Cass. civ., 16 mars 1942
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frémicourt
Rapporteur :
M. Delaire
Avocat général :
M. Rateau
Avocats :
Me Talamon, Me Morillot
LA COUR :
Sur le premier moyen :
Vu l'art. 22 c. com. ;
Attendu que les associés en nom collectif, indiqués dans l'acte de société, sont personnellement et solidairement tenus, concurremment avec la société, du passif social ; qu'un associé ne saurait, par une cession de ses droits, autorisée par les statuts, et régulièrement publiée, se décharger, sans l'accord des créanciers sociaux, de l'obligation solidaire lui incombant à raison des dettes sociales antérieures à sa cession ;
Attendu qu'il résulte des qualités et des motifs de l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 1935) que, par acte du 15 févr. 1930, Bachelier a cédé à Eugène Courcier sa part d'intérêt dans la société en nom collectif « R. Bachelier, A. Courcier et Cie », laquelle a continué entre André Courcier, seul associé en nom, et Eugène Courcier, commanditaire, sous la raison sociale « A. Courcier et Cie » ; que, le 6 novembre, Bernagou, se prétendant créancier de commissions à lui dues au cours de l'année 1929, a assigné la Société «Bachelier, Courcier et Cie » en la personne de A. Courcier et Cie, ses successeurs, ces derniers pris tant personnellement que comme liquidateurs de la susdite société; que le tribunal de commerce ayant fait droit à cette demande par jugement du 15 oct. 1931, et la Société A. Courcier et Cie ayant été ultérieurement déclarée en faillite et sa faillite clôturée pour insuffisance d'actif, Bernagou a poursuivi l'exécution du jugement contre Bachelier, lequel a fait tierce opposition ;
Attendu que, sans contester que la créance de Bernagou soit antérieure à la retraite de Bachelier et à la modification de la société, l'arrêt attaqué a déclaré la condamnation prononcée contre la Société A. Courcier et Cie non opposable à Bachelier, au seul motif que l'acte de cession et l'avis d'opposition publiés dans le journal Le Droit du 3 mars 1930 avaient été portés à la connaissance des tiers;
Mais attendu que la cession de ses droits par l'associé en nom collectif ou en commandite, publiée dans les formes légales, ne le protège que contre les engagements sociaux postérieurs à sa sortie de la société ; que la clause des statuts qui autorise une telle cession n'a pour but que de permettre à la société de se continuer malgré la retraite du cédant, et que l'avis d'opposition, prévu par l'art. 3 de la loi du 17 mars 1909 pour la vente ou cession d'un fonds de commerce, ne tend qu'à autoriser les créanciers à toucher le prix de vente par préférence au vendeur ; d'où il suit qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le deuxième moyen, casse..., renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.