Cass. com., 22 avril 1976, n° 75-10.735
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cénac
Rapporteur :
M. Portemer
Avocat général :
M. Toubas
Avocat :
Me Pradon
SUR LE MOYEN UNIQUE, PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE (PARIS, 21 NOVEMBRE 1974) D'AVOIR PRONONCE LA NULLITE DES DECISIONS DES ASSEMBLEES GENERALES DE LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE LES ETABLISSEMENTS LANGLOIS ET PETERS TENUES LES 30 JUIN 1970, 29 JUIN 1971, 29 JUIN 1972, 28 JUIN 1973 ET 27 JUIN 1974 ET QUI ONT AFFECTE A LA RESERVE EXTRAORDINAIRE LES BENEFICES DES EXERCICES SUR LESQUELS ELLES ONT RESPECTIVEMENT STATUE ET AINSI REFUSE LEUR DISTRIBUTION, ALORS, SELON LE POURVOI, D'UNE PART, QUE DANS SES CONCLUSIONS DEMEUREES SANS REPONSE, LA SOCIETE AVAIT FAIT VALOIR QUE CE N'EST QU'A PARTIR DE 1968 QU'IL N'AVAIT PLUS ETE DECIDE A L'UNANIMITE DE SES MEMBRES D'AFFECTER LES BENEFICES A LA RESERVE EXTRAORDINAIRE ET QU'A PARTIR DE CETTE DATE, ROIZOT, ASSOCIE MINORITAIRE ET DEMANDEUR EN NULLITE, N'AVAIT PAS EMIS DE VOTE DEFAVORABLE, MAIS S'ETAIT SIMPLEMENT ABSTENU DE VOTER, EN SORTE QU'IL ETAIT IRRECEVABLE A CRITIQUER DES DELIBERATIONS AUXQUELLES IL NE S'ETAIT PAS OPPOSE, D'AUTANT PLUS QUE LA QUESTION D'UNE EVENTUELLE DISTRIBUTION DE DIVIDENDES N'AVAIT JAMAIS ETE PORTEE REGULIEREMENT A L'ORDRE DU JOUR DESDITES ASSEMBLEES, ALORS, D'AUTRE PART, QUE L'ARRET ATTAQUE NE RELEVE AUCUN ELEMENT CONSTITUTIF D'UN PREJUDICE QUELCONQUE RESULTANT POUR LA SOCIETE DES DELIBERATIONS LITIGIEUSES, LA SEULE REFERENCE A L'OPPORTUNITE PLUS OU MOINS FAVORABLE D'UNE POLITIQUE DE THESAURISATION, QUI ACCROISSAIT AU CONTRAIRE L'ACTIF SOCIAL, NE POUVANT, A ELLE SEULE, JUSTIFIER L'ANNULATION DES DECISIONS DE LA MAJORITE, ET ALORS, ENFIN, QUE L'ARRET NE CARACTERISE PAS NON PLUS L'AVANTAGE SUSCEPTIBLE DE RESULTER DES DELIBERATIONS ANNULEES POUR LES ASSOCIES MAJORITAIRES, ET CORRELATIF A UN PREJUDICE SUBI PAR L'ASSOCIE MINORITAIRE, DE NATURE A ETABLIR L'EXISTENCE D'UNE DISCRIMINATION ENTRE LES ASSOCIES, CELLE-CI NE POUVANT ETRE RECHERCHEE DANS LES ELEMENTS EXTRINSEQUES A LA DELIBERATION POURSUIVIE EN ANNULATION POUR ABUS DU DROIT DE MAJORITE ;
MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QUE L'ARRET ENONCE QUE LES DECISIONS LITIGIEUSES ONT ETE PRISES EN ASSEMBLEE GENERALE PAR LES DEUX ASSOCIES MAJORITAIRES PETERS ET TILLINGER SANS AUCUN EGARD POUR L'AVIS DIFFERENT EXPRIME PAR ROIZOT, ET QUE CE DERNIER AVAIT SAISI LA SOCIETE CHAQUE ANNEE DEPUIS 1969 D'UNE DEMANDE DE DISTRIBUTION AUX ASSOCIES DU MONTANT DE LA RESERVE EXTRAORDINAIRE MAIS QU'IL S'ETAIT VU IMPOSER CHAQUE ANNEE LA LOI DE LA MAJORITE ;
QUE L'ARRET A AINSI REPONDU AUX CONCLUSIONS DE LA SOCIETE, REGULIEREMENT PRODUITES, QUI SOUTENAIENT QUE ROIZOT NE S'ETAIT PAS OPPOSE FORMELLEMENT A L'AFFECTATION DES BENEFICES AUX RESERVES ET QUE L'ORDRE DU JOUR N'AVAIT JAMAIS COMPORTE L'EXAMEN DE LA DISTRIBUTION DES RESERVES, MAIS QUI NE PRETENDAIENT PAS QUE LA QUESTION D'UNE EVENTUELLE DISTRIBUTION DE DIVIDENDES N'AVAIT PAS ETE PORTEE A L'ORDRE DU JOUR ;
QUE, DES LORS, LE PREMIER GRIEF DE LA PREMIERE BRANCHE EST MAL FONDE, ET LE SECOND GRIEF NOUVEAU ET DONC IRRECEVABLE ;
ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE L'ARRET CONSTATE QUE LA SOCIETE, SANS DISTRIBUER PENDANT VINGT ANS AUCUN DIVIDENDE, A MIS EN RESERVE DES SOMMES CONSIDERABLES DONT L'ACCUMULATION A ATTEINT CHAQUE ANNEE DEPUIS 1968 UN CHIFFRE SUPERIEUR AUX DEUX TIERS DU CHIFFRE D'AFFAIRES, ET QU'A DEFAUT DE VERITABLES INVESTISSEMENTS, CES SOMMES ONT SIMPLEMENT ETE PORTEES AU CREDIT DES COMPTES BANCAIRES ET CHEQUES POSTAUX DE LA SOCIETE ;
QUE L'ARRET RETIENT QU'EN L'ESPECE CETTE AFFECTATION SYSTEMATIQUE DE LA TOTALITE DES BENEFICES A LA RESERVE EXTRAORDINAIRE A CONSTITUE UNE THESAURISATION PURE ET SIMPLE, QU'ELLE A FAIT SUBIR A TOUTES CES SOMMES, DONT LA SOCIETE N'AVAIT PAS L'USAGE, LES CONSEQUENCES DES FLUCTUATIONS MONETAIRES, ET QU'AINSI ELLE N'A REPONDU NI A L'OBJET NI AUX INTERETS DE LA SOCIETE ;
QUE, PAR CES MOTIFS, L'ARRET A RELEVE LE PREMIER ELEMENT DONT L'EXISTENCE EST NECESSAIRE, SINON SUFFISANTE, POUR CARACTERISER L'ABUS DU DROIT DE MAJORITE ;
QUE LE MOYEN, PRIS EN SA DEUXIEME BRANCHE, EST DONC SANS FONDEMENT ;
ATTENDU, ENFIN, QUE L'ARRET DECLARE QU'A RAISON DES DECISIONS LITIGIEUSES QUI LUI ETAIENT IMPOSEES PAR LES DEUX ASSOCIES MAJORITAIRES PETERS ET TILLINGER, EXERCANT DES FONCTIONS DE DIRECTION ET RECEVANT A CE TITRE CHAQUE ANNEE DE LA SOCIETE UN SALAIRE ET DES AVANTAGES SUBSTANTIELS, ROIZOT, SEUL ASSOCIE MINORITAIRE ET ETRANGER A LA GESTION DES AFFAIRES SOCIALES, S'EST TROUVE, EN L'ABSENCE DE TOUT DIVIDENDE, PRIVE DU SEUL AVANTAGE QUE PRESENTAIT SA QUALITE DE PORTEUR DE PARTS, EN MEME TEMPS QUE CELLES-CI, AU LIEU D'ETRE VALORISEES PAR LA PROSPERITE DE L'ENTREPRISE, ONT EN FAIT PERDU LEUR VALEUR ;
QU'EN CONSTATANT PAR CES MOTIFS QUE LES DECISIONS LITIGIEUSES FAVORISAIENT LES DEUX ASSOCIES MAJORITAIRES ET NUISAIENT AU CONTRAIRE A ROIZOT, LA COUR D'APPEL A RELEVE LE SECOND ELEMENT CARACTERISTIQUE DE L'ABUS DU DROIT DE MAJORITE ;
QUE LA TROISIEME BRANCHE DOIT ETRE EGALEMENT ECARTEE ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 21 NOVEMBRE 1974 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.