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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 13 août 2015, n° 13/01401

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Novello (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ott

Conseillers :

Mme Brugere, Mme Dumurgier

T. com. Dijon, du 13 juin 2013, n° 20110…

13 juin 2013

Le 23 mars 1995 la Sci Novello a donné à bail commercial à la SARL Tendresse des locaux commerciaux situés [...], pour une durée de 9 années à compter du 1er avril 1995, moyennant un loyer annuel de 48 000 francs outre TVA et charges. Le bail contenait une clause 'cession- sous location' autorisant le locataire à céder librement le bail ou à sous-louer, mais en demeurant garant solidaire du cessionnaire ou du sous-locataire pour le paiement du loyer.

La SARL Tendresse a cédé, le 1er avril 1999, son fonds de commerce avec le droit au bail à Mme Isabelle M. qui l'a elle-même cédé, le 24 avril 2006, à la SARL Arcadia au prix de 65 000 €.

La SARL Arcadia a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Avignon du 15 septembre 2010.

La SCI Novello, après avoir déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire de la SARL Arcadia à hauteur de 6 331, 87 € au titre des loyers et charges de 2006 à 2010 impayés, a par acte d'huissier en date du 27 juin 2011 assigné Mme Isabelle M. en vertu de la clause de garantie solidaire prévue au bail aux fins de paiement de la somme de 12 158, 51 € au titre des loyers impayés par la société en redressement judiciaire, outre une indemnité pour frais irrépétibles.

Mme Isabelle M. a conclu au débouté des demandes de la SCI Novello qui ne justifie pas de sa créance et, à titre subsidiaire, a excipé d'une faute de négligence commise par la demanderesse dans le recouvrement de sa créance de sorte que le bailleur ne peut désormais rechercher sa garantie. À titre encore plus subsidiaire, elle a sollicité des délais de paiement.

Par jugement en date du 13 juin 2013, le tribunal de commerce de Dijon a :

  • condamné Mme Isabelle M. à payer à la SCI Novello la somme de 3 000 € outre intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2011,
  • ordonné la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil,
  • autorisé Mme Isabelle M. à se libérer de sa dette en 24 mensualités, le premier versement devant intervenir dans les trente jours à compter de la signification du jugement,
  • dit qu'à défaut de règlement d'une seule échéance, il y aura déchéance du terme et le solde devenant immédiatement exigible,
  • dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
  • ordonné l'exécution provisoire du jugement,
  • dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en a déboutées,
  • condamné Mme Isabelle M. en tous les dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que Mme M. ne conteste pas l'application de la clause de garantie solidaire dont se prévaut le bailleur, ni le principe de sa dette. Il a cependant retenu, au vu du décompte de loyers produit à l'appui de la déclaration de créance révélant un arriéré de loyers depuis plusieurs années, que le bailleur a fait preuve de négligence dans le recouvrement de sa créance puisqu'il n'a pas engagé de procédure de résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire avant l'ouverture de la procédure collective et puisque postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire il n'a pas recherché la résiliation du bail dans les termes de l'article L.622-17 du code de commerce et l'expulsion du locataire, laissant ainsi s'accroître la dette locative, puisqu'en outre il n'a pas déclaré à titre privilégié sa créance, compromettant ainsi nécessairement son recouvrement. Il a en conséquence considéré que la négligence fautive du bailleur justifie de moduler la clause de garantie, accordant une indemnité de 3 000 € à la défenderesse restant redevable de 11 mois de loyers et charges.

Par déclaration formée le 12 juillet 2013, la SCI Novello a régulièrement interjeté appel du dit jugement.

Par ses dernières écritures en date du 27 janvier 2014, la SCI Novello demande à la cour de :

Vu l'article 1134 du code civil,

  • réformer le jugement du tribunal de commerce de Dijon du 13 juin 2013,
  • condamner Mme Isabelle M. à lui payer la somme de 12 180, 86 € en principal, outre intérêts de droit à compter de l'assignation du 27 juin 2011,
  • ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,
  • condamner Mme Isabelle M. à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
  • condamner Mme Isabelle M. en tous les dépens, lesquels seront recouvrés par la SELARL B.-S.-B., Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières écritures en date du 27 janvier 2015, Mme Isabelle M. demande à la cour de :

A titre principal,

Réformant le jugement,

  • débouter la société Novello de ses prétentions,
  • la condamner au paiement d'une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'instance et d'appel,

Subsidiairement,

  • constater que la société Novello a fait preuve de négligence dans le recouvrement de sa créance ;

En conséquence,

  • dire qu'elle ne peut aujourd'hui rechercher la garantie de Mme M. ;
  • la condamner au paiement d'une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Très subsidiairement,

  • confirmer le jugement,
  • lui accorder un délai de paiement de deux années pour régler sa dette,
  • dire que les paiements s'imputeront par priorité sur le capital,
  • débouter la société Novello de sa demande en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2015.

SUR CE :

Vu les dernières écritures des parties auxquelles la Cour se réfère ; vu les pièces ;

Attendu que le bail commercial consenti par la Sci Novello prévoit, en son article 11- cession sous-location, que le locataire peut librement céder son droit au bail et sous-louer tout ou partie des locaux sans que le consentement exprès du bailleur ne soit nécessaire, mais que 'dans tous les cas, le locataire demeurera garant solidaire de son cessionnaire ou sous-locataire pour le paiement du loyer et des charges et l'exécution des conditions du bail et cette obligation de garantie s'étendra à tous les cessionnaires et sous-locataires successifs occupant ou non les lieux' ;

Attendu que les parties s'accordent pour reconnaître que cette clause oblige Mme Isabelle M. à garantir le paiement des loyers suite à la cession par elle à la SARL Arcadia de son fonds de commerce, en ce compris le droit au bail, selon acte authentique du 19 avril 2006 ;

Attendu que pour prétendre être entièrement déchargée, ou du moins ne devoir supporter que la somme mise à sa charge par le tribunal, Mme Isabelle M. par son appel incident insiste sur les fautes commises par le bailleur qui par sa négligence gravement fautive a laissé lourdement augmenter la dette locative, tant antérieurement au placement de la SARL Arcadia en redressement judiciaire que postérieurement à cette date, d'autant que le bailleur a négligé de se prévaloir du privilège du bailleur en déclarant à titre chirographaire sa créance dont les chances de recouvrement ont été ainsi nécessairement compromises ; qu'elle soutient avoir en conséquence de cette attitude fautive subi un préjudice puisqu'elle doit se défendre à une demande en paiement d'un principal de 12 000 € alors que la créance de la Sci Novello aurait été nettement moindre si celle-ci avait fait valoir ses droits en temps utile ;

Attendu que la Sci Novello, pour réclamer le paiement de l'intégralité de sa créance locative sur la SARL Arcadia, conteste avoir commis tout manquement alors qu'engager une procédure de résiliation du bail aurait été une décision trop abrupte par rapport à la société locataire qui rencontrait certes des difficultés mais réglait les loyers avec décalage sans avoir suspendu tout paiement et aurait en outre précipité le dépôt de bilan ; qu'elle conteste de même toute négligence postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, alors que la poursuite du bail commercial a permis la cession du fonds de commerce avec la mise en place d'un locataire solvable qui paie les loyers ; qu'elle ajoute que l'intimée ne justifie ni de la réalité ni du quantum de son préjudice ;

Mais attendu que si la créance de loyers, antérieure à l'ouverture de la procédure collective de la SARL Arcadia, a été admise par le juge commissaire pour un total de 6 331,87 € par ordonnance définitive du juge commissaire en date du 16 avril 2012 ' ce qui fixe définitivement ladite créance à l'égard de l'intimée, garante solidaire ', il n'en demeure pas moins, au vu du décompte de créance joint à la déclaration de créance produit par la société appelante en pièce n°10, que l'irrégularité dans les paiements par la SARL Arcadia s'est produite dès l'entrée de celle-ci dans les lieux suite à la cession du 19 avril 2006, l'arriéré s'élevant dès la fin 2006 à 646,10 € et s'étant aggravé sur les mois suivants, tout au long des années 2007, 2008, 2009 et 2010 jusqu'en juillet 2010 où le décompte s'arrête pour le total déclaré de 6 331,87 €, alors que le loyer initial stipulé dans le bail était de 48 000 francs annuel soit 4 000 francs ou 609,80 € par mois ;

que force est de constater que la Sci Novello ne justifie d'aucune relance ou mise en demeure ni de la moindre démarche de recouvrement de sa créance sur la SARL Arcadia antérieure à sa déclaration de créance une fois la procédure collective ouverte en septembre 2010 ; qu'elle ne justifie d'ailleurs d'aucun avertissement ou information auprès de la garante, ne serait-ce que pour alerter Mme Isabelle M. des impayés ; qu'elle ne conteste pas ne pas avoir recherché une résiliation du bail aux torts de la SARL Arcadia, qui aurait certes peut-être provoqué l'ouverture plus précoce d'une procédure collective à l'égard de cette dernière mais avec alors un passif moindre, notamment locatif, qui aurait pu donner lieu à un plan de redressement ;

qu'en laissant ainsi courir la dette locative sur près de 5 années accomplies, aux limites de la prescription, la Sci Novello a commis une négligence fautive ;

Attendu qu'il ne peut être fait sérieusement grief à la Sci Novello d'avoir déclaré sa créance à titre simplement chirographaire, alors qu'il ressort du courrier du liquidateur de la SARL Arcadia en date du 26 septembre 2013 (cf. pièce n°12 de l'appelante) que le montant du passif privilégié est supérieur aux actifs réalisés, de sorte qu'il est patent que tout recouvrement était en tout état de cause compromis et que l'intimée ne peut prétendre y voir des conséquences dommageables ;

Attendu que les impayés postérieurs à l'ouverture de la procédure collective ne concernent qu'une période 11 mois pour lesquels, compte-tenu des versements effectués, le solde restant dû représente un peu moins de la moitié des loyers échus pour cette période ; que l'intimée ne peut faire grief à la Sci Novello de ne pas avoir recherché la résiliation du bail à cette époque, alors que la demande en résiliation doit obéir aux spécificités découlant de la procédure collective et que par ailleurs il est constant que le fonds de commerce valorisé par le maintien du droit au bail a été cédé le 26 août 2011 par le liquidateur, cette réalisation d'actif étant favorable à l'ensemble des créanciers de la SARL Arcadia et également à Mme Isabelle M. dont la dette pouvait être réduite à proportion des règlements pouvant être effectués au bailleur ;

Attendu que la négligence fautive précédemment retenue à l'encontre de la Sci Novello, pour la seule période antérieure à l'ouverture du redressement judiciaire de la SARL Arcadia, a causé à Mme Isabelle M., tenue à garantie, un préjudice dès lors qu'en ayant négligé toute action en recouvrement avant cette date, le bailleur a par son fait privé Mme Isabelle M. de tout recours à l'encontre de la SARL Arcadia pour obtenir remboursement des loyers pour lesquels elle est tenue solidairement avec son cessionnaire, la SARL Arcadia ;

Attendu qu'au vu des éléments d'appréciation soumis à la cour, ce préjudice subi par Mme Isabelle M. a été évalué à sa juste mesure par les premiers juges, de sorte que le jugement qui l'a condamnée au paiement de seulement la somme de 3 000 € sur la créance réclamée par la Sci Novello mérite confirmation ;

Attendu qu'au vu des justificatifs de ressources produits par l'intimée, les délais de paiement tels qu'ils ont été accordés par les premiers juges sont fondés et il n'y a pas lieu d'apporter de modification, le jugement entrepris étant en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que la société appelante qui succombe sur son appel doit être condamnée aux entiers dépens d'appel ;

Attendu que l'équité n'exige pas à hauteur de cour l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

la Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Déclare la Sci Novello recevable en son appel principal et Mme Isabelle M. née M. recevable en son appel incident, mais mal fondées en leurs appels ; les en déboute ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Dijon en date du 13 juin 2013 ;

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sci Novello aux entiers frais et dépens d'appel.