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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 18 juin 2018, n° 17/01571

COLMAR

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, M. Ruer

TI Saverne, du 6 mars 2017

6 mars 2017

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Selon bail commercial signé le 21 avril 1999, M. Charles K. et Mme Yvette K. épouse K. ont donné en location à M. Daniel F. des locaux situés [...].

Par acte notarié du 26 octobre 2006, Monsieur Daniel F. a cédé son fonds de commerce à la société Arabesque.

Par acte d'huissier du 14 juin 2016 remis à l'étude de l'huissier de justice, Monsieur Charles K. et Madame Yvette K. épouse K. ont fait signifier à Monsieur Daniel F. un commandement aux fins de saisie vente sur la base des deux actes précités.

Par acte d'huissier du 5 août 2016, Monsieur Daniel F. a assigné M. Charles K. et Mme Yvette K. épouse K. devant le juge de l'exécution du tribunal d'instance de Saverne aux fins de voir, notamment, :

- constater que le preneur du bail commercial est la société Arabesque depuis son renouvellement à partir du 1er septembre 2006 ;

- dire et juger que Monsieur Daniel F. ne répond pas au titre de la garantie solidaire des sommes dues par le preneur défaillant du local commercial des époux K. ;

- prononcer en conséquence l'inexistence de la créance cause invoquée dans l'acte de commandement de payer ;

- prononcer la nullité de toute opération relative à la saisie vente des biens meubles corporels de Monsieur Daniel F..

Par jugement contradictoire du 6 mars 2017, le juge de l'exécution du tribunal d'instance de Saverne a :

- déclaré irrecevable la demande de Monsieur Daniel F. ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens à la charge de Monsieur Daniel F..

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a estimé que la signification d'un commandement de payer ne constitue pas un acte d'exécution forcée et qu'en l'absence de toute justification d'une procédure de saisie mobilière ou de vente forcée immobilière en cours, la demande de Monsieur Daniel F. doit être déclarée irrecevable.

Monsieur Daniel F. a interjeté appel de ce jugement par voie de déclaration du 4 avril 2017.

Par ordonnance du 17 octobre 2017, la clôture de la procédure a été ordonnée.

Par ordonnance du 24 octobre 2017, rendue sur le fondement de l'article 905 du code de procédure civile, le président de la chambre près la cour d'appel de Colmar a rétracté l'ordonnance du 17 octobre 2017 en ce qu'elle a ordonné la clôture de la procédure et dit que la clôture interviendra à l'audience du 19 mars 2018.

Par dernières conclusions notifiées le 21 février 2018, Monsieur Daniel F. a sollicité voir :

à titre principal :

- déclarer recevable et bien-fondée la demande de Monsieur Daniel F. ;

- constater que le commandement de payer engage la procédure de saisie vente ;

- constater que par conséquent toute difficulté concernant le commandement de payer relève de la compétence du juge de l'exécution ;

- déclarer que le jugement rendu le 6 mars 2017 par le juge de l'exécution va entièrement à l'encontre de la position de la Cour de cassation portant sur la compétence du juge de l'exécution à se prononcer sur la validité du commandement de payer signifié en vue d'une saisie vente ;

- constater que le bail commercial entre Monsieur Charles K. et Madame Yvette K. épouse K., bailleurs, et Monsieur F., preneur, en date du 21 avril 1999, est expiré ;

- constater que le bail commercial du 21 avril 1999 a été renouvelé à partir du 1er septembre 2006 à l'occasion de la cession du fonds de commerce de Monsieur F. ;

- déclarer que le renouvellement d'un bail commercial donne naissance à un nouveau bail qui n'est pas le prolongement du bail antérieur, même s'il reprend les stipulations de ce dernier ;

- constater que le preneur du bail commercial en date du 1er septembre 2006 est la société Arabesque ;

- constater que Monsieur F. a cédé le 20 mars 2010 l'intégralité des parts sociales de la société Arabesque ;

- constater que la garantie solidaire contenue dans le contrat de bail du 1er septembre 2006 ne pose aucune limitation dans le temps ;

- dire et juger que le renouvellement du bail commercial ou la délivrance du congé par Monsieur F. n'aurait pas mis fin à l'engagement de Monsieur F. au titre de la clause de garantie solidaire ;

- dire et juger que la garantie solidaire ne saurait avoir un effet non limité dans le temps ;

en conséquence,

- dire et juger que la garantie solidaire perpétuelle prévue au contrat de bail de 2006 est qualifiée de clause léonine ;

- déclarer la clause de garantie solidaire réputée non écrite ;

à titre subsidiaire,

- déclarer que le droit à la solidarité conventionnelle, notamment en ce qui concerne sa durée, a sa source dans la loi et s'analyse comme une situation légale qui a pris naissance avant l'entrée en vigueur de la loi Pinel le 20 juin 2014, et qui n'est pas définitivement réalisée au moment de son entrée en vigueur ;

- déclarer l'article L. 145-16-2 du code de commerce applicable sur le fondement de l'effet légal ;

En tout état de cause :

- infirmer le jugement du juge de l'exécution du tribunal d'instance de Saverne rendu le 6 mars 2017 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de Monsieur F. ;

- dire et juger que Monsieur F. ne répond pas de la garantie solidaire des sommes dues par le preneur défaillant du local commercial des époux K. ;

- prononcer en conséquence l'inexistence de la créance cause invoquée dans l'acte de commandement de payer ;

- prononcer la nullité de toute opération relative à la saisie vente des biens meubles corporels de Monsieur F. ;

- débouter Monsieur Charles K. et Madame Yvette K. épouse K. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner Monsieur Charles K. et Madame Yvette K. épouse K. à verser à M. F. la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur Charles K. et Madame Yvette K. épouse K. aux entiers frais et dépens de la présente instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Monsieur Daniel F. a fait valoir, notamment, que le juge de l'exécution est compétent pour se prononcer sur la validité du commandement de payer aux fins de saisie vente ; que le commandement de payer se fonde sur deux titres exécutoires, soit le bail commercial du 21 avril 1999 et l'acte de cession du fonds de commerce du 26 octobre 2006 ; que ces actes ne permettent cependant pas aux époux K. de demander de paiement par Monsieur F. des loyers et charges non payés par la société Arabesque, preneur du bail commercial depuis 2006 ; que la clause de solidarité du bail du 21 avril 1999 ne lui est plus opposable depuis l'expiration de celui-ci ; que le contrat de bail commercial du 1er septembre 2006 ne l'engage pas non plus ; que la créance cause de l'acte de commandement aux fins de saisie vente est inexistante.

Par dernières conclusions notifiées le 28 février 2017, Monsieur Charles K. et Madame Yvette K. épouse K. ont sollicité voir :

- rejeter l'appel ;

- confirmer le jugement ;

- en tout état de cause, débouter M. Daniel F. de l'intégralité de ses fins et conclusions ;

- condamner M. Daniel F. à verser à M. Charles K. et Mme Yvette K. épouse K. une somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. Daniel F. aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

Monsieur Charles K. et Madame Yvette K. épouse K. ont fait valoir que la Cour de cassation estime que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour connaître d'un simple commandement de payer ; que M. Daniel F. s'est engagé dans l'acte de cession de fonds de commerce du 26 octobre 2006 envers les bailleurs à les garantir solidairement avec les successeurs dans le fonds de commerce du paiement du loyer ; que l'article L. 145-16-2 du code de commerce est issu de la loi du 18 juin 2014 et n'est pas applicable aux baux conclus ou renouvelés avant le 20 juin 2014 ; que le bail qui a débuté le 1er septembre 2006 n'a fait l'objet d'aucun congé ou d'une demande de renouvellement mais s'est poursuivi par tacite reconduction ; que la clause de garantie n'est pas perpétuelle.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les pièces régulièrement communiquées entre les parties ;

Aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.

En l'espèce, Monsieur Daniel F. a assigné le 5 août 2016 Monsieur Charles K. et Madame Yvette K. épouse K. devant le juge de l'exécution suite à la signification le 14 juin 2016 d'un commandement aux fins de saisie vente en paiement, notamment, des loyers d'avril, mai et juin 2016 de locaux commerciaux ainsi que du solde des charges du 30 juin 2015 et du 8 avril 2016.

Pour déclarer irrecevable la demande de M. F. tendant, notamment, à voir prononcer la nullité de toute opération relative à la saisie-vente des biens meubles corporels de Monsieur Daniel F., le premier juge a estimé que la signification d'un commandement de payer ne constitue pas un acte d'exécution forcée et qu'en l'absence de toute justification d'une procédure de saisie mobilière ou de saisie forcée immobilière en cours, la demande de Monsieur Daniel F. doit être déclaré irrecevable.

Cependant, s'agissant de la saisie-vente, la signification du commandement de payer, si elle ne constitue pas un acte d'exécution forcée, engage cependant la procédure d'exécution et le juge de l'exécution est donc compétent pour connaître de sa validité (Cass. 2e civ., 16 déc. 1998).

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point et la demande sera déclarée recevable.

M. Daniel F. conteste la validité du commandement de payer qui se fonde, d'une part, sur un contrat de bail commercial reçu en la forme authentique par Me Willy N., notaire associé à Saverne, et Me B., notaire associé à Phalsbourg, le 21 avril 1999 muni de la formule exécutoire le 27 avril 2016 et, d'autre part, sur un acte de cession de fonds de commerce reçu en la forme authentique par Me Martial A., notaire associé à Schiltigheim, en date du 26 octobre 2006.

M. Daniel F. soutient que la clause de solidarité du bail du 21 avril 1999 ne lui est plus opposable depuis l'expiration de celui-ci ; que le contrat de bail commercial du 1er septembre 2006 ne l'engage pas non plus ; que la créance cause de l'acte de commandement aux fins de saisie vente est inexistante.

Cependant, par acte notarié de cession de fonds de commerce du 26 octobre 2006, M. Daniel F. a cédé à l'EURL J.F.D.I. Pour Enseigne « Arabesque », représentée par M. Daniel F., associé gérant unique de ladite société, le fonds de commerce de détail et d'habillement exploité dans un immeuble sis, [...].

Cet acte mentionne pages 14 et 15 que « M. Daniel F., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de seul associé gérant de la société dénommée J.F.D.I. Pour Enseigne « Arabesque », cessionnaire du fonds de commerce précité, déclarant en son nom personnel et pour le compte de ladite société :

- accepter le renouvellement du bail commercial reçu par Maître Willy N. le 21 avril 1999 au profit de la société dénommée J.F.D.I. Pour enseigne « Arabesque » pour une nouvelle durée de 9 années à compter rétroactivement du 1er septembre 2006''';

- accepter que lui-même et tous ceux qui seront devenus successivement cessionnaire du bail ou sous-locataire et auraient eux-mêmes cédés leurs droits demeureront tenus envers le bailleur, solidairement entre eux et avec le preneur, à l'exécution des conditions du bail et de ses suites. Les cessionnaires et sous-locataire successifs seront ainsi tenus notamment au paiement des loyers et des charges, voire des indemnités d'occupation, et des dépenses liées aux procédures initiées par le bailleur pour obtenir respect de ses droits. Cette garantie due par les cessionnaires et sous-locataire successifs s'exercera pendant toute la durée du bail, de ses renouvellements successifs, et de ses suites ; alors même que les garants ne seraient plus dans les lieux et auraient eux-mêmes cédés leurs droits ; ».

Dés lors, cette dernière clause s'analyse comme une clause d'engagement solidaire de M. Daniel F., agissant en son nom personnel, envers le bailleur dont la durée est limitée à celle du bail, soit neuf ans, mais se prolonge avec ses renouvellements successifs, et cesse à la fin du bail.

Cette garantie cessant à la fin du bail, elle ne peut s'analyser comme un engagement perpétuel prohibé ou une clause léonine.

Enfin, l'acte du 26 octobre 2006 n'est pas soumis à la loi du 10 juin 2014 restreignant à trois ans l'obligation de garantie du cédant puisque cette loi n'est applicable qu'à compter du 20 juin 2014.

En conséquence, M. Daniel F. sera débouté de ses demandes.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure seront confirmées.

Partie perdante à hauteur d'appel, M. Daniel F. sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du même code.

En revanche, il sera fait droit la demande de M. Charles K. et Mme Yvette K. épouse K. au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 800 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME la décision déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de Monsieur Daniel F. ;

Statuant à nouveau :

DEBOUTE M. Daniel F. de ses demandes ;

CONDAMNE M. Daniel F. à payer à M. Charles K. et Madame Yvette K. épouse K. la somme de 800 € (huit cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. Daniel F. aux dépens.