Cass. com., 23 juin 1987, n° 86-13.040
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Bézard
Avocat général :
M. Cochard
Avocats :
Me Rouvière, Me Henry
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Dijon 12 février 1986) que Mme X..., propriétaire de 10 actions de la société Le Manoir murisaltien et créancière de la succession de M. Y..., laquelle est propriétaire de 890 actions de cette société, a demandé la nullité des décisions des assemblées générales des actionnaires qui ont affecté à la réserve extraordinaire le bénéfice des exercices clos de 1975 à 1982 ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt confirmatif d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il ne pouvait exclure l'abus de droit tenant à la constitution de réserves successives considérables atteignant 2 596 831 francs entre 1975 et 1982 sans s'expliquer sur le fait que la société devait avoir égard dans sa gestion à la créance non contestée de Mme X... sur la succession du plus gros actionnaire de la société, créance dont elle connaissait l'existence et qu'il y a donc manque de base légale au regard des articles 1166, 1167, 1832 du Code civil et 346, 347 de la loi du 24 juillet 1966 sur les société commerciales ; et alors, d'autre part, que l'arrêt viole les articles précités dans la mesure où il rejette la notion d'abus de droit tout en constatant le versement de 336 000 francs de jetons de présence, le paiement durant le seul exercice 1983 de 2 131 471 francs aux cinq personnes les mieux rémunérées de la société ; que durant dix ans la société a constitué des réserves considérables soit près de 3 millions de francs sans distribuer aucun dividende, l'affectation systématique de la totalité des bénéfices à la réserve extraordinaire portant parallèlement atteinte aux droits de Mme X... actionnaire minoritaire possédant 10 actions et créancière de la succession de M. Y..., possédant 890 actions et non réglée depuis onze ans du legs que cet actionnaire majoritaire lui avait consenti ;
Mais attendu que l'arrêt relève que si la situation de la société est favorable, c'est en raison de la politique prudente constamment menée depuis l'époque où M. Y... était président du conseil d'administration et Mme X... administrateur, qu'il précise que cette politique a consisté en particulier à assurer un financement important de la société sans qu'il soit besoin de faire appel à des avances de fonds extérieurs et qu'elle a conduit, à défaut de distribution de dividendes, à une progression de la valeur des actions qui profite à tous les actionnaires, qu'il ajoute que les rémunérations versées aux dirigeants ne sont pas anormales ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu retenir que les décisions litigieuses n'ont pas été prises contrairement à l'intérêt social et dans le dessein de favoriser les actionnaires majoritaires au détriment de Mme X... ; d'où il résulte que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.