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Décisions

Cass. crim., 23 mars 1992, n° 90-85.217

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. Bayet

Avocat général :

M. Amiel

Avocat :

Me Choucroy

Fort-de-France, du 19 juill. 1990

19 juillet 1990

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 53 du Code de procédure pénale :

" en ce que pour prononcer la nullité de la perquisition effectuée au domicile de X... et des actes subséquents, l'arrêt attaqué a indiqué :

" considérant en l'espèce que l'indication spontanée d'un lieu géographique très imprécis sans précision d'un nom patronymique ou à la rigueur d'un pseudonyme-ce que l'on ne peut sérieusement assimiler à une adresse-donnée au cours d'une enquête diligentée jusque-là pour des faits de vols avec effraction par un individu qui, outre la commission de deux cambriolages, a avoué pour son compte des infractions à la législation sur les stupéfiants et fourni ladite indication concernant l'un de ses pourvoyeurs, ne peut être valablement admise comme un indice apparent suffisant d'un comportement délictueux révélant l'existence d'une infraction flagrante même si ces faits révélés s'analysent en une infraction continue ;

" alors que des déclarations non anonymes, recueillies par procès-verbal, faisant état d'infractions en précisant le lieu de commission, en l'espèce une petite maison basse près de l'église, suivies de la conduite des enquêteurs sur les lieux constituent un indice apparent d'un comportement délictueux révélant l'existence d'infractions répondant à la définition de l'article 53 du Code de procédure pénale, permettant en l'absence d'ouverture d'information, la réalisation de perquisition et saisies sans l'assentiment exprès de la personne chez qui l'opération a lieu " ;

Vu ledit article ;

Attendu qu'aux termes de l'article 53, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, est qualifié délit flagrant le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre ; il y a aussi délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au délit ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que pour faire droit à l'exception régulièrement soulevée par la défense des prévenus et tirée de la nullité de la perquisition opérée le 19 avril 1989 au domicile de Max X..., sans l'assentiment préalable de l'intéressé, et annuler tous les actes subséquents, les juges du fond exposent que le nommé Y..., interpellé le 18 avril 1989 au cours d'une enquête préliminaire concernant des vols qu'il reconnaissait pour partie, indiquait aux enquêteurs se livrer à l'usage de stupéfiants et dénonçait un trafic, en précisant se ravitailler depuis un mois ou deux auprès d'un fournisseur dont il déclarait connaître le lieu d'habitation ; que les enquêteurs, accompagnés de Y..., interpellaient au lieu indiqué le nommé X... et procédaient d'initiative, et en sa présence, à une perquisition domiciliaire, laquelle permettait la découverte de cannabis et d'objets divers, révélateurs d'un trafic de stupéfiants ;

Attendu que les juges observent qu'avant l'accomplissement des opérations critiquées, les enquêteurs ne disposaient à l'encontre de X... d'aucun élément ni d'aucun indice pouvant révéler que celui-ci était en train ou venait de se livrer à un trafic de stupéfiants ; que sa simple mise en cause comme vendeur de drogue, en l'absence de tous autres éléments de nature à corroborer ou conforter l'indication fournie par Y..., ne saurait constituer en soi l'indice apparent suffisant d'un comportement délictueux révélant l'existence d'une infraction flagrante au sens de l'article 53 du Code de procédure pénale et autoriser légalement les officiers de police judiciaire enquêteurs à procéder comme ils l'ont fait au domicile de X... ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans égard à des déclarations non anonymes d'un coauteur recueillies par procès-verbal faisant état d'une infraction à la législation sur les stupéfiants qui se commettait ou venait de se commettre, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 19 juillet 1990, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Basse-Terre.