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Décisions

Cass. req., 27 mars 1900

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tanon

Rapporteur :

M. George-Lemaire

Avocat général :

M. Mérillon

T. com. Reims, du 26 mars 1893

26 mars 1893

LA COUR  :

Sur le premier moyen :

Attendu que si le tribunal de commerce de Reims, dont le jugement du 26 mars 1893 a été confirmé par l’arrêt attaqué, s'est déclaré incompétent, c’est uniquement sur le chef de conclusions par lequel le sieur Olry-Roederer lui demandait d’ordonner l’annulation des dépôts des marques portant le nom de Roederer faits au tribunal de commerce de Reims, et d’autoriser les sieurs Olry et Roederer à faire mentionner cette partie du jugement en marge des actes de dépôts ;

Que la déclaration d'incompétence limitée à ce chef était commandée par l’art. 16 de la loi du 23 juin 1837, aux termes duquel « les actions civiles relatives aux marques sont portées devant les tribunaux civils » ;

Attendu, d’ailleurs, que l’arrêt attaqué, en constatant que, dans l’exploitation de la marque Arthur Roederer, Champion avait fait une concurrence illicite aux sieurs Olry-Roederer, a ordonné les mesures qui lui ont paru nécessaires pour la réprimer et pour prévenir la confusion dans l’esprit de la clientèle ;

Que l’appréciation de ces mesures lui appartenait et que sa décision, à cet égard, échappe au contrôle cour de cassation ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sieurs Olry-Roederer avaient conclu à ce qu’il fût fait défense à Champion de livrer à l’avenir sous le nom de vins de Champagne des vins qui ne seraient pas, tout à la fois des produits des crus Champagne et fabriqués en Champagne ;

Attendu que l’arrêt attaqué déclare que les demandeurs en cassation n’établissent pas que les vins qui ont motivé cette demande proviennent des raisins récoltés hors de la Champagne, qu’ils n’ont point contesté que la première partie de la fabrication, pressurage et assemblage des grains, ait lieu à Reims ; 

Que les vins que Champion tire de ses celliers de Reims et expédie en fûts à Uckange est du vin fabriqué en Champagne et avec des raisins récoltés en Champagne ; 

Que l’arrêt déclare que si la mise en bouteilles a eu lieu à l’étranger dans le but d’éviter certains droits de douane, cette dernière opération, quelle que soit son importance, ne suffit point à enlever aux vins leur caractère d’origine;

Attendu que ces constatations et appréciations sont souveraines, et qu’en déclarant, dans cet état des faits, mal fondée la demande ci- énoncée des frères Olry-Roederer, l’arrêt attaqué, régulièrement motivé, n’a violé ni la loi du 28 juill. 1824, ni l’art. 7 de la loi du 20 avr. 1810 ;

Sur le troisième moyen : 

Attendu qu’aux termes de l’art. 21 c. com., les noms des associés peuvent seuls faire partie de la raison sociale;

Que l’arrêt attaqué constate en fait, que les frères Olry ont pris pour raison sociale L. Roederer et qu’ils signent tous actes commerciaux du nom de Roederer, qui a appartenu à leur oncle et à leur aïeul décédés depuis plusieurs années et n’est plus porté par aucun des associés de leur maison ;

Qu’ils invoquent vainement un décret du président de la République du 27 nov. 1888 ;

Que ce décret ne les a pas autorisés à supprimer le nom d’Orly et à le remplacer par celui de Roederer, mais à ajouter celui-ci à l’autre et à s’appeler désormais Orly-Roederer ;

Que les demandeurs allèguent vainement encore que Roederer est bien le nom commercial de leur maison ;

Qu’il ne s’agit pas, en effet, du nom commercial ou de l’enseigne de la maison de commerce, mais de la raison sociale et de la signature sociale de la société en nom collectif qui exploite la maison ; 

Que c’est donc à bon droit que, dans les circonstances par lui constatées, l’arrêt a décidé que les frères Orly-Roederer avaient enfreint l’art. 21 c. com. et que, dans le but d’empêcher ou tout au moins de diminuer les confusions possibles avec d’autres homonymes exerçant le même commerce, il a décidé qu’ils seraient tenus de prendre pour raison et pour signature sociales leur véritable nom et de faire apparaitre le nom Orly ou Orly-Roederer sur leurs papiers commerciaux ;

Que cette décision ne viole pas les articles de loi visés au pourvoi ;

Par ces motifs, rejette.