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Décisions

Cass. soc., 6 octobre 2010, n° 08-42.728

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Rapporteur :

Mme Goasguen

Avocat général :

Mme Taffaleau

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Rennes, du 4 avr. 2008

4 avril 2008

Attendu, selon les jugements attaqués, que M. X... et huit autres salariés ont été engagés par la société STG en qualité de conducteurs routiers ; que leurs contrats de travail ont été transférés par application de l'article L. 1224-1 du code du travail successivement à la société THB le 1er août 1997 puis à la société Guisnel THB à compter du 1er mai 2004 ; qu'ils ont signé le 18 octobre 2004 un avenant à leur contrat de travail prévoyant une rémunération mensuelle brute pour, selon le cas, 177,66 heures, 185 heures ou 190 heures ainsi qu'une clause mensuelle de sauvegarde leur garantissant une rémunération minimale ; que contestant le mode de décompte de la durée du travail appliqué dans l'entreprise ainsi que l'existence d'une convention de forfait, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, d'indemnité de repos compensateurs et de congés payés afférents ainsi que de dommages-intérêts pour résistance abusive de l'employeur ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 3121-52 du code du travail et l'article 4 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les transports routiers de marchandises, ensemble les articles L. 236-1 et L. 236-3 du code de commerce ;

Attendu, selon l'article 4, paragraphe 3, alors en vigueur, du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les transports routiers de marchandises, que dans le cas où, pour des raisons techniques d'exploitation, il serait impossible d'organiser le travail sur une semaine pour les personnels roulants marchandises, la durée hebdomadaire du travail peut être calculée sur une durée supérieure à la semaine pouvant être égale à un mois au plus, après avis du comité d'entreprise, ou à défaut, des délégués du personnel s'ils existent, et autorisation de l'inspecteur du travail des transports territorialement compétent ;

Attendu que, pour condamner l'employeur à verser aux salariés une certaine somme à titre d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, les jugements énoncent qu'à compter du 1er mai 2004, date de la fusion des sociétés Guisnel industrie et THB, aucune autorisation particulière n'est fournie pour calculer la durée du travail au mois ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que l'inspecteur du travail avait, par décision du 8 juillet 2002, accordé à la société THB l'autorisation de calculer la durée du travail sur une période égale au mois, alors que la fusion-absorption des sociétés Guisnel-Industrie et THB intervenue le 1er mai 2004 n'était pas de nature, à elle seule, à remettre en cause l'autorisation ainsi délivrée, laquelle continue de bénéficier à la nouvelle personne morale employeur jusqu'à son éventuel retrait par l'autorité administrative compétente, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour condamner l'employeur à un rappel de salaire à titre d' heures supplémentaires pour la période postérieure au 19 octobre 2004, les jugements retiennent que la clause figurant dans les avenants signés à cette période n'était pas une convention de forfait mais bien une clause de sauvegarde qui garantissait aux salariés une rémunération minimale mensuelle ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause contractuelle, qui est ainsi rédigée : "L'horaire mensuel de travail de M....est fixé à 177,66 heures. M...accepte d'effectuer des heures supplémentaires au-delà de cet horaire, dans la limite des dispositions légales impératives. Pour cet horaire mensuel de travail, M...percevra une rémunération mensuelle brute de 1.491,01 euros, prime d'ancienneté conventionnelle et autres primes d'usage liées aux activité de M.., non comprises". "M....bénéficiera d'une clause mensuelle de sauvegarde dont le montant est fixé à 1692,42 euros brut ... . Les heures réalisées en sus de l'horaire mensuel de travail seront rémunérées avec majorations selon la législation en vigueur", fait état d'une rémunération mensuelle pour un horaire mensuel précis, distincte de la rémunération minimale garantie par la clause de sauvegarde, le conseil de prud'hommes en a dénaturé les termes clairs et précis ;

Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche :

Vu l' article L. 3121-52 du code du travail et l'article 4 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les transports routiers de marchandises ;

Attendu que pour condamner l'employeur à une somme à titre de repos compensateur, tant sur la période antérieure au 1er mai 2004 que sur la période postérieure à cette date, le conseil de prud'hommes énonce que la dérogation au décompte de la durée du travail sur la semaine prévue par le décret du 26 janvier 1983 modifié n'est valable que pour les heures supplémentaires et non les repos compensateurs (arrêt du Conseil d'Etat du 30 novembre 2001) ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la dérogation prévue à l'article 4 du décret du 26 janvier 1983 dans sa rédaction alors applicable autorisant un décompte de la durée du travail sur une période au plus égale au mois ne comporte aucune restriction quant à la contrepartie en repos compensateur auxquelles donnent lieu les heures supplémentaires ainsi décomptées, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation intervenue entraîne par voie de conséquence la cassation des jugements dans leurs dispositions relatives à la condamnation de l'employeur à des dommages-intérêts pour résistance abusive ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les jugements rendus le 4 avril 2008, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits jugements et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Vannes.