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Décisions

Cass. 1re civ., 16 juin 2011, n° 10-17.898

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié

Amiens, du 11 juin 2009

11 juin 2009

Attendu que Pierre X... est décédé le 23 mai 1983 en laissant à sa succession, son épouse, Mme Germaine Y... avec laquelle il s'était marié en 1939 sous le régime conventionnel de communauté réduite aux acquêts, donataire ayant opté pour l'usufruit de l'universalité de la succession, et leurs deux enfants, M. Georges X... et Mme Hélène X..., épouse Z... ; que lors des opérations de liquidation et partage de la succession ordonnées par jugement du 13 novembre 1997, les successibles se sont opposés sur le sort du portefeuille de valeurs mobilières dépendant de la communauté ; qu'entérinant les conclusions du rapport de l'expert désigné par un premier jugement pour décrire l'évolution du portefeuille et rechercher les opérations de vente ayant porté atteinte à sa structure, le tribunal a notamment retenu qu'en sa qualité d'usufruitière de l'universalité des biens de son époux, Mme Y... a commis un abus de jouissance en effectuant des prélèvements sur le portefeuille, prononcé l'extinction de son droit d'usufruit et décidé qu'elle doit rapporter à la succession une somme de 196 219, 07 euros représentant " la différence entre le montant auquel devrait être évalué le portefeuille sans les prélèvements et son montant réel " ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'ordonner une nouvelle expertise et d'avoir fixé à 113 972, 41 euros la somme que Mme Y... doit rapporter à la succession alors que :- même s'il n'a pas été récusé, un magistrat ne peut siéger en appel après avoir siégé en première instance, fut-ce en qualité de juge commissaire ou de juge de la mise en état ; qu'en l'espèce, madame Corbel, conseiller lors de l'audience devant la cour d'appel d'Amiens, avait déjà connu le dossier en qualité de juge-commissaire en charge des opérations de compte, liquidation et partage (ordonnance sur requête du 3 juin 2002) et en qualité de juge de la mise en état (ordonnance de clôture du 16 juillet 2003) ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 430 du code de procédure civile les contestations afférentes à la composition d'une juridiction doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats, faute de quoi aucune nullité ne peut être ultérieurement prononcée de ce chef ; qu'en l'espèce il ne résulte ni de l'arrêt, ni des productions qu'une telle contestation ait été soulevée devant la cour d'appel ; d'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que sous couvert de critiquer la décision de la cour d'appel en ce qu'elle a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, refusé d'ordonner la nouvelle expertise réclamée par Mme Z... avec une mission similaire à celle confiée à l'expert désigné par le tribunal, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation par les juges du fond des conclusions de cet expert, soumises à la contradiction des parties, au vu desquelles ils ont statué comme ils ont fait sur l'existence d'un abus de jouissance commis par l'usufruitière et sur le montant de la somme qu'elle est tenue de rapporter à la succession ; qu'ainsi, abstraction faite du motif justement critiqué par la première branche, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs du moyen ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d'appel qui a exactement énoncé qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve et qui a estimé dans l'exercice de son pouvoir souverain que Mme Z... ne produisait aucun élément de nature à fonder ses soupçons quant à d'éventuels apports de l'indivision à la société gérée par la fille de M. Gérard X..., n'était pas tenue d'ordonner une expertise afin de rechercher les mouvements de fonds entre l'indivision et cette société ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 578 du code civil ;

Attendu que l'usufruitier d'un portefeuille de valeurs mobilières a la charge d'en conserver la substance et de le rendre ;

Attendu que pour fixer à 113 972, 41 euros le montant de la somme due par Mme Y... en conséquence de l'extinction de son usufruit sur le portefeuille de valeurs mobilières la cour d'appel a pris en considération le seul montant des dissipations commises ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors que l'usufruitière était tenue de rendre la valeur qui aurait été celle du portefeuille en l'absence de ces prélèvements, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que Mme Y... doit rapporter à la succession une somme de 113 972, 41 euros, l'arrêt rendu le 11 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.