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Décisions

Cass. com., 21 mai 1996, n° 94-14.541

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Paris, du 24 mars 1994

24 mars 1994

Sur le moyen unique des pourvois n° 94-14.540 et 94-14.541, pris en leurs cinq branches, les moyens étant réunis :

Attendu, selon les énonciations des arrêts attaqués (Paris, 24 mars 1994, n° 93-9608 et 93-9609), que, le 18 décembre 1992, la société Abbott Laboratories (société Abbott), titulaire des brevets respectivement enregistrés sous les n° 76-30.803 et 78-22.875, a déposé deux demandes de certificat complémentaire de protection respectivement enregistrées sous les n° 92-CO 538 et 92-CO 539 ; que, le 4 février 1993, le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), se référant à l'entrée en vigueur, le 2 janvier 1993, du règlement CEE n° 1768-92 du 18 juin 1992 concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments, a imparti à la société requérante un délai de 2 mois pour présenter une demande établie conformément aux dispositions de ce texte ; que, le 9 avril 1993, la société Abbott a contesté le bien-fondé de cette notification en faisant valoir que la demande devait être instruite selon la loi française, applicable à la date du dépôt de la demande ; que, le 29 avril 1993, le directeur de l'INPI a rendu deux décisions aux termes desquelles il a rejeté les demandes en confirmant la nécessité de les examiner en fonction des exigences du règlement communautaire ; que la société Abbott a formé quatre recours, respectivement, le 3 mai 1993 contre les décisions du 4 février 1993, et le 1er juin 1993 contre les décisions du 29 avril 1993 ;

Attendu que la société Abbott fait grief aux arrêts d'avoir rejeté ses recours, alors, selon les pourvois, d'une part, que le règlement communautaire n° 1768-92 du 18 juin 1992, relatif au certificat complémentaire de protection, est contraire aux dispositions des articles 36, 100 A, 189 et 222 du traité de Rome, la Communauté n'étant pas compétente en matière de brevets dont la réglementation demeure exclusivement réservée aux Etats membres ; qu'il appartient en conséquence à la Cour de Cassation de renvoyer à la Cour de justice des Communautés européennes la question préjudicielle de la validité de ce règlement en application de l'article 177 du Traité susvisé afin d'en tirer les conséquences et d'en déduire la perte de fondement légal de l'arrêt au regard des dispositions susvisées ; alors, d'autre part, que la cour d'appel, qui lui reconnaissait un droit acquis à bénéficier de la législation française dès lors qu'elle avait déposé sa demande de délivrance d'un certificat complémentaire de protection avant l'entrée en vigueur du règlement communautaire, n'en a pas tiré les conséquences légales en décidant néanmoins que le directeur de l'INPI n'avait aucune obligation de délivrer le certificat avant le 2 janvier 1993, date à laquelle le règlement entrait en vigueur ; qu'elle a ainsi violé les articles 2 du Code civil, 1 et 2 de la loi du 25 juin 1990 et 20 et 23 du règlement communautaire n° 1768-92 du 18 juin 1992 ; alors, en outre que la cour d'appel qui, en statuant ainsi, a conféré au directeur de l'INPI le pouvoir discrétionnaire d'écarter à sa guise l'application de la loi française, en ne délivrant pas le certificat avant l'entrée en vigueur du règlement communautaire n° 1768-92 du 18 juin 1992, a derechef violé les textes susvisés ; alors, de plus, que, faute d'avoir déterminé les raisons pour lesquelles le directeur de l'INPI avait refusé d'examiner la demande, de telle sorte que la disposition du règlement, soumettant à la loi nationale les certificats délivrés avant le 2 janvier 1993, était restée lettre morte, l'arrêt a violé de plus fort les articles 20 et 23 du règlement du 18 juin 1992 ; et alors, enfin, que si les dispositions de l'article 20 du règlement n° 1768-92 du 18 juin 1992 sont interprétées comme accordant aux autorités nationales le pouvoir discrétionnaire de déterminer la loi applicable à une demande de certificat complémentaire de protection présentée entre le 2 juillet 1992 et le 2 janvier 1993, en choisissant le moment de la délivrance du certificat, il en résulte tant une discrimination prohibée par l'article 7 du traité de Rome qu'une méconnaissance de la force obligatoire des règlements prévus par l'article 189 du même texte ; que, par suite, la cour d'appel, en adoptant une solution conforme à une telle interprétation de ce règlement, a violé les articles 7 et 189 du traité de Rome ;

Mais attendu que les arrêts relèvent que les demandes de certificat complémentaire afférentes aux brevets litigieux ont été déposées postérieurement au 2 juillet 1992, date de publication du règlement CEE n° 1768-92 dont l'article 20 dispose que ledit règlement ne s'applique pas aux demandes de certificat déposées conformément à la législation nationale avant la date de sa publication ; que la cour d'appel a pu en déduire, sans avoir à poser une question préjudicielle ni à déterminer les motifs pour lesquelles le directeur de l'INPI n'avait pas statué avant la date d'entrée en vigueur du règlement, que la réglementation communautaire s'appliquait aux demandes litigieuses ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.