Cass. com., 10 avril 2019, n° 17-14.790
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Avocats :
SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Zribi et Texier
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. K..., que sur le pourvoi incident relevé par M. N..., Mme N... et la société Gestion sanitaire et sociale G2S ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. K... détient 9,32 % des parts sociales composant le capital de la SARL Gestion sanitaire et sociale G2S (la société G2S), qui a pour activité la gestion d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et dont les dirigeants, M. et Mme N..., sont associés majoritaires ; qu'estimant que ses droits d'associé, notamment d'information, étaient entravés par les dirigeants de la société, qu'un abus de majorité avait été commis dans le cadre de l'acquisition d'un bien immobilier par cette dernière et que M. N... avait commis une faute de gestion en concluant, au nom de la société G2S, une transaction avec une salariée licenciée au titre d'un contentieux privé, M. K... a assigné M. et Mme N... ainsi que la société G2S, aux fins que soient prononcées sous astreinte diverses mesures, et en paiement de dommages-intérêts ; que ces derniers ont, reconventionnellement, demandé la condamnation de M. K... pour procédure abusive ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. K... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de condamnation de M. et Mme N... à lui payer la somme de 8 000 euros au titre des manquements aux obligations d'information et de communication des documents sociaux et d'injonction de produire les documents visés à l'article L. 223-26 du code de commerce alors, selon le moyen :
1°/ que tout associé a le droit, à toute époque, d'accéder au siège social pour prendre par lui-même connaissance des documents sociaux énumérés par l'article R. 223-15 du code de commerce ; qu'en se bornant à relever, pour écarter toute méconnaissance de ce texte par les gérants de la société G2S, que, s'agissant d'une petite structure et compte tenu des relations conflictuelles des parties, cette société avait pu faire valablement le choix d'organiser les consultations de documents au siège social, sans s'expliquer autrement sur les modalités de consultation adoptées, dont M. K... dénonçait le caractère illégal et discriminatoire, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et R. 223-15 du code de commerce ;
2°/ qu'en se bornant à relever, pour statuer comme elle l'a fait, que la société G2S avait pu faire valablement le choix d'organiser les consultations de documents au siège social et que M. K... avait pu y accéder les 9 octobre 2015 et 23 juin 2016, sans rechercher, comme elle y était invitée, si de 2011 à 2015, M. K... n'avait pas été privé de tout accès au siège social, ce qui était de nature à caractériser un comportement fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et R. 223-15 du code de commerce ;
3°/ que M. K... faisait valoir que les modalités de consultation des documents sociaux au siège social prévues par la société G2S, qui consistaient en une prise de rendez-vous deux mois à l'avance, étaient illégales au regard des articles R. 223-18 et R. 223-19 du code de commerce qui prévoient que certains documents sont tenus à la disposition des associés au siège social pendant le délai de quinze jours qui précède une assemblée ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, de nature à établir la faute reprochée aux gérants de la société G2S, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par des motifs non critiqués, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'existence d'un préjudice causé par un éventuel manquement au droit d'information de l'associé, que M. K... ne démontrait pas de préjudice au soutien de sa demande en paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en ses trois branches, et qui ne comporte aucun grief dirigé contre le rejet de la demande d'injonction, ne peut être accueilli ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, de ce pourvoi :
Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et 1833 du même code ;
Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts fondée sur un abus de majorité, après avoir relevé que l'acquisition de l'ensemble hôtelier entrait dans le cadre de l'activité de la société G2S conformément à son objet social statutairement défini et ne nécessitait pas d'être soumise à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires, l'arrêt relève encore que les associés ont approuvé le fait que la société G2S acquière une part substantielle des murs, et non la totalité, et constate qu'elle détient ainsi à ce jour 40 % des parts de la SCI Lysacoda, future propriétaire de l'immeuble, l'achat s'étant fait par crédit-bail à la demande des financeurs ; qu'il en déduit que M. K... ne caractérise ni l'abus de majorité allégué ni un préjudice au détriment de la société G2S ou de lui-même ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans examiner la conformité des conditions de l'acquisition en cause à l'intérêt social de la société G2S, cependant qu'il était soutenu que le montage juridique et financier de l'opération avait pour effet que cette société n'était propriétaire à travers une société civile immobilière que de 40 % des murs d'un bien qu'elle avait seule intégralement financé, tandis que les associés majoritaires et leurs enfants, associés avec eux à hauteur de 60 % de la société civile immobilière, en étaient propriétaires pour le restant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Sur le troisième moyen du même pourvoi :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de condamnation de M. N... à payer des dommages-intérêts au titre d'une faute de gestion, l'arrêt relève que M. K... réclame au profit de la société G2S des dommages-intérêts pour le préjudice que celle-ci aurait subi à hauteur du montant de 40 000 euros payé à une salariée, dans le cadre d'une convention de rupture transactionnelle de son contrat de travail, majoré de 10 000 euros, et retient que cependant, M. et Mme N... exposent l'intérêt pour la société G2S de mettre rapidement un terme au contentieux l'ayant opposée à sa salariée, comptable, et qu'il n'est pas démontré de faute de gestion de nature à engager la responsabilité du gérant ;
Qu'en statuant ainsi, sans analyser les faits invoqués au soutien de la faute de gestion alléguée à l'encontre de M. N..., la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation de l'arrêt sur le pourvoi principal entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif rejetant la demande formée par la société G2S, M. N... et Mme N... à leur payer des dommages-intérêts pour procédure abusive, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes en dommages-intérêts formées par M. K... au titre d'un abus de majorité et d'une faute de gestion et en ce qu'il rejette la demande en dommages-intérêts dirigée contre lui pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 15 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.