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Décisions

Cass. 3e civ., 30 novembre 1994, n° 92-16.675

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Peyre

Avocat général :

M. Vernette

Avocats :

Me Luc-Thaler, SCP Mattei-Dawance

Paris, 16e ch. B, du 14 mai 1992

14 mai 1992

Sur le second moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mai 1992), que Mme X..., preneur à bail de locaux à usage commercial, appartenant aux époux Y..., n'a pu occuper les lieux loués pendant un an et demi en raison de travaux entrepris par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble ; que les bailleurs lui ayant fait commandement de payer les loyers, Mme X... les a assignés afin d'obtenir la réparation de son préjudice commercial ; que les propriétaires ont appelé en garantie le syndicat des copropriétaires ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à être indemnisée par le syndicat des copropriétaires de son préjudice, alors, selon le moyen, "1 ) qu'en énonçant qu'il n'est pas établi que Mme X... ait agi directement contre le syndicat sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, cependant qu'elle demandait expressément confirmation du jugement lui ayant donné gain de cause sur ce fondement, la cour d'appel a violé l'article 954 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) qu'en s'abstenant de réfuter les motifs des premiers juges par lesquels il était retenu que "l'état de vétusté de l'immeuble démontre que la copropriété n'a pas rempli ses obligations d'entretien", ce qui était de nature à engager sa responsabilité, la cour d'appel a violé ensemble les articles 14 de la loi du 10 juillet 1965 et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) qu'en énonçant qu'il ne serait pas établi que Mme X... ait

réellement subi un préjudice commercial puisqu'elle a loué une autre boutique, sans rechercher, comme l'avaient retenu les premiers juges, si le supplément de loyer afférent à cette location ne constituait pas précisément un préjudice, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4 ) que Mme X..., détenant la somme en vertu d'un titre exécutoire, ne pouvait être tenue, son titre ayant disparu, qu'à la restitution selon les principes énoncés à l'article 1153 du Code civil, les intérêts moratoires ne pouvant donc courir que de la sommation à elle faite postérieurement à l'arrêt infirmatif ; qu'en faisant remonter au 4 juillet 1991 le point de départ des intérêts légaux de la somme à restituer, la cour d'appel a violé l'article 1153, alinéa 3, du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que sur la base de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat était responsable des dommages résultant d'un défaut d'entretien ou d'un retard dans l'exécution des travaux mais non de ceux résultant, comme en l'espèce, de la vétusté, la cour d'appel, qui, après avoir constaté qu'en ne lui fournissant pas le chiffre d'affaires réalisé dans la boutique de remplacement, Mme X... ne l'avait pas mise en mesure d'évaluer son préjudice, a retenu que le syndicat des copropriétaires avait droit aux intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 1991, date de la signification des conclusions d'appel, valant sommation de payer par lesquelles ce syndicat avait formulé cette demande, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, d'entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

Attendu que, pour condamner Mme X... à payer les loyers correspondants à la période durant laquelle les locaux ont été rendus inaccessibles par les travaux, l'arrêt retient que la clause 10 du bail stipulait que la locataire s'était engagée à souffrir les travaux sans pouvoir prétendre à aucune indemnisation ou diminution de loyer et que le titre IV du bail prévoyait que le preneur renonçait à tout recours en responsabilité contre le bailleur au cas où les lieux viendraient à être détruits en totalité ou en partie ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune de ces clauses ne concernait l'impossibilité totale d'utiliser les locaux loués en raison de travaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a condamné Mme X... à payer aux bailleurs des loyers pendant la période d'indisponibilité des locaux loués, l'arrêt rendu le 14 mai 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit des époux Y... ;

DIT que les dépens seront supportés par moitié par Mme X... et les époux Y... et les condamne, ensemble, aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.