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Décisions

Cass. crim., 14 décembre 2000, n° 00-81.168

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Schumacher

Avocat général :

M. Lucas

Avocat :

Me Cossa

Paris, 9e ch., du 24 janv. 2000

24 janvier 2000

Statuant sur le pourvoi formé par :

- B... Jean-Paul,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 24 janvier 2000, qui, pour abus de biens sociaux et banqueroute, l'a condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis, 100 000 francs d'amende, 10 ans d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler toute entreprise commerciale, artisanale, agricole et toute personne morale, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 425-4 de la loi n 66-537 du 24 juillet 1966, 197-4 de la loi n 85-98 du 25 janvier 1985, 402 de l'ancien Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, insuffisance de motifs et défaut de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant déclaré Jean-Paul B... coupable des faits d'abus de biens sociaux et de banqueroute par détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif et par tenue de comptabilité fictive ;

"aux motifs qu'il est constant et au demeurant admis par Jean-Paul B... que les livres et comptes de la SARL BEI, arrêtés au 31 décembre 1991, et la situation ultérieurement établie pour déclarer la cession des paiements de cette société enregistraient des opérations inexactes et fictives ; qu'il est parfaitement établi que, sous couvert d'emplois salariés fictifs, Jean- Paul B... émettait des chèques sans indication de leur bénéficiaire ; que les sommes étaient ensuite encaissées en espèces par les directeurs des agences et des membres de leur famille ; qu'en outre, des salaires étaient indûment versés à des tiers (époux Z..., C..., A...) déclarés en qualité de salariés alors qu'ils n'exerçaient aucun emploi ; que c'est vainement que Jean-Paul B... soutient n'avoir été que l'instrument de gérants de fait ; que, tenant de la loi et du pacte social les pouvoirs et l'obligation de ne disposer de la trésorerie sociale que conformément à l'objet et dans le seul intérêt de la société, il ne pouvait émettre des chèques "en blanc" qu'en s'assurant de la réalité de la dépense et de l'identité et des droits du bénéficiaire ; que la cour adoptera donc les motifs pertinents et suffisants des premiers juges, qualifiant exactement les faits selon qu'ils fussent antérieurs ou postérieurs à la date de cessation des paiements ; qu'en effet, l'usage abusif et le détournement des fonds sociaux résultent de leur affectation au paiement de charges fictives ou indues, en tout cas étrangères à l'objet, aux activités et à l'intérêt de la société pour bénéficier à des tiers auxquels Jean-Paul B... était attaché par des liens patrimoniaux et des intérêts communs ; qu'en acceptant d'ordonner et payer les dépenses, il agissait bien dans son intérêt, contraire à ceux de la société, sans qu'influe l'absence de profit personnel ; qu'il s'ensuit que l'intégralité des documents sociaux s'en trouvait viciée par comptabilisation de charges fictives : salaires, charges sociales ... ;

"alors, d'une part, qu'en déduisant la mauvaise foi de Jean-Paul B..., gérant de droit de la société BEI, d'un manquement à son obligation de surveillance et de contrôle de la trésorerie sociale sans préciser en quoi ce dernier avait connaissance de l'usage frauduleux des chèques ne comportant pas d'indication de bénéficiaire qui lui étaient demandés par les gérants de fait des différentes agences locales de cette société, la cour d'appel, qui n'a pas légalement caractérisé les infractions d'abus de biens sociaux et de banqueroute dont elle a déclaré le prévenu coupable, a privé sa décision de tout fondement légal au regard des textes précités ;

"alors, d'autre part, qu'en se bornant à relever, sans s'en expliquer davantage et sans indiquer l'origine de ses constatations de fait, que les détournements litigieux avaient été opérés dans l'intérêt de Jean-Paul B... dès lors qu'ils avaient bénéficié à des tiers auxquels le prévenu "était attaché par des liens patrimoniaux et des intérêts communs", la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard des textes précités" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la société Bureau d'Etudes et d'Ingénierie, constituée le 12 décembre 1990, avait pour gérant statutaire Jean-Paul B... et pour activité l'étude et la réalisation de travaux de pose de cables dans des immeubles en construction ; qu'elle disposait de trois agences dirigées par des co-associés, notamment Claude X... et Jean Y... ; qu'elle a été mise en redressement judiciaire le 9 juillet 1992 puis en liquidation judiciaire le 19 août suivant, la date de cessation des paiements étant fixée au 8 mai 1992 ; Qu'il est établi que Claude X... et Jean Y..., qui bénéficiaient dans la gestion de leur agence d'une certaine autonomie et ont été qualifiés de cogérants de fait, adressaient à Jean-Paul B..., qui s'occupait de la gestion administrative et financière et qui avait seul la signature bancaire, des états du personnel aux fins de paiement des salaires, incluant des salariés fictifs ; que, pour ces derniers, Jean-Paul B... émettait des chèques sans nom de bénéficiaire, qui était encaissés par les directeurs d'agence précités ou des membres de leur famille ;

Attendu que, pour déclarer Jean-Paul B... coupable d'abus de biens sociaux pour la période antérieure au 8 mai 1992 et de banqueroute par détournements d'actifs pour la période suivante, les juges relèvent que, de par sa formation comptable, le prévenu ne pouvait ignorer les risques encourus par une telle procédure, qu'il n'a jamais cherché à opérer le moindre contrôle sur l'utilisation des chèques litigieux par rapport aux véritables employés, qu'il a tenu une comptabilité enregistrant des opérations inexactes et fictives et, qu'en acceptant d'ordonner et payer des dépenses contraires à l'intérêt de la société et bénéficiant à des tiers auxquels il était attaché par des liens patrimoniaux, il agissait dans son intérêt ;

Qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance et caractérisant en tous leurs éléments les délits reprochés, la banqueroute ne nécessitant pas, au surplus, la poursuite d'un intérêt personnel de la part du dirigeant, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.