Cass. crim., 24 mai 2000, n° 99-83.815
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
M. Martin
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocats :
SCP Boré, Xavier et Boré, Me Blanc
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...Gabriel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 11 mai 1999, qui l'a condamné, pour complicité de banqueroute, à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 197 et 198 de la loi du 25 janvier 1985, 121-1, 121-7 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gabriel X...coupable de complicité de banqueroute ;
" aux motifs que, en sa qualité de gérant depuis plus de dix ans d'une société commerciale, Gabriel X...ne pouvait ignorer que la pratique des traites fictives soumises à l'escompte pour procurer de la trésorerie immédiate est interdite par la loi et contraire à l'esprit du droit commercial ; que Gabriel X...a admis que " bien sur il n'y avait pas de facture " et qu'il avait accepté les traites de Daniel Y... " pour l'aider et parce qu'il savait que sinon il mettait en tout vingt personnes au chômage " ; que cette défense devant les premiers juges met en évidence que Gabriel X...sait qu'il prêtait la main à un délit de banqueroute commis par le gérant d'une société cliente et ce dans le but d'éviter un dépôt de bilan, alors même que les opérations ont lieu avec la banque sur support magnétique et que les traites papier ont été détruites ; que le délit de complicité reproché à Gabriel X...est donc caractérisé en ses éléments intentionnel et matériel quand bien même il n'aurait pas tiré personnellement profit de ces opérations ;
" 1) alors que la complicité suppose établis des faits d'aide ou d'assistance à l'accomplissement du délit principal qui serait en l'espèce un délit de banqueroute supposant l'utilisation de moyens ruineux aux fins de retarder l'ouverture de la procédure collective ; que l'acceptation d'une lettre de change, fût-elle fictive, constitue du point de vue du tiré accepteur la reconnaissance d'une dette à sa charge et non pas à la charge du tireur ; qu'en estimant que la complicité de banqueroute serait établie par le fait que le prévenu aurait accepté des traites fictives tirées par l'auteur du délit principal, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'aide ou l'assistance à l'emploi de moyens ruineux au préjudice du créancier de la traite, n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 2) alors que la complicité suppose l'existence d'un délit principal ; que le délit de banqueroute suppose que soit caractérisé l'utilisation de moyens ruineux ; qu'en se bornant à affirmer que l'escompte de traites de complaisance n'avait pu qu'aggraver la situation financière de l'entreprise et constituait l'emploi de moyens ruineux pour se procureur des fonds, le taux d'escompte étant par lui-même supérieur au taux de crédit, sans justifier de la différence entre ces deux taux ni préciser le taux effectivement pratiqué en l'espèce par la banque et les capacités financières de la société, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 3) alors que la complicité de banqueroute suppose la connaissance de la situation obérée de la société qui a obtenu des fonds au moyens de procédés ruineux ; que Gabriel X...a toujours soutenu qu'il n'avait pas connaissance de la situation désespérée de la société et qu'il n'avait accepté des traites non causées que pour aider Daniel Y... qui attendait le déblocage d'un prêt, lequel lui a d'ailleurs été accordé quelques mois plus tard ;
qu'en se bornant à affirmer que Gabriel X...savait qu'il prêtait la main à un délit de banqueroute commis par le gérant d'une société cliente et ce dans le but d'éviter un dépôt de bilan, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé autrement que par une affirmation péremptoire l'élément intentionnel du délit, a privé sa décision de motifs et violé les textes susvisés ;
" 4) alors qu'il résulte ni de l'audition de Gabriel X...par les services de police ni du jugement de première instance ni des conclusions de première instance ou d'appel que le demandeur ait admis qu'il avait accepté les traites de Daniel Y... " pour l'aider et parce qu'il savait que sinon il mettait en tout vingt personnes au chômage " ; qu'en se fondant sur cette " déclaration " pour retenir le demandeur dans les liens de la prévention, la cour d'appel a dénaturé les déclarations de Gabriel X...et entaché sa décision d'une contradiction de motifs " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Daniel Y..., gérant de la société Roma, laquelle se trouvait en état de cessation des paiements depuis le 12 décembre 1994, a, pour retarder le dépôt de bilan, présenté à l'escompte, de mai à décembre 1995, neuf traites sans cause d'un montant total de 651 914 francs, qu'un de ses fournisseurs, la société Soliflex, dirigée par Gabriel X..., avait acceptées par pure complaisance ;
Que, pour déclarer le premier de ces dirigeants sociaux coupable de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds et le second coupable de complicité de ce délit, les juges relèvent notamment que la présentation de ces fausses traites à l'escompte a aggravé la situation financière de l'entreprise, que, du fait de la différence de taux entre l'escompte et le crédit, l'opération a occasionné à la société un préjudice et que Gabriel X...savait qu'en se livrant à une pratique commerciale illégale, il avait prêté la main à un délit de banqueroute commis par le gérant d'une société cliente dans le but d'éviter un dépôt de bilan ;
Qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, et caractérisant en tous ses éléments constitutifs la complicité de banqueroute, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, constitue le délit de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, l'escompte de traites de complaisance dont le coût, non susceptible d'être couvert par un bénéfice commercial, ne peut qu'aggraver la situation financière de l'entreprise ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.