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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 17 novembre 2011, n° 10/04200

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Tania (EURL)

Défendeur :

Commune De Saint Martin d'Heres (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bernaud

Conseillers :

Mme Pages, Mme Isola

Avoués :

SCP Pougnand Herve-Jean, Selarl Dauphin & Mihajlovic

Avocats :

Me Azombo Etoo, Me Guebbabi

TGI Grenoble, du 22 sept. 2010, n° 10/00…

22 septembre 2010

La commune de Saint-Martin-d'Hères est propriétaire d'un immeuble comprenant au rez-de-chaussée un local commercial donné initialement à bail le 17 novembre 1989 à la société S.N.E.I.P, laquelle a cédé son bail le 1er décembre 1998 à la SARL BOUCHERIE DES 3 B.

La société BOUCHERIE DES 3 B a été placée en liquidation judiciaire le 22 décembre 2009.

Le bail n'a pas été poursuivi par le liquidateur judiciaire, qui n'a pas pu toutefois restituer les lieux à la commune en raison de la présence d'un nouvel exploitant, l'EURL TANIA, se prévalant d'un acte de cession de fonds de commerce en date du 28 octobre 2009.

Estimant que le transfert du bail avait été réalisé sans son accord, la commune de Saint-Martin-d'Hères, après sommation de quitter les lieux du 15 juin 2010, a fait assigner en référé expulsion la société TANIA.

Par ordonnance du 22 septembre 2010 le président du tribunal de grande instance de Grenoble a constaté que l'EURL TANIA occupait irrégulièrement les locaux appartenant à la commune de Saint-Martin-d'Hères, a ordonné l'expulsion de la société occupante sous astreinte de 500 € par jour de retard au-delà d'un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision et a alloué à la commune une indemnité de procédure de 1500 €.

Ll'EURL TANIA a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 4 octobre 2010.

Vu les conclusions signifiées et déposées le 3 janvier 2011 par l'EURL TANIA qui s'oppose, par voie de réformation de l'ordonnance, à l'expulsion sollicitée par la commune qu'elle invite à mieux se pourvoir au fond aux motifs que la commune a donné tacitement son accord à la cession du fonds de commerce par acte du 28 octobre 2009, enregistré le 26 novembre 2009 et régulièrement publié dans un journal d'annonces légales, que la cession du fonds est opposable à la commune qui n'a pas répondu à la demande d'autorisation par lettre du 7 octobre 2009 de la société cédante et qui n'a jamais manifesté une quelconque opposition, qu'ayant acquis le droit au bail avec le fonds de commerce elle est en droit de prétendre à une indemnité d'éviction, ce qui soulève une question relevant de la seule compétence du juge du fond.

Vu les conclusions signifiées et déposées le 31 janvier 2011 par la commune de Saint-Martin-d'Hères qui demande à la cour, par voie de confirmation de l'ordonnance, de constater la résiliation du bail consenti à la SARL BOUCHERIE DES 3 B , de constater que l'occupation actuelle des lieux est constitutive d'une voie de fait, de constater que l'EURL TANIA occupe irrégulièrement les lieux, en conséquence d'ordonner l'expulsion de cette dernière et de tous occupants de son chef dans les 15 jours suivant la notification de l'ordonnance et ce sous astreinte de 1000 € par jour de retard, de condamner enfin la société appelante au paiement d'une indemnité de procédure de 2000 € aux motifs que la cession du droit au bail lui est inopposable alors qu'elle n'y a pas consenti préalablement et par écrit ainsi que le prévoit le contrat de location d'origine et que les formalités prévues par l'article 1690 du Code civil n'ont pas été mises en œuvre, qu'elle n'a pas reçu le courrier qui lui aurait été adressé le 7 octobre 2009, que le bail ayant été résilié par le mandataire judiciaire le12 mars 2010 l'occupation actuelle des locaux par l'EURL TANIA est par conséquent irrégulière.

MOTIFS DE L'ARRET

le bail commercial d'origine du 17 novembre 1989, qui a été transféré à la SARL BOUCHERIE DES 3 B à compter du 1er décembre 1998 aux charges et conditions initiales, stipule valablement en son article 11 que le preneur ne peut, sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, céder son droit au bail et que s'il est en droit de le céder à son successeur dans le commerce, « la cession devra toujours faire l'objet d'un accord préalable et écrit du bailleur ».

Il est constant en l'espèce que la SARL BOUCHERIE DES 3 B n'a pas sollicité l'accord préalable et écrit de la commune de Saint-Martin-d'Hères lors de la cession de son fonds de commerce à l'EURL TANIA par acte sous-seing-privé du 28 octobre 2009 et n'a pas mis en œuvre les formalités de signification prévues par l'article 1690 du Code civil.

Il n'est pas démontré en outre que la commune ne se serait pas opposée à la cession après en avoir été informée par lettre simple du 7 octobre 2009 qu'elle conteste avoir reçue.

La preuve n'est dès lors nullement rapportée d'un accord tacite du propriétaire, qui ne pourrait en toute hypothèse résulter du simple silence en l'absence d'actes ou de faits exprimant une volonté certaine et non équivoque de consentir à la cession ; étant observé qu'il n'est pas allégué que des paiements auraient été acceptés par la commune.

Comme le premier juge la cour estime par conséquent qu'à défaut d'avoir été autorisée ou signifiée la cession du bail à l'EURL TANIA est inopposable à la commune propriétaire, peu important que l'acte du 28 octobre 2009 ait été enregistré et publié dans un journal d'annonces légales.

Le bail ayant été résilié le 12 mars 2010 par le mandataire judiciaire, la commune de Saint-Martin-d'Hères est par conséquent en droit de considérer que l'EURL TANIA est à son égard occupante sans droit ni titre, ce qui conduit à la confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.

L'équité commande de faire à nouveau application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

' condamne l'EURL TANIA à payer à la commune de Saint-Martin-d'Hères une indemnité de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'EURL TANIA aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL d'avoués DAUPHIN & MIHAJLOVIC.