003

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1998, M. X..., détenteur de 85,75 % des parts de la société à responsabilité limitée Gicef, s'est vu notifier des redressements en matière d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 1993 à 1997, après la réintégration dans l'assiette de cet impôt de la fraction de la valeur des parts de la société Gicef correspondant à des éléments d'actif social non nécessaires à l'activité de celle-ci, et d'une somme de 24 831 631 francs inscrite à son compte courant d'associé de la société Gicef ; qu'après le rejet de sa réclamation contentieuse, M. X... a assigné l'administration fiscale devant le tribunal pour obtenir le dégrèvement des rappels d'impôt de solidarité sur la fortune correspondants ; que sa demande n'ayant pas été accueillie, M. X... a saisi la cour d'appel, qui a confirmé le jugement en retenant le bien fondé de la première réintégration, mais l'a réformé pour le surplus en considérant qu'au 1er janvier des années 1993 à 1997, la somme de 24 831 631 francs n'était pas dans le patrimoine de M. X... pour avoir fait l'objet, le 23 juillet 1992, d'une décision d'affectation en réserve ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la défense :

Attendu que M. X... fait valoir que le moyen par lequel le directeur général des impôts soutient que la cour d'appel n'a pas justifié sa décision concernant la somme de 24 831 631 francs en s'abstenant de prendre en compte la comptabilité de la société alors qu'en application de la théorie de la propriété apparente, l'administration est fondée, pour la perception des droits d'enregistrement, à tenir pour propriétaire véritable celui qui apparaît comme tel aux yeux des tiers en vertu de clauses formelles de titres, de la loi ou de situations de fait résultant des agissements des redevables, est irrecevable comme nouveau ;

Mais attendu que si ce moyen, tel qu'il est formulé, ne figurait pas dans les écritures du directeur général des impôts, il était inclus dans le débat ; que la fin de non recevoir doit donc être rejetée ;

Et, sur le moyen :

Vu l'article 885 E du Code général des impôts ;

Attendu que, selon ce texte, l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes assujetties à cet impôt ;

Attendu que pour réformer le jugement en ce qui concerne la somme de 24 831 631 francs, la cour d'appel, après avoir rappelé que le 25 juin 1992, l'assemblée ordinaire annuelle de la société Gicef avait décidé de répartir le résultat bénéficiaire de l'exercice 1991 entre les associés au prorata de leurs droits, ce qui avait conduit M. X... à placer sa part de bénéfice en compte-courant d'associé, et que, le 23 juillet 1992, l'assemblée générale de la société, réunie extraordinairement, était revenue sur cette décision, à l'unanimité de ses associés, en décidant de ne pas distribuer les résultats bénéficiaires de l'exercice 1991 et de mettre en réserve une somme de 28 900 000 francs au prorata des droits des associés, a retenu que cette dernière décision avait eu pour effet de laisser à la disposition de la société cette part des bénéfices, et, qu'en conséquence, à compter de cette date, la somme litigieuse ne correspondait plus à des fonds personnels appartenant à M. X... et ce "même en l'absence d'écritures comptables" ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de transcription dans les comptes de la société, régulièrement approuvés par les associés à l'occasion de chaque examen annuel, la décision d'affectation en réserve prise le 23 juillet 1992 est demeurée inappliquée et par conséquent sans effet, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la somme de 24 831 631 francs, l'arrêt rendu le 12 juin 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.