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Décisions

Cass. soc., 19 octobre 2010, n° 08-45.254

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bailly

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Paris, du 7 oct. 2008

7 octobre 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2008) que Mme X..., engagée en septembre 1993 en qualité de directrice artistique internationale "senior", par la société Lintas, devenue ensuite la société Lowe Alice puis, en dernier lieu, la société Lowe Strateus, a été licenciée le 17 septembre 2003, pour motif économique ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes salariales et indemnitaires, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour violation de l'ordre des licenciements, en ajoutant en cause d'appel des demandes en nullité du licenciement, en raison d'une discrimination liée à l'âge, et en paiement de dommages-intérêts, pour violation de la priorité de réembauche ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à l'annulation du licenciement, à sa réintégration dans l'entreprise et au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une discrimination indirecte un critère neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs prohibés par l'article L. 1132-1 du code du travail, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes ; qu'en décidant que les critères déterminant l'ordre des licenciements ne devaient être appréciés qu'au sein de la catégorie professionnelle des directeurs artistiques seniors regroupant les salariés les plus expérimentés, et par conséquent, les plus âgés, l'employeur a commis une discrimination indirecte fondée sur l'âge ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que la cour d'appel était tenue de rechercher si le choix d'une catégorie professionnelle fondée sur l'expérience des salariés pour apprécier les critères déterminant l'ordre des licenciements ne constituait pas une discrimination indirecte ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la distinction entre la catégorie des seniors et celle des juniors, reposait sur la seule prise en compte de l'expérience professionnelle des salariés, sans que les salariés plus âgés soient désavantagés dans la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements du fait de l'attribution d'un plus grand nombre de points liés à l'âge, la cour d'appel a pu en déduire que la discrimination invoquée n'était à ce titre pas caractérisée ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt de débouter Mme X... de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que les difficultés économiques invoquées à l'appui d'un licenciement pour motif économique doivent être appréciées au niveau du groupe ou du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ; que la cour d'appel qui a omis d'apprécier les difficultés économiques au niveau du groupe international Lowe Worldwide, comprenant des dizaines de sociétés situées notamment en Belgique, en Bulgarie, au Canada et en Chine, comme elle y était pourtant invitée, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1233-3 du code du travail ;

2°/ qu'il résulte des articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail que la lettre de licenciement pour motif économique doit mentionner les raisons économiques prévues par la loi au niveau du groupe, ou du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, lorsque celle-ci fait partie d'une telle entité ; qu'en déclarant que le défaut de mention des difficultés économiques au niveau du groupe auquel appartenait la société Lowe Alice ne suffisait pas à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3°/ que la lettre de licenciement doit comporter non seulement l'énonciation des difficultés économiques, mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise, mais également l'énonciation des incidences de ces éléments sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié ; que la lettre de licenciement qui se limitait à invoquer une réduction des postes du département ne comportait pas l'indication de l'incidence sur l'emploi de la salarié licenciée ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1233-3 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'appréciant souverainement les faits qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que la société Lowe Alice était, à l'époque du licenciement, la seule dans l'ensemble du groupe dont elle faisait partie à exercer une activité d'agence de publicité ;

Attendu ensuite qu'elle a exactement retenu que la lettre de licenciement était suffisamment motivée, en ce qu'elle faisait référence à une réorganisation de l'entreprise et à la suppression de l'emploi de Mme X... ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est également fait grief à l'arrêt de débouter la salariée de la demande indemnitaire présentée au titre d'une violation de l'ordre des licenciements, alors, selon le moyen, que la notion de catégories professionnelles, qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements, concerne l'ensemble des salariés qui exercent au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; qu'en se basant sur la catégorie des directeurs artistiques "seniors" définie uniquement en considération de la "qualité d'expérience" des salariés, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de la procédure, que la salariée ait soutenu en appel que les directeurs artistiques internationaux senior et junior relevaient d'une même catégorie professionnelle, pour la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements ; que, nouveau et mélangé de fait et de droit, le moyen est irrecevable ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la salariée fait aussi grief à l'arrêt de la débouter de la demande indemnitaire formée au titre d'une violation de la priorité de réembauche alors, selon le moyen, que lorsque le salarié soutient que la priorité de réembauchage n'a pas été respectée, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve contraire ; qu'en reprochant à la salariée de ne pas avoir établi la violation de la priorité de réembauchage, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et partant violé les articles L. 1233-45 du code du travail et 1315 du code civil ;

Mais attendu qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par le moyen, la cour d'appel a fait ressortir dans son arrêt qu'il n'existait aucun emploi disponible pour une nouvelle embauche, pendant la période faisant suite à la demande de la salariée ;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu, enfin, que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de la demande indemnitaire formée au titre de la nullité de la clause de cession globale des droits, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle, la cession globale des oeuvres futures est nulle ; la mention d'une telle clause dans un contrat de travail cause nécessairement un préjudice au salarié ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que les créations publicitaires réalisées avec le concours de Mme X... présentaient un caractère collectif ; qu'elle en a justement déduit que celle-ci ne jouissait d'aucun droit personnel sur ces oeuvres ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.