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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 2 mars 2021, n° 18/08237

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Hachette Livre (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lelievre

Conseillers :

Mme Lauer, Mme Legeay

Avocats :

Selarl Lexavoue Paris-Versailles, Seleurl JAB Avocats

TGI Nanterre, 1re ch., du 25 oct. 2018, …

25 octobre 2018

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 25 octobre2018 qui a :

-Déclaré irrecevable l'intégralité des demandes de M. Michel L. pour défaut de droit d'agir,

-Rejeté la demande de M. Michel L. au titre des frais irrépétibles,

-Condamné M. Michel L. à payer à la S.A.S Pâtisserie E. L. la somme de 7 000 euros et à la société Hachette Livre la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamné M. Michel L. à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Vu la déclaration d'appel de M. L. en date du 6 décembre 2018 ;

Vu les dernières conclusions en date du 29 octobre 2019 de M. L. qui demande à la cour de':

Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'ouvrage L. Salé est une oeuvre collective et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes en contrefaçon de ses droits d'auteur relatifs à l'ouvrage L. Salé,

Statuant à nouveau :

Constater, dire et juger que ses apports à l'ouvrage L. Salé sont originaux et qu'il bénéficie de la protection accordée par les Livres I et III du code de la propriété intellectuelle,

Constater, dire et juger que l'ouvrage L. Salé est une oeuvre de collaboration.

En conséquence,

Constater, dire et juger que la société Hachette Livre, en fabriquant et en commercialisant, et la société Pâtisserie E. L. en commercialisant l'oeuvre L. Salé et ses traductions sans son autorisation ont commis des actes de contrefaçon de ses droits patrimoniaux,

En conséquence,

Donner injonction aux sociétés Hachette Livre et Pâtisserie E. L. d'avoir à communiquer sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification du 'jugement' avant dire droit à intervenir, de tout document ou pièce, certifié par un expert-comptable, attestant :

+du nombre d'exemplaires fabriqués et vendus de l'ouvrage L. Salé, en France et dans le monde,

+du nombre d'exemplaires fabriqués et vendus des traductions de l'ouvrage L. Salé, en France et dans le monde,

+ pour chacune de ces versions, le prix de vente au public unitaire hors taxe.

Condamner solidairement ces sociétés à lui payer la somme de 75.477,90 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice patrimonial subi par lui, au titre de la contrefaçon de ses droits d'auteur, jusqu'au 26 juillet 2019,

Lui donner acte qu'il se réserve le droit de parfaire ses demandes après communication de ces données, en particulier au titre des ventes intervenues depuis le 26 juillet 2019,

En tout état de cause,

Juger opposable à Madame Sophie T. et à Madame Christèle A., en leur qualité de co-auteurs de l'oeuvre L. Salé, l'arrêt à intervenir,

Se réserver la liquidation de l'astreinte,

Condamner solidairement les sociétés Hachette Livre et Pâtisserie E. L. au paiement d'une somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner solidairement les sociétés Hachette Livre et Pâtisserie E. L. aux entiers dépens dont distraction directe au profit de Maître Christophe C., en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions en date du 11 décembre 2019 de la SAS Pâtisserie E. L. qui demande à la cour de':

A titre principal,

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En conséquence,

Dire et juger que l'ouvrage « L. Salé » constitue une oeuvre collective,

Dire et juger que M. L. ne rapporte pas la preuve de la qualité d'auteur des contributions qu'il revendique à l'ouvrage « L. Salé »,

Déclarer M. L. irrecevable en ses demandes et le débouter de celles-ci,

Débouter M. L. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que M. L. ne rapporte pas la preuve que les contributions revendiquées constituent des créations de forme originales,

En conséquence,

Débouter M. L. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre plus subsidiaire,

Dire et juger que M. L. ne rapporte pas la preuve des actes de contrefaçon qu'il invoque,

En conséquence,

Débouter M. L. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

Condamner M. L. à lui verser la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. L. aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Patricia M. agissant par Maître Patricia M. Avocat et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions en date du 10 décembre 2019 de la SA Hachette Livre qui demande à la cour de':

Confirmer purement et simplement le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Débouter M. Michel L. de toutes ses demandes, fins et conclusions, ;

A titre subsidiaire :

Donner acte à la société Hachette Livre qu'elle a spontanément versé aux débats les documents comptables sollicités,

En conséquence,

débouter Michel L. de sa demande de communication de pièces,

Condamner la société L. à garantir Hachette Livre de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre,

Condamner M. Michel L. à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M.Michel L. aux entiers dépens de la présente instance qui pourront être recouvrés directement par la Selarl Lexavoue Paris-Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu la signification de la déclaration d'appel à Mmes A. et T. par actes d'huissier du 7 février 2019 remis à la personne de Mme A. et, concernant Mme T., en l'étude de l'huissier ;

Vu la signification des conclusions d'appelant à Mmes A. et T. par actes d'huissier des 3 et 1er avril 2019 remis respectivement à un tiers présent à domicile et à personne ;

Vu la signification des conclusions de la Pâtisserie E. L. à Mme A. et à Mme T. par actes d'huissier des 11 et 12 juin 2019 remis à tiers présent au domicile et à personne physique ;

Vu l'ordonnance de clôture du 9 janvier 2020 ;

FAITS ET PROCÉDURE

M. Michel L., chef de cuisine, a été employé en cette qualité par la société Pâtisserie E. L. (ci-après, la société L.) entre le 4 février 2003 jusqu'à son licenciement le 13 mai 2015, contesté devant les juridictions prud'homales.

A la suite de la publication en septembre 2009 d'un premier livre de recettes intitulé « L. Sucré » en association avec la société d'édition Hachette Livre (ci-après, la société Hachette), la société L. a renouvelé en octobre 2009 son partenariat avec cette société afin de publier un second ouvrage dénommé « L. Salé » conçu selon un format similaire au premier.

Le 1er février 2010, la société L. et la société Hachette ont formalisé leur accord pour ce nouvel ouvrage par la signature de deux contrats intitulés « Conditions générales » et « Conditions particulières'».

Aux termes de l'article 10 de cet accord, la société L. garantit en retour à la société Hachette la jouissance paisible des droits ainsi cédés contre tout trouble et en conséquence, « s'engage à faire son affaire de toutes réclamations et/ou procédures, quels qu'en soient les formes, objet et nature formées contre l'éditeur qui se rattacheraient, directement ou indirectement, à la réalisation et/ou l 'exploitation de l'oeuvre.'

Le travail d'illustration de l'ouvrage a été confié à Mme Sophie T., photographe, et à Mme Christèle A., styliste, selon contrats passés avec la société Hachette et datés du 2 décembre 2009.

L 'ouvrage a été publié le 29 septembre 2010 et traduit en différentes langues pour sa vente à l'étranger.

Des extraits de ce dernier ont ensuite été repris au sein d'un troisième livre publié en novembre 2011 et issu du partenariat entre les sociétés L. et Hachette, intitulé

'L. L'art de recevoir'.

M. L. indiquant avoir contribué au dressage des plats photographiés ainsi qu'au choix des clichés retenus et estimant être coauteur de I'ouvrage « L. Salé » en raison de sa participation à la structure et au manuscrit de l'ouvrage, a revendiqué le 13 mai 2015 des droits d'auteur auprès de la société L..

Il a ensuite mis en demeure, par courriers recommandés datés du 2 juillet 2015, la société L. et la société Hachette de lui communiquer le nombre d'exemplaires imprimés et vendus.

Par actes des 1er et 2 octobre 2015, M. L. a fait assigner la société Pâtisserie E. L., la société Hachette Livre, Mme Sophie T. et Mme Christèle A., sollicitant principalement la communication du nombre d'exemplaires imprimés et vendus de l'ouvrage ainsi que la condamnation des deux sociétés défenderesses à l'indemniser de l'utilisation sans autorisation, de ses droits d'auteur sur l'ouvrage 'L. Salé', devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui a prononcé le jugement dont appel.

Moyens des parties

Moyens de M. L.

Aux termes de ses écritures précitées, M. L. expose qu'il est un chef de cuisine reconnu et qu'il a été engagé par contrat du 4 février 2003 en qualité de chef des cuisines auprès de la société L. puis en qualité de chef des cuisines France et International.

Il indique qu'en 7 ans, il a créé 400 recettes salées renouvelant l'intégralité de la carte salée de la société, la partie salée prenant une part de plus en plus importante dans le chiffre d'affaires de la société et ses recettes étant devenues emblématiques.

Il décrit l'élaboration de l'ouvrage L.-Salé.

Il expose que d'octobre 2009 à décembre 2010 -période des premiers travaux de conception de L. Salé- la conception et la réalisation de cet ouvrage lui ont été confiées pour ce qui est de la sélection des recettes, de la composition des chapitres, la répartition des recettes par chapitre, du dressage des plats et de la rédaction de la partie manuscrite, tandis que la mise en oeuvre des photographies illustratives a été confiée à Mme T. et à Mme A., pour le stylisme et la présentation graphique.

Il décrit la finalisation, de mi-mars à mai 2010, de la conception de l'ouvrage avec l'envoi à Mme T. des épreuves définitives des recettes et de la rubrique « Conseils du chef ».

Il soutient que, tout au long du processus de création de 'L. Salé', il a conservé la main, aussi bien sur la structure, que sur le contenu manuscrit de l'ouvrage, sa participation active et centrale se poursuivant jusqu'à la finalisation de l'ouvrage dans ses moindres détails.

Il excipe d'un courriel adressé par lui le 5 octobre 2009 à Mme B., responsable de communication de L., que celle-ci a transféré à Mme T., responsable éditoriale aux éditions du Chêne, de la présentation par lui à Mmes T. et T. de la cuisine et du projet et d'échanges avec Mme T. à compter du 1er décembre 2009.

Il ajoute que, le 26 mai 2010, une fois l'ouvrage finalisé, Mme T. a adressé un dernier courriel de remerciement aux seuls Mmes T. et A. et à lui-même.

Il se prévaut d'attestations émanant de membres de l'équipe des cuisines L.-Salé concernant son rôle central et faisant état de la réalité de ses apports et de la liberté dont il bénéficiait, notamment pour le dressage des plats, la co-sélection des clichés avec la photographe et la styliste, ou la rédaction des parties manuscrites, telle que la rubrique « Conseils du chef ».

Il expose les critères de la distinction entre l'oeuvre de collaboration, qu'il revendique et l'oeuvre collective, qui doit être retenue restrictivement en ce qu'elle est dérogatoire au régime de droit commun du droit d'auteur.

Il souligne que la distinction essentielle entre les deux qualifications repose avant tout sur le mode de création de l'oeuvre, une oeuvre est dite de collaboration lorsque les auteurs ont, en concertation, collaboré horizontalement à sa création et est dite oeuvre collective lorsque les auteurs ont, sous les consignes d'une personne morale ou physique, maître d'oeuvre, concouru verticalement à sa création.

Il indique que, pour être qualifiée de collective, une oeuvre doit non seulement avoir été initiée, mais également conduite sous la direction effective d'un entrepreneur, maître d'ouvrage, ce dernier ne devant pas s'être contenté d'initier la création de l'oeuvre, mais devant avoir suivi et mené le processus de création jusqu'à son complet achèvement, matérialisé par des instructions en ce sens.

Il ajoute que, par opposition aux oeuvres de collaboration, les coauteurs doivent avoir travaillé sans coopérer les uns avec les autres, mais sous la direction verticale de l'entrepreneur.

Il prétend qu'il est co-auteur, aux côtés de Mmes T. et A., de l'oeuvre L.-Salé en ce qu'il a, en collaboration avec ces dernières, pensé, créé, conçu et réalisé la structure de cet ouvrage, par le choix des recettes, la sélection des intitulés et le classement des recettes, le dressage des plats, la co-sélection des clichés, et la rédaction des « Conseils du chef ».

Il soutient que l'ouvrage L.-Salé est une oeuvre de collaboration, résultat d'une coopération effective entre Sophie T., Christèle A. et lui-même. Il précise que ses apports ont été prépondérants, sont parfaitement identifiés et n'ont été limités par aucun cadre contraignant qui lui aurait ôté toute liberté de création, qu'ils n'ont été soumis à aucune directive coercitive et qu'ils sont protégeables parce qu'originaux en ce qu'ils reflétent sa personnalité et ainsi éligibles à la protection conférée par les livres I et III du code de la propriété intellectuelle.

Il soutient ainsi se trouver à l'origine de la sélection des 103 recettes de L. Salé.

Il expose qu'il a accompagné l'envoi des 32 premières recettes en proposant un classement autour des saisons ou par moment de la journée et avoir suggéré quatre intitulés sur sept, sans que ni L., ni l'éditeur n'aient créé ou imposé les thèmes de l'ouvrage, classifié les plats sous ces intitulés, ni même transmis des instructions fermes à cet égard. Il précise que Mme T. n'a fait que puiser parmi ses propositions.

S'agissant du dressage des plats et de la co-sélection des clichés, il soutient avoir participé aux prises de vue des plats, aux côtés de la photographe et de la graphiste, entre mi-décembre et mars 2010. Il se fonde sur l'échange de courriels avec Mmes T. et T..

Il déclare avoir rédigé l'essentiel des parties manuscrites de L. Salé et notamment les' Conseils du chef' dont il revendique la paternité, même si l'idée a été suggérée par Mme T., sans aucune directive ni contrainte,autre que la concision de la rubrique. Il invoque à nouveau sa liberté créative et son pouvoir décisionnaire.

Il fait valoir que Mme T. s'est systématiquement tournée vers lui pour réclamer son accord définitif sur le sommaire, la classification des plats, les recettes corrigées et qu'elle l'a explicitement remerciée avec les deux coauteurs de la qualité du travail fourni.

Il invoque l'originalité de ses apports et rappelle que l'originalité des éléments revendiqués s'apprécie de manière globale, par leur combinaison. Il fait état de la sensibilité de sa cuisine, qu'il a créée pour les propositions salées de L., qui se caractérise par l'adaptation des grands classiques sucrés ou salés, le salé étend le miroir du sucré, et l'alliance de recettes traditionnelles avec des ingrédients exotiques et singuliers, en demeurant dans la légèreté et la féminité.

Il invoque la contrefaçon de ses droits patrimoniaux. Il fait état de l'exploitation sans son consentement de ses droits d'auteur. Il expose que la société L. fabrique et commercialise depuis octobre 2010 L. Salé, caractérisant des actes de reproduction et de représentation de l'oeuvre.

Il ajoute que son contrat de travail ne prévoyait pas une cession de droits d'auteur au profit de la société L..Il soutient que le tribunal ne pouvait tirer aucune conséquence de l'observation selon laquelle ses apports auraient été faits « en exécution de son contrat de travail dans le cadre de ses attributions ».

Il estime celle-ci d'autant plus inopérante que son contrat de travail n'incluait nullement sa participation à la création d'un livre de recettes.

Il se prévaut d'un préjudice économique caractérisé par les redevances qu'il n'a jamais perçues en contrepartie de l'exploitation de ses droits patrimoniaux. Il conteste sa prétendue inaction, explicable par son emploi au sein de la société la durée, sauf à risquer son emploi. Il fait valoir que selon les chiffres de Hachette, ont été vendu le 26 juillet 2019 à 67'205 exemplaires en France et 54'077 à l'étranger soient à 121'282 exemplaires. Il affirme avoir droit à un taux de 3 % pour les ventes en France sur le prix hors-taxes et à un taux qui ne soit pas inférieur à 30 % au titre des droits d'auteur pour les ventes des éditions étrangères.

Il sollicite le paiement d'une somme de 31. 425,81 euros pour les ventes de l'édition française et anglaise, en France, de 20.772,09 pour les ventes directes et de 291,90 euros pour les ventes en «'club'» soit 52.489,80 euros.

Il demande le paiement, pour les ventes des éditions étrangères, en dehors de la France, sur la base des recettes hors taxes perçues par Hachette d'une somme de 22.988,10 euros.

Il réclame ainsi le paiement d'une somme totale de 75.477,90 euros à titre de dommages et intérêts résultant de l'atteinte à ses droits patrimoniaux.

Moyens de la société L.

Aux termes de ses écritures précitées, la SAS Pâtisserie E. L. (ci-après la société L.) rappelle sa renommée et expose que, dans la perspective de création et d'entretien auprès du public d'une identité propre et forte, elle a, en partenariat avec la société Hachette Livres, fait éditer de nombreux ouvrages ayant pour thèmes, notamment, ses fameux macarons ou la décoration de ses salons et restaurants.

Elle indique que ce partenariat a été initié en 2009, lorsqu'elle a pris l'initiative de faire éditer sous le titre « L. Sucré » un ouvrage de recettes de pâtisseries servies dans les salons L., qui reprend les codes esthétiques et visuels de l'univers de ces salons.

Elle indique que, pour la conception de cet ouvrage initié par elle, la société Hachette est intervenue en qualité de maître d'oeuvre spécialisé dans l'édition littéraire, centralisant et mettant en forme les différentes contributions photographiques, rédactionnelles ou stylistiques, et sélectionnant Mme T. en tant que photographe et Mme A. en tant que styliste.

Elle affirme que, son savoir-faire et l'esthétique étant essentiels dans l'ouvrage, elle a apporté sa contribution à celui-ci et a, en tant que maître d'ouvrage, supervisé et validé l'ensemble de la conception, afin de vérifier que celui-ci était conforme à son identité culinaire, visuelle et esthétique.

Elle indique qu'elle a décidé en 2010, toujours en partenariat avec la société Hachette de faire éditer un second ouvrage intégrant cette fois-ci des recettes salées servies dans ses restaurants.

Elle déclare que cet ouvrage, prévu pour être le pendant du précédent dans le domaine du salé, reprend le même format et les mêmes codes esthétiques que ceux de l'ouvrage « L. Sucré » et a naturellement été intitulé « L. Salé ».

Elle expose qu'il présente des recettes de plats salés accompagnées, pour la plupart d'entre elles, de photographies du plat obtenu au terme de la recette.

Elle affirme que, pour sa conception, le même mode opératoire que celui employé pour l'ouvrage « L. Sucré » a été utilisé dans le cadre du partenariat avec Hachette.

Elle précise que la société Hachette intervenait en tant que maître d'oeuvre centralisant et mettant en forme les différentes contributions photographiques, rédactionnelles ou stylistiques et travaillant avec Mmes A. et T. outre deux personnes en charge de la relecture et de la correction des parties rédactionnelles de l'ouvrage.

Elle indique qu'au sein de la société Hachette, ses équipes ont travaillé à la composition et à la mise en forme de l'ouvrage, et spécialement Mme T., responsable d'édition, qui était en relation permanente avec les équipes de la société L..

Elle soutient qu'elle-même a activement contributé à l'ouvrage par le biais de ses salariés, membres des équipes de cuisine, dont Mme L., assistante administrative, M. L., chef de cuisine, et MM. E. et M., chefs adjoints de cuisine.

Elle affirme également qu'en sa qualité de maître d'ouvrage, elle a supervisé et validé l'ensemble de la conception de l'ouvrage par l'intermédiaire de ses salariées membres du service Communication Image et Marketing, en les personnes, notamment, de Mmes B. et S..

Elle rappelle les fonctions de chef des cuisines de M. L. dans la société et déclare que son contrat de travail ne prévoyait aucune mission spécifiquement attachée à la création de recettes de cuisine pour elle.

Elle indique qu'il a été licencié pour faute grave par courrier du 5 mai 2015 et précise que la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 20 novembre 2019, confirmé le jugement le déboutant de ses demandes en retenant l'existence de faits de harcèlement moral.

Elle déclare que, pour la première fois depuis la publication en septembre 2010 de l'ouvrage « L. Salé », il a invoqué, dans son courrier du 13 mai 2015 contestant son licenciement pour faute grave, de prétendus droits d'auteur sur cet ouvrage, en sa qualité alléguée d'auteur de l'intégralité des recettes qui y figurent.

A titre principal, elle invoque l'irrecevabilité de l'action de M. L..

Elle soutient qu'il ne démontre pas que l'ouvrage est une oeuvre de collaboration, ni qu'il est l'auteur des contributions qu'il revendique, pas plus qu'il n'établit que ses prétendues contributions constituent des créations de forme originale et que les intimées ont commis des actes de contrefaçon.

Elle rappelle la distinction entre l'oeuvre collective et d'oeuvre de collaboration et l'exigence de preuve de la qualité de coauteur d'une oeuvre de collaboration.

Elle fait valoir que l'oeuvre collective est celle qui « est créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale » et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, cette oeuvre étant divulguée et exploitée sous le nom de la personne en ayant pris l'initiative, et celle sur la conception de laquelle elle a exercé un contrôle.

Elle conclut donc que si, dans le cadre d'une oeuvre de collaboration, le coauteur apporte une contribution au regard de celles des autres coauteurs et crée ainsi avec eux une oeuvre qui leur est commune, la personne physique intervenant dans une oeuvre collective n'a pas le souci des contributions des autres participants, puisqu'elles sont en tout état de cause contrôlées et organisées par la personne ayant eu l'initiative de l'oeuvre.

Elle affirme que M. L. ne démontre pas que l'ouvrage litigieux est une oeuvre de collaboration alors qu' il lui appartient de rapporter la preuve de l'apport de chacun des collaborateurs et du fait qu'il existait entre eux un travail créatif concerté.

Elle affirme qu'il doit également rapporter la preuve de la qualité alléguée de coauteur, qui ne saurait résulter nécessairement d'une intervention quelconque dans la genèse de l'oeuvre mais seulement d'un apport par activité créatrice.

Elle estime que M. L. ne peut ainsi revendiquer un « pouvoir de contrôle » ou une quelconque « présomption de collaboration » à son bénéfice, mais doit rapporter la preuve « d'éléments précis » dont il résulte un « rôle de création ».

Elle estime qu'il ne peut donc se contenter de prétendre qu'il serait présenté comme auteur de l'ouvrage dans celui-ci alors même qu'il n'y est cité qu'en qualité de « Chef de Cuisine » et n'est pas appelé à former des « remerciements » en fin d'ouvrage.

Elle ajoute que s'il a pu être mis en avant dans l'ouvrage et lors de sa promotion, ce n'est que pour des raisons strictement commerciales et de marketing.

Elle conclut que le fait qu'il ait été associé à la promotion de l'ouvrage ne peut constituer une présomption de qualité de coauteur de celui-ci, et ce alors même que l'ouvrage a été divulgué sous le seul nom de la société L..

Elle conclut qu'il ne rapporte pas la preuve d'une oeuvre de collaboration résultant d'une inspiration commune et d'un travail créatif concerté avec celles qu'il désigne comme coauteurs, Mmes T. et A..

Elle soutient que l'ouvrage constitue une oeuvre collective dont elle a eu l'initiative, dont la conception a été contrôlée par elle jusqu'à sa publication, qui a été divulguée et exploitée sous son nom et qu'en sa qualité de maître de l'ouvrage, elle a eu un rôle de validation de l'ensemble des contenus figurant dans l'ouvrage, dont la création a été au préalable dirigée et contrôlée par la société Hachette, en sa qualité de maître d'oeuvre.

Elle fait valoir enfin que si la qualification d'oeuvre collective est écartée, M. L. ne rapporte pas la preuve, par le biais d'éléments précis et circonstanciés, qu'il est l'auteur des contributions qu'il revendique, à savoir l'agencement et le contenu de l'ouvrage, ainsi que la rédaction des rubriques « Conseils du Chef ».

Elle précise que l'ouvrage litigieux était prédéfini au regard du livre L. Sucré dans son agencement et son contenu.

Elle indique que devaient ainsi y figurer des recettes salées servies dans les restaurants L. ainsi que des photographies des plats, dont le nombre était limité par un nombre de pages identique à « L. Sucré » et qui étaient organisées sous différents thèmes.

Elle fait valoir que le simple fait que M. L. revendique une liberté de choix absolue sur ces prétendues contributions, sans qu'il ait eu à composer avec les autres co-auteurs pour exercer des choix communs en faisant des concessions réciproques, exclut par principe l'existence d'une oeuvre de collaboration, qui doit résulter d'un travail créatif exercé de concert entre les co-auteurs.

S'agissant de la sélection des 103 recettes figurant dans l'ouvrage, elle affirme que si certains des plats composés par lui -qui figuraient à la carte des restaurants- se retrouvent dans l'ouvrage, cela ne signifie pas qu'il a seul choisi ces 103 recettes.

Elle estime qu'au regard des pièces communiquées qui portent spécifiquement sur le choix des recettes, leur sélection résulte d'un travail réalisé entre les équipes des deux sociétés dans lequel Mme T., intervenant pour la société Hachette comme maître d'oeuvre, a eu un rôle directif éminent.

Elle considère que M. L. ne peut s'attribuer à titre exclusif ce travail réalisé par de nombreuses personnes et en veut pour preuve les échanges intervenus et notamment le courriel de l'appelant du 5 octobre 2009 adressé à Mme B., duquel il résulte qu'il n'a fait qu'une simple proposition, transmise à la société Hachette par le service Communication Image et Marketing de la société L., 32 recettes sur la sélection de 89 se retrouvant in fine dans l'ouvrage « L. Salé ».

Elle ajoute que Mme T. lui a donné des instructions particulièrement précises s'agissant du choix des recettes qui devaient figurer dans l'ouvrage.

Elle relève que le choix opéré résulte d'un travail collectif entre les équipes des deux sociétés, sous la conduite de Mme T..

S'agissant du choix des thèmes et de la classification des recettes elle fait valoir que le contenu des échanges par courriels laisse apparaître que les choix résultent d'un travail collectif des équipes des sociétés dont M. L. ne peut s'attribuer le bénéfice exclusif. Elle fait le reproche à M. L. de nier le travail de Mme L., salariée de la société L. et soutient que M. L. n'a fait que des propositions et que les thèmes et la classification retenus ne correspondent pas ceux qu'il avait transmis. Elle en infère que ces propositions ont été amplement retravaillées et complétées sans son intervention, ainsi qu'il résulte des échanges entre Mme L. et Mme T. dont il n'était pas destinataire, contrairement au service communication Image et Marketing.

Elle en conclut que le choix des thèmes de l'ouvrage et de la classification des recettes en leur sein résulte d'un processus propre à l'oeuvre collective et qu'en tout état de cause, compte tenu de l'importance du travail de Mme L., du service Communication Image et Marketing de la société L. et de Mme T., M. L. ne peut utilement prétendre qu'il en serait à l'origine et qu'il pourrait être considéré comme auteur à titre exclusif de cette contribution à une oeuvre de collaboration.

S'agissant du dressage des plats et du choix des clichés finaux, elle estime qu'il ne démontre pas qu'il a eu un rôle quelconque aux côtés de Mmes T. et A. dans le choix des clichés figurant dans le livre.

Elle affirme que ses pièces ne sont pas relatives au choix des clichés finaux mais à l'organisation de séances de prises de vue et que Mme T. n'a pas sollicité d'instructions de sa part sur ces clichés ou même son avis sauf sur un plat.

Elle conclut qu'il n'est pas démontré d'implication de sa part dans le choix des clichés finaux qui résulte d'un processus collectif.

Elle ajoute que quatre prises de vues ont été faites sans lui.

En réponse à l'appelant, elle affirme que les attestations de M. M. et de Mme L. ne démontrent pas ses allégations.

Elle fait valoir que l'attestation de Mme L. n'est pas circonstanciée quant aux dates et lieux des faits qu'elle mentionne et qu'elle n'est corroborée par aucune pièce.

S'agissant de la rédaction des rubriques « Conseils du chef », elle expose que c'est Mme T. qui a imposé dès le 11 janvier 2010 leur présence dans l'ouvrage, comme il en existait dans l'ouvrage « L. Sucré » et qu'elle a dû le «'relancer'».

Elle soutient qu'il doit rapporter la preuve d'une création personnelle.

Elle relève qu'il a employé, dans un courriel, le «'nous'» et estime que ce «'nous'» correspond aux personnes qu'il a mises spontanément en copie de sa réponse soit MM. E. et M. et Mme L..

Elle en infère que ce terme démontre qu'il n'a pas personnellement rédigé les

« Conseils du chef » alors qu'il doit justifier , s'agissant de chaque rubrique « Conseil du chef », d'une création qui lui est personnelle, et non pas celle d'une création qui émanerait d'un salarié de la société ou d'une création à laquelle ils auraient concouru et estime que tel n'est pas le cas.

Elle ajoute qu'il n'existe pas même une preuve de transmission par lui à la société Hachette d'une seule de ces rubriques, qu'il ne communique aucun élément matériel qui démontrerait qu'il aurait personnellement créé chacune des rubriques « Conseil du chef » .

Elle estime non pertinentes les quatre attestations produites par M. L. qui visent, sauf celle de Mme L., les recettes, et pas les « Conseils du Chef ».

Elle fait état en outre d'une contradiction entre le témoignage de Mme D. et un courriel de sa part, et de l'absence de précision de celle de Mme L..

La société conteste le prétendu pouvoir d'ultime décisionnaire quant au contenu de l'ouvrage de M. L..

Elle soutient que ce prétendu rôle décisionnaire est un motif inopérant au regard de la jurisprudence, qui exclut toute présomption de collaboration et impose au demandeur la preuve nécessaire d'apports créatifs précis.

Elle observe que M. L. n'a pas été le seul destinataire des demandes de validation des 24 mars et 6, 11 et 14 mai 2010, l'appelant ne répondant même pas aux demandes des 6 mai et 11 mai.

Elle déclare que Mme T. a exercé un contrôle concret et effectif des éléments qui lui étaient soumis, a fait des choix propres, donné un cadre particulièrement restrictif à M. L. et a exigé des modifications à de très nombreuses reprises, ses choix et instructions ayant été suivis.

Elle souligne que c'est la société L. qui exerçait un pouvoir de validation sur le contenu de l'ouvrage, que M. L. n'a pas exercé seul au sein de la société et observe que Mme B. a validé une version intermédiaire des thèmes de l'ouvrage et de la classification des recettes en date du 26 janvier 2010, que Mme T. lui a adressé différentes demandes de validation sans que M. L. soit interrogé puis, le 7 avril, une demande de validation de la version définitive du sommaire qui figure dans l'ouvrage définitif et enfin le bon à tirer.

Elle conclut que M. L. ne démontre pas que l'ouvrage constituerait une oeuvre de collaboration, dont il serait coauteur et que l'ouvrage constitue une oeuvre collective.

A titre subsidiaire, elle conteste que les apports revendiqués constituent des créations originales, dont la preuve appartient à M. L..

Elle fait donc valoir qu'il appartient à M. L. de décrire les caractéristiques de l'originalité de l'oeuvre dont la protection est sollicitée qui doit résulter d'un effort créatif portant l'empreinte de sa personnalité, seule de nature à lui conférer le caractère d'une oeuvre originale protégée, comme telle, par le droit d'auteur.

Elle lui reproche de faire porter l'appréciation de l'originalité, d'un point de vue global, sur l'ouvrage litigieux, plutôt que sur les apports spécifiques qu'il revendique.

Elle estime que ce n'est pas parce que l'ouvrage pris en son ensemble est original que chacune des contributions qui le constituent l'est nécessairement.

Elle soutient donc que M. L., qui invoque une contrefaçon non pas de l'ouvrage mais de ses contributions, doit démontrer l'originalité de chacune des contributions qu'il revendique.

S'agissant de l'agencement et du contenu de l'ouvrage, elle rappelle que c'est elle qui a eu l'initiative de l'ouvrage et de son thème.

Elle fait donc valoir que c'est le thème initial imposé par elle, choix auquel M. L. est parfaitement étranger, que la société Hachette s'est attachée à mettre en oeuvre par l'intermédiaire de sa salariée, Mme T. en exécution du contrat qui liait les deux sociétés.

Elle réitère que, dans le cadre de la mise en oeuvre de ce thème, plusieurs salariés de la société L. ont été sollicités par Mme T. soit Mmes et MM. L., L., E., M.,S., B. et Mme L..

Elle en déduit que M. L. ne peut s'octroyer le crédit exclusif du travail réalisé par l'ensemble de ses salariés et nier leur participation active et leur rôle, en prétendant que les différents apports et contributions des salariés de la défenderesse refléteraient l'empreinte de sa seule personnalité.

Elle conclut qu' à supposer que le choix des recettes ait été exercé librement par lui, ce qu'elle réfute, il n'est pas démontré qu'il porte l'empreinte de la personnalité du demandeur.

S'agissant de l'agencement et du contenu de l'ouvrage, il n'explique pas en quoi chacun des plats dressés constituerait une création de forme qui reflèterait l'empreinte de sa personnalité et rappelle que cette explication est une exigence jurisprudentielle.

Concernant les clichés finaux des plats dressés, elle lui reproche également de se dispenser de toute description de leur originalité.

Concernant la création des sept thèmes de l'ouvrage et la classification des recettes au sein de ces thèmes, elle réitère qu'il ne peut prétendre être le seul auteur de ces thèmes, au regard de l'intervention de Mmes T., L. et B..

Elle en infère qu'il ne peut prétendre que la thématique et la classification des recettes porte l'empreinte de sa personnalité.

Elle prétend en outre que la thématique choisie est fonctionnelle et chacun des thèmes purement descriptif de son contenu, ce qui exclut toute forme d'originalité.

Elle ajoute que les différents thèmes développés dans l'ouvrage relèvent d'un fonds commun de l'art culinaire, insusceptible d'appropriation et de protection par le droit d'auteur.

Elle estime dépourvu d'originalité le concept « entrée, plat, dessert » pour classer les recettes au sein d'un thème.

S'agissant des « Conseils du Chef », elle rappelle que M. L. doit rapporter la preuve que chacune de ses contributions au titre des rubriques « Conseil du chef » constitue une création de forme originale dans sa rédaction.

Elle réitère qu'il ne rapporte pas la preuve de création d'une seule de ces rubriques.

Elle doute qu'au regard de la nécessité du travail de réécriture intervenu sur les recettes, la rédaction des rubriques «'Conseils du chef'» qu'il a pu transmettre à la société Hachette puisse être identique à celle que l'on retrouve dans l'ouvrage.

Subsidiairement, s'il est considéré qu'il est l'auteur de ces rubriques, elle affirme que ces rubriques ne peuvent être considérées originales et qu'elles constituent simplement des instructions ou méthodes culinaires, expressions d'un savoir-faire du chef de cuisine.

A titre plus subsidiaire, la société conteste toute contrefaçon.

S'agissant de l'ouvrage «'L., l'art de recevoir'», elle affirme qu'il visait cet ouvrage dans son courrier du 13 mai 2015 et dans son assignation et relève qu'il l'évoque et le vise dans ses conclusions.

En tout état de cause, elle demande à la cour de prendre acte acte qu'il renonce expressément à toute demande au titre de l'ouvrage « L. l'Art de recevoir ».

S'agissant de l'ouvrage « L. Salé », elle rappelle que M. L. invoque des actes de contrefaçon sur le fondement des articles L. 122-1, L. 122-2, L. 122-3 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle.

Elle expose que toute demande en contrefaçon en matière de droits d'auteur suppose qu'il soit procédé à une comparaison matérielle entre les éléments originaux invoqués et l'oeuvre arguée de contrefaçon, pour déceler dans la seconde une reproduction des premiers, qui serait illicite puisque non-autorisée par l'auteur.

Elle affirme que M. L. ne démontre pas la matérialité des contributions qu'il revendique et que, lorsqu'il le fait, il ne procède à aucune comparaison avec les parties visées de l'ouvrage litigieux.

Elle soutient qu'il ne peut donc invoquer des actes de contrefaçon sans communiquer d'élément permettant d'identifier précisément le contenu matériel de ses contributions.

A titre infiniment subsidiaire, elle estime surévalué le préjudice matériel invoqué.

Elle rappelle que l'ouvrage litigieux est paru le 29 septembre 2010 et que ce n'est qu'au mois de mai 2015 qu'il a formé une demande fondée sur de prétendus droits d'auteur.

Elle expose, avec la société Hachette, que les usages veulent que « pour un auteur unique, le taux réel, c'est-à-dire déduction faite des abattements, peut aller de 3 à 18 % » du prix de vente public hors taxes et souligne que ce taux tient compte du domaine de l'ouvrage et de la notoriété de l'auteur, qui est un facteur de vente.

Elle rappelle qu'il s'agit d'un ouvrage pratique et que M. L. n'a pas la notoriété de grands chefs de cuisine et déclare qu'il est apparu opportun d'un point de vue marketing et commercial de personnifier l'ouvrage.

Elle conclut que les taux de redevance déterminés par lui sont arbitraires et surévalués.

Elle fait valoir que la notoriété de M. L. n'est pas équivalente à la sienne et que les ventes de l'ouvrage « L. Salé » ont été portées exclusivement par le nom de L. qui est seul à apparaître sur son coffret disposé en rayon.

Elle ajoute que sa contribution a été plus que substantielle.

Elle en conclut que sa rémunération ne pourrait être fixée que sur la base de la redevance dont bénéficie Mme T..

Elle conclut au rejet de la demande de communication de pièces, la société Hachette ayant fourni les chiffres des ventes et M. L. ayant pu sur cette base procéder à une évaluation du préjudice prétendument subi.

Moyens de la société Hachette Livre

Aux termes de ses écritures précitées, la société Hachette Livre expose que, depuis plus de sept ans, elle publie, en collaboration avec la société Pâtisserie E. L., via les Editions du Chêne, de beaux livres consacrés à la maison de pâtisserie, qu'il s'agisse de livres de recettes ou d'ouvrages consacrés à l'art de vivre L..

Elle déclare que cette collaboration a débuté en 2009, lorsqu' a été publié un premier beau livre de recettes dédié à la pâtisserie et au macaron,intitulé L. Sucré.

Elle déclare que cet ouvrage,né d'une initiative de L., a été conçu dès l'origine comme un prolongement de l'univers et de l'identité de la maison.

Elle décrit la forme et le packaging de l'ouvrage qui reprend les canons esthétiques propres au style L. et son contenu fidèle à l'univers et aux recettes des gourmandises sucrées de L..

Elle ajoute qu'il est commercialisé depuis lors, aux éditions du Chêne, sous la marque L..

Elle indique que, dès l'achèvement de ce premier ouvrage et au regard du succès immédiat rencontré par celui-ci, L. s'est à nouveau rapprochée des éditions du Chêne pour entreprendre la publication d'un ouvrage identique consacré aux plats salés servis dans ses établissements.

Elle indique qu'il a été convenu que la composition et la rédaction des textes de l'ouvrage reviendraient à la société L. qui a mobilisé pour ce faire toutes ses équipes cuisines, notamment son chef de cuisine, M. L., et ses adjoints, l'ensemble de ses chefs de cuisine et seconds de cuisine ainsi que son service Communication Image, et Marketing, en la personne de sa directrice Mme B. et de Mme S., en vue de sélectionner et mettre en forme les recettes destinées à composer l'ouvrage.

Elle ajoute que le travail d'illustration photographique a été réalisé à nouveau par la photographe Mme T. et la styliste Mme A., et que la relecture et le travail de correction du manuscrit ont été confiés à Mmes de B. et Briand.

Elle indique enfin que la composition de l'ouvrage, format, structure et mise en page, selon les spécifications de la commande, a été effectuée par Mme T. et les équipes d'Hachette Livre dans le respect du cadre défini pour le livre L. Sucré avant d'être validée par L..

Elle conclut que ce deuxième ouvrage, a ainsi été initié, conçu et élaboré par L. comme le pendant du livre L. Sucré.

Elle précise qu'il contient 102 recettes -et non 103- servies dans les établissements L. et affirme qu'elles ont été sélectionnées selon une thématique choisie par L. et Hachette Livre.

Elle décrit le contenu de l'ouvrage, indique que les recettes se présentent selon le même format que les recettes du livre L. Sucré et déclare qu'elles sont également complétées par la rubrique intitulée 'Conseil du chef', dont la reprise a été décidée par les deux sociétés pour demeurer fidèle à la composition et à la structure définie pour L. Sucré.

Elle soutient que l'ouvrage L. Salé est une oeuvre collective dès lors que les apports revendiqués par M. L. ont été intégrés au processus d'élaboration d'un ouvrage aux contraintes formelles importantes, dans le cadre de directives précises et soumis à un contrôle régulier et ne peuvent se dissocier de ceux des autres intervenants. Elle ajoute que la création de L. Salé laisse apparaître un processus créatif vertical initié et supervisé par L. avec l'aide des éditions du Chêne ; que la décision de créer un second livre des recettes L., le choix de l'inscrire dans la continuité du précédent ouvrage, de fixer le cadre créatif en conséquence, dépasse largement le simple stade de l'idée.

Elle ajoute qu'au-delà de l'initiative de directives structurantes, L. et les éditions du Chêne sont intervenues tout au long de l'élaboration de l'ouvrage.

Elle prétend que l'appelant ne démontre pas l'existence d'une communauté d'inspiration et d'un mutuel contrôle des prétendus coauteurs.

Elle fait valoir qu'il ne démontre pas être l'auteur des apports créatifs qu'il revendique et qu'il n'établit pas leur caractère original. Elle expose que ceci vaut tant pour la structure et le contenu de l'ouvrage, faisant valoir que Madame T. responsable éditoriale des éditions du Chêne a eu un rôle prépondérant d'initiative et de direction, ce qui résulte des échanges intervenus avec Caroline L., Michel L. et Aude S.. Elle ajoute que c'est uniquement à Mme B. et à Mme Aude S. que Mme T. a soumis sa proposition de retenir l'ordre chronologique des repas pour structurer les chapitres du plan.

S'agissant de la sélection des plats à photographier, toutes les recettes reproduites sont illustrées d'une photographie, ce qui exclut tout choix à cet égard. Mme T. a assuré seule la coordination artistique des prises de vue, sollicitant seulement, l'avis de M. L. pour vérifier l'exactitude de la correspondance entre les photographies et l'intitulé des plats.

De même, selon la société Hachette, M. L. ne rapporte pas la preuve de sa qualité d'auteur des recettes et de la rubrique 'Conseils du chef '. La société Hachette indique que même si M .L. ne revendique plus que la paternité de la rubrique 'conseils du chef', il persiste à tort à faire de la création des recettes et de leur rédaction un argument de sa démonstration sur le terrain rédactionnel.

Elle fait observer que M. L. ne produit que trente-sept recettes signées de lui, parmi lesquelles figurent des plats phares de la gastronomie française ou des grands classiques des salons de thé.

Pour ce qui est plus précisément de la rubrique 'Conseils du chef', Hachette fait valoir que celle-ci est empruntée à L. Sucré et que M. L. n'établit pas être personnellement à l'origine de leur rédaction ainsi qu'il résulte des échanges de mails et alors qu'il est incontestable que la syntaxe, l'orthographe et la formulation des conseils du chef ont été modifiées par les deux correctrices des éditions du Chêne.

La société Hachette développe les mêmes moyens que la société L. s'agissant de l'absence d'originalité des contributions revendiquées par M. L.. Elle fait valoir que s'agissant du plan, le principe d'un découpage des chapitres selon les repas pouvant ponctuer une journée, a été initié par Mme T..

Elle ajoute que M. L. est dans l'incapacité de démontrer en quoi le choix des recettes serait original, n'explicitant jamais en quoi ses choix traduiraient un parti pris esthétique de sa part. Elle soutient qu'il invoque des considérations générales descriptives insuffisantes pour témoigner de l'empreinte de sa personnalité.

Elle affirme qu'il en va de même en ce qui concerne le dressage des plats et que le part-pris invoqué par M. L. 'de proposer aux lecteurs de rééditer l'expérience gustative et sensorielle qu'il proposait dans les restaurants L.' ne relève nullement d'un parti pris esthétique. Elle soutient qu'il ne s'agit que d'exposer des techniques culinaires et une pratique professionnelle, finalité de tout livre de recettes.

A titre subsidiaire, en ce qui concerne le préjudice invoqué par M. L., elle fait valoir qu'il est loin d'être le seul intervenant ayant contribué à la conception de l'ouvrage. Elle fait valoir que Madame T. a été rémunérée à hauteur de 2 % pour les ventes de l'édition française et 20 % des recettes hors-taxes pour les ventes des éditions étrangères tandis que Madame A. a reçu une somme forfaitaire de 5000 euros. Elle soutient que M. L. ne pourrait prétendre à un pourcentage supérieur compte tenu de la faiblesse de ses apports.

Compte tenu des ventes intervenues, dont elle prétend avoir justifié, elle affirme que M. L. ne saurait prétendre à une indemnisation qui soit supérieure à la somme totale de 50'318,40 euros.

Dans l'hypothèse où les demandes de M. L. seraient accueillies, elle sollicite la garantie de la société L. conformément aux stipulations des conditions générales du contrat de commande et de cessions des droits d'auteur conclu le 1er février 2010 portant sur le texte du manuscrit de l'ouvrage.

SUR CE, LA COUR,

A titre liminaire, compte tenu des modalités de délivrance des actes de signification de la déclaration d'appel et en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile il sera statué par arrêt par défaut.

Sur la qualification de l'oeuvre L. Salé

Selon l'article L. 113-2 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle est dite de collaboration l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques.

Selon l'alinéa 3 du même texte, est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé.

Il résulte de l'article L. 113-5 que l'oeuvre collective, est sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée.

Cette personne est titulaire, dès l'origine, des droits de l'auteur.

En l'espèce l'ouvrage L. Salé a été publié en septembre 2010 par les éditions Hachette en collaboration avec la société L.. Il est le produit d'un partenariat conclu dès 2009 entre ces deux sociétés, renouvelé après la publication d'un premier ouvrage dont la société L. a pris l'initiative, intitulé « L. Sucré ».

Ces ouvrages ont pour finalité de rendre accessibles au public des recettes plus ou moins emblématiques et empreintes de l'identité de la maison L..

L'oeuvre L. Salé est, tout comme le précédent ouvrage L. Sucré, constitué d'une compilation de recettes élaborées par un chef de la maison L., en l'occurrence, M. L., organisé en sept chapitres correspondant aux repas des différents moments de la journée selon différents styles ou ambiances. Il comporte in fine un index de l'ensemble des recettes qui y sont contenues, lesquelles sont classifiées dans l'un des sept thèmes proposés. Les recettes au nombre de 102, sont présentées sur une ou deux pages consécutives, illustrées, pour la plupart, d'une photographie sur la page de droite et complètées par un ou des 'conseils du chef'.

L'ouvrage est présenté sous une forme raffinée, dans un petit coffret carré, reprenant le graphisme et les couleurs des boîtes de macarons L., destinée à rappeler l'univers du salon de thé.

Le nom de 'Michel L., chef de cuisine' y est mentionné sous l'index des recettes en page 7 et la page 389 de l'ouvrage consacrée à ce dernier, fournit au lecteur des éléments personnels destinés à illustrer sa carrière et ses qualités professionnelles.

En dernière page, figurent les remerciements d'une part de la maison L. à toutes ses équipes, dont en premier M. L. pour ses recettes et créations, ses adjoints, les chefs de cuisine, les seconds de cuisine, les assistantes et collaboratrices, le service de la communication, dont Mme T.-B. et Mme S. et d'autre part de Mme A. et T., respectivement graphiste-styliste et photographe.

M. L. revendique l'existence d'une d'oeuvre de collaboration à laquelle il affirme avoir contribué en qualité de coauteur, par des apports spécifiques originaux et individualisables sur la sélection des intitulés, le choix des recettes et leur classement, le dressage des plats, la sélection des clichés et la rédaction des conseils du chef.

C'est par des motifs pertinents et exacts, que la cour adopte, que le tribunal a retenu que l'oeuvre litigieuse constituait une oeuvre collective au sens de l'article L. 113-2 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle.

La cour rappelle et ajoute que la qualification d'oeuvre collective qui investit dès l'origine, des droits d'auteur, la personne qui a pris l'initiative et la direction de la réalisation de l'oeuvre, est reconnue à une oeuvre à laquelle a concouru une pluralité de contributeurs dont l'apport de chacun participe et se fond dans une réalisation commune, sans que l'un ou l'autre puisse prétendre à un droit sur le tout.

Il est constant en l'espèce que l'initiative de l'ouvrage L. Salé revient à la société L. qui a divulgué et exploité l'oeuvre sous son nom, qui a eu un rôle de validation de l'ensemble des contenus figurant dans l'ouvrage, notamment par l'intermédiaire de Mme B., sa salariée directrice de la communication image et marketing, dont la création a été dirigée par Mme T., responsable éditoriale des éditions du Chêne, dépendant de la société Hachette, qui assurait la maîtrise d'oeuvre.

Il s'avère ainsi que le contenu des contributions revendiquées par M. L., notamment quant à la sélection des recettes, n'est pas issu du seul pouvoir décisionnaire de ce dernier.

Le courriel en date du 5 octobre 2009 par lequel M. L. a transmis 89 recettes à Mme B. ne constituait qu'une simple proposition, soumise à l'approbation de Mme T.. Sur cette proposition, seules 32 recettes ont été retenues et M. L. ne démontre pas qu'il a lui-même écarté les autres.

A la suite d'une réunion ayant eu lieu en novembre 2009 entre Mme T., Mme S., Mme T. et M. L. qui a donné lieu à la transmission de 400 recettes à Mme T., finalement une centaine de recettes seulement ont été sélectionnées, lesquelles ont été transmises par un courriel de Mme L. et non de M. L., à Mme T. le 8 janvier 2010.

Les échanges de mails produits par M. L. sont inopérants à établir qu'il aurait été à l'origine de la sélection opérée, celle-ci ayant lieu dans un cadre pré-défini, résultant d'une réflexion commune, menée sous la direction de Mme T. qui début décembre 2009 a donné des instructions précises à l'équipe, demandant d'être le plus proche possible de l'univers sucré de L., de le réinterpréter 'avec brio', de privilégier les recettes de beignets, éclairs, fines tartes, îles flottantes et autres recettes intégrant des saveurs sucrées au titre des entrées. Elle a précisé quels types de recettes devaient être retenus pour chaque catégorie de plats, tout en admettant qu'il pouvait y avoir quelques plats incontournables ne faisant pas référence à l'univers du sucré. Elle a donné également comme directive d'équilibrer le sommaire par moment de la journée.

Il est utile de rappeler que la proposition thématique initiale de M. L. en rapport avec les saisons, n'a pas été retenue et que c'est Mme T. qui a proposé le choix d'un plan suivant les différents repas de la journée, certains intitulés étant fixés à son intitiative.

Le 26 janvier 2010, après plusieurs demandes de révision adressées à Mme L., dans des messages adressés en copie à M. L. et à Mme S., Mme T. a proposé plusieurs réorganisations dans la répartition des recettes.

La classification finale à laquelle ont oeuvré, M. L. mais aussi, Mme L. et Mme B. a été retenue le 6 mai 2010 par Mme T..

Il ressort de la reprise de ces éléments factuels que l'établissement du plan thématique et de la classification des recettes a été mené sous la direction de Mme T. en concertation avec Mme L. et M. L., sous le contrôle du service de communication de la société L..

Mme T. a également conçu l'index de l'ouvrage selon une thématique validée par le service de communication de la société L..

S'agissant de la sélection des plats à photographier, l'ensemble des recettes a été illustrée par une photographie, de sorte qu'aucun choix n'a dû être opéré.

Du reste, Mmes T. et A. se sont chargées des prises de vue et de leur coordination artistique, domaines qui ne relevaient pas des compétences techniques de M. L..

Il résulte des courriels échangés courant décembre 2009 et janvier 2010 entre les principaux contributeurs, que M. L. a été interrogé sur le programme des prises de vue ou sur la dénomination des plats de certaines photographies déjà réalisées et que ses réponses ne témoignent pas de ce qu'il avait, dans les prises de vue, un rôle autre que celui lié à son savoir faire culinaire.

En ce qui concerne le dressage des plats, celui-ci correspond à un simple savoir faire technique, insusceptible de protection de droits d'auteur.

S'agissant de la rubrique des 'conseils du chef', il sera en premier lieu relevé que l'idée est empruntée au premier ouvrage publié par la société L., 'L. Sucré', préexistant. Il est établi par la société Hachette que Mme T. a dû solliciter M. L. à deux reprises, les 11 janvier et 17 février 2010. M. L. s'est engagé en réponse, le 17 février à ajouter le conseil du chef.

Force est de constater cependant qu'il ne justifie pas de l'établissement de sa propre version écrite des conseils du chef.

En outre, il résulte d'un courriel de Mme T. en date du 15 mars 2010, adressé à M. E., chef adjoint des cuisines L., que ce dernier a lui-même envoyé les recettes.

Il résulte également de la pièce n°33 de la société L. que c'est M. E. qui a été de nouveau sollicité, lors de l'élaboration de l'ouvrage qui a suivi, pour la rédaction des recettes salées. En effet, Mme D., assistante chef des cuisines, a adressé un mail à Mme T., pour lui demander de s'adresser à M. E., adjoint de M. L., précisant que c'était lui qui avait participé au shooting photo et rédigé les recettes du premier livre. Mme B. s'est elle aussi adressée à M. E. pour lui demander quelle durée nécessitait la rédaction des recettes.

Les conseils du chef font partie des recettes et en tout état de cause, M. L. ne justifie pas les avoir rédigées.

Les attestations émanant de Mme D., de Mme G. et de M. M. ne portent pas sur la rubrique des conseils du chef. L'attestation de Mme L., selon laquelle M. L. serait l'auteur de l'ensemble des textes des recettes et du conseil du chef de chaque plat n'est coroborée par l'envoi d'aucun texte émanant de lui. Ces attestations établies plusieurs années après les faits, ne sauraient remettre utilement en cause l'objet même des échanges de courriels entre Mme T., Mme B. et M. E., contemporains de la conception de l'ouvrage litigieux.

Au surplus, la société Hachette établit avoir recruté deux rédactrices, qui ont corrigé et modifié l'ensemble des parties manuscrites.

Il en résulte que l'oeuvre a été créée à l'initiative de la société L. qui a contrôlé toutes les étapes du processus de création, de sa conception à sa réalisation, ainsi que la phase d'exploitation.

La contribution incontestable de M. L. à l'élaboration de l'ouvrage L. Salé, inhérente aux attributions de son contrat de travail, liée à ses compétences culinaires reconnues et à son savoir faire technique, s'est fondue dans l'ensemble de l'activité d'une équipe composée de personnes salariées de la société L. et de personnes indépendantes, Mme T. et Mme A., sous la maîtrise d'oeuvre de Mme T. responsable éditoriale des éditions du Chêne, qui a construit l'ouvrage, en donnant des directives et en animant les équipes réunies à cette fin, selon un cadre prédéfini par la société L., initiatrice et investisseur de celui-ci, qui a conservé tout au long du processus d'élaboration, son pouvoir décisionnaire, notamment exercé par l'intermédiaire de Mme B., directrice de la communication image et marketing, destinataire finale de la demande d'accord préalable sur le bon à tirer de l'ouvrage.

La fusion des diverses contributions, mêmes si elles s'avèrent parfois identifiables, a tendu à composer un ensemble conçu et voulu dès l'origine par la société L. comme le pendant du premier ouvrage élaboré dans les mêmes conditions, sans que M. L. démontre qu'il est le fruit d'un travail créatif concerté conduit en commun par plusieurs auteurs.

C'est donc à juste titre que le livre L. Salé a été qualifié par les premiers juges, d'oeuvre collective, ce qui rend irrecevables les prétentions de M. L. découlant de la revendication de sa titularité de droits d'auteur.

Au surplus, il ne caractérise pas en quoi les apports qu'il revendique revêtent un caractère original reflétant l'empreinte de sa personnalité.

Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions, excepté en celles relatives aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. L. sera condamné aux dépens d'appel.

Il sera également condamné à payer à la société L. et à la société Hachette la somme de 3 000 euros chacune, au titre de leurs frais non compris dans les dépens, exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, excepté en celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ce chef et ajoutant au jugement entrepris,

CONDAMNE M. L. à payer à la société Pâtisserie E. L., SAS et à la société Hachette Livre, SA la somme de 3 000 euros chacune, au titre de leurs frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel,

CONDAMNE M. L. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.