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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 2, 16 décembre 2021, n° 21/01344

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Diramode (SAS)

Défendeur :

Dentelle Sophie Hallette (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bolteau-Serre

Conseillers :

Mme Tuffreau, M. Le Pouliquen

Avocat :

Selasu Corinne Champagnier

TJ Lille, du 18 févr. 2021, n° 20/01770

18 février 2021

EXPOSE DU LITIGE

Par acte signifié le 04 mars 2020, la société Dentelle Sophie Hallette a fait assigner la société Diramode devant le tribunal judiciaire de Lille afin de le voir :

- à titre principal,

-juger que la société Dentelle Sophie Hallette est recevable à agir sur le fondement du droit d'auteur en sa qualité de titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les dessins 970120 et 970140,

-juger que les dessins 970120 et 970140 de la société Dentelle Sophie Hallette sont originaux et protégeables conformément aux dispositions des livres I et III du code de la propriété intellectuelle,

-juger que la société Diramode a commis des actes de contrefaçon en important, en offrant à la vente et en commercialisant des produits reproduisant les caractéristiques originales des dessins référencés 970120 et 970140 de la société Dentelle Sophie Hallette,

-juger que la société Diramode s'est rendue coupable d'agissements parasitaires à l'encontre de la société Dentelle Sophie Hallette en tirant profit de l'attractivité et de la valeur économique des dessins 970120 et 970140, fruit du savoir-faire et des investissements de la société Dentelle Sophie Hallette,

-en conséquence,

-condamner la société Diramode à verser à la société Dentelle Sophie Hallette la somme de 3 572 353,35 euros en réparation de son manque à gagner ;

-condamner la société Diramode à verser à la société Dentelle Sophie Hallette la somme de 200 000 euros en réparation de l'avilissement et de la banalisation des dessins 970120 et 970140 ;

-condamner la société Diramode à verser à la société Dentelle Sophie Hallette la somme de 174 291 euros en réparation de l'atteinte à ses investissements ;

-condamner la société Diramode à verser à la société Dentelle Sophie Hallette la somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

-condamner la société Diramode à verser à la société Dentelle Sophie Hallette la somme de 1 539 715 euros au titre des bénéfices indûment réalisés ;

-condamner la société Diramode à verser à la société Dentelle Sophie Hallette la somme de 3 920 317 euros au titre de la confiscation des recettes ;

-condamner la société Diramode à verser à la société Dentelle Sophie Hallette la somme de 3 946 644,35 euros au titre des agissements parasitaires ;

-en tout état de cause,

-faire interdiction à la société Diramode de commercialiser des produits reproduisant les caractéristiques des dessins référencés 970120 et 970140 de la société Dentelle Sophie Hallette, et ce sous astreinte définitive de 1 000 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte directement ;

-ordonner la destruction de tous les produits contrefaisants restant en stock au sein de la société Diramode, ce dont il sera dressé procès-verbal par huissier aux frais de la société Diramode, qui sera transmis à la société Dentelle Sophie Hallette dans les 30 jours suivant la signification du jugement à intervenir ;

-ordonner la publication du jugement à intervenir, en intégralité ou par extraits, au choix de la société Dentelle Sophie Hallette ;

-dans 10 journaux ou publications professionnels (y compris électroniques), au choix de la société Dentelle Sophie Hallette, et aux frais avancés de la société Diramode sur simple présentation des devis, dans la limite de 8 000 euros HT Par insertion.

-sur le site internet https:www.pimkie.fr, pendant soixante jours, en police de taille minimum 12, sur une espace qui ne pourra être inférieur à 15 centimètres de longueur et 20 centimètres de largeur, en français et en anglais dont les frais de traduction seront assumés par la société Diramode et ce, sous astreinte définitive de 1 000 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte directement ;

-condamner la société Diramode à verser à la société Dentelle Sophie Hallette la somme, sauf à parfaire, de 25 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la société Diramode au remboursement des frais de saisie-contrefaçon et de constat exposés par la société Dentelle Sophie Hallette, soit la somme de 3 851,89 euros ;

-condamner la société Diramode aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Corinne Champagner K., en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Diramode a saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille d'un incident.

Aux termes de ses conclusions déposées le 16 octobre 2020, elle a demandé au juge de la mise en état de :

-en tant que de besoin,

-ordonner la production par Dentelle Sophie Hallette de l'ensemble des éléments qui ont fondé la décision des juges dans l'affaire l'opposant à la société René Derhy, concernant ce même motif de dentelle référencé 970120 ;

-en toute hypothèse,

-juger irrecevable l'action en contrefaçon de droit d'auteur engagée par Dentelle Sophie Hallette à l'encontre de la société Diramode sur les motifs 970120 et 970140 ;

-en conséquence,

-condamner la société Dentelle Sophie Hallette au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la société Dentelle Sophie Hallette aux entiers dépens de la présente instance, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 18 février 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille a :

-débouté la société Diramode de sa demande aux fins de voir ordonner la production par la société Dentelle Sophie Hallette de l'ensemble des éléments qui ont fondé la décision des juges dans l'affaire l'opposant à la société René Derhy, concernant le dessin 970120 ;

-rejeté la fin de non-recevoir de la société Diramode relative à l'action en contrefaçon de droit d'auteur engagée par Dentelle Sophie Hallette sur le motif 970120 ;

-rejeté la fin de non-recevoir de la société Diramode relative à l'action en contrefaçon de droit d'auteur engagée par Dentelle Sophie Hallette sur le motif 970140 ;

-déclaré la société Dentelle Sophie Hallette recevable à agir en sa qualité de titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les dessins 970120 et 970140 ;

-condamné la société Diramode aux dépens du présent incident, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Julien H. ;

-condamné la société Diramode à payer à la société Dentelle Sophie Hallette la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles, non compris dans les dépens exposés par cette dernière dans le cadre du présent incident ;

-débouté les parties du surplus de leurs demandes accessoires.

La société Diramode a formé appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions susvisées, elle demande à la cour d'appel de :

-infirmer intégralement l'ordonnance entreprise du 18 février 2021 en ce qu'elle a :

-débouté la société Diramode de sa demande aux fins de voir ordonner la production par la société Dentelle Sophie Hallette de l'ensemble des éléments qui ont fondé la décision des juges dans l'affaire l'opposant à la société René Derhy, concernant le dessin 970120 ;

-rejeté la fin de non-recevoir de la société Diramode relative à l'action en contrefaçon de droit d'auteur engagée par Dentelle Sophie Hallette sur le motif 970120 ;

-rejeté la fin de non-recevoir de la société Diramode relative à l'action en contrefaçon de droit d'auteur engagée par Dentelle Sophie Hallette sur le motif 970140 ;

- déclaré la société Dentelle Sophie Hallette recevable à agir en sa qualité de titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les dessins 970120 et 970140 ;

- condamné la société Diramode aux dépens ;

- condamné la société Diramode à payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles, non compris dans les dépens ;

et statuant a nouveau :

en tant que de besoin :

-ordonner la production par Dentelle Sophie Hallette de l'ensemble des éléments qui ont fondé la décision des juges dans l'affaire l'opposant à la société René Derhy, concernant ce même motif de dentelle référencé 970120 ;

-ordonner la production du contrat de cession de droit conclu entre Dentelle Sophie Hallette et Riechers Marescot concernant les motifs de dentelle 970120 et 970140 ;

-en toute hypothèse :

-juger irrecevable l'action en contrefaçon de droit d'auteur engagée par Dentelle Sophie Hallette à l'encontre de la société Diramode sur les motifs 970120 et 970140 ;

-en conséquence :

-condamner la société Dentelle Sophie Hallette au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la société Dentelle Sophie Hallette aux entiers dépens de la présente instance, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions susvisées, la société Dentelle Sophie Hallette demande à la cour d'appel de :

-confirmer l'ordonnance du 18 février 2021 en ce qu'elle a :

- débouté la société Diramode de sa demande aux fins de voir ordonner la production par la société Dentelle Sophie Hallette de l'ensemble des éléments qui ont fondé la décision des juges dans l'affaire l'opposant à la société René Derhy, concernant le dessin 970120,

-rejeté la fin de non-recevoir de la société Diramode relative à l'action en contrefaçon de droit d'auteur engagé par Dentelle Sophie Hallette sur le motif 970120,

-rejeté la fin de non-recevoir de la société Diramode relative à l'action en contrefaçon de droit d'auteur engagé par Dentelle Sophie Hallette sur le motif 970140 -déclaré la société Dentelle Sophie Hallette recevable à agir en sa qualité de titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les dessins 970120 et 970140,

-condamné la société Diramode aux dépens

-condamné la société Diramode à payer à la société Dentelle Sophie Hallette la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles.

-condamner la société Diramode à verser à la société Dentelle Sophie Hallette la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel ;

-condamner la société Diramode aux entiers dépens d'appel.

EXPOSE DES MOTIFS

I) Sur la demande de production de pièces

Aux termes des dispositions de l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle : « La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée ».

En l'absence de revendication du ou des auteurs, l'exploitation d'une œuvre par une personne morale, sous son nom, de façon paisible et non équivoque, fait présumer à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon que cette personne est titulaire sur l'œuvre, qu'elle soit collective ou non, du droit de propriété incorporelle de l'auteur.

A) Sur la demande tendant à ordonner la production par la société Dentelle Sophie Hallette de l'ensemble des éléments qui ont fondé la décision des juges dans l'affaire l'opposant à la société René Derhy, concernant ce même motif de dentelle référencé 970120

La cour d'appel de Paris dans sa décision du 29 janvier 2019 a estimé que les actes d'exploitation de la société Dentelle Sophie Hallette étaient équivoques au motif d'une exploitation concomitante par la société Riechers Marescot et la société Dentelle Sophie Hallette. Elle a cependant relevé que la société Riechers Marescot n'a pas vendu ce produit depuis le 1er septembre 2014.

A supposer que les pièces produites dans l'instance ayant opposé la société Dentelle Sophie Hallette à la société René Derhy soient de nature à établir la preuve d'une exploitation concomitante du dessin par les deux sociétés, elles ne permettraient pas d'établir l'existence d'une exploitation concomitante après le 1er septembre 2014, près de trois ans avant le premier acte de contrefaçon reproché à la société Diramode.

La production de ces pièces n'apparaît pas nécessaire à la solution du litige. La demande de production sera rejetée. L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

B) Sur la demande tendant à ordonner la production du contrat de cession de droit conclu entre les sociétés Dentelle Sophie Hallette et Riechers Marescot concernant les motifs de dentelle 970120 et 970140

Dans l'hypothèse où la preuve d'une exploitation paisible et non équivoque des dessins par la société Dentelle Sophie Hallette serait établie, la société Dentelle Sophie Hallette serait présumée titulaire du droit d'auteur sans qu'elle n'ait à justifier de la cession du droit d'auteur. Dans le cas contraire, la société Dentelle Sophie Hallette se fondant uniquement sur les dispositions de l'article L. 113-1 pour établir sa titularité serait déclarée irrecevable en ses demandes.

La production du contrat de cession n'apparaît pas nécessaire à la solution du litige. La demande sera rejetée.

II) Sur la recevabilité de l'action en contrefaçon de la société Dentelle Sophie Hallette

Aux termes des dispositions de l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle : « La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée ».

En l'absence de revendication du ou des auteurs, l'exploitation d'une œuvre par une personne morale, sous son nom, de façon paisible et non équivoque, fait présumer à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon que cette personne est titulaire sur l'œuvre, qu'elle soit collective ou non, du droit de propriété incorporelle de l'auteur.

A) Sur le dessin 970120

1) Sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 janvier 2019

Aux termes des dispositions de l'article 1355 du code civil : « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

En l'espèce, l'arrêt du 29 janvier 2019 a été rendue dans une affaire dans laquelle la société Dentelle Sophie Hallette reprochait notamment à la société René Derhy la contrefaçon du dessinn°970120.

Si dans l'affaire ayant fait l'objet de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 janvier 2019, la société Dentelle Sophie Hallette se prévalait, comme dans la présente affaire, de la présomption de titularité du droit de propriété incorporelle de l'auteur sur le dessin 970120, la demande et les parties n'étaient pas les mêmes que dans la présente instance. En conséquence, la société Diramode ne peut opposer à la société Dentelle Sophie Hallette l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 janvier 2019 qui avait déclaré irrecevable la société Dentelle Sophie Hallette en sa demande.

2) Sur la preuve d'une exploitation non équivoque du dessin

La société Dentelle Sophie Hallette présente le dessin 970120 de la manière suivante : Le dessin 970120 est un dessin de dentelle de style baroque présentant majoritairement des fleurs. Il présente l'association de deux compositions florales différentes (motif A et motif B), chacun composé d'une fleur et d'un feuillage spécifique, répétées en lignes verticales (ligne 1 et ligne 2). Les lignes 1 et 2 sont disposées en alternance horizontale sur toute la laize, en all over sous le galon. Ces deux dessins sont spécifiquement destinés aux vêtements de prêt-à-porter féminin.

Elle fait valoir que « le dessin 970120 a été divulgué et commercialisé pour la première fois en septembre 2008 par la société Riechers Marescot sous la référence 78184. La société Riechers Marescot en a poursuivi l'exploitation jusqu'en 2011. A la faveur d'une première réorganisation interne des sociétés Riechers Marescot et Dentelle Sophie Hallette au sein du groupe Holesco, la fabrication et l'exploitation du dessin référencé 78184 par la société Riechers Marescot, ainsi que d'autres dessins de la société Riechers Marescot, ont été transférés totalement à la société Dentelle Sophie Hallette en 2012. C'est également en cette même année 2012 que la société Dentelle Sophie Halette a déposé la marque Riechers Marescot en France et à l'international en classe 26 notamment pour désigner « des dentelles et broderies ». En 2017, intervient une seconde restructuration du groupe Holesco marquant l'aboutissement d'une croissance verticale permettant au groupe Holesco de regrouper toutes les sociétés du travail de la dentelle : « fabrication, teinture, finition ». L'ancienne société Riechers Marescot change alors de dénomination sociale et d'objet social. C'est également la même année que la société Dentelle Sophie Hallette modifie son nom commercial lequel devient 'Dentelle Sophie Halette-Riechers Marescot. '

La société Sophie Hallette justifie du dépôt, le 15 octobre 2012 par la société dénommée Dentelle Sophie Hallette de la marque française « RIECHERS MARESCOT » et le 25 mars 2013 de la marque internationale « RIECHERS MARESCOT ».

Elle justifie du procès-verbal de décision de l'associé unique, la société Holesco, du 31 mars 2017 modifiant l'objet social et la dénomination sociale de la société Riechers Marescot en « Société Calaisienne de production Leavers ».

Elle produit un reçu d'horodatage de la société Fidealis du 24 janvier 2014, présentant la photographie d'une dentelle. Le déposant est identifié comme « Sophie Hallette [...] ». Le nom du fichier est 970120-G11-CV069-Base (78184-01).

La dentelle présentée sur la photographie est identique au dessin 970120 pour laquelle la société Dentelle Sophie Hallette revendique la titularité du droit d'auteur. Elle est identique à la dentelle de la pièce 11 de la société Dentelle Sophie Hallette « échantillon sous robrack de la dentelle 970120. » Le carton de cet échantillon mentionne : « 970120-G11-CV069-090 » et 78184.1/90.

Il n'est pas contestable que le déposant identifié comme « Sophie Hallette [...] » est la société Dentelle Sophie Hallette. Le fait que le dépôt a été effectué en 2014 alors que la société Dentelle Sophie Hallette fait valoir que le dessin a été divulgué par la société Riechers Marescot en 2008 n'est pas de nature à entretenir une équivoque comme le soutient la société Diramode. Il sera retenu qu'elle est antérieure de plus de 4 ans aux actes de contrefaçon reprochés à la société Diramode.

La société Dentelle Sophie Hallette justifie de l'exploitation du dessin 970120 par la production de factures de la société Sophie Hallette de 2012 à 2019. Les factures déposées mentionnent notamment la référence 970120-G11-CV069 et comme référence antérieure : 78184-01/90, références identiques à celle mentionnée dans la pièce 11 et le nom de fichier du dépôt Fidealis. De plus, la société Sophie Hallette qui justifie avoir vendu la dentellen°970120 à la société Valentino notamment en 2012, 2013 et 2019 justifie par la production de pages du site Valentino boutique en ligne du 15 mars 2019 (pièce 27) et de pages du site Vogue faisant référence à la collection Valentino de 2013, de l'utilisation d'un dessin identique à celui du dessin 970120.

Même en l'absence de production par la société Dentelle Sophie Hallette des catalogues sur lesquels les arrêts de la cour d'appel de Paris des 20 septembre 2019 et 16 mars 2021 et le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 09 novembre 2018 se sont notamment fondés pour retenir une présomption de titularité du droit d'auteur de la société Dentelle Sophie Hallette sur le dessin 970120, ces éléments établissent une exploitation paisible et non équivoque du dessinn°970120 par la société Dentelle Sophie Hallette sous son nom antérieurement aux actes de contrefaçon reprochés à la société Diramode à compter du mois de juillet 2017.

Ils corroborent l'attestation de la société Lescroart, président de la société Holesco aux termes de laquelle : «Depuis 2006, la société Holesco est propriétaire et présidente des sociétés Riechers Marescot et Dentelle Sophie Hallette. En date du 19 septembre 2008, la société Riechers Marescot a divulgué et commercialisé pour la première fois le dessin de dentelle alors référencé 78184, se trouvant en annexe des présentes. La société Riechers Marescot a poursuivi l'exploitation et la commercialisation de ce dessin jusqu'en 2011. Suite à la réorganisation des entreprises Riechers Marescot et Dentelle Sophie Hallette au sein du groupe propriétaire de ces dernières, le dessin dont la propriété a été transférée à la société Dentelle Sophie Hallette est commercialisée depuis par la société Dentelle Sophie Hallette sous la référence non plus 78184 mais 970120. Cette renumérotation a été effectuée afin de permettre sa mise en production sur les machines de fabrication Dentelle Sophie Hallette. »

Si la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 janvier 2019 a retenu une exploitation concomitante par la société Riechers Marescot et Dentelle Sophie Hallette, elle a relevé que la société Riechers Marescot n'a pas vendu ce produit depuis le 1er septembre 2014. Il en résulte, à supposer établie une exploitation concomitante des marques par les deux sociétés que cette exploitation concomitante a cessé depuis cette date soit trois ans avant le premier acte de contrefaçon reproché à la société Diramode de telle sorte qu'elle ne serait pas de nature à entacher d'équivoque l'exploitation de la société Dentelle Sophie Hallette.

L'ordonnance de juge de la mise en état sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir de la société Diramode relative à l'action en contrefaçon de droit d'auteur engagée par Dentelle Sophie Hallette sur le motif 970120 et déclaré la société Dentelle Sophie Hallette recevable à agir en sa qualité de titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le dessin 970120.

B) Sur le dessin 970140

La société Dentelle Sophie Hallette décrit le dessin de la manière suivante : « Le dessin 970140 est un dessin de style floral composé d'une fleur de taille importante (motif A), d'un grand pétale surmonté d'une fleur en médaillon (motif B) et d'une écaille (motif C) qui compose le bas de la dentelle.

La société Dentelle Sophie Hallette produit un reçu d'horodatage de la société Fidealis du 10 mai 2012, présentant la photographie d'une dentelle. Le déposant est identifié comme « Sophie Hallette [...] » Le nom du fichier est 970140-G11-CP06A-085 (8204-02-85).

Il n'est pas contestable que le déposant identifié comme « Sophie Hallette [...] » est la société Dentelle Sophie Hallette.

La dentelle présentée sur la photographie est identique au dessin 970140 pour laquelle la société Dentelle Sophie Hallette revendique la titularité du droit d'auteur. Elle est identique à la dentelle de la pièce 36 de la société Sophie Hallette « Echantillon sous robrack de la dentelle 970140 ». Le carton de cet échantillon mentionne 970140-G11-CV069-085 et 71114.2/85.

La société Sophie Hallette justifie de l'exploitation du dessin 970140 par la production de factures de 2012 à 2019. Les factures mentionnent notamment les références 970140-G11-CP06A-08 et comme référence antérieure 82074.2/85, références identiques à celles du fichier ayant fait l'objet de l'eurodatage fidealis et les références 970140-G11-CV069-085 et 71114.2/85, références identiques à celle de la pièce 36. Ces factures présentent également d'autres références commençant toutes par 970140 mais suivi d'autres références alphanumériques que celles précédemment citées.

La société Sophie Hallette justifie la différence existant entre les références suivant la référence 970140 et la différence existant entre les références antérieures correspondant à ces nouvelles références par le fait que : « à l'instar du dessin 970120, ce dessin était précédemment commercialisé par la société Riechers Marescot. Sous la numérotation Riechers Marescot, des références distinctes étaient données suivant la combinaison du dessin central et de sa finition. La société Dentelle Sophie Hallette a conservé les références de la société Riechers Marescot auxquelles elle a associé sa référence interne composée d'un numéro souche le 970140 qui correspond au dessin principal associé à une autre référence pour la finition. La référence 970140 associée à l'extension G11-CV069-085 correspond à la numérotation 71114 de Riechers Marescot. La référence 970140 associée à l'extension G11-CP06A correspond à la numérotation 82074 de Riechers Marescot. Qu'il s'agisse de l'échantillon de dentelle communiqué sous robrack portant la référence 970140 G11-CV069-085 ou de l'échantillon ayant fait l'objet d'un horodatage Fidealis portant la référence 970140 G11-CP06A, le dessin central est identique.

Seule la matière, référencée « CV069 » pour l'un et « CP06A » pour l'autre, est différente.

La référence 970140 associée à l'extension G21-CV069-015 correspond à la numérotation 71115 chez Riechers Marescot. »

Il est en conséquence établi que la référence 970140 correspond au dessin de la dentelle revendiqué par la société Dentelle Sophie Hallette.

Une exploitation paisible et non équivoque du dessin n°970140 par la société Dentelle Sophie Hallette sous son nom antérieurement aux actes de contrefaçon reprochés à la société Diramode à compter du mois de février 2018 est établie.

L'ordonnance de juge de la mise en état sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir de la société Diramode relative à l'action en contrefaçon de droit d'auteur engagée par Dentelle Sophie Hallette sur le motif 970140 et déclaré la société Dentelle Sophie Hallette recevable à agir en sa qualité de titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le dessin 970140.

III) Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

Succombant à l'appel, la société Diramode sera condamnée aux dépens d'appel et à payer la somme de 2 000 euros à la société Dentelle Sophie Hallette.

PAR CES MOTIFS

-CONFIRME l'ordonnance en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

-DÉBOUTE la société Diramode de sa demande tendant à ordonner la production du contrat de cession de droit conclu entre Dentelle Sophie Hallette et Riechers Marescot concernant les motifs de dentelle 970120 et 970140 ;

-CONDAMNE la société Diramode à payer à la société Dentelle Sophie Hallette la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;

-DÉBOUTE la société Diramode de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-CONDAMNE la société Diramode au dépens d'appel.