CA Paris, 5e ch. A, 12 décembre 2007, n° 05/15941
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Exo'dis (SARL)
Défendeur :
Société Française De Gastronomie (Sté), Gourmets Des Iles (SARL), Gel Manche (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roche
Conseillers :
M. Byk, Mme Darbois
Avoués :
SCP Baskal - Chalut-Natal, SCP Duboscq - Pellerin
Avocats :
Me Roquefeuil, Me Arvieu
Avançant l'existence d'une créance de près de 50.000 € à l'encontre de la société EXO'DIS, la société Gourmet des Iles a, par acte du 26 novembre 2003, assigné en paiement la société EXO'DIS, qui a, par acte du 27 août 2004 appelé en intervention forcée les sociétés Florifood et Gel Manche, devant le tribunal de commerce de Melun ;
Par décision du 23 mai 2005, cette juridiction a condamné la société EXO'DIS à payer à la société Gourmets des Iles 29.869,18 €, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2003, et capitalisation, outre 2.000 € au titre de l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'exécution provisoire étant, par ailleurs, ordonnée ;
Vu la déclaration d'appel de la société EXO'DIS en date du 18 juillet 2005 et ses dernières écritures du 2 octobre 2007 ;
Vu les dernières écritures des intimées en date du 22 octobre 2007;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 31 octobre 2007 ;
SUR CE,
Sur les demandes de la société Gourmets des îles :
Considérant qu'au soutien de son appel, la société EXO'DIS estime ne pas être débitrice des sommes réclamées, les produits concernés ne lui ayant pas été livrés, la facture de régularisation correspondant à une décision unilatérale de son cocontractant d'augmenter rétroactivement le prix des marchandises et les déductions opérées étant, en réalité, justifiées;
Elle estime en outre que la résolution de l'assemblée générale de la société Gourmets des Iles relative à l'abandon prétendu de la créance, ne lui est pas opposable;
Considérant qu'il convient donc d'examiner chacun de ces points litigieux au vu des moyens et pièces des parties ;
*factures de 2001
Considérant que la société Gourmets des Iles réclame 13.313,81 € au titre d'une facture du 30 juin 2001 et 19.276,16 € pour des commandes de septembre et octobre 2001 ;
Considérant que la société EXO'DIS reconnaît l'existence de la première qu'elle qualifie de régularisation' mais la dit non justifiée, après avoir écrit le 21 août 2003 à sa cocontractante dans les termes suivants: "il a été décidé de cette facture ... afin d'améliorer les résultats de Gourmet. Son annulation, sous forme d'avoir, devait intervenir ultérieurement" ;
Considérant qu'aucune des explications d'EXO'DIS n'étant alimentée par des pièces au dossier, il y a lieu de considérer cette facture due, le jugement querellé devant être confirmé sur ce point ;
Considérant, sur les autres factures, que la société Gourmet des Iles produit celles-ci aux débats;
Considérant que la société EXO'DIS, qui était en relation d'affaires avec Gourmet des îles, ne démontre pas avoir protesté à réception de celles-ci et ne peut en nier la dette au prétexte de la non production des bons de commande y afférent;
Considérant que la demande de la société Gourmet des Iles sera donc reçue de ce chef et le jugement infirmé sur ce point, la société EXO'DIS étant condamnée à lui payer la somme de19.276,16 € , avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2003 et application de l'article1154 du Code civil ;
*déductions "injustifiées"
Considérant que Gourmet des Iles estime que lui sont dues les trois sommes de 151,26 € , 859,56 € et 9.231,10 € , les déductions litigieuses n'ayant pas lieu d'être au vu des décisions de l'A-G de Gourmet des Iles du 9 avril 2002 ;
Considérant qu'EXO'DIS réplique que cette décision ne s'appliquait qu'aux factures impayées ;
Considérant qu'il incombe à cette dernière de justifier du bien fondé de ces déductions;
Considérant qu'en arguant de ce qu'il s'agissait de "réparer" un débit que la société Carrefour aurait dû opérer sur Gourmet des Iles, elle n'apporte pas cette justification dès lors qu'il lui appartenait de réclamer les sommes litigieuses à la société Carrefour;
Considérant en conséquence que la demande de Gourmet des Iles sera reçue et le jugement déféré, confirmé de ce chef;
Sur les demandes de la société EXO'DIS :
Considérant que du fait que les intimées n'ont pas respecté le protocole d'accord de novembre 2006, la SOCIÉTÉ EXO'DIS estime devoir être indemnisée des conséquences de ces manquements, qu'il convient donc d'examiner comme suit chacun des griefs ;
*perte de clientèle
Considérant qu'elle réclame à ce titre 2.500.000 € correspondant à la marge nette espérée du maintien pendant 10 ans des relations avec Auchan ou, subsidiairement, 1.000.000 € , correspondant à 2 ans de chiffre d'affaires ;
Considérant que les intimées prétendent au contraire que les activités relatives aux clients visés ont été cédées à la société Gourmet des Iles, le 15 juin 2001 ;
Considérant qu'il résulte d'un document du 15 juin 2001 signé par EXO'DIS et par Gourmet des Iles que EXO'DIS "ayant le souci de l'équilibre de Gourmet des Iles compte tenu de sa situation actuelle, M . S. (es qualités de gérant d'EXO'DIS) propose la solution suivante qui lui semble la plus juste, d'intégrer directement à Gourmet des Iles, les clients G. Animation exotique à l'exclusion de certains magasins" ;
Considérant que l'alinéa suivant de ce document prévoyait le transfert à la charge de Gourmet des Iles du personnel chargé de ce secteur d'activités ;
Considérant que ce document, qualifié par les parties de "cession d'une partie du portefeuille client d'EXO'DIS", doit, en effet, s'analyser en une cession partielle d'activités, que celle-ci étant acquise, EXO'DIS ne saurait prétendre à une nouvelle indemnisation sur le même fondement ;
Considérant que sa demande sera donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef ;
Sur l'utilisation du logo de EXO'DIS
Considérant que la société EXO'DIS soutient que la somme de 20.000 fr convenue pour l'utilisation de son logo, ne lui a jamais été payée et qu'il lui est donc dû de ce chef 3.049 € par an, à compter de 2001;
Considérant que les intimées répliquent que cette rémunération a été payée sur le compte courant d'associé et qu'au demeurant, la propriété du logo, qui n'était pas originellement celle de l'appelante, a été transférée à Gourmet des Iles, aux termes de la convention précitée ;
Considérant qu'il résulte des pièces aux débats et notamment de l'accord précité du 15 juin 2001 que le logo appartenait, non à la société EXO'DIS, mais en propre à son gérant, M. S., que la société EXO DIS sera également déboutée de ce chef et le jugement confirmé sur ce point ;
*remboursement du compte courant d'associé
Considérant que l'appelante avance que les comptes courants d'associés doivent lui être remboursés dès lors qu'ils ne sont pas assortis d'un terme et qu'ils ne font pas l'objet d'une convention de blocage;
Considérant qu'elle ajoute que la condition d'absence d'équivoque sur l'abandon ou sur la remise du solde n'est pas remplie en l'espèce et qu'il lui est donc dû, de ce chef, 85.117 € avec intérêts au taux légal ;
Considérant que les intimées font valoir que le solde du compte courant a été abandonné et se réfèrent sur ce point au vote de l'assemblée générale du 21 juin 2001 de la société Gourmet des Iles constatant cet abandon de créance pour rappeler que l'appelante a voté cette résolution et a donc implicitement renoncé à sa créance ;
Considérant qu'il résulte de la quatrième résolution de l'A-G précitée que la collectivité des associés de Gourmet des Iles a décidé à l'unanimité de transformer, rétroactivement à compter du 31 décembre 2000, les comptes courants d'associés en avance conditionnées pour leur donner le caractère de fonds propres, avances maintenues jusqu'à un retour à des fonds propres de 750.000 Frs ;
Considérant que les pièces aux débats établissant que ce retour n'ayant pas été réalisé, la société EXO'DIS ne saurait prétendre que ces éléments ne lui seraient pas opposables dès lors que la clause ainsi conclue n'est pas purement potestative, que le procès-verbal, qui la mentionne, est un fait juridique qui s'impose à l'appelante, au demeurant partie à l'assemblée générale et ayant voté ladite résolution, qu'enfin, elle ne saurait soutenir, faute de moyens développés et de pièces pour les justifier, que son acceptation lui aurait été imposée par une situation de dépendance économique à l'égard de Gourmet des Iles ;
Considérant qu'il convient, en conséquence, de rejeter sa demande de ce chef, y compris au titre des intérêts du compte courant, l'abandon des sommes en compte courant emportant nécessairement l'abandon des intérêts qui pourraient éventuellement être réclamés sur le principal;
Considérant que le jugement querellé sera donc confirmé de ce chef ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société EXO'DIS à payer au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 2.000 € à chacune des sociétés intimées ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Gourmet des Iles portant sur des factures à hauteur de 19.276,16 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2003 et anatocisme dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
L'INFIRMANT DE CE SEUL CHEF, STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
Condamne la société EXO'DIS à payer à la société Gourmet des Iles 19.276,16 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2003 et anatocisme dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
La condamne à payer au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 2.000 € à chacune des sociétés intimées ;
La condamne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la S.C.P. DUBOSCQ PELLERIN, titulaire d'un office d'avoué.