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Décisions

Cass. soc., 19 octobre 2005, n° 03-42.108

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Texier

Versailles, 17e ch. soc., du 23 janv. 20…

23 janvier 2003

Attendu que Mme X... a été embauchée par le groupe des industries métallurgiques (GIM) par contrat du 29 décembre 1976 à effet du 10 janvier 1977, en qualité de juriste attachée au service de documentation et d'études, avec la qualification de cadre position I de la convention collective de la métallurgie, applicable au groupe ; qu'elle a été promue à compter du 1er avril 1978 à la position II ; qu'à compter du 1er juillet 1997 l'organigramme du groupe a été profondément modifié, et M. Y... a été promu chef de la section d'études juridiques ; qu'à la suite de deux mises en garde en 1998 et d'un conflit ayant opposé la salariée au chef de la section, Mme X... a été mise à pied le 12 mars 1999 à titre conservatoire, puis licenciée pour faute grave par lettre du 25 mars 1999 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 23 janvier 2003) de l'avoir débouté de sa demande de classification en position III A de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres, alors, selon le moyen, que l'article 21 de la convention collective de la métallurgie, ingénieurs et cadres, prévoit que la position III correspond à un cadre dont les activités sont généralement définies par un chef et dont la place dans la hiérarchie la situe au-dessus des agents de maîtrise, ingénieurs et cadres placés éventuellement sous son autorité ou bien comporte des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d'initiative dans le cadre de ses attributions ; qu'en refusant d'octroyer la position III à Mme X... au motif que sa place dans la hiérarchie ne lui conférait pas une autonomie complète dès lors qu'elle exerçait ses fonctions sous les ordres d'un chef de section et d'un chef de département, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions précitées de l'article 21 de la Convention collective nationale de la métallurgie des ingénieurs et cadres ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui s'est fondée sur les fonctions effectivement exercées par Mme X..., a notamment relevé que celle-ci ne bénéficiait pas d'une large autonomie telle que définie par l'article 21 de la convention collective pour prétendre au coefficient III revendiqué ; que par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la salariée reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la discrimination sexiste, alors, selon le moyen :

1 / que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ; que sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ; qu'en relevant que la différence de rémunération entre Mme X... et M. Y... était justifiée par le fait que ce dernier était titulaire d'un diplôme de l'Institut d'études politiques, sans rechercher en quoi ce diplôme conférait au travail de cadre juriste du salarié une valeur supérieure à celui de cadre juriste de Mme X..., la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 140-2, alinéa 3, du Code du travail ;

2 / que la différence d'ancienneté ne peut justifier une disparité de rémunération entre hommes et femmes qu'à la condition qu'elle entraîne une différence de valeur dans les travaux fournis ; qu'en constatant une différence d'ancienneté de six mois seulement entre Mme X... et M. Y... et en considérant que cette différence justifait la disparité de rémunération entre les deux salariés, sans rechercher en quoi cette faible différence d'ancienneté conférait au travail de cadre juriste du salarié une valeur supérieure à celui de cadre juriste de Mme X..., la cour d'appel a, de nouveau, violé par refus d'application l'article L. 140-2, alinéa 3, du Code du travail ;

3 / que subsidiairement, est nulle de plein droit toute disposition du contrat de travail qui comporte, pour un travailleur de l'un des deux sexes, une rémunération inférieure à celle des travailleurs de l'autre sexe pour un même travail ou un travail de valeur égale ; que la rémunération la plus élevée dont bénéficient ces derniers travailleurs est substituée de plein droit à celle que comportait la disposition entachée de nullité ; qu'en considérant, par motif adopté, qu'elle ne pouvait se substituer à l'employeur dans la gestion des carrières quant il lui appartenait de rechercher l'existence d'une discrimination sexiste de rémunération et, dans l'affirmative, d'ordonner la remise en état qui s'impose, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 123-1-C, L. 140-2, alinéas 1 et 3 et L. 140-4 du Code du travail ;

4 / qu'au demeurant, en relevant de façon inopérante, par motif adopté, que le salaire de Mme X... dépassait le minimum conventionnel de la position III A là où elle devait rechercher si les deux salariés comparés n'effectuaient pas des travaux de valeur égale, la cour d'appel a de nouveau violé, par refus d'application, les articles L. 123-1-C, L. 140-2, alinéas 1 et 3 et L. 140-4 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a justifié la disparité de salaire entre Mme X... et M. Y... par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, tenant notamment aux diplômes et à l'ancienneté dans l'entreprise ; qu'elle a, dès lors, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la salariée reproche à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de rappel d'heures supplémentaires, alors, selon le moyen, qu'en cas de litige relatif aux heures supplémentaires, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa conviction ; qu'il doit examiner les éléments que l'employeur est tenu de lui fournir, de nature à justifier les horaires réalisés ; qu'en se bornant à reprocher à Mme X... d'avoir refusé de pointer avec son badge magnétique, sans rechercher si ce reproche, présenté par l'employeur, ne revêtait pas un caractère fallacieux dès lors que, comme le soutenait la salariée dans ses conclusions d'appel, il disposait des listes de pointage élaborées à partir de l'enregistrement par l'hôtesse d'accueil de tous les mouvements d'entrée et de sortie du personnel, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 212-1-1 du Code du travail ;

Mais attendu que s'il résulte de l'article L. 212-1-1 du Code du travail, que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que la cour d'appel ayant constaté que les éléments produits par la salariée n'étaient pas susceptibles d'étayer sa demande, a légalement justifiée sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu que la salariée reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier au titre de ses droits à la propriété intellectuelle, alors, selon le moyen :

1 / que ne peut être déclarée collective que l'oeuvre qui remplit les conditions prévues par l'article L. 113-2, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle, lequel impose, en particulier, que la contribution personnelle des divers auteurs se fonde dans l'ensemble en vue duquel l'oeuvre est conçue sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ; qu'en se bornant à relever que Mme X... travaillait avec une équipe de juristes à l'élaboration de brochures créées par le GIM qui en définissait les thèmes, sans rechercher si l'élaboration de Mme X... se fondait dans un ensemble en vue duquel l'oeuvre était conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chaque juriste, dont la salariée, un droit distinct sur l'ensemble réalisé, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 113-2, alinéa 3, précité du Code de propriété intellectuelle ;

2 / qu'aux termes de l'article L. 111-1, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle, l'existence ou la conclusion d'un contrat de louage de service n'emporte aucune dérogation à la jouissance du droit d'auteur ; qu'en rejetant la demande de Mme X... au motif que celle-ci travaillait selon les directives et sous le contrôle de ses supérieurs hiérarchiques avec les moyens matériels et financiers apportés par le GIM, lequel choisissait le thème des brochures selon les besoins de ses adhérents et recrutait les juristes, quand il se déduisait de ses constatations, que la salariée exerçait son activité dans le cadre du lien de subordination inhérent à son contrat de travail, ce qui ne pouvait la priver du bénéfice des droits d'auteur, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 111-1, alinéa 3 précité du Code de la propriété intellectuelle ;

3 / que Mme X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que son travail avait consisté à interprêter la jurisprudence de façon originale dans des brochures qu'elle était seule à concevoir et à rédiger, ce dont il se déduisait que la salariée avait élaboré, au travers des brochures litigieuses, une oeuvre originale ne pouvant se fondre dans l'activité de l'employeur, ce qui était démontré par des attestations versées aux débats ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a entâché sa décision d'un défaut de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé, d'une part, que les six brochures litigieuses avaient été rédigées à l'initiative et sous la direction du groupe des industries métallurgiques qui en était le concepteur, avait défini et choisi les thèmes, mis en place les équipes et leur avait apporté les moyens matériels et techniques nécessaires à l'élaboration des ouvrages, et, d'autre part, que Mme X... avait participé, comme les nombreux autres juristes, à l'élaboration des brochures sous le contrôle et la direction d'un chef de section et d'un chef de département, sans pouvoir prétendre avoir réalisé seule des oeuvres originales ; qu'elle a ainsi caractérisé une oeuvre collective au sens de l'article L. 113-2, ainéa 3, du Code de la propriété intellectuelle ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.