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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 2, 30 novembre 2012, n° 11/05422

DOUAI

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

SARL COM@CONCEPT

Défendeur :

SARL COMCONCEPT

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Martine ZENATI

Conseillers :

Dominique DUPERRIER, Bruno POUPET

Avoués :

Maître Aliette CASTILLE, Maître Martin GRASSET

Avocat :

Maître Déborah BENECH

Lille, du 07 juill. 2011

7 juillet 2011

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société COMCONCEPT, spécialisée dans les services de communication et de publicité commercialise des stickers, autocollants décoratifs principalement noirs, qu'elle a créés .

Après avoir réservé le nom de domaine com-concept.fr, elle a débuté son activité le 13 juillet 2007.

Sur son site internet www.stickersconcept.fr enregistré le 27 novembre 2007, qui redirige sur son autre site www.com-concept.fr/shop, elle propose des stickers et a prévu un onglet 'conseil de pose' afin d'expliquer à ses clients la manière de poser les stickers.

La société COM@CONCEPT sarl, créée le 2 mars 2006, exploite depuis le 3 avril 2006 un fonds de commerce destiné à 'toutes activités des agences de publicité'. Elle a réservé le nom de domaine comconcept.fr le 14 août 2006 et a créé un site internet relatif à l'activité de publicité et d'événementiel de la société COM@CONCEPT ;

Courant 2009, la sarl COM@CONCEPT s'est lancée dans la création d'un site internet www.comconceptlestudio.com dans le but de mettre en place une activité de vente en ligne de stickers.

Soutenant que ce site reproduirait la page 'conseil de pose' qu'elle a mise au point sur son propre site, la société COMCONCEPT agit contre la sarl COM@CONSEIL en contrefaçon de droits d'auteur.

Le tribunal de grande instance de Lille dans le jugement critiqué rendu le 7 juillet 2011 a :

- débouté la sarl COM@CONCEPT de sa demande tendant à écarter des débats le constat d'huissier dressé le 24 février 2010 par Maître Dussart,

- dit que la société COMCONEPT est recevable à agir en contrefaçon,

- dit cependant que les stickers, les photographies de conseils de pose et les textes explicatifs qu'elle diffuse ne sont pas des oeuvres de l'esprit originales protégeables au titre des droits d'auteur

- dit que la société COM@CONCEPT s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société COMCONCEPT,

- condamné la sarl COM@CONCEPT au paiement de la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef,

- ordonné la publication du jugement aux frais de COM@CONCEPT

sur la page d'accueil de cette société et de la société COMCONCEPT pendant trois mois à compter de la signification du jugement, de manière lisible et dans un encadré représentant un tiers de la page internet,

- débouté la société COMCONCEPT du surplus de ses demandes de publication,

- débouté la sarl COM@CONCEPT de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouté la sarl COM@CONCEPT de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la sarl COM@CONCEPT à payer à la société COMCONCEPT sur ce fondement la somme de 1.500 €,

- condamné la sarl COM@CONCEPT aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

La société COM@CONCEPT a interjeté appel du jugement sauf en ce qu'il a débouté la société COMCONCEPT de ses demandes fondées sur les droits d'auteur.

Reprenant les demandes formées en première instance, elle demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les pages 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 12 et 17 de l'assignation du 18 mars 2010, les pages 3, 4, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 16 et 22 des conclusions signifiées le 6 septembre 2010 et les pièces 5 et 6 comme dénuées de toute valeur probante,

- déclarer irrecevable la société COMCONCEPT en ses demandes comme ne rapportant pas la preuve de sa qualité d'auteur des oeuvre litigieuses,

- constater qu'elle a supprimé tout élément litigieux sur le site internet litigieux et n'a en tout état de cause réalisé aucune transaction ou vente en ligne,

- constater l'absence de fautes constitutives d'actes de concurrence déloyale ou parasitaire en l'absence de confusion ou de risque de confusion résultant du caractère propre des sites internet respectifs des parties,

- constater l'absence de préjudice et en tout état de cause de lien de causalité direct et certain entre les prétendus actes déloyaux et le préjudice allégué,

- reconventionnellement, condamner la société COMCONCEPT à lui verser la somme forfaitaire de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice sur le fondement de l'article 1382, outre la somme de 10.000 € sur celui de l'article 700 du code de procédure civile.

La société COMCONCEPT conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a considéré ses oeuvres comme dénuées d'originalité.

Formant appel incident de ce chef, elle demande à la cour de :

- condamner la sarl COM@CONCEPT à lui payer la somme de 50.000 € en réparation du préjudice subi au titre des faits de contrefaçon de droits d'auteur,

- en tout état de cause, la condamner au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2012.

MOTIFS DE LA DECISION

1 - sur la demande de rejet du procès verbal de Maître Frédéric Dussart et de pages de l'assignation et des conclusions produits par la sarl COMCONCEPT :

Attendu que la sarl COM@CONCEPT fait grief à la sarl COMCONCEPT de fonder sa demande sur un constat d'huissier diligenté à sa requête par Maître Eric Albou, huissier de justice, le 19 mars 2010 alors qu'il aurait reçu et annexé des pièces éditées hors sa présence par son mandant ; que la lecture de l'annexe 2 de son procès verbal conforterait cette analyse car il en découlerait qu'elle est tirée à partir du disque dur externe de la société COMCONCEPT, ce qui lui ôterait toute valeur probante ;

Attendu qu'il ressort de la lecture du procès-verbal dressé par Maître Frédéric Dussart le 24 février 2010 à la requête de la sarl COMCONCEPT , que l'huissier a par lui-même procédé à des constatations à partir de son poste informatique après avoir respecté des pré-requis techniques relatifs notamment à l'adresse IP de son poste informatique, à la suppression des fichiers temporaires, de l'historique, des cookies, des mots de passe enregistrés et des données de formulaire du Web dans la rubrique 'historique de navigation', des fichiers et paramètres stockés par les modules complémentaires, et à la vérification de l'absence de serveur 'proxy' ; qu'il s'est dans un premier temps rendu sur le site www.comconceptlestudio.com pour y effectuer des constatations, puis sur le site de son requérant et a illustré son procès verbal de captures d'écran ;

Attendu dans ces conditions que la sarl COM@CONCEPT ne peut soutenir que l'annexion au procès verbal des copies des captures d'écran effectuées par la société COMCONCEPT ôterait toute valeur probante au procès verbal de constat alors qu'il ressort de sa lecture que l'huissier a lui-même procédé à des captures d'écran des deux sites visités insérées au fur et à mesure de ses investigations au sein de l'acte qu'il a dressé, sans qu'il puisse lui être fait grief d'avoir aspirer ces sites sur disque dur; que le jugement mérite confirmation en ce qu'il a reconnu force probante au procès verbal de Maître Frédéric Dussart ;

Attendu que les pages de l'assignation et des écritures de la société COMCONCEPT sur lesquelles figurent les captures d'écran destinées à démontrer la contrefaçon alléguée n'utilisent pas de copies ou d'aspiration du site de la sarl COM@CONCEPT sur un disque dur, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les écarter des débats ;

2 - sur la contrefaçon :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui sous le nom de qui l'oeuvreest divulguée ; que la société COMCONCEPT, qui produit une capture d'écran des propriétés des fichiers 'conseils de pose' datée de janvier 2008, rapporte un fait matériel permettant de retenir cette présomption comme exempte de toute ambiguïté sur la divulgation de son oeuvre à compter de cette date ;

Attendu que les affirmations de la sarl COM@CONCEPT selon lesquelles les stickers et textes explicatifs dont se prévaut son adversaire seraient en réalité issus de ses propres 'copier-coller' sur des sites appartenant à des tiers ne sont pas de nature à combattre la présomption ci-dessus retenue dès lors que les documents produits ne portent pas une date antérieure ;

Attendu que pour reconnaître la protection du droit d'auteur prévue à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, il convient de rechercher si l'oeuvre en cause répond à l'exigence d'originalité ;

Attendu que les stickers réalisés par la société COMCONCEPT ont été conçus à partir de photographies utilisées pour créer des dessins confiés à des graphistes ; que la technique s'inspire des ombres chinoises pour donner un effet de silhouettes d'objets courants (fermeture éclair, porte-manteau, micro, chandelier, lampe) ou de monument (statue de la liberté) ; que ces silhouettes n'offrent aucune différence d'aspect avec le modèle dont ils sont issus, de sorte qu'il n'en ressort aucune empreinte de la personnalité de leur auteur lui conférant le caractère d'originalité requis pour les rendre éligibles à la protection invoquée ;

Attendu par contre que le sticker représentant cinq flèches alignées verticalement dans des sens alternatifs est une combinaison originale révélant une recherche stylistique de son auteur, protégeable au sens de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle sus visé ;

Attendu que sa reproduction à l'identique par la sarl COM@CONCEPT est constitutive d'actes de contrefaçon portant atteinte au respect de ses droits qui sera justement indemnisée par l'allocation de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Attendu que la page intitulée 'conseils de pose du site internet de la société COMCONCEPT comporte des photographies prises par le graphiste de la société ; qu'elles représentent les étapes requises pour coller les stickers, les outils indispensables et des indications textuelles à cette même fin ; qu'il n'en ressort pas de cadrage particulier, les photographies étant prises de face, sans effets de lumière particulier, ni mise en valeur des contrastes et des reliefs, la présence des mains ayant une finalité purement pratique destinée à la reproduction des bons gestes ; que le texte qui les accompagne ne fait que les expliciter, l'effet recherché par l'ensemble étant au contraire de fournir les indications les plus élémentaires possibles pour un usage aisé ;

Attendu que c'est dans ces conditions à juste titre que les premiers juges ont retenu que les photographies et les textes explicatifs ne pouvaient bénéficier de la protection au titre des droits d'auteur ;

3 - Sur la concurrence déloyale :

Attendu qu'il ressort des débats que la sarl COM@CONCEPT n'a enregistré son site internet (2009) deux années après que la société COMCONCEPT ait démarré son activité (2007) ;

Attendu que la comparaison des captures d'écran des deux sites concurrents démontre qu'à l'évidence la sarl COM@CONCEPT a reproduit à l'identique les stickers, les photographies représentant les mains du graphiste et les conseils de pose de la société COMCONCEPT, recopiant même les fautes d'orthographe entachant ces derniers ; qu'elle s'est ainsi accaparé sans investir de frais le travail et les efforts publicitaires de l'intimée, ce qui constitue des manoeuvres contraires à l'exercice loyal de la libre concurrence ; que le caractère protégeable ou non de ce travail est indifférent à l'appréciation de cette faute ;

Attendu qu'en détournant l'investissement humain et financier de la société COMCONCEPT au profit de sa propre activité concurrente dotée au surplus d'un nom de domaine et d'un nom commercial proches, la sarl COM@CONCEPT a commis une faute en lien de causalité direct avec le préjudice économique consécutif à la baisse des bénéfices de la société COMCONCEPT qui a justement été réparé par l'allocation par les premiers juges de la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la sarl COM@CONCEPT qui succombe pour partie dans les demandes formées à son encontre par la société COMCONCEPT sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; que l'équité commande de faire bénéficier cette dernière des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement le jugement entrepris,

Dit que le sticker 'Flèches' est une oeuvre de la société COMCONCEPT protégeable au titre des droits d'auteur,

Dit que la sarl COM@CONCEPT a commis des actes de contrefaçon de ce sticker,

Condamne la sarl COM@CONCEPT à verser à la société COMCONCEPT la somme de 2.000 € en réparation de son préjudice économique,

Confirme le jugement sur le surplus de ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la sarl COM@CONCEPT à verser à la société COMCONCEPT la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne la sarl COM@CONCEPT aux dépens, distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.