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Décisions

Cass. 1re civ., 7 mars 1972, n° 68-13.993

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Aydalot

Rapporteur :

M. Thirion

Avocat général :

M. Blondeau

Avocat :

M. Beurdeley

Nancy, du 5 juill. 1968

5 juillet 1968

SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SA PREMIERE BRANCHE : VU L'ARTICLE 1690 DU CODE CIVIL ;

ATTENDU QUE CE TEXTE N'A PAS D'APPLICATION LORSQU'A LA SUITE D'UNE FUSION DE SOCIETES, LA SOCIETE ABSORBANTE VIENT ACTIVEMENT ET PASSIVEMENT AUX LIEU ET PLACE DE LA SOCIETE ABSORBEE ;

ATTENDU QUE SELON LES ENONCIATIONS DES JUGES DU FOND LA SOCIETE ENTREPRISE HETZEL AYANT SON SIEGE EN FRANCE A FAIT EN ALGERIE, TANT AVANT QU'APRES L'INDEPENDANCE DE CE PAYS, DES TRAVAUX A L'OCCASION DESQUELS ELLE A CONTRACTE UNE DETTE ENVERS LA SOCIETE AFRICAINE DES BITUMES ASPHALTES ET GOUDRONS (SABAG) ;

QUE CETTE SOCIETE A, EN 1964, ETE ABSORBEE PAR LA SOCIETE CHIMIQUE ET ROUTIERE D'ALGERIE PAR VOIE D'APPORT-FUSION ;

QUE LA NOUVELLE SOCIETE AYANT DEMANDE PAIEMENT DE LA CREANCE FAISANT PARTIE DES APPORTS DE LA SABAG, L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE A DECLARE CETTE DEMANDE IRRECEVABLE, AUX MOTIFS QUE L'APPORT A LA SOCIETE ABSORBANTE DES CREANCES DE LA SOCIETE ABSORBEE A L'OCCASION D'UNE FUSION DE SOCIETES CONSTITUE UN TRANSPORT AUQUEL L'ARTICLE 1690 DU CODE CIVIL EST APPLICABLE ;

QU'EN STATUANT AINSI LA COUR D'APPEL A, PAR FAUSSE APPLICATION, VIOLE LE TEXTE SUSVISE ;

QUE, DU CHEF DE LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE, LA CASSATION EST ENCOURUE ;

ET SUR LE SECOND MOYEN PRIS EN SA DEUXIEME BRANCHE : VU L'ARTICLE 545 DU CODE CIVIL, ENSEMBLE LA DECLARATION GOUVERNEMENTALE DU 19 MARS 1962 RELATIVE A LA COOPERATION ECONOMIQUE ET FINANCIERE ENTRE LA FRANCE ET L'ALGERIE ;

ATTENDU QU'AUCUN EFFET DE DROIT NE PEUT ETRE RECONNU EN FRANCE A UNE DEPOSSESSION OPEREE PAR UN ETAT ETRANGER SANS QU'UNE INDEMNITE EQUITABLE SOIT PREALABLEMENT FIXEE ;

ATTENDU QUE POUR DECIDER QUE L'ENTREPRISE HETZEL DONT LES BIENS EN ALGERIE ONT ETE DECLARES BIENS VACANTS ETAIT FONDEE EN SA DEMANDE, LA COUR D'APPEL ENONCE QUE SUIVANT LE PROCESSUS ET LA CONFUSION OPERES PAR L'ADMINISTRATION ALGERIENNE CETTE VACANCE A ABOUTI A UNE NATIONALISATION ET QU'IL EST DE PRINCIPE EN UNE TELLE MATIERE QUE LE TRANSFERT D'UN ENSEMBLE IMPORTANT DE BIENS AUXQUELS SE RATTACHENT DES DETTES EMPORTE EGALEMENT TRANSFERT DE CELLES-CI ;

ATTENDU CEPENDANT QUE LA MESURE DE DEPOSSESSION DONT SE PREVALAIT L'ENTREPRISE HETZEL EST CONTRAIRE A L'ORDRE PUBLIC FRANCAIS DONT LES EXIGENCES CORRESPONDENT EN L'OCCURRENCE AUX DECLARATIONS GOUVERNEMENTALES DU 19 MARS 1962 APPROUVEES EN FRANCE PAR LA LOI REFERENDAIRE DU 8 AVRIL 1962 ET EN ALGERIE PAR LE SCRUTIN D'AUTODETERMINATION DU 8 JUILLET 1962, LESQUELLES PREVOIENT QUE NUL NE PEUT ETRE PRIVE DE SES DROITS DE PROPRIETE SANS UNE INDEMNITE EQUITABLE PREALABLEMENT FIXEE ;

D'OU IL SUIT QU'EN LIBERANT L'ENTREPRISE HETZEL DE SA DETTE ENVERS LA SCRA PAR APPLICATION D'UNE LOI ETRANGERE CONTRAIRE A L'ORDRE PUBLIC FRANCAIS ET EN ECARTANT AINSI LE PRINCIPE POSE PAR L'ARTICLE 2092 DU CODE CIVIL, LA COUR D'APPEL A VIOLE LES TEXTES SUSVISES ;

PAR CES MOTIFS, ET SANS QU'IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LES AUTRES BRANCHES DES DEUX MOYENS : CASSE ET ANNULE L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES LE 5 JUILLET 1968 PAR LA COUR D'APPEL DE NANCY ;

REMET EN CONSEQUENCE LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET, ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL D'AMIENS.