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Décisions

Cass. crim., 3 octobre 1996, n° 95-85.320

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Culié

Avocat général :

M. Perfetti

Avocat :

SCP Ryziger et Bouzidi

Angers, ch. corr., du 5 sept. 1995

5 septembre 1995

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... André,

- ROY A...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 5 septembre 1995, qui les a condamnés, le premier à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 ans d'interdiction de gérer toute entreprise, pour abus de biens sociaux et banqueroute par détournement d'actif, le second à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende pour recel d'abus de biens sociaux, et a prononcé sur les intérêts civils;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi de Guy C... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ;

II - Sur le pourvoi d'André Y... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 5 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966, de l'article 425 de la même loi, de l'article 65 du décret n°84-406 du 30 mai 1984, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable d'abus de biens sociaux et retenu notamment de prétendus faits de biens d'abus sociaux qui auraient été commis avant la date de l'immatriculation de la société au registre du commerce;

"aux motifs que la société ACI () le 21 février 1992 a effectivement été immatriculée au registre du commerce le 22 avril 1992, l'activité ayant commencé le 1er mars 1992 selon l''extrait K bis versé aux débats; que, cependant, aux termes de l'article 65 alinéa 1er du décret du 30 mai 1984, la personne assujettie à l'immatriculation, qui n'a pas requis cette dernière à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter du commencement, tant à l'égard des tiers que des Administrations publiques; que toutefois elle ne peut invoquer son défaut d'inscription au registre pour se soustraire aux responsabilités et aux obligations inhérentes à cette qualité; qu'il en résulte que si la personne non immatriculée ne peut se prévaloir des droits attachés à la qualité; qu'elle peut notamment être déclarée en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire; qu'elle est soumise à fortiori aux règles du droit pénale, lesquelles sont d'ordre public et insusceptibles de disposition de la part de tout prévenu;

"alors que l'abus de biens sociaux suppose que la société ait acquis la personnalité morale; que les sociétés n'acquièrent la personnalité morale que du jour de leur immatriculation au registre du commerce; que la cour d'appel n'a donc pu décider, pour retenir André Y... dans les liens de la prévention pour abus de biens sociaux pour des faits antérieurs à l'immatriculation de la société ACI au registre du commerce que les sociétés même non immatriculées, étaient soumises aux règles du droit pénal (des sociétés) dès lors qu'elles n'avaient pas requis leur immatriculation dans le délai de quinze jours à dater du commencement de leur activité;

"alors, d'autre part, et subsidiairement que la décision attaquée dont résulte que la société ACI qui a été créée le 21 février 1992 et a été effectivement immatriculée au registre du commerce le 22 avril 1992 a commencé son activité le 1er mars n'a pas établi que la société ait commencé son activité plus de quinze jours avant la date à laquelle elle a requis son inscription au registre du commerce qui ne résulte pas de l'arrêt; que, dans ces conditions, à supposer même que les associés d'une société en formation non encore immatriculée au registre du commerce qui aurait commencé son activité plus de quinze jours avant d'avoir requis son immatriculation au registre du commerce puissent se rendre coupable d'abus de biens sociaux, la décision attaquée devrait être censurée en tant qu'elle n'a pas établi que la société ACI ait commencé son activité plus de quinze jours avant d'avoir requis son immatriculation";

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 425 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable d'abus de biens sociaux;

"aux motifs qu'il résulte de la procédure que sur le compte bancaire personnel d'André Y... des sommes importantes d'origine sociale ont été créditées, 100 000 francs puis 443 220,89 francs; ces sommes correspondant au capital et à des commissions perçues par le dirigeant dans un but personnel et de mauvaise foi eu égard à l'expérience des affaires acquises par l'intéressé;

"alors d'une part que la décision attaquée ne précise ni les conditions dans lesquelles le compte de André Y... a été crédité des sommes de 100 000 francs et 443 200,89 francs, ni l'emploi qui aurait été fait de cette sommes; que la Cour de Cassation n'est donc pas à même d'exercer son contrôle sur l'existence des éléments constitutifs d'abus de confiance;

"alors, d'autre part, que toute décision doit être motivée, que l'insuffisance de motifs équivaut au défaut de motifs; que la décision attaquée qui n'indique pas à quoi répondraient les commissions perçues par André Y... et s'il s'agit de commissions qui auraient été perçues par la société ACI, ou s'il s'agit de commissions qu'André Y... se serait attribuées sur les fonds de la société ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle";

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 425 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que la décision attaquée à déclaré le demandeur coupable d'abus de biens sociaux;

"aux motifs que les avances effectuées par André Y... à son associé, Rémy B..., dont le total s'élève à 775 403,03 francs et à son associé Guy C... pour un montant de 168 000 francs provenant des fonds sociaux et contraires à l'intérêt social, ainsi que l'issue de la société le démontrera, sont constitutives d'abus de biens sociaux;

"alors que le délit d'abus de biens sociaux suppose l'usage des biens de crédit de la société à un usage que le gérant savait contraire à l'intérêt de celle-ci et ceci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement; que le fait, par André Y..., d'avoir effectué des avances à ses associés ne constitue pas un usage par lui des biens sociaux dans son intérêt ou dans celui d'une entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement";

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer André Y... coupable d'abus de biens sociaux, en tant que gérant de la SARL "Action Conseil Investissement" (ACI), constituée le 21 février 1992, et immatriculée au registre du commerce le 22 avril 1992, l'arrêt attaqué énonce, notamment, par motifs propres ou adoptés, qu'il a fait virer sur son compte bancaire personnel le 11 juin 1992, une somme de 343 220 francs représentant des commissions dues à ACI, puis, le 17 juin 1992, les 100 000 francs du capital social ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, qui caractérisent en tous ses éléments matériel et intentionnel le délit reproché, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 197 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que la décision attaqué a déclaré l'e demandeur coupable de banqueroute;

"aux motifs qu'aux termes d'un protocole en date du 21 août 1992, André Y... cédait à Eugène X... les actifs de la société ACI sans le passif, à l'exception des salaires demeurés impayés, soit d'une part les commissions pour un montant de 200 000 francs et une somme de 100 000 francs sur commissions destinée initialement à la société, cependant que cette dernière était en état de cessation des paiements non sérieusement contestés; que ces faits sont constitutifs de détournement d'actif à la charge du dirigeant;

"alors, d'une part, que le délit de banqueroute ne peut être poursuivi qu'au cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation de biens; qu'il s'agit là d'une condition préalable à la banqueroute; que la décision attaquée ne constate pas qu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ait été entamée à l'encontre de la société ACI .

"alors, d'autre part, que la cession des actifs d'une société en état de cessation de paiements, lorsqu'elle est faite dans des conditions et à un prix normal, ne constitue pas un fait de banqueroute par détournement d'actif; que la décision attaquée, qui n'analyse pas les termes du protocole conclu avec Eugène X... et qui n'indique pas dans quelles conditions les actifs de la société ACI auraient été cédés n'a pas caractérisé le délit de banqueroute à la charge de André Z...";

Attendu que, pour déclarer André Y... coupable de banqueroute par détournement d'actif, les juges, après avoir constaté que la société ACI, en état de cessation de paiements, a été déclarée en liquidation judiciaire le 30 décembre 1992, relèvent qu'aux termes d'un protocole en date du 21 août 1992, le prévenu a cédé à Eugène X... les actifs d'ACI, soit les commissions à percevoir, d'un montant de 200 000 francs, ainsi qu'un chèque de 100 000 francs émis au bénéfice de la société, à charge de régler les salaires arriérés des employés de la SARL;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que lesdites cessions aient reçu une contrepartie, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments le délit de banqueroute retenu à son encontre;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme,

REJETTE les pourvois.