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Décisions

Cass. 1re civ., 11 décembre 2013, n° 12-25.974

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gridel

Rapporteur :

Mme Canas

Avocat général :

M. Legoux

Avocats :

SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Paris, du 13 avr. 2012

13 avril 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... est l'auteur des paroles des chansons intitulées « A vava inouva », « Tagrawla », « Awah Awah » et « Cfiy », composées et interprétées par M. Y..., que la société Sony Music Entertainment France (la société Sony) a, en vertu d'un contrat d'enregistrement exclusif conclu avec M. Y..., produit deux phonogrammes du commerce contenant les oeuvres dérivées « A vava inouva 2 », « Révolution (Tagrawla 2) », « Illusions (Awah Awah 2) » et « Mémoire (Cfiy 2) », ainsi qu'un DVD reproduisant des extraits des oeuvres « Tagrawla » et « Awah Awah » ; que lui reprochant d'avoir ainsi porté atteinte à ses droits patrimoniaux et à son droit moral d'auteur, M. X... a engagé une action en contrefaçon à l'encontre de la société Sony ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société Sony fait grief à l'arrêt de dire qu'en exploitant les enregistrements des oeuvres « A vava inouva 2 », « Révolution (Tagrawla 2) », « Illusions (Awah Awah 2) » et « Mémoire (Cfiy 2) » sans l'autorisation de M. X..., elle a porté atteinte au droit moral de ce dernier et de la condamner à lui payer la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice ainsi subi, alors, selon le moyen, qu'est irrecevable toute prétention émise contre une personne dépourvue du droit d'agir ; que l'auteur dispose sur son oeuvre d'un droit de propriété exclusif et opposable à tous lui conférant des prérogatives patrimoniales et morales sur celle-ci ; que l'action tendant à voir juger une oeuvre contrefaisante et à en interdire l'exploitation nécessite donc la mise en cause des auteurs titulaires des droits sur celle-ci ; qu'en retenant en l'espèce que M. X... serait recevable à agir en contrefaçon au titre de son droit moral d'auteur à l'encontre de la seule société Sony, simple exploitante, sans appeler en la cause les coauteurs des oeuvres composites de collaboration arguées de contrefaçon, aux motifs que la règle de l'unanimité posée par l'article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle ne vaut que pour la défense des droits patrimoniaux et ne s'applique pas au droit moral quand l'action de M. X..., qu'elle soit fondée sur ses droits patrimoniaux ou sur son droit moral, portait de la même façon atteinte aux droits exclusifs d'exploitation des coauteurs des oeuvres incriminées, la cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 32 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la recevabilité de l'action engagée par l'auteur de l'oeuvre première et dirigée exclusivement à l'encontre de l'exploitant d'une oeuvre de collaboration arguée de contrefaçon n'est pas subordonnée à la mise en cause de l'ensemble des coauteurs de celle-ci ; qu'il en résulte que M. X... est recevable à agir en contrefaçon au titre de son droit moral d'auteur à l'encontre de la seule société Sony ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués après avis donné aux parties, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi principal :

Vu l'article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que la recevabilité de l'action engagée par l'auteur de l'oeuvre première et dirigée exclusivement à l'encontre de l'exploitant d'une oeuvre de collaboration arguée de contrefaçon n'est pas subordonnée à la mise en cause de l'ensemble des coauteurs de celle-ci ;

Attendu que pour déclarer M. X... irrecevable en ses demandes fondées sur l'atteinte à ses droits patrimoniaux et en sa demande subséquente d'interdiction, l'arrêt, après avoir relevé que, dans la mesure où elle serait reconnue bien fondée au fond, l'action en contrefaçon ne manquerait pas d'affecter, compte tenu des mesures réparatrices sollicitées, les conditions de l'exploitation future des enregistrements des oeuvres musicales litigieuses et, partant, les droits de leurs coauteurs, retient qu'il appartenait, dès lors, à M. X... de mettre en cause l'ensemble de ceux-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, l'action en contrefaçon était exclusivement dirigée contre la société Sony, en sa qualité de producteur des oeuvres musicales incriminées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen du même pourvoi :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen relatif à la demande de production de pièces portant sur les ventes en ligne et à l'étranger des phonogrammes litigieux ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. X... irrecevable en ses demandes fondées sur l'atteinte à ses droits patrimoniaux d'auteur et en sa demande subséquente d'interdiction, et en ce qu'il le déboute de sa demande de production de pièces portant sur les ventes en ligne et à l'étranger des phonogrammes, l'arrêt rendu le 13 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.