Cass. civ., 28 mars 1898
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mazeau
Rapporteur :
M. Crépon
Avocat général :
M. Desjardins
Avocats :
Me Pérouse, Me Devin
ARRÊT
LA COUR :
Sur le premier moyen :
Attendu, en droit, que, pour justifier leur action, les créanciers d'une société en nom collectif doivent établir, d'une part, contradictoirement avec les représentants de la société, que les engagements dont ils poursuivent l'exécution contre les associés constituent des engagements sociaux, et, d'autre part, que la société elle-même a été invitée à payer par un acte équivalent à une mise en demeure ;
Attendu, en fait, qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'à l'échéance des traites souscrites pour une somme de 185.000 fr., au nom delà Société Moyse et Lhullier, un protêt faute de payement a été dressé à la requête de Lafontaine, Martinet et comp., porteurs de ces traites ; que le protêt a été suivi d'une assignation devant le tribunal de commerce de la Seine, que Moyse et Lhullier, seuls représentants de la société qui porte leur nom, n'ont élevé aucune contestation sur le chiffre de la dette et que la société s'est reconnue débitrice de la somme pour laquelle les valeurs dont on réclamait le payement avaient été créées ;
Attendu que, dans ces conditions, l'arrêt attaqué a pu, sans violer aucune loi, condamner personnellement les associés en nom collectif au payement des effets dont Lafontaine, Martinet et comp. étaient porteurs ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'une condamnation personnelle étant régulièrement intervenue contre Moyse et Lhullier, en tant qu'associés en nom collectif, une hypothèque judiciaire avait pu être valablement prise, à la suite de cette condamnation, sur les immeubles possédés par eux ;
Attendu que la créance Lafontaine, Martinet et comp., devenant ainsi hypothécaire, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a déclaré que le concordat consenti à la société Moyse et Lhullier ne pouvait pas être opposé aux dits Lafontaine, Martinet et comp., dès lors que ceux-ci n'avaient pas pris part au concordat ;
Que ce concordat, survenu après le jugement de condamnation prononcé contre les associés et après l'inscription de l'hypothèque, ne pouvait avoir pour effet de changer la nature de la créance et de la rendre simplement chirographaire d'hypothécaire qu'elle était devenue ;
Par ces motifs, rejette ces deux moyens ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'art. 7 de la loi du 20 avr. 1810 ;
Attendu que, saisi de conclusions tendant à ce qu'il fût déclaré que, vis-à-vis de la Société Moyse et Lhullier, le concordat du 12 févr. 1895 était applicable aux sieurs Lafontaine, Martinet et comp., créanciers chirographaires de ladite société, l'arrêt attaqué a rejeté ces conclusions, sans donner aucun motif à l'appui de ce rejet ;
Qu'ainsi il a violé l'article de loi susvisé ;
Par ces motifs, casse... mais seulement en ce qu'il a rejeté, sans en donner de motifs, les conclusions de la Société Moyse et Lhullier tendant à ce que, vis-à-vis d'elle, le concordat fût déclaré applicable à la créance Lafontaine, Martinet et comp.... et renvoie devant la cour d'Orléans.