Livv
Décisions

TUE, 8e ch., 26 octobre 2022, n° T-668/21

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sicilia Regionale Marittima SpA

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

J. Svenningsen

Juges :

C. Mac Eochaidh , T. Pynnä (rapporteure)

TUE n° T-668/21

25 octobre 2022

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

Arrêt

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, Sicilia Regionale Marittima SpA – Siremar (ci-après « la requérante » ou « Siremar ») demande l’annulation partielle de la décision C(2021) 4268 final de la Commission, du 17 juin 2021, relative aux mesures SA.32014, SA.32015, SA.32016 (2011/C) (ex 2011/NN) mises à exécution par l’Italie en faveur de Siremar et de son acquéreur, Società Navigazione Siciliana (SNS) (ci-après la « décision attaquée »).

Antécédents du litige

2 La présente affaire trouve son origine dans la privatisation des sociétés de l’ancien groupe Tirrenia. Ce groupe appartenait à l’origine à l’État italien par l’intermédiaire de Finanziaria per i Settori Industriale e dei Servizi SpA (ci-après « Fintecna ») et comprenait six sociétés, à savoir Tirrenia, Adriatica, Caremar, Saremar, Siremar et Toremar. Ces sociétés assuraient des services de transport maritime, sur la base de contrats distincts de service public conclus avec l’État italien en 1991 et restés en vigueur durant vingt ans, de janvier 1989 à décembre 2008 (ci-après les « conventions initiales »).

3 Les conventions initiales, y compris celle applicable à Siremar, ont été reconduites en dernier lieu par la loi no 163, du 1er octobre 2010 (ci-après la « loi de 2010 »), portant conversion du décret-loi no 125, du 5 août 2010 (ci-après le « décret-loi 125/2010 »), du 1er octobre 2010, jusqu’à la date d’achèvement des processus de privatisation de Tirrenia et de Siremar.

4 En octobre 2010, une procédure d’appel d’offres en vue de la recherche d’un acquéreur pour la branche d’entreprise Siremar a été ouverte pour les seuls actifs et contrats nécessaires à l’exécution des obligations de service public (ci-après la « branche d’entreprise Siremar »).

5 Après que Compagnia delle Isole (ci-après « CdI »), désignée adjudicataire dans un premier temps, a été exclue sur la base de la décision no 5172 de 2012 du Tribunale amministrativo regionale (tribunal administratif régional, Italie) du Latium, confirmée par l’arrêt no 592 de 2014 du Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), SNS a remporté la procédure d’appel d’offres et a donc repris la branche d’entreprise Siremar et signé la nouvelle convention avec le gouvernement italien le 11 avril 2016 (ci-après le « contrat de cession »).

6 La convention conclue avec SNS est entrée en vigueur le 12 avril 2016 et arrivera à échéance le 11 avril 2028.

7 La cession de la branche d’entreprise Siremar, réalisée pour un montant de 55 100 000 euros (ci-après la « valeur de cession »), sur la base des conclusions de l’expertise effectuée par Banca Profilo, a porté sur le patrimoine constitué des immobilisations incorporelles (droits sur les brevets et droits de propriété intellectuelle ; concessions, licences, marques et autres droits similaires ; autres actifs incorporels) et corporelles (systèmes et machines, équipements industriels et commerciaux ; autres actifs corporels) ainsi que des stocks et des contrats, utilisés par l’entreprise pour remplir ses obligations de service public.

8 Sur la base de la convention conclue avec le gouvernement italien, SNS s’est engagée à fournir des services de transport de passagers et de marchandises sur vingt lignes de cabotage groupées en cinq zones, parfois avec des fréquences ou des lignes différentes en haute et en basse saison.

9 À la suite de plaintes reçues par la Commission, cette dernière a, le 5 octobre 2011, ouvert une procédure formelle d’examen, conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’égard de plusieurs mesures adoptées par la République italienne en faveur de plusieurs compagnies de l’ancien groupe Tirrenia, à savoir Tirrenia, Adriatica, Caremar, Saremar, Siremar et Toremar (ci-après la « décision de 2011 »).

10 La décision de 2011 portait sur plusieurs mesures, parmi lesquelles, notamment, celle prévue par l’article 1er de la loi de 2010, qui dispose que les actes et opérations décrits à l’article 19 ter, paragraphes 1 à 15, du décret-loi no 135/2009 (qui concernent la libéralisation du secteur du cabotage maritime par la privatisation du groupe Tirrenia) sont exonérés de toute taxe normalement due sur ces actes et opérations.

11 Le 7 novembre 2012, la Commission a étendu la procédure formelle d’examen, notamment, à la prorogation illégale de l’aide au sauvetage accordée à Siremar (ci-après la « décision de 2012 »).

12 De nombreux échanges sont intervenus entre 2011 et 2021 (voir les considérants 13 à 18 de la décision attaquée).

Décision attaquée

13 Le 17 juin 2020, la Commission a adopté la décision attaquée. Par cette décision, la Commission a clos la procédure formelle d’examen à l’égard des mesures visées dans les décisions de 2011 et de 2012, à savoir :

– la compensation versée pour la prestation de service d’intérêt économique général (SIEG) dans le cadre de la prorogation des conventions initiales ;

– la prorogation illégale de l’aide au sauvetage en faveur de Siremar (ci-après la « mesure 2 ») ;

– la privatisation des sociétés de l’ancien groupe Tirrenia ;

– la compensation versée pour la prestation de SIEG dans le cadre des futures conventions ou des futurs contrats de service public ;

– la priorité d’accostage ;

– l’exonération fiscale visée par la loi de 2010 (ci-après la « mesure 6 »).

14 La présente affaire concerne uniquement les mesures 2 et 6, visées au point 13 ci-dessus.

 Sur la mesure 2

15 La mesure 2 est décrite à la section 2.3.2 de la décision attaquée. En ce qui concerne la qualification de cette mesure d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Commission a considéré ce qui suit :

« (320) Dans la décision de 2010, la Commission a déclaré que l’aide au sauvetage notifiée, octroyée à Siremar, était compatible avec le marché intérieur. Conformément aux lignes directrices de 2004 concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration, les autorités italiennes se sont engagées à soumettre à la Commission, dans un délai de six mois, un plan de restructuration (ou de liquidation) ou des éléments prouvant que le prêt avait été intégralement remboursé et/ou qu’il avait été mis fin à la garantie.

(321) La première tranche du prêt garanti a été versée à Siremar le 28 février 2011, de sorte que le délai de six mois est arrivé à expiration le 28 août 2011.

(322) À cette date, les autorités italiennes n’ont pas présenté de plan de restructuration (ou de liquidation) à la Commission. Le 11 juillet 2011, BIIS a invoqué la garantie et Siremar est devenue redevable envers l’État (voir considérant 63). Le 18 septembre 2012, Siremar a remboursé le montant dû à l’État (voir considérant 65). Jusqu’à cette date, Siremar a continué à bénéficier intégralement de la mesure d’aide au sauvetage.

(323) Les autorités italiennes n’ont ni soutenu ni démontré que la prorogation de l’aide au sauvetage ne constituait plus une aide d’État, mais se sont limitées à avancer des arguments (voir section 4.2) sur la raison pour laquelle la mesure serait restée compatible, même après l’expiration du délai de six mois.

(324) La Commission estime, par conséquent, que la prorogation de l’aide au sauvetage au-delà de six mois, c’est-à-dire du 28 août 2011 au 18 septembre 2012, constitue une aide d’État en faveur de Siremar, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. »

16 Après avoir conclu que la mesure 2 avait été adoptée en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Commission a procédé à l’examen de la compatibilité de cette mesure à la section 8.3.2 de la décision attaquée, aux termes de laquelle est indiqué ce qui suit :

« (491) Sur le fondement de la décision de 2010, l’aide au sauvetage accordée à Siremar, dans les limites d’un délai de six mois arrivé à expiration le 28 août 2011, était compatible avec le marché intérieur. Toutefois, conformément aux lignes directrices de 2004 concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration, les autorités italiennes étaient tenues de soumettre à la Commission, dans un délai de six mois, i) la preuve que le prêt avait été intégralement remboursé et/ou qu’il avait été mis fin à la garantie ou ii) un plan de restructuration (ou de liquidation).

(492) Alors que la garantie a été activée le 11 juillet 2011, Siremar n’a remboursé l’intégralité du montant dû à l’État que le 18 septembre 2012 (voir considérant 65). Par conséquent, les autorités italiennes n’ont pas pu démontrer que le prêt avait été intégralement remboursé et/ou qu’il avait été mis fin à la garantie dans le délai de six mois expiré le 28 août 2011.

(493) Selon les informations fournies par les autorités italiennes (voir section 4.2) au cours de la procédure formelle d’examen, un plan de liquidation relatif à Siremar était disponible sur le site de Siremar sous administration extraordinaire avant la date d’expiration du délai de six mois prévu par les lignes directrices de 2004 concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration. En outre, les autorités italiennes soutiennent qu’elles ont toujours tenu la Commission informée de l’évolution du processus de privatisation de la branche d’entreprise Siremar.

(494) Les informations figurant dans le dossier de la Commission confirment que les autorités italiennes ont, de fait, transmis régulièrement des informations actualisées à la Commission concernant la privatisation en cours de la branche d’entreprise Siremar. Les autorités italiennes ont également confirmé l’intention de Siremar de rembourser l’aide au sauvetage avant l’expiration du délai de six mois, en utilisant le produit de la privatisation. Cependant, les autorités italiennes n’ont pas officiellement présenté de plan de restructuration ou de liquidation à la Commission. À l’époque, la Commission n’avait pas connaissance du fait que le plan de liquidation avait été publié sur le site Internet de Siremar sous administration extraordinaire. Qui plus est, le fait d’informer la Commission sur le processus de privatisation de la branche d’entreprise Siremar ne peut remplacer l’obligation de présenter officiellement un plan de liquidation. Plus précisément, il convient de donner à la Commission la possibilité d’apprécier si ce plan de liquidation respecte les lignes directrices de 2004 concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration. Les autorités italiennes auraient donc dû présenter ce plan officiellement.

(495) La Commission souligne de surcroît que, le 5 octobre 2011, elle a envoyé aux autorités italiennes une lettre dans laquelle elle leur demandait de confirmer qu’elles avaient satisfait aux exigences des lignes directrices de 2004 concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration, ainsi qu’à celles visées par la décision de 2010. Le 28 novembre 2011, la Commission a envoyé une lettre de rappel auxdites autorités et a reçu une réponse de ces dernières le 12 décembre 2011. En ce qui concerne la Commission, les autorités italiennes n’avaient donc présenté jusqu’à cette dernière date (et, partant, après l’expiration du délai de six mois) ni i) la preuve que le prêt avait été intégralement remboursé et/ou qu’il avait été mis fin à la garantie, ni ii) le plan de restructuration (ou de liquidation).

(496) Dans leur réponse à la lettre de la Commission du 5 octobre 2011, les autorités italiennes ont confirmé que leur intention était que Siremar rembourse l’aide au sauvetage avant le 28 août 2011, après la vente de la branche d’entreprise Tirrenia, mais que le processus de privatisation de cette dernière avait été retardé en raison de la nécessité d’obtenir l’approbation de la Commission concernant la concentration. Étant donné que le produit de la privatisation de la branche d’entreprise Tirrenia était nécessaire pour rembourser l’État, il n’était pas possible de procéder à ce remboursement avant la date d’expiration du délai imparti, à savoir le 28 août 2011. La Commission souligne que, dans la lettre du 12 décembre 2011, les autorités italiennes n’ont aucunement fait référence au plan de liquidation de Siremar qui, selon les observations présentées ultérieurement par lesdites autorités, aurait été mis à la disposition du public avant le 28 août 2011. Au contraire, les autorités italiennes se sont limitées à expliquer pourquoi le remboursement n’avait pas pu être effectué avant l’expiration du délai de six mois. Or, si les autorités italiennes avaient présenté à la Commission un plan de restructuration ou de liquidation avant le 28 août 2011, elles n’auraient pas dû fournir ces explications. La Commission considère cette circonstance comme une preuve supplémentaire du fait que les autorités italiennes n’ont pas présenté de plan de restructuration ou de liquidation dans le délai prévu de six mois.

(497) Eu égard à ce qui précède et même si la Commission avait connaissance du processus de privatisation, les autorités italiennes n’ont pas respecté l’engagement prévu par la décision de 2010, qui consistait à transmettre à la Commission un plan de restructuration (ou de liquidation) dans un délai de six mois à compter de l’autorisation de l’aide au sauvetage. Il s’ensuit que l’aide au sauvetage doit être considérée comme illégale et incompatible à compter de la date d’expiration du délai de six mois, c’est-à-dire à partir du 28 août 2011. De l’avis de la Commission, d’autres motifs justifient également de ne pas considérer comme compatible l’aide au sauvetage illégalement prorogée, à savoir le fait qu’elle ne satisfait ni aux conditions pertinentes des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration, ni à celles de l’encadrement SIEG de 2011.

(498) En effet, la Commission observe que, en l’espèce, l’aide au sauvetage illégalement prorogée n’a pas été accordée pour un véritable service d’intérêt général et n’a pas été correctement définie, comme requis par le point 12 de l’encadrement SIEG de 2011. Siremar avait déjà reçu une compensation pour l’exécution de services publics en vertu de la convention initiale (prorogée), tandis que l’aide au sauvetage a été notifiée et approuvée en tant que mesure temporaire d’aide au sauvetage et non comme compensation pour l’exécution d’un SIEG. Par conséquent, cette aide ne peut être déclarée compatible au regard de l’encadrement SIEG de 2011.

(499) Dans ce contexte, la Commission note que, le 18 septembre 2012, Siremar sous administration extraordinaire a remboursé un montant de 15 511 529,35 EUR, soit un montant supérieur aux 15 121 838,33 EUR déjà dus à l’État le 11 juillet 2011. Toutefois, étant donné que l’aide au sauvetage illégalement prorogée a été considérée comme incompatible, le remboursement doit comprendre au moins le montant des intérêts de récupération. Si les intérêts déjà versés par Siremar sous administration extraordinaire devaient être insuffisants, il conviendrait de récupérer le montant des intérêts restant dus. »

Sur la mesure 6

17 La mesure 6 est décrite au considérant 133, sous b), de la décision attaquée, dont la teneur est résumée au point 10 ci-dessus.

18 Après avoir examiné les arguments des parties intéressées, la Commission a conclu que la mesure 6 constituait une aide d’État, pour les motifs suivants :

« (419) Comme décrit au considérant 133, point b), l’article 1er de la loi de 2010 dispose que les actes et opérations visant à la privatisation du groupe Tirrenia et décrits à l’article 19 ter, paragraphes 1 à 15, du décret-loi no 135/2009 converti, après modifications, en loi de 2009, sont exonérés de toute taxe normalement due sur ces actes et opérations.

(420) La Commission note tout d’abord que cette exonération fiscale, qui n’est pas soumise à condition, concerne deux séries de transferts distinctes : 1) le transfert des anciennes filiales de Tirrenia (Caremar, Saremar et Toremar), par Tirrenia (maintenant sous administration extraordinaire) aux régions de la Campanie, de la Sardaigne et de la Toscane, et 2) le transfert de la branche d’entreprise Siremar par Siremar sous administration extraordinaire à CdI, puis à SNS. Les exonérations fiscales concernent, notamment, les droits d’enregistrement, les droits d’inscription hypothécaire et d’inscription au registre foncier ainsi que les droits de timbre (ci-après dénommés conjointement les “impôts indirects”), la TVA et l’impôt sur les sociétés. Cette mesure d’aide pourrait bénéficier au vendeur ou à l’acquéreur, voire aux deux. Seule la deuxième série de transferts sera appréciée dans la présente décision.

(421) […]

(422) Compte tenu du contexte indiqué ci-dessus, la Commission appréciera les éléments suivants :

(i) si Siremar (sous administration extraordinaire) et SNS ont bénéficié d’éventuelles exonérations des droits d’enregistrement, des droits d’inscription hypothécaire et d’inscription au registre foncier ainsi que des droits de timbre (ci-après les “impôts indirects”) pour le transfert de la branche d’entreprise Siremar à SNS, et

(ii) si Siremar (sous administration extraordinaire) a bénéficié d’éventuelles exonérations de l’impôt sur les sociétés en ce qui concerne le produit du transfert de la branche d’entreprise Siremar à SNS.

(423) Ressources d’État : une exonération fiscale entraîne, par définition, une renonciation à des recettes d’État. De plus, étant donné qu’elles ont été accordées en vertu de la loi de 2010 [voir considérant 133, sous b)], ces exonérations sont également imputables à l’État.

(424) Sélectivité : dans la mesure où elles ont été accordées uniquement pour les opérations et les actes relatifs à la privatisation de l’ancien groupe Tirrenia, les exonérations fiscales sont sélectives. Les autorités italiennes n’ont ni soutenu ni démontré que les exonérations fiscales ne sont pas sélectives.

(425) Avantage économique : en ce qui concerne les impôts indirects, Siremar a été exonérée du paiement de ces impôts pour les opérations et actes concernant le transfert de la branche d’entreprise Siremar à SNS et a donc bénéficié d’un avantage économique correspondant aux impôts normalement dus, en vertu du droit italien, pour ces types d’opérations et d’actes.

(426) […]

(427) En ce qui concerne l’exonération de l’impôt sur les sociétés relatif au produit du transfert de la branche d’entreprise Siremar à CdI, puis à SNS, la Commission note, à titre préliminaire, que le moment pertinent pour apprécier si une mesure constitue une aide d’État est celui où cette mesure est accordée, c’est-à-dire lorsque le bénéficiaire acquiert, en vertu du droit national, le droit de recevoir une aide au titre de cette mesure. En l’espèce, ce moment coïncide avec l’entrée en vigueur de la loi de 2010. Par conséquent, dans le cadre de son examen d’éventuelles aides illégales, la Commission peut, sur la base des éléments dont elle dispose, tenir compte du fait que de telles aides ont déjà été accordées ou non, et puissent l’être à l’avenir, conformément aux règles en vigueur en droit national. Sur la base de cette constatation, la Commission ordonnera ou non la récupération de toute aide jugée incompatible ou décidera ou non d’enjoindre aux États membres de ne pas verser d’aide jugée incompatible à l’avenir, mais elle ne remet pas en cause l’existence de l’aide au moment de son octroi.

(428) Dans ce contexte, la Commission note tout d’abord que le transfert de la branche d’entreprise Siremar a été effectué contre le paiement d’une contrepartie, initialement par CdI, puis par SNS. Toutefois, la vente de la branche d’entreprise à CdI pour un montant de 69 150 000 euros a été annulée (voir considérant 99). Par conséquent, cette exonération n’a eu aucun effet pratique, et aucun avantage n’a été accordé à Siremar dans le cadre de ce premier transfert. En revanche, la vente à SNS pour 55 100 000 euros devrait normalement être soumise à l’impôt sur les sociétés. Le fait qu’elle soit exonérée de cet impôt constitue un avantage économique, étant donné que le produit de la vente de certains actifs est normalement pris en considération dans le calcul de l’impôt sur les sociétés. En effet, dans le cas de procédures d’insolvabilité, telles que celle qui concerne Siremar sous administration extraordinaire, la méthode de calcul du revenu est décrite à l’article 183 du Testo unico delle imposte sui redditi. Sur le fondement de cet article, le revenu d’entreprise relatif à la période comprise entre le début et la clôture de la procédure collective d’insolvabilité est constitué de la différence entre les actifs de l’entreprise au début de la procédure et les actifs résiduels à la fin de celle-ci. Au moment de l’adoption de la présente décision, la procédure de liquidation est toujours en cours et il n’est donc pas possible de prédire s’il y aura un passif fiscal, ni son ampleur éventuelle, étant donné qu’on ne sait pas encore clairement si un impôt sur le revenu sera dû. Toutefois, pour les raisons exposées au considérant 427, cela n’affecte pas la constatation de l’existence d’un avantage économique, puisque la loi de 2010 prévoyait un droit inconditionnel à l’exonération fiscale.

(429) Incidence sur les échanges : pour les motifs décrits aux considérants 312 et 313, la Commission estime que l’exonération de certains impôts accordée à Siremar et à SNS est susceptible d’avoir une incidence sur les échanges au sein de l’Union et de fausser la concurrence sur le marché intérieur.

(430) Conclusion : l’exonération de l’impôt sur les sociétés relatif au produit de la vente de la branche d’entreprise Siremar à SNS, ainsi que l’exonération des impôts indirects sur le transfert de la même branche à SNS, accordées par la loi de 2010, constituent des aides d’État en faveur de Siremar […] »

19 S’agissant de la compatibilité de la mesure 6, la Commission a considéré ce qui suit à la section 8.3.3 de la décision attaquée :

« (500) La Commission a conclu (voir considérants 419 à 430) que l’exonération de l’impôt sur les sociétés relatif au produit de la vente de la branche d’entreprise Siremar accordée à Siremar, ainsi que l’exonération des impôts indirects sur les transferts de la même branche d’entreprise accordée à Siremar et à SNS, en vertu de la loi de 2010, constituent une aide d’État en faveur de Siremar et de SNS.

(501) Dans les deux cas, l’aide équivaut à la différence entre l’impôt normalement dû pour ces types d’opérations et l’impôt réellement versé. La compatibilité de cette aide d’État doit, en conséquence, être appréciée au regard des dérogations prévues à l’article 107, paragraphes 2 et 3, et à l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

(502) En premier lieu, la Commission estime qu’aucune des exonérations susmentionnées ne peut être considérée comme compatible sur la base des dérogations prévues à l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE.

(503) En deuxième lieu, la Commission note que ces exonérations fiscales liées à la vente de la branche d’entreprise Siremar constituent des mesures uniques liées à un transfert d’actifs qui s’inscrivait dans le processus plus large de réorganisation et de privatisation du groupe Tirrenia. Dès lors, la Commission considère que cette aide n’est pas liée de manière indissoluble au SIEG assuré par Siremar et, ultérieurement, par SNS et qu’elle ne doit donc pas être appréciée sur la même base de compatibilité. En fait, ces exonérations ne concernent pas l’exploitation de services d’intérêt économique général, tels que définis dans la convention initiale ou dans la nouvelle convention. Il s’ensuit que les motifs de compatibilité visés à l’article 106, paragraphe 2, TFUE ne peuvent pas être invoqués.

(504) La Commission conclut, par conséquent, que les exonérations fiscales accordées à Siremar et à SNS constituent une aide au fonctionnement qui a réduit les coûts qui auraient normalement dû grever les ressources financières propres de Siremar sous administration extraordinaire et de SNS et qu’elles sont, dès lors, incompatibles avec le marché intérieur. »

Sur le dispositif

20 L’article 2 de la décision attaquée dispose ce qui suit :

« 1. La prorogation de l’aide au sauvetage du 28 août 2011 au 18 septembre 2012 constitue une aide d’État en faveur de Siremar, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. L’aide d’État a été illégalement mise à exécution par l’Italie, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

2. L’aide visée au paragraphe 1 du présent article, qui s’élève à 15 121 838,33 euros, est incompatible avec le marché intérieur. »

21 Aux termes de l’article 3 de la décision attaquée :

« 1. L’exonération des impôts indirects sur le transfert de la branche d’entreprise Siremar à SNS constitue une aide d’État en faveur de Siremar, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. L’aide d’État a été illégalement mise à exécution par l’Italie, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

2. […]

3. L’exonération de l’impôt sur les sociétés relatif au produit de la vente de la branche d’entreprise Siremar à SNS constitue une aide d’État en faveur de Siremar, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. L’aide d’État a été illégalement mise à exécution par l’Italie, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

4. L’aide visée aux paragraphes 1, 2 et 3 du présent article est incompatible avec le marché intérieur.

5. À la date d’adoption de la présente décision, l’Italie n’a pas encore versé l’aide visée au paragraphe 3 du présent article. »

22 L’article 5 de la décision attaquée ordonne la récupération de l’aide déclarée illégale et incompatible et prévoit que les montants à récupérer produisent des intérêts à compter de la date à laquelle ils ont été mis à disposition du bénéficiaire.

23 L’article 6 prévoit que la récupération de l’aide dont il est question à l’article 5 est immédiate et effective et que l’Italie est tenue d’exécuter la décision attaquée dans un délai de quatre mois à compter de la date de notification de cette décision.

 Conclusions des parties

24 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler les articles 2 et 3 de la décision attaquée ;

– à titre subsidiaire, annuler les articles 5 et 6 de la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

25 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

26 La requérante soulève trois moyens à l’appui de son recours. Le premier, qui concerne la mesure 2, est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2004 »), en ce que la Commission a conclu que la prorogation de l’aide au sauvetage octroyée à Siremar constituait une aide illégale et incompatible. Le deuxième, qui concerne la mesure 6, est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en ce qui concerne l’exonération du paiement de certains impôts. Le troisième et dernier est tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, en ce qui concerne la durée de la procédure administrative.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 2, du TFUE ainsi que des lignes directrices de 2004, en ce que la Commission a conclu que la prorogation de l’aide au sauvetage octroyée à Siremar constituait une aide illégale et incompatible

27 Par son premier moyen, la requérante invoque une violation de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ainsi que des lignes directrices de 2004, en ce que la Commission a conclu que la prorogation de l’aide au sauvetage octroyée à Siremar constituait une aide illégale et incompatible.

28 En se fondant sur certains des motifs de la décision attaquée, la requérante fait valoir que la Commission a été régulièrement informée du processus de privatisation, y compris par le biais de la procédure parallèle de contrôle des concentrations. Selon la requérante, le fait que le plan de restructuration avait été mis en place avant l’expiration du délai de six mois, comme cela est indiqué sur le site Internet de la société sous administration extraordinaire, le fait que le montant de l’aide avait été intégralement restitué et le fait que le service public n’avait pas été interrompu au cours de la période concernée permettent de considérer que la Commission a commis une erreur de droit en concluant à l’illégalité et à l’incompatibilité de la prorogation de l’aide au sauvetage. Pour les mêmes raisons, la Commission aurait violé le principe de bonne administration, en tant que corollaire du principe de proportionnalité.

29 La Commission conteste ces arguments.

30 À titre liminaire, il convient de rappeler que les paragraphes 25 et 26 des lignes directrices de 2004, applicables en l’espèce, prévoient ce qui suit :

« 25. Pour être autorisées par la Commission, les aides au sauvetage, telles qu’elles sont définies au [paragraphe] 15, doivent :

a) consister en des aides de trésorerie sous forme de garanties de crédits ou de crédits ; dans les deux cas de figure, le crédit doit être soumis à un taux au moins comparable aux taux observés pour des prêts à des entreprises saines, et notamment aux taux de référence adoptés par la Commission ; tout prêt doit être remboursé et toute garantie doit prendre fin dans un délai de six mois au maximum à compter du versement de la première tranche à l’entreprise ;

[…]

c) être accompagnées, lors de leur notification, d’un engagement de l’État membre concerné de transmettre à la Commission, dans un délai maximal de six mois à compter de l’autorisation de l’aide au sauvetage ou, dans le cas d’une aide non notifiée, à compter de la première mise en œuvre de la mesure en question, soit un plan de restructuration, soit un plan de liquidation, soit la preuve que le prêt a été intégralement remboursé et/ou qu’il a été mis fin à la garantie ;

26. Lorsque l’État membre a soumis un plan de restructuration dans un délai de six mois à compter de la date d’autorisation ou, dans le cas d’une aide non notifiée, de la mise en œuvre de la mesure, le délai dans lequel le prêt doit être remboursé ou dans lequel il doit être mis fin à la garantie est prolongé jusqu’à ce que la Commission arrête sa décision concernant le plan, à moins qu’elle ne décide que cette prolongation ne se justifie pas. »

31 Tout d’abord, il convient de constater que, formellement du moins, aucune des conditions alternatives figurant au paragraphe 25, sous c), des lignes directrices n’a été respectée.

32 En effet, d’une part, à la date du 28 août 2011, à savoir six mois après le versement de la première tranche du prêt garanti le 28 février 2011, l’aide n’avait pas été remboursée. Cette aide a, selon la requérante, été remboursée le 18 septembre 2012.

33 D’autre part, ainsi qu’il ressort du considérant 497 de la décision attaquée, même si, à la date du 28 août 2011, la Commission avait connaissance du fait que Siremar était en liquidation, aucun plan de restructuration ou de liquidation ne lui avait officiellement été présenté par les autorités italiennes à cette date.

34 Or, ces constats ne sont pas remis en cause par les arguments de la requérante.

35 Premièrement, la requérante n’a pas démontré que, contrairement à ce qui figure au considérant 494 de la décision attaquée, la Commission aurait eu connaissance de l’existence du plan de restructuration ou de liquidation publié sur le site Internet dédié à son administration extraordinaire, à supposer même que ce plan y fût publié à cette époque et qu’une telle publication, portée à la connaissance de la Commission, puisse suffire en vue de respecter les conditions figurant au paragraphe 25, sous c), des lignes directrices de 2004. Dans le même sens, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 496 de la décision attaquée, dans leur lettre du 12 décembre 2011, en réponse aux demandes de renseignements de la Commission, les autorités italiennes n’ont aucunement fait référence à l’existence d’un plan de restructuration ou de liquidation qui aurait été mis à la disposition du public avant le 28 août 2011.

36 Deuxièmement, nonobstant le fait que la Commission ait pu disposer d’éléments d’information quant au processus de privatisation en cours, cette circonstance, à supposer que ces éléments impliquent la connaissance d’une liquidation de Siremar, ne saurait équivaloir à la présentation formelle d’un plan de restructuration ou de liquidation sur lequel la Commission aurait été en mesure de prendre position.

37 Troisièmement, en ce qui concerne la prétendue disponibilité d’informations pertinentes transmises à la Commission dans le cadre de son examen afférent à la procédure de concentration COMP/M.6362-CIN/Tirrenia, il suffit de noter que, selon la requérante elle-même, la notification de la concentration en cause s’est faite le 21 novembre 2011, à savoir plusieurs mois après l’expiration, le 28 août 2011, du délai de six mois prévu par le paragraphe 25, sous c), des lignes directrices de 2004. Par ailleurs, ainsi que l’observe à juste titre la Commission, ladite procédure concernait Tirrenia, et non Siremar. Dès lors, la transmission à la Commission, dans le cadre de l’examen de cette procédure de concentration, d’éléments d’information relatifs au déroulement de la procédure de privatisation de Tirrenia ne saurait, non plus, équivaloir à la présentation formelle, au sens des lignes directrices de 2004, d’un plan de restructuration ou de liquidation concernant Siremar par la République italienne.

38 Quatrièmement, la requérante ne saurait faire valoir que l’effet utile des paragraphes 25 et 26 des lignes directrices de 2004 aurait été respecté, dès lors que le montant intégral de l’aide aurait été remboursé le 18 septembre 2012, soit 48 jours seulement après la conclusion de la cession de la branche d’entreprise Siremar et qu’une transparence maximale aurait été appliquée pour chaque élément pertinent en l’espèce.

39 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en adoptant des règles de conduite et en annonçant, par leur publication, qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C 431/14 P, EU:C:2016:145, point 69 et jurisprudence citée).

40 Dans le domaine spécifique des aides d’État, la Commission est tenue par les encadrements qu’elle adopte, dans la mesure où ceux-ci ne s’écartent pas des normes du traité FUE et où leur application ne viole pas les principes généraux du droit (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C 431/14 P, EU:C:2016:145, point 70 et jurisprudence citée).

41 En l’espèce, il convient d’observer que le paragraphe 15 des lignes directrices, auquel renvoie le paragraphe 25 de celles-ci, définit les aides au sauvetage en ces termes :

« Les aides au sauvetage sont, de par leur nature, une assistance de caractère temporaire et réversible. Elles ont pour principal objectif de permettre le maintien à flot de l’entreprise en difficulté pendant le temps nécessaire à l’élaboration d’un plan de restructuration ou de liquidation. Le principe général est que les aides au sauvetage doivent permettre de soutenir temporairement une société confrontée à une détérioration importante de sa situation financière, qui se traduit par une crise de trésorerie grave ou une insolvabilité technique. Ce soutien temporaire doit donner le temps nécessaire pour analyser les circonstances qui ont donné lieu aux difficultés et pour élaborer un plan permettant d’y remédier. En outre, l’aide au sauvetage doit être limitée au minimum nécessaire. En d’autres termes, une aide au sauvetage donne à l’entreprise en difficulté un répit de courte durée, d’au maximum six mois. L’aide doit consister en un soutien financier réversible sous la forme de garanties de prêts ou de prêts, avec un taux d’intérêt au moins comparable à ceux observés pour les prêts consentis à des entreprises saines, et en particulier aux taux de référence adoptés par la Commission. Des mesures structurelles ne nécessitant pas une intervention immédiate, comme la participation irrémédiable et automatique de l’État dans les fonds propres de l’entreprise, ne peuvent être financées par une aide au sauvetage. »

42 Dès lors, force est de constater que, loin de constituer des exigences purement formelles, l’objectif des exigences prévues aux paragraphes 25 et 26 des lignes directrices de 2004 est précisément de garantir que les aides au sauvetage ou à la restructuration aient des effets très limités sur le marché intérieur, ce qui est assuré, notamment, par le caractère temporaire et réversible du soutien accordé. Cela devait se traduire, en l’espèce, par le remboursement de l’aide au sauvetage dans un délai maximal de six mois, sous réserve de la présentation, dans ce délai, d’un plan de restructuration ou de liquidation.

43 Cinquièmement, au regard de ces considérations, la seule circonstance que le service public aurait été maintenu au cours de la période allant jusqu’à la fin du processus de privatisation ne permet pas non plus, en soi, de démontrer qu’il aurait été satisfait aux exigences prévues par les lignes directrices de 2004.

44 Partant, la requérante n’a pas démontré que, en appliquant les exigences prévues aux paragraphes 25 et 26 des lignes directrices de 2004, la Commission aurait méconnu un principe général du droit, tel que le principe de bonne administration ou de proportionnalité, ni qu’elle aurait méconnu la marge d’appréciation dont elle dispose en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

45 Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en ce qui concerne l’exonération du paiement de certains impôts

46 Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a erronément qualifié la mesure 6 d’aide d’État. Elle conteste en particulier le fait que la Commission ait considéré, dans la décision attaquée, que l’exonération de l’impôt sur le revenu des sociétés en ce qui concerne les recettes générées par le transfert de la branche d’entreprise Siremar à SNS constituait un avantage économique sélectif. Or, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que, tant que la procédure collective d’administration extraordinaire n’était pas terminée, il était impossible de déterminer si l’impôt sur le revenu serait dû ou non et, partant, si et dans quelle mesure Siremar aurait effectivement bénéficié de l’exonération en cause. Par conséquent, aucune aide d’État n’aurait été octroyée, puisque l’exonération de l’impôt sur le revenu des sociétés serait subordonnée à la réalisation d’événements futurs et incertains, ce qui aurait d’ailleurs été reconnu dans la décision attaquée.

47 Par ailleurs, en examinant la compatibilité de l’aide en cause, la Commission aurait erronément considéré que les exonérations fiscales relatives à la vente de la branche d’entreprise Siremar n’étaient pas liées de manière indissociable au SIEG assuré par Siremar. Cette affirmation serait partielle, dans la mesure où la requérante non seulement n’assurerait plus aucun SIEG, mais elle n’offrirait plus non plus aucun type de service de transport maritime, ni ne fournirait de prestation d’aucune nature sur le marché. Dès lors, Siremar, sous administration extraordinaire, aurait officiellement cessé toute activité économique et ne relèverait donc pas de la notion d’entreprise auxquelles s’appliquent les règles en matière d’aides d’État.

48 En outre, même si la mesure en cause devait se concrétiser en matière d’avantage, dès lors que Siremar a cessé toute activité d’entreprise, celle-ci ne serait pas de nature à fausser ou à menacer de fausser la concurrence et à affecter les échanges entre États membres. La décision attaquée serait manifestement lacunaire à cet égard, dans la mesure où l’affectation des échanges ne pourrait pas être purement hypothétique ou présumée.

49 La Commission conteste ces arguments

50 À titre liminaire, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, même si la requérante a formellement contesté les mesures fiscales énumérées à l’article 3 de la décision attaquée, les motifs invoqués au soutien de ses conclusions concernent uniquement l’exonération de l’impôt sur le revenu des sociétés relatif au produit de la vente de la branche d’entreprise Siremar.

51 Or, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, premier alinéa, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués et cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il doit en aller de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé (arrêt du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T 43/92, EU:T:1994:79, point 183 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Frieberger et Vallin, T 232/16 P, non publié, EU:T:2017:15, point 34).

52 Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T 56/92, EU:T:1993:105, point 21, et arrêt du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T 387/94, EU:T:1996:120, point 106).

53 Dès lors, étant donné que la requérante n’a avancé aucun grief à l’encontre de la décision attaquée s’agissant des mesures visées à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de cette décision, il y a lieu d’examiner uniquement le présent moyen pour autant qu’il est dirigé contre l’article 3, paragraphe 3, de la décision attaquée, en ce que la Commission y a considéré que l’exonération de l’impôt sur le revenu des sociétés pour le produit de la vente de la branche d’entreprise constituait une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur.

54 À cet égard, il y a lieu de constater que, bien que la requête manque quelque peu de clarté, la requérante semble faire valoir, en substance, d’une part, l’absence d’avantage au motif que l’exonération fiscale en cause serait conditionnée à la réalisation d’événements futurs et incertains et, d’autre part, l’absence d’une aide de nature à porter atteinte aux échanges entre États membres et à fausser le jeu de la concurrence au sein de l’Union, dans la mesure où elle a officiellement cessé toute activité d’entreprise.

55 S’agissant du premier grief, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe à la Commission d’apporter la preuve de l’existence d’une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et, partant, également la preuve que la condition d’octroi d’un avantage aux bénéficiaires est remplie. En particulier, la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures concernées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (voir arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, point 62 et jurisprudence citée).

56 Il convient néanmoins de rappeler que la notion d’aide comprend non seulement des prestations positives, mais également les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. Sont ainsi considérées comme des aides toutes les interventions d’État qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui sont à considérer comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C 559/12 P, EU:C:2014:217, point 94 et jurisprudence citée).

57 Il s’ensuit que des mesures nationales conférant un avantage fiscal qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, placent leurs bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables sont susceptibles de procurer un avantage sélectif à ces bénéficiaires et constituent, partant, des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, point 60 et jurisprudence citée).

58 En outre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, un régime fiscal spécial doit être considéré comme octroyant un avantage à ses bénéficiaires lorsqu’il peut conduire, au moment de son adoption, à une imposition inférieure de ceux-ci, même lorsque la matérialisation effective de cet avantage dépend de circonstances externes, telles que la réalisation d’un bénéfice (voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C 81/10 P, EU:C:2011:811, points 19 à 22, et du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C 362/19 P, EU:C:2021:169, points 104 et 115).

59 En l’espèce, s’agissant de l’exonération de l’impôt sur le revenu relatif au transfert de la branche d’entreprise Siremar à SNS, la Commission a établi l’existence d’un avantage économique, aux considérants 427 et 428 de la décision attaquée, rappelés au point 19 ci-dessus. Or, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ce raisonnement n’est entaché d’aucune erreur de droit.

60 En effet, le critère pour déterminer le moment de l’octroi d’une aide est celui de l’acte juridiquement contraignant par lequel l’autorité nationale compétente s’engage à accorder l’aide à son bénéficiaire par une promesse inconditionnelle et légalement contraignante (voir arrêt du 25 janvier 2018, BSCA/Commission, T 818/14, EU:T:2018:33, point 72 et jurisprudence citée). De même, à partir du moment où le droit de recevoir une assistance, fournie au moyen de ressources d’État, est conféré au bénéficiaire en vertu de la législation nationale applicable, l’aide doit être considérée comme étant accordée, de telle sorte que le transfert effectif des ressources en cause n’est pas décisif (arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C 385/18, EU:C:2019:1121, point 36).

61 Or, la requérante ne conteste pas que, en vertu de la loi de 2010, examinée dans la décision attaquée, les recettes relatives au produit de la vente de la branche d’entreprise Siremar à SNS ont été exonérées de l’impôt sur le revenu des sociétés, qui normalement aurait été dû pour une telle opération. La requérante ne conteste pas non plus que, à la date d’adoption de la décision attaquée, elle avait effectué l’opération de vente visée dans la loi de 2010, qui était susceptible de bénéficier de l’exonération d’impôts à ce titre. Dès lors, ainsi qu’il découle de la jurisprudence citée au point 63 ci-dessus, la circonstance qu’une telle aide ne se matérialisera effectivement que lors de la réalisation d’événements futurs et incertains, tels que, en l’occurrence, l’existence d’une différence positive entre, d’une part, l’actif de l’entreprise au début de la procédure d’administration extraordinaire et, d’autre part, l’actif résiduel à la fin de cette procédure, ne saurait conduire à constater l’existence d’une erreur de droit en ce qui concerne la condition relative à l’existence d’un avantage en l’espèce.

62 En outre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (arrêts du 12 octobre 2000, Espagne/Commission, C 480/98, EU:C:2000:559, point 25 ; du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C 415/03, EU:C:2005:287, point 39, et du 18 octobre 2007, Commission/France, C 441/06, EU:C:2007:616, point 29).

63 Il ressort également de la jurisprudence de la Cour qu’un État membre qui, lors de l’exécution d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles, qu’elles soient de nature politique, juridique ou pratique, ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission, doit soumettre ces problèmes à l’appréciation de cette dernière, en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, la Commission et l’État membre concerné doivent collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité FUE et, notamment, de celles relatives aux aides (arrêts du 3 juillet 2001, Commission/Belgique, C 378/98, EU:C:2001:370, point 31 ; du 2 juillet 2002, Commission/Espagne, C 499/99, EU:C:2002:408, point 24, et du 18 octobre 2007, Commission/France, C 441/06, EU:C:2007:616, point 28).

64 Il suffit donc, selon la jurisprudence, que la Commission fournisse une méthode de calcul suffisamment fiable pour déterminer le montant de l’aide à restituer (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2007, Commission/France, C 441/06, EU:C:2007:616, points 40 et 41).

65 Or, force est de constater que la décision attaquée comporte les indications appropriées permettant à la République italienne de déterminer elle-même, sans difficultés excessives, le montant définitif de l’aide à récupérer.

66 En effet, la décision attaquée rappelle, à son article 3, paragraphe 5, que l’aide consistant en l’exonération de l’impôt sur le revenu des sociétés relatif au produit de la vente de la branche d’entreprise Siremar à SNS n’avait pas encore été versée. L’article 5, paragraphe 1, de la décision attaquée reconnaît expressément que les aides doivent être récupérées à condition d’avoir été versées. Comme le fait valoir la Commission, à supposer que le transfert de la branche d’entreprise Siremar à SNS ne génère pas de bénéfice soumis à l’impôt sur le revenu, aucune exonération ne pourrait être appliquée, de sorte qu’aucune récupération ne serait envisageable.

67 Toutefois, le fait qu’il n’y aurait éventuellement pas de montant à récupérer ne signifie pas que la loi de 2010 n’ait pas conféré d’avantage à Siremar. En effet, à la date à laquelle la Commission a adopté la décision attaquée, le principe de l’aide était acquis, dans la mesure où cette loi prévoyait un droit inconditionnel à l’exonération fiscale et puisque l’avantage découlant de cette loi pouvait encore se concrétiser, comme le reconnaît d’ailleurs la requérante.

68 À cet égard, il convient encore de rappeler que, aux fins de la quantification du montant d’aides à récupérer, les autorités nationales doivent prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents portés à leur connaissance, y compris les échanges intervenus entre elles et la Commission au titre de l’application du principe de coopération loyale. Il ne saurait donc être exclu que, eu égard à l’ensemble de ces éléments, les calculs effectués en ce qui concerne la quantification des montants d’aides à restituer fassent apparaître un montant égal à zéro, sans que cela remette en cause la validité de la décision de la Commission ou l’obligation de restitution des aides déclarées illégales et incompatibles avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2014, Mediaset, C 69/13, EU:C:2014:71, points 36, 37 et 39).

69 Partant, le premier grief de la requérante doit être rejeté.

70 S’agissant du second grief, la requérante fait valoir, en substance, que deux des conditions énoncées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne seraient pas réunies, à savoir la condition relative à l’affectation des échanges au sein de l’Union, dans la mesure où elle ne participerait plus auxdits échanges, et la condition relative au fait de fausser ou de menacer de fausser la concurrence, puisque, à la suite du processus de privatisation, étant sous administration extraordinaire, elle ne détiendrait pas la moindre position sur le marché national qui puisse être maintenue ou consolidée, entraînant une diminution des possibilités pour les entreprises ayant leur siège dans d’autres États membres de pénétrer le marché italien.

71 En premier lieu, s’agissant de la condition relative à l’affectation des échanges au sein de l’Union, il convient d’abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la question de savoir si une aide est une aide d’État au sens du traité FUE doit être résolue sur la base d’éléments objectifs qui s’apprécient à la date à laquelle la Commission prend sa décision. Partant, c’est sur l’appréciation de la situation opérée par la Commission à cette date que porte le contrôle du juge de l’Union (voir arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C 334/07 P, EU:C:2008:709, point 50 et jurisprudence citée).

72 Ensuite, il ressort de la jurisprudence que, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C 385/18, EU:C:2019:1121, point 42 et jurisprudence citée).

73 Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que les entreprises bénéficiaires participent elles-mêmes aux échanges entre États membres. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à des entreprises, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées (voir arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C 385/18, EU:C:2019:1121, point 43 et jurisprudence citée).

74 Enfin, il ressort de la jurisprudence que la condition selon laquelle l’aide doit être de nature à affecter les échanges entre les États membres ne dépend pas de la nature locale ou régionale des services de transport fournis ou de l’importance du domaine d’activité concerné (voir arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C 385/18, EU:C:2019:1121, point 44 et jurisprudence citée).

75 Eu égard à cette jurisprudence, il convient de relever que, au moment de l’adoption de la loi de 2010 octroyant l’exonération en cause, la requérante fournissait des services de transport maritime de passagers ou de marchandises de manière extrêmement intense et régulière entre des régions d’Italie et que cette exonération affectait nécessairement les échanges au sein de l’Union, auxquels participait la requérante, en pouvant dissuader des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché italien.

76 En second lieu, s’agissant de la condition selon laquelle l’aide doit fausser ou menacer de fausser la concurrence, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il y a lieu non pas d’établir une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible de fausser la concurrence. Il ressort de cette même jurisprudence que les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent, en principe, les conditions de concurrence (voir arrêt du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C 385/18, EU:C:2019:1121, point 52 et jurisprudence citée).

77 Par ailleurs, lorsqu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges au sein de l’Union, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêt du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T 109/01, EU:T:2004:4, point 57 et jurisprudence citée).

78 Tel est le cas en l’espèce. En effet, toute exonération du paiement de certaines taxes permettant à une entreprise se trouvant dans de graves difficultés financières de continuer à être présente sur le marché en participant à des échanges au sein de l’Union est nécessairement susceptible de fausser les conditions de concurrence sur le marché.

79 La requérante fait néanmoins valoir qu’elle n’exercerait plus aucune activité économique, de sorte que, à supposer que l’avantage se matérialise, l’aide en cause ne serait pas de nature à fausser ou à menacer de fausser la concurrence et à affecter les échanges entre États membres.

80 À cet égard, il y a lieu de relever que, bien que, à la date d’adoption de la décision attaquée, la requérante fît l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité, qui conduira probablement à la cessation de son existence, cette procédure concerne des entreprises, qui, en tant que telles, sont soumises aux règles relatives aux aides d’État. En effet, ainsi que le fait valoir la Commission à juste titre, la vente d’une branche d’entreprise à une autre entreprise constitue une activité économique qui, en tant que telle, est normalement soumise à l’impôt. À supposer que, au moment de procéder à la récupération de l’aide en cause, la requérante ait cessé d’exister en tant qu’entreprise, il appartiendra aux autorités nationales d’en informer la Commission, dans le cadre de leur devoir de coopération loyale, une telle circonstance étant susceptible de constituer une exécution effective de la décision attaquée, sans pour autant remettre en cause la légalité de celle-ci. En effet, dans un tel cas de figure, le rétablissement de la situation antérieure et l’élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être accomplis par l’inscription au passif de l’entreprise en liquidation d’une obligation relative à la restitution des aides concernées (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2017, Saremar/Commission, T 220/14, EU:T:2017:267, point 60 et jurisprudence citée).

81 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, en ce qui concerne la durée de la procédure administrative

82 Par son troisième et dernier moyen, la requérante fait valoir que la procédure d’enquête a eu une durée excessive, en violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, et rappelle que le respect d’un délai raisonnable dans le déroulement d’une procédure administrative constitue un principe général du droit de l’Union, qui est également protégé par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

83 Nonobstant le fait qu’aucun délai n’est prévu pour la clôture de la procédure, la requérante considère que cette absence de délai ne fait pas obstacle à ce que le juge de l’Union vérifie si la Commission n’a pas observé un délai raisonnable ou a agi de manière excessivement tardive. Une violation du délai raisonnable pourrait, ainsi, dans certains cas, justifier l’annulation d’une décision adoptée à l’issue d’une procédure administrative. Le caractère raisonnable de la durée de la procédure administrative s’apprécierait en fonction des circonstances propres à chaque affaire.

84 La requérante relève qu’aucune circonstance ne justifie, en l’espèce, l’écoulement d’un délai de dix ans pour conclure la procédure formelle d’examen, dont la durée excessive serait uniquement le fruit de défaillances de la Commission dans la gestion de celle-ci et d’une violation manifeste du devoir de vigilance qui doit caractériser l’activité de cette institution.

85 Ainsi, la phase d’enquête préliminaire et la procédure formelle d’examen auraient eu une durée excessive qui, en plus de faire naître à l’égard de la requérante une confiance légitime dans la compatibilité des mesures qui la visaient, serait contraire aux principes de sécurité juridique et de bonne administration.

86 Une telle violation causerait à la requérante un préjudice économique illicite extrêmement grave et circonstancié, dans la mesure où, du fait de cette durée injustifiée de la procédure, le montant des sommes à récupérer serait anormalement élevé par rapport à l’ampleur effective de la mesure sanctionnée, en raison de l’application des intérêts de récupération sur le montant de l’aide accordée illégalement pour une période de dix ans, correspondant à cette durée anormale de la procédure. Cela entraînerait des conséquences économiques disproportionnées et dénuées de pertinence par rapport à la finalité de la récupération de l’aide.

87 En outre, la durée déraisonnable de la procédure aurait fait naître, à l’égard de la requérante, une confiance légitime qui impliquerait, à supposer même que la décision attaquée ne soit pas annulée, la disparition de l’obligation de récupération de l’aide déclarée illégale et incompatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 16, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d'application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), qui énonce que la Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle va à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union. La Commission aurait même dû renoncer d’office, en application de cette disposition, à exiger la récupération de l’aide afin de ne pas violer le principe de protection de la confiance légitime. En l’espèce, à l’instar d’autres affaires dans lesquelles un retard indu dans la procédure aurait été constaté, le comportement de la Commission, qui a duré près de dix ans, constituerait une circonstance exceptionnelle ayant amené la requérante à fonder une confiance légitime quant au fait que les mesures en cause ne pouvaient pas être qualifiées d’aide d’État.

88 La Commission conteste les arguments de la requérante.

89 Tout d’abord, il convient de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime, principe fondamental du droit de l’Union, permet à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées de s’en prévaloir. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption par les institutions d’un acte de nature à affecter ses intérêts, il ne peut invoquer le bénéfice de ce principe, lorsque cette mesure est adoptée. Le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T 60/06 RENV II et T 62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 178 et jurisprudence citée).

90 Ensuite, il convient de rappeler, s’agissant plus particulièrement de l’applicabilité du principe de protection de la confiance légitime en matière d’aides d’État, qu’un État membre dont les autorités ont accordé une aide en violation des règles de procédure prévues à l’article 108 TFUE peut invoquer la confiance légitime de l’entreprise bénéficiaire pour contester devant le juge de l’Union la validité d’une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer l’aide, mais non pour se soustraire à l’obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de son exécution. Il ressort, en outre, de la jurisprudence que, compte tenu du rôle fondamental joué par l’obligation de notification pour permettre l’effectivité du contrôle des aides d’État par la Commission, lequel revêt un caractère impératif, les bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de ladite aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci, sauf existence de circonstances exceptionnelles (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T 60/06 RENV II et T 62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 179 et jurisprudence citée).

91 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’article 16, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement 2015/1589, « [l]a Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle [va] à l’encontre d’un principe général de droit [de l’Union] », tel que le principe de protection de la confiance légitime.

92 Il convient encore de rappeler que l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite d’une procédure administrative constitue un principe général du droit de l’Union. En outre, l’exigence fondamentale de sécurité juridique, qui s’oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l’exercice de ses pouvoirs, conduit le juge à examiner si le déroulement de la procédure administrative révèle l’existence d’une action excessivement tardive de la part de cette institution (voir arrêts du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T 171/02, EU:T:2005:219, point 53 et jurisprudence citée, et du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T 60/06 RENV II et T 62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 180 et jurisprudence citée).

93 Il y a lieu d’ajouter que le caractère raisonnable du délai de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité de celle-ci et le comportement des parties (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C 403/04 P et C 405/04 P, EU:C:2007:52, point 116 et jurisprudence citée, et du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C 630/11 P à C 633/11 P, EU:C:2013:387, point 82 et jurisprudence citée).

94 Le retard pris par la Commission pour décider qu’une aide est illégale et qu’elle doit être supprimée et récupérée par un État membre peut, dans certaines circonstances, fonder chez les bénéficiaires de cette aide une confiance légitime de nature à empêcher la Commission d’enjoindre audit État membre d’ordonner la restitution de celle-ci. En présence d’aides d’État non notifiées, un tel retard ne peut, toutefois, être imputé à la Commission qu’à partir du moment où elle a pris connaissance de l’existence des aides incompatibles avec le marché intérieur (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T 60/06 RENV II et T 62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 181 et jurisprudence citée).

95 Enfin, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, dans le cas d’une éventuelle aide illégale, la Commission n’est pas liée par les délais applicables en matière d’aides notifiées.

96 C’est à la lumière des principes rappelés aux points 89 à 95 ci-dessus qu’il y a lieu d’apprécier les arguments de la requérante.

97 En premier lieu, s’agissant de la prétendue violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, il convient de constater que la procédure administrative a duré près de dix ans, en l’espèce (d’octobre 2011, date d’adoption de la décision de 2011, à juin 2021, date d’adoption de la décision attaquée), ce qui peut paraître à première vue excessif.

98 Toutefois, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 93 ci-dessus, le caractère raisonnable du délai de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire.

99 Or, il convient de relever, tout d’abord, que la requérante ne précise nullement et concrètement les circonstances qui, selon elle, révéleraient, dans la présente affaire, une violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, à l’exception de son affirmation selon laquelle la procédure a été trop longue.

100 Ensuite, il y a lieu de relever que la complexité factuelle et juridique de la procédure est mise en évidence par la longueur de la décision attaquée ainsi que par le grand nombre de mesures mises en œuvre par les autorités italiennes en faveur du groupe Tirrenia.

101 En effet, les aides en cause se caractérisent par un contexte particulier, dans la mesure où l’octroi de ces dernières au groupe Tirrenia a fait l’objet de plusieurs décisions de la Commission, outre la décision attaquée, à savoir, notamment, la décision (UE) 2020/1411 de la Commission, du 2 mars 2020, concernant l’aide d’État C 64/99 (ex NN 68/99) mise à exécution par l’Italie en faveur des compagnies maritimes Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar (groupe Tirrenia) (JO 2020, L 332, p. 1).

102 Ainsi, il ressort du déroulement de la procédure d’examen, tel que cela est rappelé aux considérants 1 à 21 de la décision attaquée et résumé aux points 9 à 12 ci-dessus, que la Commission a conclu une procédure relative à six mesures différentes d’aide et que, à cet égard, aucune période d’inactivité ne saurait être constatée de sa part quant à l’instruction de cette affaire, qui a nécessité de nombreuses demandes de renseignements et de clarification auprès des autorités italiennes. La requérante n’invoque, au demeurant, aucune période d’inactivité particulière, ni aucun retard qui serait imputable à la Commission.

103 Par ailleurs, en cours de procédure, la Commission a dû étendre la procédure formelle d’examen à de nouvelles mesures et une nouvelle décision d’ouverture de ladite procédure a été adoptée, par laquelle les parties intéressées ont été invitées à présenter leurs observations (voir considérants 10 et 11 de la décision attaquée).

104 En outre, un rapport a dû être commandé par la Commission afin de déterminer la valeur de marché des actifs de la requérante, rapport qui a fait l’objet d’une contre-évaluation établie par les experts des autorités italiennes (voir considérant 13 de la décision attaquée).

105 Il ressort, par ailleurs, du considérant 15 de la décision attaquée que la Commission a clos la procédure formelle d’examen en ce qui concernait certaines autres mesures adoptées par la Regione autonoma della Sardegna (Région autonome de Sardaigne, Italie), lesquelles ont été contestées devant le Tribunal, qui a rejeté le recours par l’arrêt du 6 avril 2017, Regione autonoma della Sardegna/Commission (T 219/14, EU:T:2017:266).

106 Enfin, il ressort des considérants 16 à 18 de la décision attaquée que, en ce qui concerne Siremar, la Commission a demandé des informations ultérieures à la République italienne par lettres des 30 janvier, 16 mars, 1er août et 22 novembre 2012, 12 avril, 12 juin, 27 juin et 11 juillet 2013, 29 juillet et 6 novembre 2014, 16 octobre 2015, 25 janvier, 29 mars et 31 août 2018, 18 mars et 16 octobre 2019, 31 juillet et 29 octobre 2020. La République italienne a répondu à ces demandes par lettres des 28 mars, 5 octobre et 23 octobre 2012, 13 mai et 8 août 2013, 19 septembre, 20 novembre 2014 et 12 décembre 2014, 12 février et 13 novembre 2015, 18 avril 2016, 2 août 2017, 26 avril et 31 mai 2018, 29 maiet 26 juillet 2019, 3 janvier et 24 janvier 2020, 8 février et 11 mars 2021. Par ailleurs, le 15 octobre 2014, les services de la Commission ont rencontré les représentants de Siremar et des autorités italiennes et, le 23 octobre 2014, les services de la Commission ont aussi rencontré les représentants de CdI et des mêmes autorités. À la suite de cette dernière réunion, le 30 octobre 2014, CdI a fourni des informations supplémentaires à la Commission.

107 Ainsi, il ne ressort nullement de la chronologie des événements telle que décrite ci-dessus que la Commission aurait retardé indéfiniment l’exercice de ses pouvoirs. En particulier, aucune période d’inactivité de la Commission qui serait susceptible d’être préjudiciable aux intérêts de la requérante ne ressort de cette chronologie, de sorte qu’il y a lieu de considérer que le déroulement de la procédure administrative n’a pas révélé l’existence d’une action excessivement tardive de la part de celle-ci au sens de la jurisprudence.

108 Compte tenu de ces échanges de documents, du contexte dans lequel cette affaire s’inscrit, à savoir notamment qu’elle constitue une affaire parmi d’autres affaires similaires concernant la privatisation du groupe Tirrenia ainsi que de la complexité de l’affaire en cause, il ne saurait être conclu que la clôture de la procédure par l’adoption de la décision attaquée puisse être considérée comme étant excessivement tardive. Par conséquent, il y a lieu de conclure que la Commission n’a nullement porté atteinte aux principes de bonne administration et de sécurité juridique.

109 En tout état de cause, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une violation du respect du délai raisonnable, à la supposer établie, ne justifie l’annulation de la décision qui est attaquée qu’en tant qu’elle emporte également une violation des droits de la défense de l’entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêts du 1er février 2017, Portovesme/Commission, C 606/14 P, non publié, EU:C:2017:75, point 40, et du 20 octobre 2011, Eridania Sadam/Commission, T 579/08, non publié, EU:T:2011:608, point 80). Or, en l’espèce, la requérante n’a pas démontré en quoi la durée de la procédure administrative aurait affecté ses droits de la défense.

110 La requérante fait néanmoins valoir que la durée excessivement longue de la procédure lui aurait causé un préjudice économique, dans la mesure où, du fait de cette durée injustifiée, le montant des sommes à récupérer serait anormalement élevé en raison de l’application des intérêts de récupération sur le montant de l’aide accordée illégalement pour une période de dix ans.

111 À cet égard, il convient de rappeler, toutefois, que la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité, de sorte que la récupération de cette aide, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État, même si elle est mise en œuvre longtemps après l’octroi des aides en question (arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C 298/00 P, EU:C:2004:240, point 75 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C 75/97, EU:C:1999:311, point 65).

112 Or, en vertu de l’article 16, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, l’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération. En effet, du point de vue du bénéficiaire de l’aide, en l’absence de récupération des intérêts, celui-ci bénéficierait d’un avantage indu consistant, d’une part, dans le non-versement des intérêts qu’il aurait acquittés sur le montant en cause de l’aide, s’il avait dû emprunter ce montant sur le marché, et, d’autre part, dans l’amélioration de sa position concurrentielle face aux autres opérateurs du marché pendant la durée de l’illégalité (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2008, CELF et ministre de la Culture et de la Communication, C 199/06, EU:C:2008:79, point 51).

113 De plus, il convient de relever que les conséquences éventuellement préjudiciables, pour la requérante, du montant prétendument élevé des intérêts à rembourser, du fait de la durée de la procédure administrative, résultent principalement du fait que les mesures d’aides en cause ont été mises à exécution avant d’avoir été notifiées et, en tout cas, avant l’adoption, par la Commission, d’une décision finale approuvant lesdites mesures, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Dès lors, une telle circonstance ne saurait, en tout état de cause, être invoquée pour s’opposer à la restitution du montant intégral des aides en cause, assorti des intérêts.

114 En second lieu, s’agissant de la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 90 ci-dessus, lorsqu’une aide a été mise à exécution sans notification préalable, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci, sauf circonstances exceptionnelles.

115 En l’espèce, il est constant que les mesures d’aide en cause ont été octroyées en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ce qui suffit en soi pour exclure l’existence d’une quelconque confiance légitime de la part de la requérante dans la régularité de celles-ci. Il convient de rappeler, cependant, que la jurisprudence n’exclut pas la possibilité pour les bénéficiaires d’une aide illégale, car non notifiée, d’invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder leur confiance dans le caractère régulier de cette aide, pour s’opposer à son remboursement (voir arrêt du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T 30/01 à T 32/01 et T 86/02 à T 88/02, EU:T:2009:314, point 282 et jurisprudence citée).

116 En l’occurrence, il ne saurait, toutefois, être considéré que le simple rappel, par la requérante, de la jurisprudence applicable ou d’exemples tirés de la pratique antérieure de la Commission dans lesquels des circonstances exceptionnelles auraient été reconnues puisse être interprété comme étant l’invocation de circonstances exceptionnelles propres à l’affaire soumise en l’espèce au Tribunal.

117 En effet, il ne saurait appartenir au Tribunal de rechercher, parmi les éléments factuels de l’affaire qui lui est soumise, les circonstances exceptionnelles permettant de conclure à l’existence d’une confiance légitime de la part de la requérante lui ouvrant la possibilité d’obtenir une sanction de la violation du principe du délai raisonnable. La violation du principe de protection de la confiance légitime doit être corrélée à des arguments qu’il appartient à la requérante de soulever et au Tribunal d’examiner afin de déterminer l’éventuelle violation de ce principe (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T 171/02, EU:T:2005:219, point 66).

118 En outre, il convient de relever qu’une partie de la jurisprudence invoquée par la requérante n’est pas pertinente, dès lors qu’elle se rapporte soit à des décisions prises au terme de la phase préliminaire d’examen, et non au terme d’une procédure formelle d’examen comme en l’espèce, soit à des aides notifiées.

119 La requérante fait valoir, néanmoins, que la Commission aurait dû renoncer d’office à ordonner la récupération des aides en cause, dans la mesure où une telle récupération serait contraire à un principe général du droit de l’Union.

120 La requérante se réfère notamment, à cet égard, à la décision (UE) 2019/422 de la Commission, du 20 septembre 2018, concernant l’aide d’État SA.36112 (2016/C) (ex 2015/NN) mise à exécution par l’Italie en faveur de l’autorité portuaire de Naples et de Cantieri del Mediterraneo SpA (JO 2019, L 78, p. 63). Il convient de relever que, dans cette affaire, la Commission elle-même avait reconnu dans ladite décision qu’elle ne pouvait réclamer la restitution de l’aide octroyée, en raison de la durée de la procédure trop longue. Or, en l’espèce, la Commission conteste, de manière circonstanciée, que la procédure ait été trop longue, dans la mesure où la situation de la présente affaire se distingue de celle qui a été à l’origine de la décision 2019/422.

121 De plus, il convient de rappeler que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que doit être apprécié le caractère d’aide d’État d’une certaine mesure et non au regard d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission (voir arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C 106/09 P et C 107/09 P, EU:C:2011:732, point 136 et jurisprudence citée).

122 Or, de la même manière, l’appréciation de l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant qu’il ne soit pas procédé à la récupération d’aides jugées incompatibles par la Commission au terme d’une procédure formelle d’examen ne saurait être fonction d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure, à la supposer établie, à moins qu’elle ne constitue par ailleurs une violation du principe général d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C 76/06 P, EU:C:2007:326, point 60 et jurisprudence citée), ce que la requérante n’a nullement établi en l’espèce.

123 En tout état de cause, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, à la différence des circonstances en cause dans la décision 2019/422, il ne ressort pas des éléments du dossier, ni des arguments de la requérante que celle-ci aurait été induite à penser, en raison de l’inactivité prolongée de la Commission, que cette dernière aurait tacitement donné son aval à la position des autorités italiennes sur la détermination et l’interprétation du cadre juridique relatif à l’appréciation des mesures en cause, ni qu’il y aurait eu place au doute quant à la légalité de ces mesures.

124 En effet, en particulier à la suite de la publication des deux décisions d’ouverture de la procédure formelle d’examen adoptées par la Commission les 5 octobre 2011 et 7 novembre 2012, qui font précisément état des doutes de la Commission quant à la compatibilité des mesures en cause avec le marché intérieur, la requérante ne peut invoquer aucune confiance légitime quant à la légalité de ces mesures après ces deux dates.

125 Par ailleurs, la requérante ne soutient pas non plus que la Commission lui a fourni des assurances précises de nature à lui donner des espérances fondées quant à la régularité de l’aide (voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 1998, Preussag Stahl/Commission, T 129/96, EU:T:1998:69, point 78 ; du 5 juin 2001, ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, T 6/99, EU:T:2001:145, point 185, et du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T 109/01, EU:T:2004:4, point 142).

126 Enfin, s’agissant de l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), dont se prévaut la requérante, il est certes exact que la Cour a estimé que le délai de 26 mois pris par la Commission pour adopter sa décision avait pu faire naître, dans l’esprit de la partie requérante, bénéficiaire de l’aide, une confiance légitime de nature à empêcher l’institution d’enjoindre aux autorités nationales concernées d’ordonner la restitution de cette aide.

127 Toutefois, les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), ont joué un rôle décisif dans l’orientation suivie par la Cour dans cet arrêt, de sorte que celle-ci ne saurait nécessairement être transposée au cas d’espèce. En particulier, l’aide à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), avait fait l’objet, quoique après son versement, d’une notification formelle à la Commission. Par ailleurs, elle se rattachait à des coûts supplémentaires liés à des aides autorisées par la Commission et concernait un secteur qui, depuis 1977, avait bénéficié d’aides autorisées par la Commission. Enfin, l’examen de la compatibilité de l’aide n’exigeait pas une recherche approfondie [voir arrêt du 13 décembre 2018, Comune di Milano/Commission, T 167/13, EU:T:2018:940, point 158 (non publié) et jurisprudence citée].

128 Or, ces circonstances se distinguent clairement des circonstances à l’origine de la présente affaire, même si les aides s’inscrivent dans un secteur qui avait bénéficié, dans le passé, d’aides examinées par la Commission. En particulier, dans la présente affaire, les aides litigieuses n’ont jamais été notifiées à la Commission. Par suite, au vu des différences fondamentales entre le cas d’espèce dans l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), et celui faisant l’objet du présent recours, la requérante ne peut utilement se prévaloir de cet arrêt.

129 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit également être rejeté.

Sur la nouvelle offre de preuve produite par la requérante

130 Par courrier du 7 mars 2022 transmis au greffe du Tribunal, la requérante a demandé spontanément à ce que soit versée au dossier la décision de la Commission C(2021) 6990 final, du 30 septembre 2021, relative aux mesures d’aide SA.32014, SA.32015, SA.32016 (2011/C) (ex 2011/NN) mises à exécution par l’Italie et la Région de Sardaigne en faveur de Saremar, non encore publiée au Journal officiel.

131 La Commission conteste la recevabilité de cette nouvelle offre de preuve et considère, en tout état de cause, qu’elle est dénuée de pertinence pour le présent litige.

132 L’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit, en principe, que « [l]es preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires ». L’article 85, paragraphe 3, du même règlement dispose que, « [à] titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ».

133 En l’occurrence, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la recevabilité de cette offre de preuve, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que celle-ci est dénuée de pertinence pour le présent litige. En effet, dans ses observations, la requérante se limite à observer que la décision C(2021) 6990 final comporterait plusieurs renvois à la décision attaquée sans toutefois expliquer en quoi ces renvois permettraient d’étayer l’un ou l’autre de ses moyens ou arguments et de remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

134 En outre, il convient de rappeler que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, que doit être apprécié le caractère d’aide d’État d’une certaine mesure et non au regard d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure ou postérieure de la Commission (voir point 121 ci-dessus).

135 Force est de constater, dès lors, que la nouvelle offre de preuve produite par la requérante, à la supposer recevable, n’est pas à même de remettre en cause la conclusion du Tribunal concernant le rejet des premier à troisième moyens.

136 Il y a lieu, par conséquent, de rejeter le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

137 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Sicilia Regionale Marittima SpA – Siremar est condamnée aux dépens.