Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 11 mai 2017, n° 16-13.427

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Paris, du 26 janv. 2016

26 janvier 2016


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le peintre Georges X...a, par acte du 6 juin 1962, autorisé A...à reproduire certaines de ses oeuvres, en trois dimensions, dans les domaines de la joaillerie, de l'art lapidaire et de la sculpture, sous les conditions que, notamment, les oeuvres destinées à être reproduites soient reprises en maquette ou en dessin d'atelier par A...et signées par le peintre, avec mention d'autorisation, et que chaque oeuvre soit " en principe " reproduite en un seul exemplaire ; qu'une sculpture en bronze doré, intitulée " Hermès 1963 ", a ainsi été réalisée à partir d'une gouache signée de Georges X...et a fait l'objet de fontes posthumes, en huit exemplaires, entre 2001 et 2003 ; que M. Y..., qui avait acquis, en indivision avec M. Z..., l'exemplaire numéroté 5/ 8, lors d'une vente aux enchères publiques organisée par la société Millon et associés, a engagé une action en liquidation et partage de l'indivision et a sollicité, au vu du rapport d'expertise judiciaire qui attribuait la paternité de l'oeuvre " Hermès 1963 " à A..., l'annulation de la vente ainsi que celle, subséquente, des conventions qu'il avait conclues avec M. Z...pour le financement de l'acquisition litigieuse ;

Sur les deuxièmes moyens du pourvoi principal et du pourvoi incident, rédigés en termes identiques et réunis :

Attendu que M. Z..., la société Editions catalogues raisonnés, ancien propriétaire de la sculpture litigieuse, " tirage 5/ 8 Hermès 1963 ", et la société Millon et associés font grief à l'arrêt d'annuler la vente aux enchères publiques de cette dernière, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est dite de collaboration, l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que Georges X...a choisi la gouache réalisée par A...comme devant être reproduite en trois dimensions, que le contrat passé entre les deux artistes en 1962 permettait au sculpteur-joaillier de choisir la forme et les matériaux de sa réalisation et que l'état de santé du peintre ne lui permettait pas de participer à son élaboration matérielle, laissée à A...; qu'en n'en déduisant pas que ce dernier avait concouru en tant qu'auteur à la création de l'oeuvre en maîtrisant la conception et la réalisation de l'adaptation de la gouache à une oeuvre en trois dimensions, ce qui justifiait de la qualifier d'oeuvre de collaboration, la cour d'appel a violé l'article L. 113-2, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ qu'à tout le moins, en ne recherchant pas, comme il lui était demandé et comme il résultait des pièces du dossier, si, au-delà de la seule réalisation de la gouache initiale, A...n'avait pas concouru à la conception de l'oeuvre finale par les choix qu'il avait réalisés pour élaborer l'oeuvre en trois dimensions quant au type d'oeuvre effectué, à sa taille et aux matériaux utilisés, choix auxquels Georges X...n'avait pas participé mais seulement acceptés a posteriori, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-2, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que M. Z...et la société Editions catalogues raisonnés ne définissaient pas, en dehors de la réalisation d'une gouache qu'ils attribuaient à A..., quel avait été l'apport créatif personnel de celui-ci, indiquant seulement qu'il avait réalisé la gouache, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que les pièces produites aux débats ne permettaient pas de qualifier la sculpture Hermès 1963 d'oeuvre de collaboration, mais commandaient de la qualifier d'oeuvre de Georges X...réalisée avec son accord, à partir d'un dessin par lui conçu ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, pris en leur deuxième branche, rédigés en termes identiques et réunis :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour annuler la vente aux enchères publiques de la sculpture " tirage 5/ 8 Hermès 1963 " ainsi que les conventions subséquentes, l'arrêt retient qu'en l'absence de contrôle par les ayants droit de Georges X..., le tirage effectué à partir du moule de la sculpture Hermès 1963, à la seule initiative de M. Z..., en sa qualité d'ayant droit de A..., sans que les ayants droit de Georges X...aient été consultés et aient agréé lesdits tirages, ne peut pas recevoir la qualification d'original mais constitue une simple reproduction ;

Qu'en relevant d'office ce moyen, sans mettre les parties en mesure de faire valoir leurs observations préalables sur la nécessité de ce contrôle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.