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Décisions

CA Paris, 15e ch. A, 21 mars 2000, n° 1997/22069

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dégravi (Epoux), Les Rives de Notre Dame (SNC)

Défendeur :

Crédit Touristique et des Transports (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chagny

Conseillers :

M. Le Fèvre, Mme Giroud

Avoués :

Me Baufume, SCP Hardouin-Herscovici

Avocats :

Me Baudoin, Me André-Budin

T. com. Paris, 9e ch. du 29 mai 1997, n°…

29 mai 1997

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 29 mai 1997 rectifié par jugement du 2 juillet 1997 qui a notamment condamné solidairement, au titre de plusieurs prêts, la société en nom collectif LES RIVES DE NOTRE DAME, Monsieur Philippe DEGRAVI et Madame Catherine DOUIS, épouse DEGRAVI à payer à la SOCIETE CREDIT TOURISTIQUE ET DES TRANSPORTS C 2T la somme totale de 5.311.481 frs outre intérêts au taux de 11,20 % sur 1.603.535,24, de 11,50 % sur 3.647.945,97 frs à compter du 1er juillet 1996, autorisé la vente aux enchères du fonds de commerce, accordé à C 2T 10.000 frs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire;

Vu les conclusions du 10 février 2000 de Monsieur et Madame DEGRAVI et de la SNC LES RIVES DE NOTRE DAME, appelants, qui demandent à la Cour d'infirmer le jugement, déclarer que l’action de C 2T en réalisation du nantissement du fonds de commerce est irrecevable, subsidiairement débouter C 2T, surseoir à statuer dans l’attente d’une décision définitive dans un litige pendant devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, leur accorder un délai d’un an, débouter tout contradicteur et réclament 50.000 frs au litre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, soutenant que le nantissement donné par une SNC en garantie d'un emprunt contracté pour l’acquisition de ses parts n'entre pas dans l’objet social, se référant à un protocole d'accord du 20 septembre 1995, à une action en nullité de la transformation de la SA en SNC, àa une promesse de cession de fonds de commerce intervenue le 3 février 2000, déclarant que la résolution des différents prêts et engagements de caution ne peut être prononcée qu’aux torts et griefs de la société C 2 T;

Vu les conclusions du 18 février 2000 de la société C 2T et de son liquidateur amiable, Monsieur Gérard PETRY, intervenant volontaire, qui demandent la confirmation du jugement et 30.000 frs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, contestant l’argumentation des appelants ;

Considérant que ni les prêts ni le défaut de remboursement ne sont contestés ; que la prétendue "irrecevabilité" de l’action en réalisation du nantissement de fonds de commerce, soulevée en fait pour des raisons de fond et non de procédure, n'a aucune incidence sur l’action en paiement ;

Considérant que le prêt de 2.836.000 frs du 12 novembre 1992 a été accordé directement à la SNC C 2T notamment pour financer des travaux ; que le nantissement du fonds de commerce consenti en garantie de ce prêt a une validité incontestable ; que de leur propre aveu, les époux DEGRAVI se sont portés cautions ;

Considérant que c'est par acte du 11 décembre 1990 que la SA C 2T a accordé à Monsieur et Madame DEGRAVI, mariés sous le régime de la séparation de biens, chacun un prêt de 625.000 frs, pour l’acquisition de ”titres" de la société LES RIVES DE NOTRE DAME, avec cautionnement réciproque l’un de l’autre, caution de la société et nantissement du fonds de commerce ; que les appelants contestent la validité de ce nantissement qu'ils estiment hors objet social ;

Mais considérant que c’est le même jour, soit le 11 décembre 1990, que l’assemblée générale de la société anonyme "HOTEL ALEXANDRE III" a décidé à la fois la transformation de la SA en SNC, le changement de dénomination sociale en "LES RIVES DE NOTRE DAME" et la modification de l’objet social pour y inclure "dans le but de maintenir sa survie en assurant la continuité de l’exploitation sociale", la possibilité de se porter caution pour le paiement du prix de cession des parts et de donner en garantie le fonds de commerce ; qu'une telle clause serait illicite aux termes de l’article 106 de la loi du 24 juillet 1966 pour une SA, mais non pour une SNC, à laquelle elle ne porte pas préjudice compte tenu de la responsabilité indéfinie et solidaire des associés;

Considérant que les décisions de l’assemblée générale ont eu, entre les parties, effet immédiat; qu'elles étaient connues de la banque puisque, non seulement la dénomination sociale "LES RIVES DE NOTRE DAME" n’a existé que lorsque la société eut pris la forme de SNC, mais que l’acte de prêt précise à plusieurs reprises "la société LES RIVES DE NOTRE DAME (ex société HOTEL ALEXANDRE III"; que la formule de cautionnement est aussi au nom de la SNC LES RIVES DE NOTRE DAME; que c’est donc en considération de la transformation en SNC et postérieurement à celle-ci quoique le même jour que les crédits et les garanties ont été accordées ; que ces garanties ne sont pas prohibées, sont conformes à l’objet social et donc parfaitement valables;

Considérant que les appelants font valoir qu'ils demandent au Tribunal de Grande Instance de Paris de prononcer la nullité de la transformation de la SA en SNC, car étant médecins, ils ne peuvent être commençants; qu'ils invoquent ainsi une irrégularité tenant à leur statut personnel et non au droit des sociétés et donc leur propre faute déontologique, pour prétendre se soustraire à leurs engagements; qu'ils sont supposés connaitre la déontologique de la profession médicale alors qu'il n'en est pas de même des personnes étrangères à cette profession; que quelle que soit la décision du Tribunal, elle ne saurait préjudicier rétroactivement aux droits régulièrement acquis par les tiers de bonne foi; qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer; qu'à l’évidence, la retransformation en SA et la prétendue contestation de la nullité de la première transformation par l’assemblée générale ne sauraient non plus avoir d'effets rétroactifs préjudiciables aux tiers;

Considérant que le 20 septembre 1995, les parties ont conclu un protocole de réaménagement des prêts de Monsieur DEGRAVI, de Madame DEGRAVI et de la SNC LES RIVES DE NOTRE DAME sous certaines conditions notamment d'une hypothèque sur un appartement "sis 22 rue des Ecoles et 16 rue de la Montagne Saint Geneviève à Paris 5e", à consentir par Madame Catherine DEGRAVI "en sa triple qualité d’associée, de débitrice et de caution"; que Madame DEGRAVI a refusé de consentir cette hypothèque; que par lettre du 4 juin 1996, C 2T a prononcé la déchéance du terme et déclaré le protocole caduc;

Considérant que les appelants expliquent leur attitude par le fait que le projet d'acte établi par le notaire et qui leur a été transmis le 9 mai 1996, prévoyait deux hypothèques grevant deux appartements distincts; mais que C 2T répond qu'il y avait deux lots formant un seul appartement; que deux adresses sont indiquées dans le protocole; que si la difficulté tenait seulement à la nécessité d'une modification du règlement de copropriété, comme cela parait résulter des déclarations des appelants, rien n'indique que cela eut été impossible; que plusieurs mois se sont écoulés entre le protocole et l'envoi par le notaire du projet d'acte; que C 2T remarque encore sans être contredite sur ce point que les époux DEGRAVI n’ont formulé aucune remarque a la réception du projet d’acte notarie et se sont homes à s'abstenir de se présenter au rendez-vous de signature prévu pour le 30 mai 1996;

Considérant que les appelants prétendent encore qu’aucun délai d'exécution des termes du protocole n'est prévu dans l'acte et que c'est abusivement que la C 2T a prononcé la déchéance du terme de l'ensemble des prêts; mais que ce protocole concernait bien tous les prêts; que l’attitude des époux DEGRAVI prouvait qu'ils avaient la volonté de ne pas le respecter; que les aménagements portaient sur les intérêts mais ne dispensaient aucunement du paiement à bonne date des échéances; qu'il est stipule au contraire que le protocole n'emportait pas novation et que toutes les clauses ne faisant pas l'objet de réaménagement demeuraient valables; que C 2T déclaré et qu'il n'est pas contesté que les débiteurs n'ont procédé à aucun versement depuis le 11 avril 1996;

Considérant que les appelants soutiennent qu’ils sont bien fondés à s'opposer à la vente du fonds de commerce en raison de la signature, le 3 février 2000, d'une promesse de vente de ce fonds pour 9.500.000 frs dont la réalisation doit avoir lieu le 22 mai 2000; mais outre qu'il s'agit d’un problème d'exécution qui ne saurait empêcher la Cour de statuer selon le droit, C 2T observe que la promesse est assortie de conditions suspensives, notamment que le fonds de commerce ne soit pas grevé de dettes inscrites "d’un montant supérieur en capital et accessoire a la valeur du fonds cédé ou obtention des accords des créanciers inscrits", condition dont la réalisation n'est nullement démontrée en raison notamment de créances de PARIBAS s'ajoutant à celles de C 2T; qu'à ce jour, la demande de vente du fonds n'est aucunement devenue sans objet;

Considérant que selon C 2T, Monsieur et Madame DEGRAVI perçoivent annuellement des bénéfices de I ‘ordre de 440.000 frs provenant de l'exploitation de leur cabinet médical et des "prélèvements" de plus de 800.000 frs pour l'exploitation de la société ; qu’en tous cas, il résulte de ce qui précède qu'ils ne sont manifestement pas de bonne foi; qu'il n'y a pas lieu d'accorder des délais de paiement;

Considérant qu'il est équitable d'accorder à C 2T la somme de 30.000 frs au litre de ses frais irrépétibles d’appel ;

PAR CES MOTIFS.

Confirme le jugement entrepris,

Condamne les appelants à payer à la société C 2T la somme supplémentaire de 30.000 frs ainsi qu'aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.