CA Douai, 2e ch. sect. 1, 9 juin 2022, n° 21/04131
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Jules (SAS)
Défendeur :
B3J (SARL), Colhom (SARL), GM (SARL), GM Textiles Bis (SARL), JPoissy (SAS), SG.H (SARL), Commercial Expansion (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Gilles, Mme Mimiague
Avocats :
Me Camus-Demailly, Me Cousin, Me Le Roy, Me Teboul Astruc
Vu l'ordonnance contradictoire rendue le 8 juillet 2021 par le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole qui a :
Au principal, renvoyé les parties (à) se pourvoir,
Au provisoire,
- débouté la société Jules de sa demande d'écarter la pièce n°16 communiquée par les sociétés demanderesses,
- ordonné à la société Jules de restituer aux sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et S.GH l'intégralité des fichiers clients leur appartenant, dans un format exploitable, et ce, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance,
- interdit à la société Jules d'utiliser les fichiers clients appartenant aux sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et S.GH et toutes données les constituant, à compter du 31 juillet 2021, date de fin des contrats de franchise, et ce, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée,
- condamné la société Jules à payer aux sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et S.GH chacune une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,
- condamné la société Jules aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 40,67 euros (en ce qui conceme les frais de greffe),
Vu l'appel interjeté le 26 juillet 2021 par la SAS Jules,
Vu les dernières conclusions n° 2 remises au greffe et notifiées par voie électronique le 1er octobre 2021 par la SAS Jules qui demande à la cour de :
- réformer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole le 8 juillet 2021,
Statuant de nouveau,
- rejeter l'intégralité des moyens, fins et prétentions des sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H,
En conséquence,
- écarter des débats la pièce n°16 communiquée devant le premier juge par les sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H,
- dire et juger n'y avoir lieu à référé,
- rejeter la demande des sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H de leur 'restituer l'intégralité des fichiers clients leur appartenant' sous astreinte,
- rejeter la demande des sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H d'interdiction d'utilisation par la société Jules des dits fichiers et des données les constituant à compter du 31 juillet 2021 sous astreinte,
- condamner in solidum la société B3J, la société Colhom, la société Comex, la société GM Textiles, la société GM Textiles BIS, la société JPoissy et la société SG.H, outre aux entiers dépens, à verser à la société Jules la somme totale de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement,
- ramener à de plus justes proportions la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 3 septembre 2021 par la SARL B3J, la société Colhom, la société Commercial Expansion (Comex), la société GM Textiles, la SARL GM Textiles BIS, la SAS JPoissy et la société SG.H qui demandent à la cour de :
- les recevoir en leurs demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
- confirmer l'ordonnance rendue le 8 juillet 2021 par le juge des référés du tribunal de commerce de Lille en toutes ses dispositions,
- débouter la société Jules de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Jules à payer aux sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H chacune une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Lexavoué Amiens Douai, représentée par Maître Loïc Le Roy, avocat aux offres de droit,
Vu l'ordonnance de désistement partiel de la société Jules à l'égard de la SARL Commercial Expansion (Comex) en date du 25 novembre 2021,
Vu l'ordonnance de clôture du 2 février 2022 ;
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société Jules est une enseigne de prêt-à-porter masculin, exploitant plus de 400 magasins sur le territoire français, dont plus de 300 en propre et que les sociétés B3J, Colhom, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H sont des franchisées de la société Jules.
A la suite d'un plan de sauvegarde de l'emploi de 2018, la société Jules a, en avril 2019, annoncé à ses franchisées la fin du modèle traditionnel de distribution et sa volonté d'adopter un système de commission affiliation, décidant de fusionner les sociétés Jules et Brice et de proposer au sein des magasins Brice des produits Jules alors que chaque contrat de franchise attribue des zones d'exclusivité.
Les sociétés franchisées n'ayant pas répondu à cette proposition se sont vu notifier, par courriers séparés du 20 décembre 2019, la rupture des relations contractuelles à l'issue d'un préavis de 18 mois expirant le 31 juillet 2021 sauf pour la société Colhom pour laquelle la date de résiliation a été fixée au 31 juillet 2022.
Par ordonnance du 8 septembre 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille a enjoint à la société Jules de respecter les clauses d'exclusivité des franchisées jusqu'au terme du préavis consenti.
Par acte d'huissier du 29 mars 2021, plusieurs franchisées ont fait citer la société Jules devant le tribunal de commerce de Paris afin de voir sanctionner des pratiques restrictives de concurrence et anti concurrentielles outre des violations contractuelles qui auraient été commises par celle-ci. Cette procédure est actuellement pendante.
En mars 2021, les sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H ont sollicité de la société Jules une copie des fichiers clients arguant du fait que cet élément était essentiel et indispensable à la poursuite de leur activité.
Par courrier en date du 14 avril 2021, réitéré le 30 avril suivant, ces sociétés ont, par l'intermédiaire de leur conseil, mis en demeure la société Jules de leur restituer les fichiers clients.
Par courrier officiel du 20 avril 2021, le conseil de la société Jules a indiqué au conseil des franchisés que la société Jules ne s'opposait pas en soi à la restitution des fichiers mais qu'un délai supplémentaire de traitement lui était nécessaire et par ailleurs lui a fait défense d'utiliser un courriel interne à la société Jules qui aurait été adressé par inadvertance aux franchisés. Par courrier du 14 mai 2021, le même conseil de la société Jules a indiqué que les franchisées recevraient « dans les tous prochains jours » les fichiers clients.
Par acte d'huissier en date du 28 mai 2021, les sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H ont saisi le tribunal de commerce de Lille Métropole afin d'obtenir la restitution des fichiers clients.
Par courriels du 17 juin 2021, soit le jour de l'audience, la société Jules a indiqué aux sociétés demanderesses leur avoir transmis, par courrier recommandé avec accusé de réception, une clé USB contenant les fichiers clients sollicités.
L'affaire a été renvoyée au 24 juin suivant et l'ordonnance dont appel a été rendue le 8 juillet 2021.
Pour conclure à l'infirmation de cette ordonnance, la société Jules fait valoir en substance que les sociétés intimées ne démontrent pas comment elles ont eu accès à un courriel confidentiel du 16 mars 2021 qu'elles ont reproduit dans leur assignation et versé aux débats devant le juge des référés sous le n°16, de sorte que cette pièce doit être écartée des débats, que les fichiers clients ayant été remis aux sociétés franchisées avant l'audience devant le juge des référés, il n'y a pas lieu à « restitution » sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile, enfin que la demande d'interdiction d'utilisation des fichiers clients à compter du 31 juillet 2021 ne respecte aucune des conditions du même article.
Les sociétés intimées concluent quant à elle à la confirmation de l'ordonnance dans son intégralité. Elles font valoir, également en substance, qu'elles ont été destinataires par erreur du courriel litigieux, ce qui ne peut caractériser une quelconque déloyauté de leur part, et que le caractère prétendument confidentiel du contenu de ce courriel n'est aucunement démontré, que le trouble manifestement illicite est caractérisé en l'espèce par la violation par la société Jules de ses engagements contractuels de transmission semestrielle des fichiers clients mis à jour et de leur droit de propriété sur les dits fichiers, les fichiers dont la transmission a été annoncée le 17 juin 2021 puis à nouveau effectuée le 29 juillet 2021 n'étant pas complets ou ne comportant aucune date de création ni de mise à jour, de sorte que la demande de restitution est toujours d'actualité, ainsi que par la volonté affichée de la société Jules d'exploiter les fichiers clients postérieurement aux relations contractuelles. Elles ajoutent que le dommage imminent est caractérisé au regard du risque lié à la perte pour elles de la propriété de leurs données et de leur détournement par la société Jules sur ses propres magasins et sur son site internet tout comme le fait illicite résultant du fait que la société Jules ne dispose d'aucun droit d'usage sur les fichiers, enfin que le juge des référés est bien compétent pour interdire à la société appelante d'exploiter leurs fichiers clients à compter du 31 juillet 2021, cette mesure étant la seule de nature à faire cesser le trouble à des fins conservatoires de protection de leurs droits.
Sur le rejet des débats du courriel du 16 mars 2021
La société Jules sollicite le rejet des débats d'un courriel du 16 mars 2021 communiqué par les sociétés intimées en faisant valoir que si celui-ci n'est pas couvert par le secret professionnel au sens strict, il est à l'évidence confidentiel compte tenu de la fonction de son auteur, de ses destinataires et de son objet.
Ce courriel, communiqué en pièce 16 par les sociétés intimées devant le juge des référés mais également devant la cour sous la même numérotation, a été envoyé 16 mars 2021 par [G] [X], juriste développement de la société Jules, à six salariés de la société Jules dont une autre juriste, un responsable du développement en France et en Belgique et un « CRM Manager ». Il commence par « Bonjour à tous, Pour les liquidations » et se termine par « Dés que j'ai la réponse de [P] je vous reviens. Bonne journée. » et révèle la volonté de la société Jules de connaître rapidement les obligations/possibilités d'échapper à la transmission des extractions fichiers clients aux franchisés, ce qui correspond exactement aux termes du litige dont la cour est saisie.
La société Jules reconnaît que ce courriel n'est pas couvert par le secret professionnel ; ses conditions de transmission sont parfaitement claires puisqu'il émane, même s'il s'agit d'une erreur, de la société Jules elle-même, ce qui exclut toute ambiguïté sur sa provenance et partant toute déloyauté de la part des sociétés intimées ; il n'est en outre pas plus démontré par la société appelante, à laquelle revient la charge de la preuve dès lors qu'elle demande le rejet de cette pièce, que ce courriel serait « par nature confidentiel » aucune mention en ce sens ne figurant sur l'écrit émanant d'une juriste de la société Jules, et alors qu'il a au surplus été soumis à la contradiction des parties et que la société Jules a eu tout le loisir d'en contredire les termes et d'exposer sa position sur la transmission des fichiers client dans le cadre de la présente procédure. Enfin, une interprétation de cet écrit par l'une ou l'autre des parties au litige, à supposer qu'elle soit erronée, n'en justifie pas le rejet.
Dans ces conditions, l'ordonnance dont appel sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société Jules de sa demande de rejet de la pièce n°16 communiquée par les sociétés demanderesses à la procédure.
Sur la remise des fichiers clients aux sociétés franchisées
La demande des sociétés B3J, Colhom, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H est fondée sur les articles 872 et 873 du code de procédure civile.
Pour autant, le critère de l'urgence imposé par l'article 872 n'étant soutenu par aucun moyen, la demande ne peut prospérer sur ce fondement.
Aux termes de l'article 873, le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, la société Jules indique avoir adressé les fichiers clients à chacun des six franchisés intimés, avant même les plaidoiries devant le juge des référés du 17 juin 2021 (en réalité le jour de l'audience qui a de ce fait été reportée). Elle produit en effet des courriers de transmission aux sociétés JPoissy, GM Textiles, Colhom, Comex, SGH, B3J et GM Textiles Bis, tous datés du 17 juin 2020 mais avec une correction manuscrite de l'année pour la porter à 2021, d'une clé USB avec le fichier clients. Il est précisé que cette clé USB est cryptée et nécessite un mot de passe, que le fichier sous format Excel dans cette clé USB est lui aussi protégé par un second mot de passe et que les mots de passe seront communiqués par e-mail aux adresses habituelles ainsi qu'une notice d'accompagnement. Enfin ces courriers rappellent à leurs destinataires certaines des obligations mises à la charge des responsables de traitement dans le cadre du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).
Les franchisés ayant contesté devant le juge des référés la qualité ou la complétude des fichiers qui leur ont été adressés, la société Jules a, le 15 juillet 2021, indiqué à chacun d'eux qu'un second fichier avec les dates d'extraction, segmentations Gold et dates de création /d'adhésion pouvait leur être envoyé sur demande écrite et officielle par retour de mail avant le lundi 19 juillet 2021 à 12 h, et qu'à défaut il sera considéré que le premier transfert est validé.
Par courriel officiel du 16 juillet 2021, le conseil des franchisés indiquait au conseil de la société Jules « qu'à ce jour, (mes) clients n'ont toujours pas reçu leurs fichiers client dans leur intégralité et dans un format exploitable ».
Une nouvelle extraction a donc été réalisée en présence d'un huissier de justice chez le prestataire informatique de la société Jules et les fichiers ont ensuite été remis aux franchisés parties au présent litige selon procès-verbaux « de signification de clé USB contenant un fichier » des 28, 29 et 30 juillet 2021.
Il résulte de ces éléments que la société Jules a transmis aux franchisés les fichiers clients, qui ne le contestent pas et qui n'ont pas formulé de nouvelles réclamations auprès de l'appelante depuis la nouvelle extraction des données.
Pour autant, se fondant sur des constats d'huissier du 30 juin 2021 (pièces 38 à 42), les franchisés soutiennent devant la cour que les fichiers qui leur ont été adressés ne sont pas complets et que le nombre de clients qui y référencés ne correspond toujours pas au nombre de clients facturés au titre de la gestion de la base de données.
Il n'appartient pas à la cour investie des mêmes pouvoirs que le juge des référés, juge de l'évidence, d'apprécier le contenu des fichiers transmis alors que les intimées n'ont eux-mêmes procédé à aucune analyse en ce sens, se contentant de procéder par simples affirmations en indiquant que la demande de restitution est 'toujours d'actualité' sans caractériser les éléments qui seraient manquants.
Pour autant il suffit de constater que :
- l'acte d'huissier établi à la requête de la société JPoissy (pièce 38) ne fait que constater la présence d'une ligne reférencée 09748 libellée 'Gestion mensuelle BDD' qui correspond à la facturation mensuelle de la base client, soit 13 052 et que figurent sur le fichier 12 326 clients,
- le constat d'huissier établi à la requête de la société Comex (pièce 39) n'a plus aucune portée compte tenu du désistement de la société Jules intervenu à l'égard de cette société,
- l'acte d'huissier établi à la requête de la société GM Textiles (pièce 40) ne fait que constater l'ouverture de l'enveloppe contenant une clé USB annexée à l'acte de signification du 30 juillet 2021 ainsi que l'ouverture des fichiers,
- l'acte d'huissier établi à la requête de la société GM Textiles Bis (pièce 41) constate les mêmes faits d'ouverture de l'enveloppe contenant une clé USB annexée à l'acte de signification du 30 juillet 2021 ainsi que des fichiers
- l'acte d'huissier établi à la requête de la société Cohlom (pièce 42) constate les mêmes faits.
Par ailleurs, la société Jules n'est pas contredite lorsqu'elle explique que l'existence d'écarts très faibles entre la facturation des franchisés par elle pour la maintenance des fichiers et le nombre de lignes figurant dans ceux qui ont été transmis s'explique notamment par le laps de temps écoulé entre la date des factures et la date de l'extraction qui a pu voir survenir des modifications, ou par des demandes de suppression de données par les clients, l'application des règles de rattachement des clients à tel ou tel magasin ou encore par de nouvelles inscriptions au programme de fidélité.
En conséquence et dès lors que le trouble s'apprécie au jour où le premier juge a rendu sa décision, l'ordonnance doit être confirmée sauf à constater néanmoins qu'à ce jour la société Jules a restitué aux sociétés intimées l'intégralité des fichiers clients en cause.
Sur l'utilisation des fichiers clients
Pour conclure à l'infirmation de l'ordonnance qui lui a fait interdiction d'utiliser les fichiers clients appartenant aux sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H et toutes données les constituant, à compter du 31 juillet 2021, date de fin des contrats de franchise, et ce, sous astreinte de 5000 euros par infraction constatée, la société Jules fait valoir qu'il n'existe pas de trouble illicite dès lors qu'elle peut, et doit même, exploiter le fichier et les données jusqu'à la date de fin des contrats de franchise, que la matérialité d'un dommage imminent n'est pas établie, que le fichier client est une base de données dont elle est le producteur et le responsable de traitement, ce qui fonde et légitime son droit d'exploitation des données et s'oppose à ce que toute mesure d'interdiction soit prononcée à son encontre, laquelle aurait un caractère définitif.
Il résulte de l'article 7.1.3 des contrats de franchise, que :
- 'le franchisé reconnaît qu'il est nécessaire de gérer activement son fichier client pour en accroître l'efficacité,
- le franchiseur assure la gestion active du fichier-client. Pour ce faire, il dispose du droit d'usage et de jouissance de ce fichier, ce que lui concède le franchisé, qui en conserve la pleine propriété,
- le franchisé accepte de constituer un fichier-client, à première demande du franchiseur, et s'engage à l'alimenter de toutes les informations nécessaires à cette constitution et à réintroduire pendant la durée du contrat les adresses et informations dans son fichier-client de façon à ce que celui-ci soit toujours plus réactif et efficace,
- le franchisé étant propriétaire de son fichier-client, il en assure les frais de constitution.'.
Le contrat précise par ailleurs les conditions auxquelles le franchiseur pourra exercer un droit de préemption sur la cession du fichier client.
Il n'appartient pas à la cour statuant en référé d'interpréter ces clauses, au demeurant claires et précises, en conférant à ce fichier client le caractère de base de données, qui n'existait pas lors de la conclusion des contrats, et dont la société Jules serait producteur et responsable de traitement, étant ajouté en tant que de besoin que l'article 7.1.3 du contrat de franchise précité ajoute au titre de la maintenance que « le franchisé confie la maintenance du fichier-client au franchiseur (...) à partir de la deuxième année, le franchiseur facturera au franchisé le coût des opérations de maintenance à leur coût de revient » ;
Les développements de la société Jules consacrés aux investissements qu'elle a réalisés sont donc inopérants dans le cadre du présent litige et aucune clause contractuelle ne lui permet d'accéder aux fichiers-clients de ses franchisés à la fin du contrat de franchise.
Il en est de même de la clause de non concurrence qu'elle invoque et qui est indifférente à la solution du présent litige. Enfin les droits garantis par la RGPD ne peuvent pas plus justifier pour la société Jules un droit d'exploitation sur des fichiers clients dont elle n'est pas propriétaire aux termes des contrats conclus entre les parties, étant relevé qu'il est justifié, certes uniquement en ce qui concerne la société GM textiles Bis, d'un engagement de conformité pris auprès de la CNIL par la société franchisée elle-même, et non pas par la société Jules.
Dans son courrier du 14 mai 2021 adressé au conseil des sociétés franchisées, le conseil de la société Jules indiquait qu'en sa qualité de responsable du traitement, cette dernière poursuivra l'exploitation des données qui constituent le fichier client nonobstant la fin de ses relations contractuelles avec les franchisés.
Il existe donc bien un dommage imminent qu'il convient de prévenir. L'ordonnance dont appel sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a fait interdiction à la société Jules d'utiliser les fichiers clients appartenant aux sociétés B3J, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H et toutes données les constituant, à compter du 31 juillet 2021, date de fin des contrats de franchise, y compris en ses dispositions relatives à l'astreinte, le prononcé d'une telle mesure n'excédant pas, contrairement à ce que soutient la société Jules, les pouvoirs du juge des référés dont la décision est par nature provisoire et n'apparaissant pas plus disproportionné aux risques qu'elle dit pouvoir encourir en raison des recours qui seraient engagés contre elle par des clients ou des franchisés, qui restent aléatoires.
En revanche, elle doit être infirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande de la société Colhom dont le contrat de franchise est amené à être résilié le 31 juillet 2022 conformément au courrier qui lui a été adressé le 20 décembre 2019, étant précisé que le même courrier adressé le même jour à la société B3J fait bien état quant à lui d'une date de résiliation du contrat au 31 juillet 2021, soit à une date qui est à ce jour expirée.
Sur les autres demandes
La société Jules qui succombe en majeure partie sera condamnée aux entiers dépens qui seront recouvrés directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance sera donc également confirmée sur ce point ainsi que sur la condamnation de la société Jules aux frais irrépétibles qui, prononcée au visa de l'article 700 du code de procédure civile, tient compte des conditions d'application de cet article.
En outre les sociétés intimées ont dû engager en cause d'appel des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. En conséquence il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande de la société Jules tendant à voir écarter des débats la pièce n°16 communiquée par les sociétés B3J, Colhom, Comex, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H ;
Confirme l'ordonnance dont appel sauf à constater qu'à ce jour la société Jules a remis l'intégralité des fichiers clients aux sociétés B3J, Colhom, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H et sauf en ce qu'elle a interdit à la société Jules d'utiliser le fichier clients appartenant à la société Colhom et toutes données le constituant, à compter du 31 juillet 2021, sous astreinte de 5 000,00 euros par infraction constatée ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société Colhom de ce chef de demande ;
Y ajoutant,
Condamne la société Jules à payer aux sociétés B3J, Colhom, GMTextiles, GM Textiles Bis, JPoissy et SG.H, ensemble, la somme totale de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Jules aux entiers dépens qui seront recouvrés directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.