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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 octobre 2022, n° 21/07424

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Lidl (SNC)

Défendeur :

Puma France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignières

Avocats :

Me Kong Thong, Me Codevelle, Me Guerre, Me Friederich

T. com. Paris, du 12 sept. 2016

12 septembre 2016

La société Lidl exerce une activité de commerce de détail de tous types de produits alimentaires et de bazar.

La société Puma France conçoit et produit des articles de sport et de loisirs, essentiellement des chaussures et des accessoires tels que des sacs sous la marque Puma.  

Un litige oppose la société Puma à la société Lidl, la première reprochant à la seconde d'avoir offert à la vente et vendu des produits Puma (chaussures et sacs à dos) dans le cadre d'une opération promotionnelle, annoncée pour la journée du jeudi 5 septembre 2013 par de vastes moyens de communication et dans des conditions constitutives d'une concurrence déloyale et parasitaire.  

C'est dans ces conditions que la société Puma a assignée la société Lidl en référé d'heure à heure le 2 septembre 2013 devant le tribunal de commerce de Nancy.

A l'audience du 4 septembre 2013, la société Lidl a obtenu un renvoi en s'engageant en contrepartie, afin de démontrer sa bonne foi : à suspendre la vente des produits litigieux dans l'attente d'une décision et à diffuser dans ses magasins un erratum.

Ayant fait constater par ses salariés la vente de produits dans deux magasins Lidl situés à Créteil et Vitry-sur-Seine, la société Puma a attrait la société Lidl devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 6 mars 2014.

Par jugement en date du 12 septembre 2016, ce tribunal a :

- condamné la société Lidl à payer à la société Puma France SAS une somme de 200 000€, augmentée des intérêts au taux légal du jour de l'assignation au jour du paiement à titre de dommages intérêts, déboutant pour le surplus ;

- fait interdiction à la société Lidl de mettre en vente et de vendre des produits Puma, sous astreinte de 1 000 € par jour et par produit, à compter de la présente décision :

- débouté la société Puma France SAS de sa demande de publication de la décision ;

- débouté la société Puma France SAS de ses demandes de communication de divers documents comptables et de remise des stocks de chaussures et de sacs à dos ;

- débouté la société Lidl de sa demande de condamnation de la société Puma France SAS pour Procédure abusive ;

- condamné la société Lidl à verser la somme de 20 000€ à la société Puma France SAS au visa de l'article 700 du CPC ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à I 'exception des mesures de publication ;

- condamné la société Lidl aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 81,90€ dont 13,83€ de TVA.

Par arrêt du 9 janvier 2019, la cour d'appel de Paris a :

- Infirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré que les produits critiqués ont été acquis licitement par la société Lidl,

Et statuant à nouveau,

-Débouté, la société Puma de l'ensemble de ses demandes,

-Condamné la société Puma aux dépens de première instance et d'appel,

-Condamné la société Puma à payer à la société Lidl la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Puma a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.

Par arrêt du 18 novembre 2020, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a déclaré que les produits critiqués avaient été licitement acquis par la société Lidl.

La Cour de cassation a reproché à la cour d'appel :

- un défaut de base légale pour ne pas avoir recherché comme il lui était demandé si les tracts constituant la campagne publicitaire incriminée ne présentaient pas les produits en cause sur des supports et dans un environnement portant atteinte à leur notoriété aux yeux du consommateur, peu important l'absence de confusion entre les différents produits faisant l'objet de la publicité litigieuse ;

- un défaut de motifs pour ne pas avoir répondu aux conclusions de la société PUMA faisant valoir que l'absence de conseils prodigués aux clients était de nature à porter atteinte à la notoriété de ses produits, le moyen pris de ce que les conditions de commercialisation n'étaient pas conformes à la nature alléguée des produits, pouvant requérir un conseil approprié, n'ayant pas été examiné,

- et s'être fondée sur des motifs impropres à exclure la concurrence parasitaire alléguée, la cour d'appel ayant retenu que la campagne ne portait que sur 232 articles et qu'il n'était pas établi que les produits auraient fonctionné comme des produits d'appel, pour en déduire que la société Lidl ne s'était pas placée dans le sillage de la société Puma et n'avait pas utilisé sa notoritété sans bourse délier.  La société Lidl a saisi la cour de renvoi.

Vu les dernières conclusions de la société Lidl, demanderesse au renvoi, déposées et notifiées le 7 juin 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Confirmer le Jugement en ce qu'il a déclaré licite l'acquisition par la société Lidl des produits litigieux et débouté la société Puma des demandes de publication, de communication et de remise des stocks ;

Infirmer le Jugement en ce qu'il a :

 Condamné la société Lidl à payer à la société PUMA France SAS une somme de 200 000€, augmentée des intérêts au taux légal du jour de l'assignation au jour du paiement à titre de dommages intérêts, déboutant pour le surplus ;

 Fait interdiction à la société Lidl de mettre en vente et de vendre des produits Puma, sous astreinte de 1 000 € par jour et par produit, à compter de la présente décision ;

 Condamné la société Lidl à verser la somme de 20 000€ à la société Puma France SAS au visa de l'article 700 du CPC ;

 Condamné la société Lidl aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 81,90 € dont 13,43 € de TVA.

Pour le surplus et statuant à nouveau :

Constater que la société Lidl n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire ;

Débouter la société Puma de l'ensemble de ses demandes comme étant irrecevable ou mal fondées ;

Condamner la société Puma à verser à la société Lidl la somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société Puma aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions de la société Puma, défenderesse au renvoi, déposées et notifiées le 13 juin 2022 par lesquelles il était demandé à la cour de :

SUR APPEL PRINCIPAL  

-Déclarer la société Lidl mal fondée en son appel,

-L'en débouter ainsi que de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

 jugé que le réseau de distribution sélective mis en place par la société Puma est justifié et juridiquement étanche ;

 jugé que la société Lidl avait porté atteinte à l'image de marque de la société Puma et fragilisé ses efforts pour assurer une distribution sélective de ses produits et avait ainsi commis des fautes de concurrence déloyale et de parasitisme à son encontre.

 fait interdiction à la société Lidl de mettre en vente et de vendre des produits Puma, sous astreinte de 1 000 € par jour et par produit.

SUR APPEL INCIDENT

-Déclarer la société Puma recevable en son appel incident, L'y dire bien fondé

En conséquence,

-Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

 fixé à la somme de 200 000 € le montant des dommages et intérêts devant être payés par la société Lidl à la société Puma ;

 débouté la société Puma de sa demande de publication de la décision.

ET STATUANT A NOUVEAU DE CES CHEFS

-Condamner la société Lidl à payer société Puma France SAS une somme de 1 500 000 € à titre de dommages et intérêts.

-Ordonner la publication de la décision à intervenir dans un journal national tel que le Figaro ou les Echos au choix de Puma France, et dans le journal LSA, aux frais avancés par la société Lidl sans que ces frais n'excèdent 100 000 € HT.

-Condamner la société Lidl à verser à la société Puma France SAS une somme de 30 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Par des conclusions de procédure déposées le 13 juin 2022 sur le RPVA, la société Puma sollicite le rejet des débats des conclusions de la société Lidl signifiées le 7 juin 2022 ainsi que des pièces numérotées 36 à 57 pièces signifiées le 8 juin suivant.

Par des conclusions en réponse d'incident de procédure déposées le 14 juin 2022 sur le RPVA, la société Lidl demande de dire n'y avoir lieu à rejet de ses écritures et de ses pièces et à titre subsidiaire, d'écarter celles de la société Puma signifiées le 13 juin dernier.  

SUR CE LA COUR,

Sur l'incident de procédure

La cour constate l'absence de violation du principe de la contradiction par la société Lidl dès lors que la société Puma a été en mesure de répondre aux conclusions et aux pièces déposées les 7 et 8 juin 2022 par le dépôt de conclusions et de pièces le 13 juin suivant.  

En conséquence, l'incident tendant au rejet des écritures et pièces de la société Lidl des 7 et 8 juin 2022 est rejeté.  

SUR LE FOND

I/Sur les fautes de concurrence déloyale reprochées à Lidl

La société Puma se prévaut de fautes de concurrence déloyale, reprochant à la société Lidl, en premier lieu, d'avoir porté atteinte à la notoriété des produits Puma en raison :

-de la proximité avec des produits incompatibles avec l'image de marque de Puma :

Et ainsi :  

- de la proximité avec des boissons alcooliques et produits alimentaires à faible qualité nutritionnelle

- de la présentation à côté de chaussures de ville bas de gamme

-de l'absence de tout environnement de marques

de la présentation dégradante des produits Puma

Et ainsi :

- de l'entassement des produits Puma en magasins Lidl  

- de la pauvreté des supports de présentation des produits Puma

- du manque de diligence professionnelle de la société Lidl relativement aux produits Puma

De l'impossibilité d'obtenir un conseil sur les produits Puma

En second lieu, sa concurrence parasitaire.

La société Lidl se défend d'avoir porté atteinte à la notoriété des produits Puma et de toute concurrence parasitaire.  

Sur la faute de concurrence déloyale prise de l'atteinte portée à la notoriété des produits Puma  

1°/ Puma fait grief à Lidl d'avoir commercialisé ses produits faisant l'objet d'un réseau de distribution sélective à proximité de produits susceptibles d'en déprécier sa notoriété, motifs pris :

- de leur proposition à la vente à proximité avec des produits incompatibles avec l'image de marque de Puma :

En l'espèce, elle invoque la proximité des produits Puma proposés à la vente avec des boissons alcooliques et produits alimentaires à faible qualité nutritionnelle, dans le cadre d'une opération intitulée "la foire aux vins", que ce soit sur le site internet de la société Lidl avec un fond d'écran sur le thème de la foire aux vins, ou sur des prospectus publicitaires dont la couverture est titrée "la foire aux vins" et présente des boissons alcooliques à bas prix, ou encore sur le magazine Télé 7 Jours du 31 août au 6 septembre 2013 alors que pour l'image d'un équipementier sportif, la présentation de ses produits à proximité de boissons alcooliques, considéré par l'opinion publique comme nuisant aux performances sportives, outre ses dangers pour la santé constamment rappelés par le gouvernement, est particulièrement catastrophique, de même que la présentation de ses produits à proximité de sucreries, sodas, viandes rouges et de toute sorte d'aliments à faible qualité nutritionnelle associés dans le discours des pouvoirs publics à l'augmentation des risques de malade, telles que l'obésité, le diabète, l'hypertension, le cancer, ...et ainsi à proximité de produits dont l'image est incompatible avec celle de la performance sportive de haut niveau, ce qui nuit aux efforts considérables qu'elle a effectués pour y être associée aux yeux des consommateurs.  

Sur ce,

Si la société Lidl rétorque que les produits Puma étaient toujours présentés avec d'autres produits textiles, tels que les produits Nike, sur des pages distinctes du site internet, éloignés dans les prospectus, et dans des endroits différents en magasin, par rapport aux boissons alcoolisées et aux produits alimentaires à faible qualité nutritionnelle, la circonstance qu'aucune assimilation ne pouvait être faite entre les produits n'est pas de nature à exclure le moyen pris de la vente des produits Puma dans des conditions dévalorisantes portant atteinte à leur notoriété.  

En revanche, la société Lidl démontre que la présentation à la vente de produits Puma dans des catalogues publicitaires équivalents aux siens dans lesquels figurent d'autres produits de consommation, constitue une pratique courante conforme aux usages du commerce.

Ainsi, en est-il de la vente de chaussures Puma présentée sur le catalogue Auchan du 23 au 31 août 2013 (pièce 48 de Lidl) au milieu de produits de consommation courante (saucisson, viande rouge, pizza, ...) dont certains non spécialement recommandés pour la santé, ou encore du catalogue Costco du 22 au 28 juin 2020 (pièce 48).

La société Lidl démontre aussi que la société Puma a organisé la promotion des produits Puma avec des marques tels que Pepsi sur le marché américain ou sur le marché allemand pour la création d'une paire de chaussures inspirée d'une boisson alcoolisée berlinoise (le Berliner Luft - pièce 55), peu important que ces opérations soient intervenues postérieurement dans un cadre différent, à savoir la création de modèles de chaussures s'appuyant sur la notoriété d'une autre marque bien identifiée, vendus à un prix élevé du fait de leur originalité et de leur nombre limité.

Au vu de ces éléments, la société Puma échoue à établir que les conditions de la vente des produits Puma présentés sur des supports publicitaires de médiocre qualité dans le cadre d'une opération "foire aux vins" avec des produits alcooliques et des produits bas de gamme, ont nui à leur image de performance sportive et porté atteinte à leur notoriété aux yeux du consommateur.

- de leur présentation à proximité de chaussures de villes bas de gamme

La société Puma soutient aussi que les produits Puma figurant à proximité immédiate de ballerines à 5,99€ et de bottines à 14,99€ sur les affiches en devanture de magasin, sur le site internet ainsi que sur les prospectus de la société Lidl (sa pièce 7), a porté atteinte à la notoriété des produits Puma aux yeux du consommateur.

Mais outre que, ainsi que le fait valoir la société Lidl, la seule circonstance prise du prix des chaussures (ballerines ou bottines) n'est pas de nature à démontrer leur caractère « bas de gamme » alors que les chaussures Puma étaient vendus au prix de 39,99€, il apparaît que, même présentée en devanture de magasins à côté d'une page relative à l'habillement féminin, la page relative à l'équipement sportif proposait à la vente des produits Puma (« baskets » et sacs à dos) à côté de sacs à dos de marque Nike, marque de renommée équivalente à celle de Puma, peu important qu'il ne s'agisse pas de chaussures de sport.  

Ainsi, il n'apparaît pas que les produits Puma ont été proposés dans un environnent inadapté à leur image.  

- de l'absence de tout environnement de marques.

La société Puma soutient également que les conditions de distribution des produits Puma au sein de son réseau tranchent particulièrement avec celles de la société Lidl qui propose des produits de marque Puma sporadiquement dans un milieu dominé par les produits alimentaires, de bricolage et de bazar, soit dans un environnement totalement inadapté.

Mais, la Cour observe qu'il est constant que la société Lidl a acquis les produits Puma licitement sans faire partie du réseau et ainsi sans être tenu à des contraintes de présentation des produits, et que les produits Puma ont été présentés à la vente à côté de produits Nike, dont il a été dit qu'il s'agissait d'une marque de renommée équivalente.  

A cet égard, il sera observé que dans les deux magasins Lidl dans lesquels celle-ci reconnaît que les produits Puma ont été mis en rayon, ces produits ont été présentés dans des racks individualisés au milieu des allées du magasin, à côté de produits Nike.

Ainsi, la société Puma ne démontre pas la faute de concurrence déloyale commise par la société Lidl pour atteinte à la notoriété des produits Puma en raison de la proximité avec des produits incompatibles avec l'image de marque Puma.  

2°/ La société Puma invoque également une faute de concurrence déloyale commise par la société Lidl pour atteinte à la notoriété des produits en raison de leur présentation dégradante.  

Elle reproche ainsi à la société Lidl :

- d'avoir entassé les produits Puma en magasins Lidl

La société Puma fait état de produits proposés en vrac dans des racks au sein des allées centrales des magasins Lidl, de modèles pas réellement visibles, les chaussures étant proposées dans leurs boites, et les clients devant eux-mêmes trouver leur pointure en fouillant dans les racks, outre l'absence d'espace aménagé pour permettre des essayages, contrairement aux conditions de distribution régissant son réseau, qui notamment interdisent en principe la vente en vrac , sauf durant certaines périodes de promotions. Elle soutient que ces conditions de distribution sont dévalorisantes.

Mais, outre que comme le fait valoir la société Lidl, la société Puma autorise d'avoir recours aux présentations en vrac à ses distributeurs réseau au moins au cours des périodes de promotion, il n'est pas contesté que la société Lidl a présenté ses chaussures dans des bacs au milieu des allées des magasins, à proximité directe avec les produits Nike dont il a été dit qu'il s'agissait d'une marque de notoriété équivalente. Il sera ajouté que la présentation des produits Puma dans des racks ou dans leur boîte, à même le sol, ne constituent pas des conditions dévalorisantes pour la marque, s'agissant d'une opération publicitaire isolée.

Dès lors, l'existence de conditions de distribution dévalorisantes ne peut être retenue.  

- la pauvreté des supports de présentation des produits Puma,

La société Puma soutient à cet égard que les supports papiers de présentation utilisés pour présenter ses produits par Lidl étaient d'une qualité très inférieure à celles qu'elle utilise et que les prospectus insérés dans le magazine télé 7 jours dénotent avec la présence habituelle des produits Puma dans la presse spécialisée dans le sport ou la mode.

Elle ajoute que les produits sur le site de Lidl étaient simplement classés dans la catégorie « textile » alors que ses distributeurs agréés s'obligent à un classement par univers et par catégorie, en séparant bien les chaussures du textile et des accessoires.  

De plus l'appellation générique « basket » sans aucune indication du modèle tendrait à banaliser les produits de la marque Puma.  

Mais, même à admettre que la société Puma lutte contre les supports de promotion (internet, catalogue,...) utilisés pour promouvoir la vente de produits de sport, force est de constater que ce mode de communication est fréquemment utilisé par les annonceurs pour promouvoir la vente de produits de sport, notamment par les sociétés Leclerc, Cora, Carrefour, Auchan, ...(pièce 35 à 49) s'agissant de ventes hors réseau. Il sera ajouté que Foot Locker, distributeur agréé, en fait de même sur internet (pièce 32).

Et, il n'est pas démontré en quoi le classement des produits Puma dans la catégorie « textile » et la publicité dans télé 7 jours seraient dévalorisants.

Par ailleurs, il n'est pas davantage démontré en quoi l'appellation générique « basket » par la société Lidl, sans précision quant au modèle Puma concerné, banaliserait les modèles en cause, étant observé qu'il résulte des supports de promotion produits par Lidl que le nom des modèles Puma n'est pas systématiquement précisé.  

Ainsi la société Puma échoue à établir que les supports de communications utilisés par Lidl portent atteinte à la notoriété ou à l'image de marque Puma, étant observé que les produits Puma ont été présentés à côté de produits Nike, de même renommée.

- du manque de diligence professionnelle de la société Lidl relativement aux produits Puma

La société Puma soutient que les publicités diffusées par Lidl n'auraient ni la clarté ni la précision exigée des professionnels dans leurs relations avec les consommateurs.

Ainsi, selon Puma, la durée de vente des produits serait trompeuse : Lidl faisant croire à une opération ne devant durer qu'une journée pour inciter les consommateurs à se rendre en magasin le 5 septembre 2013, rien ne laissant entendre que l'opération puisse durer plusieurs jours.  

De même selon Puma, les sacs à dos n'auraient pas été vendus dans les coloris annoncés et il n'est pas démontré la circulation du rectificatif selon les mêmes moyens que la publicité qualifiée de mensongère.

Egalement, selon Puma la publicité sur les lieux de vente de la société Lidl présente faussement les chaussures Puma comme étant destinées à la pratique de l'athlétisme alors que ce ne sont que des chaussures de loisirs, ce d'autant qu'aucune possibilité de conseil n'est offerte au consommateur et que les affiches ne mentionnent pas le modèle en cause.  

En outre les produits Puma auraient été commercialisés dans des conditions déloyales en ce qu'outre que la société Lidl aurait maintenu, le 5 septembre 2013, les affichages en magasin et les prospectus présentant les produits Puma alors qu'elle s'était engagée à ne plus les commercialiser à cette date, les produits Puma ont été vendus sous une autre dénomination « champagne brut premi » et « non food » , ce qui prive le consommateur de toute garantie. Elle soutient que les manquements à la règlementation d'ordre public de protection des consommateurs portant sur des produits Puma caractérisent une faute délictuelle de la société Lidl causant un préjudice d'image à Puma.  

Mais, si la société Puma est recevable à se prévaloir en cause d'appel de la violation de l'article L.121-4 7° du Code de la consommation, s'agissant d'un moyen nouveau et non d'une demande nouvelle, la lecture de la publicité litigieuse ne permet pas de retenir une tromperie du consommateur laissant croire que les produits Puma ne seraient disponibles que la seule journée du 5 septembre 2013 alors qu'il ne saurait se déduire de la précision de la date « jeudi 5 septembre » sur la page de présentation des baskets Puma, comme sur celle d'autres produits, figurant sur le catalogue Lidl du 4 au 7 septembre 2013 (pièce 9 de Puma), le fait que ces produits ne seraient disponibles que ce jour-là.  

En revanche, il est constant que les sacs à dos n'étaient pas disponibles à la vente dans tous les coloris annoncés. Or, si Lidl indique avoir établi un rectificatif à l'intention des consommateurs, force est de constater que le dit rectificatif n'a pas été affiché à l'extérieur des magasins (constat d'huissier- pièce 7 de Puma), n'a pas été vu par les consommateurs ainsi qu'il résulte des attestations produites et n'a pas circulé selon les mêmes moyens que la publicité erronée.  

Ce faisant, la société Lidl a manqué aux diligences professionnelles relativement aux produits Puma.

En outre, il résulte du même procès-verbal de constat d'huissier (Pièce 7 de Puma) que dans les magasins Lidl de [Localité 5], d'[Localité 6] et de [Localité 6], les baskets Puma ont été affichées en dessous d'une piste de course à pied avec le slogan « 3,2,1.... SPORTEZ », de sorte que le consommateur a pu en déduire que les baskets présentées étaient recommandées pour la pratique de l'athlétisme alors qu'il est constant qu'il s'agissait de chaussures de loisirs. Ainsi la présentation du produit Puma faite par Lidl a été de nature à tromper le consommateur sur les qualités essentielles du produit, sans que Lidl ne puisse sérieusement prétendre que le consommateur de basket est averti et fait preuve de discernement pour savoir que ces produits ne sont pas destinés à des pratiques sportives alors que le nom du modèle en cause n'est pas même précisé.

La société Lidl a encore manqué aux diligences professionnelles lui incombant s'agissant des produits Puma.  

Enfin, la société Puma établit que les produits Puma ont été commercialisés dans des conditions déloyales en ce que la société Lidl a maintenu, le 5 septembre 2013, les affichages en magasin et les prospectus présentant les produits Puma alors qu'elle s'était engagée à ne plus les commercialiser à cette date, et que les tickets de caisse des produits Puma vendus mentionnent une autre dénomination, privant le consommateur de garantie (procès-verbal de constat d'huissier pièce 9 de Puma).  

Il s'ensuit que, bien que Lidl indique avoir essayé de faire le nécessaire pour respecter les engagements pris le 4 septembre 2013 auprès du tribunal de commerce de Nancy et ainsi avoir retiré de la vente les produits Puma, seuls deux magasins n'ayant pas appliqué la consigne, une atteinte à la notoriété des produits Puma est établie dès lors que Lidl ne démontre aucune diffusion à l'égard des consommateurs concernant l'absence de commercialisation des produits Puma à la date de l'opération annoncée et que les produits ont été vendus sous une autre dénomination, contrairement aux exigences de la diligence professionnelle.  

3°/ La société Puma soutient encore que les pratiques déloyales de la société Lidl portant sur les produits Puma sont aggravées par l'absence de tout conseil qui assurerait le bon usage du produit par le consommateur.

Elle soutient que l'absence de conseil approprié est de nature à porter atteinte à la notoriété des produits en ce que l'environnement dans lequel les chaussures sont proposées à la vente en l'absence de tout produit similaire ou substituable, ne permet pas au consommateur d'en déterminer le bon usage, grâce à une lisibilité de l'offre, au regard de la description sommaire des produits et à la désignation générique « basket » alors que la présentation faite (« basket », le slogan « 3,2,1 sportez! » et la piste d'athlétisme au fond, l'intitulé « sport » de la rubrique des prospectus) est de nature à induire en erreur sur les conditions d'utilisation des chaussures Puma et qu'il ne s'agit pas de chaussures destinées à la course à pied ou à la pratique d'un autre sport mais de chaussures de loisirs.

Elle ajoute que la diversité des produits Puma dont certains présentent un caractère très technique, rend nécessaire la commercialisation des produits de la marque dans le cadre d'un réseau de commercialisation structuré, avec un personnel apte à prodiguer des conseils aux consommateurs nonobstant la vente de type « libre service ».  

La société Puma soutient ainsi que les conditions de présentation des produits Puma portent gravement atteinte à leur notoriété, caractérisant des actes de concurrence déloyale.  

Sur ce,

Il a été retenu que la société Lidl avait manqué aux diligences professionnelles lui incombant s'agissant des produits Puma en présentant des chaussures de loisirs sous la désignation générique « basket » avec le slogan « 3,2,1 SPORTEZ ! » et une piste de course pied, procédé de nature à induire en erreur sur les conditions d'utilisation des chaussures Puma. Il s'en déduit que les produits Puma ont été commercialisés dans des conditions déloyales.  

De la même manière, les conditions de commercialisation des produits Puma par Lidl sous le terme générique de « basket » faisant l'objet d'une description sommaire et sans précision quant au modèle dont s'agit, hors la présence d'un vendeur pouvant fournir un conseil approprié au consommateur alors que les produits Puma qui peuvent être destinés à la pratique de différents sports à des degrés d'intensité variables, revêtent une certaine notoriété et une certaine technicité, ne sont pas conformes à leur nature et nuisent à leur notoriété.

En conséquence, les conditions de commercialisation des produits Puma par Lidl sont constitutives d'actes de concurrence déloyale.

Sur la concurrence parasitaire

La société Puma soutient qu'en commercialisant des produits Puma, la société Lidl aurait sans bourse délier cherché à profiter de ses investissements et de sa notoriété pour vendre ses propres produits.

Selon elle des investissements importants ont été réalisés pour assurer le renom de sa marque associée à des figures emblématiques du monde du sport de haut niveau international, et que cette notoriété résulte également de l'amélioration constante des performances techniques de ses produits.  

Par ailleurs, elle indique collaborer avec des créateurs de modes reconnus et des marques de luxe, ce qui valoriserait son image. Le budget publicitaire et marketing de Puma pour la France s'élèverait à plus de 9,3 millions d'euros (pièce 43, 24, 25, 26), et la notoriété serait également due à l'organisation et aux méthodes de son réseau de distribution sélective avec lequel elle mène des opérations commerciales pour plus de 1,1 million d'euros en 2013.

Or selon Puma, Lidl ne peut prétendre ne pas avoir bénéficié du pouvoir attractif des produits Puma dans le cadre de la campagne qu'elle a mise en place. Ainsi, elle aurait largement profité de l'attractivité des produits Puma sans réaliser aucun investissement propre à la distribution de marques d'équipementiers sportifs.

En outre la société Lidl ne démontrerait la diffusion d'aucune information aux consommateurs sur l'annulation de la vente des produits Puma, et a donc pu pleinement réaliser les bénéfices attendus de la publicité.

La société Puma estime souffrir d'un préjudice considérable résultant de l'atteinte à sa notoriété et du parasitisme de ses investissements.

Mais, ainsi que le fait valoir la société Lidl, au regard du modèle économique de cette dernière qui vend une grande variété de produits alimentaires ou non, de marque ou non, afin d'offrir un large choix à ses clients, la circonstance prise de la vente de produits Puma comme produits d'appel pour profiter sans frais des investissements de la société Puma et du prestige de la marque constitutive d'une concurrence parasitaire ne peut être retenue, ce d'autant qu'en l'espèce, les produits Puma n'ont pas été particulièrement mis en avant par rapport aux autres produits et que la société Lidl a présenté et vendu les produits Puma à côté de produits Nike, marque de renommée équivalente.  

Sur le préjudice  

S'il est constant que la société de droit allemand Puma SE est titulaire de la marque Puma, la société Puma France, a néanmoins qualité pour solliciter devant les juridictions françaises la réparation des atteintes qui auraient été portées à son réseau de distribution, étant observé qu'elle a participé au développement de la notoriété des produits Puma, en France, réalisant des investissements à ce titre.

La société Puma sollicite une réparation à hauteur de 1 000 000 euros au titre de l'atteinte portée par Lidl à la notoriété de la marque Puma. En effet elle considère qu'une atteinte à la valeur patrimoniale de la marque a été portée, que son réseau de distribution a été désorganisé et qu'il a souffert d'un discrédit. En outre, elle s'estime victime d'un manque à gagner. Elle ajoute que l'opération commerciale de la société Lidl ayant présenté les produits Puma dans des conditions dégradantes, a été déployée sur l'ensemble du territoire national, tous les magasins Lidl (1 500) participant à l'opération, le magazine télé 7 jours ayant été hebdomadairement diffusé à de nombreux exemplaires touchant 300 000 ménages, l'ensemble de ces éléments justifiant le préjudice allégué.

Elle demande également le paiement de 500 000 euros pour le trouble commercial subi par Puma au titre du manque à gagner et de la désorganisation de son réseau, au vu des quantités concernées, des marges brutes et de l'étendue territoriale des ventes.

La société Lidl considère en premier lieu n'avoir commis aucune faute sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire. A titre subsidiaire, elle demande de revoir le montant du préjudice demandé par Puma, qui n'en rapporte pas la preuve et qui se doit d'être chiffré précisément et non forfaitairement, contrairement à ce qu'a retenu à tort le tribunal en chiffrant le préjudice à 200 000 euros.

Sur ce,

Les agissements fautifs retenus à l'égard de la société Lidl sont des manquements de diligence professionnelle, s'agissant de l'information des consommateurs relativement à la couleur des sacs à dos proposés à la vente, s'agissant de l'information des consommateurs sur les qualités essentielles du produit présenté à la vente, et s'agissant du maintien le 5 septembre 2013 des affichages en magasin et des prospectus présentant les produits Puma contrairement aux engagements pris sans en informer le consommateur et de leur commercialisation à cette date sans tickets de caisse mentionnant la dénomination des produits Puma vendus. Il a été également retenu des fautes dans les conditions de commercialisation des chaussures Puma.

Certes, il ressort des pièces produites par la société Lidl (pièce n°23, 57) que le trouble commercial a été de faible portée. En effet 232 articles ont été vendus dont 164 sacs à dos reconnus par la société Lidl selon l'attestation de son gérant administratif et financier du 2 juin 2016 (pièce 23) et de l'attestation de la société Sportrading de retour des produits litigieux au fournisseur (pièce 57) et que si des articles vendus ont été sous une autre dénomination du fait du blocage en caisse ainsi qu'il résulte du constat d'huissier, cela n'a concerné qu'un petit nombre de magasins.

Néanmoins, s'agissant d'une opération commerciale déployée sur tout le territoire, notamment à l'aide du magazine Télé 7 jours diffusés hebdomadairement au plan national à 1 277 083 exemplaires au mois de septembre 2013 ((PV de l'OJD 2013 -pièce 45), et au regard des investissements de marque réalisés en 2013 (pièce 16), du budget publicitaire et marketing de Puma pour la France de plus de 9,3 millions d'euros ainsi qu'il résulte de l'attestation du directeur administratif et financier et du chef comptable de Puma France (pièce 43), de la notoriété de la marque (étude de notoriété - pièce 32, pièce 33 et 34), les agissements fautifs de la société Lidl tels que retenus ont nécessairement porté atteinte à l'image de marque de Puma, c'est à dire à la notoriété des produits Puma qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 200 000 euros.  

Sur l'interdiction de commercialisation et les mesures de publication

La société Puma estime qu'en réponse aux actes de concurrence déloyale de la société Lidl, il convient de lui faire interdiction de vendre les produits Puma dans ses magasins qui ne sont pas adaptés à la commercialisation de la marque et d'ordonner la publication de la décision.  

Mais, il ne sera pas fait droit à ces demandes au regard de l'ancienneté des faits litigieux et alors que l'approvisionnement de la société Lidl en produits Puma était licite.  

Sur les dépens et l'article l'article 700 du code de procédure civile  

Le jugement est confirmé sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile.

La société Lidl qui succombe, est condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle est condamnée en cause d'appel à payer la somme de 20 000 euros à la société Puma sur ce fondement.  

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette l'incident tendant au rejet des écritures et pièces de la société Lidl des 7 et 8 juin 2022 ;  

Confirme le jugement en ses dispositions qui lui sont soumises sauf en ce qu'il a fait interdiction à la société Lidl de mettre en vente et de vendre des produits Puma, sous astreinte de 1 000 € par jour et par produit, à compter de la présente décision ;

Statuant à nouveau du chefs infirmé et y ajoutant,  

Rejette la demande tendant à faire interdiction à la société Lidl de mettre en vente et de vendre des produits Puma ;  

Condamne la société Lidl aux dépens d'appel et à payer à la société Puma France SAS la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.