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Décisions

CJUE, 8e ch., 14 novembre 2013, n° C-210/13

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Glaxosmithkline Biologicals SA, Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma GmbH & Co. KG

Défendeur :

Comptroller General of Patents, Designs and Trade Marks

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Ó Caoimh

Juges :

Mme Toader (rapporteur), M. Jarašiūnas

Avocat général :

M. Jääskinen

CJUE n° C-210/13

13 novembre 2013

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, sous b), du règlement (CE) nº 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO L 152, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Glaxosmithkline Biologicals SA et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma GmbH & Co. KG (ci-après, ensemble, «GSK») au Comptroller General of Patents, Designs and Trade Marks (ci-après le «Patent Office») au sujet du refus de ce dernier de délivrer à GSK deux certificats complémentaires de protection (ci-après le «CCP»).

Le cadre juridique

3 Les considérants 4 à 10 du règlement nº 469/2009 se lisent comme suit:

«(4) À l’heure actuelle, la période qui s’écoule entre le dépôt d’une demande de brevet pour un nouveau médicament et l’autorisation de mise sur le marché [ci-après l’‘AMM’] dudit médicament réduit la protection effective conférée par le brevet à une durée insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche.

(5) Ces circonstances conduisent à une insuffisance de protection qui pénalise la recherche pharmaceutique.

(6) Il existe un risque de déplacement des centres de recherche situés dans les États membres vers des pays offrant une meilleure protection.

(7) Il convient de prévoir une solution uniforme au niveau communautaire et de prévenir ainsi une évolution hétérogène des législations nationales aboutissant à de nouvelles disparités qui seraient de nature à entraver la libre circulation des médicaments au sein de la Communauté et à affecter, de ce fait, directement le fonctionnement du marché intérieur.

(8) Il est donc nécessaire de prévoir un [CCP] pour les médicaments ayant donné lieu à une [AMM], qui puisse être obtenu par le titulaire d’un brevet national ou européen selon les mêmes conditions dans chaque État membre. En conséquence, le règlement est l’instrument juridique le plus approprié.

(9) La durée de la protection conférée par le certificat devrait être déterminée de telle sorte qu’elle permette une protection effective suffisante. À cet effet, le titulaire, à la fois d’un brevet et d’un certificat, doit pouvoir bénéficier au total de quinze années d’exclusivité au maximum à partir de la première [AMM], dans la Communauté, du médicament en question.

(10) Néanmoins, tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique devraient être pris en compte. À cet effet, le certificat ne saurait être délivré pour une durée supérieure à cinq ans. La protection qu’il confère devrait en outre être strictement limitée au produit couvert par l’autorisation de sa mise sur le marché en tant que médicament.»

4 L’article 1er de ce règlement, intitulé «Définitions», prévoit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

a) ‘médicament’: toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines […];

b) ‘produit’: le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament;

c) ‘brevet de base’: un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un certificat;

d) ‘certificat’: le [CCP];

[…]»

5 L’article 2 dudit règlement se lit comme suit:

«Tout produit protégé par un brevet sur le territoire d’un État membre et soumis, en tant que médicament, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’autorisation administrative en vertu de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain [JO L 311, p. 67] […] peut, dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement, faire l’objet d’un certificat».

6 L’article 3 de ce même règlement, intitulé «Conditions d’obtention du certificat», dispose:

«Le certificat est délivré, si, dans l’État membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande:

a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur;

b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une [AMM] en cours de validité conformément à la directive 2001/83/CE […];

c) le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat;

d) l’autorisation mentionnée au point b) est la première [AMM] du produit, en tant que médicament.»

7 L’article 4 du règlement nº 469/2009, intitulé «Objet de la protection», énonce:

«Dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le certificat s’étend au seul produit couvert par l’[AMM] du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du certificat.»

8 Aux termes de l’article 5 de ce règlement, relatif aux «[e]ffets du certificat»:

«Sous réserve de l’article 4, le certificat confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9 Le 10 octobre 2008, GSK a sollicité un CCP (SPC/GB08/046) pour le produit dénommé «émulsion huile dans l’eau comprenant du squalène, du DL α tocophérol et du polysorbate 80», adjuvant connu sous le nom d’«AS03» et protégé par le brevet européen (UK) nº 0 868 918.

10 Le 18 août 2011, GSK a sollicité un autre CCP (SPC/GB11/043) pour le produit dénommé «vaccin contre la grippe avec adjuvant comprenant un composant du virus de la grippe qui est un antigène du virus de la grippe provenant d’une souche de virus de la grippe qui est associée à une éclosion pandémique ou qui a le potentiel d’être associée à une éclosion pandémique, où l’adjuvant consiste en une émulsion huile dans l’eau comprenant du squalène, du DL α tocophérol et du polysorbate 80». Cette demande de CCP visait ainsi un vaccin protégé par le brevet européen (UK) nº 1 618 889 et composé d’un antigène et de l’AS03.

11 À l’appui de ces deux demandes de CCP, GSK invoquait l’AMM EU/1/08/453/001 délivrée, le 14 mai 2008, par l’Agence européenne des médicaments (EMA) pour un vaccin grippal prépandémique contre le sous-type H5N1 du virus de la grippe de type A, commercialisé par GSK sous la marque Prepandrix. Il ressort de la décision de renvoi que ce vaccin comprend un antigène connu sous la référence A/Indonesia/05/2005 (H5Nl) à titre de souche utilisée (PR8-IBCDC-RG2) avec l’AS03. Des études auraient démontré que la présence de l’AS03 était un facteur important en vue d’assurer que ce vaccin satisfaisait aux critères d’autorisation de la Food and Drug Administration (Agence de l’alimentation et du médicament) des États-Unis et de l’EMA.

12 Par décision du 19 décembre 2012, le Patent Office a décidé qu’aucune des deux demandes de CCP ne pouvait être accueillie en l’état, au motif que l’AS03 n’était pas un «principe actif» du médicament Prepandrix. Cet office a toutefois indiqué qu’il était disposé à permettre à GSK de modifier ses demandes.

13 Le Patent Office a notamment considéré que, eu égard à l’arrêt du 4 mai 2006, Massachusetts Institute of Technology (C 431/04, Rec. p. I 4089), l’AS03, dans la mesure où cet adjuvant est dépourvu d’effet thérapeutique propre, ne pouvait pas être considéré comme un «principe actif» au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009, que ce soit isolément ou dans une composition avec l’antigène contenu dans le médicament Prepandrix. L’AS03 ne conférerait, à lui seul, aucune immunité, que ce soit contre la grippe ou contre toute autre maladie. Le fait que l’AS03 renforce l’effet thérapeutique de l’antigène, indépendamment de l’antigène effectivement concerné et de la protection immunologique recherchée, serait insuffisant pour pouvoir le considérer comme étant, en lui-même, un principe actif.

14 GSK a introduit un recours devant la juridiction de renvoi contre la décision de refus d’octroi des CCP du Patent Office.

15 En premier lieu, GSK a invoqué plusieurs points de l’exposé des motifs de la proposition de règlement (CEE) du Conseil, du 11 avril 1990, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments [COM(90) 101 final], notamment le point 11 de celui-ci. Selon GSK, il ressort de ces points que le règlement nº 469/2009 est destiné à s’appliquer à tous les produits nouveaux qui sont le résultat d’une recherche innovante, à l’exception des variantes mineures, telles qu’un nouveau dosage, l’emploi d’un sel ou d’un ester différent ou une formulation pharmaceutique différente.

16 En deuxième lieu, GSK a fait valoir que, eu égard à l’arrêt du 19 juillet 2012, Neurim Pharmaceuticals (1991) (C 130/11), l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 ne doit plus être interprété de manière stricte.

17 En troisième lieu, GSK a souligné que la présente affaire se distinguait de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité. En effet, cette dernière affaire ne portait que sur un excipient dépourvu d’effets physiologiques sur le corps tandis que, dans l’affaire au principal, il est question d’un adjuvant et que, précisément, ce dernier a un effet physiologique sur le corps, lequel effet consiste à renforcer l’effet thérapeutique de l’antigène.

18 Le Patent Office a conclu au rejet du recours de GSK. En premier lieu, il a invoqué le libellé même de l’article 1er, sous a) et b), du règlement nº 469/2009, lequel opère une distinction claire entre le «médicament» et le «produit». Selon le Patent Office, si le premier peut avoir un effet sur une fonction organique, seul le second peut toutefois faire l’objet d’un CCP. Par voie de conséquence, même si un adjuvant entre dans le champ d’application de la notion de «médicament» au sens du règlement nº 469/2009, cela ne signifierait pas que l’adjuvant doive être considéré comme un «principe actif» ou comme un «produit» au sens de ce règlement. Si une substance dotée d’effets physiologiques généraux et indirects devait également relever de la notion de «principe actif», la définition ainsi retenue serait trop large et trop incertaine, de sorte qu’elle aboutirait à des résultats divergents dans les différents États membres.

19 En deuxième lieu, le Patent Office a contesté que l’affaire au principal se distinguait de celle ayant donné lieu à l’arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité. Il a souligné à cet égard que, dans la motivation de cet arrêt, la Cour ne mentionnait pratiquement pas les excipients et que ni le dispositif ni le raisonnement sur lequel il repose ne se limitaient à des excipients. Ainsi, le principe énoncé dans ledit arrêt ainsi que la motivation le sous-tendant seraient directement applicables à une affaire mettant en cause un adjuvant. Par ailleurs, dans ce même arrêt, la Cour aurait statué au regard d’une situation dans laquelle la présence du polifeprosan, excipient polymère biodégradable, était nécessaire à l’efficacité thérapeutique du médicament. Or, si la valeur inventive avait été l’unique critère, la Cour serait parvenue à la conclusion opposée.

20 En troisième lieu, le Patent Office s’est appuyé sur les définitions distinctes de «substances actives» et d’«excipients», retenues par le législateur de l’Union dans la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63/CE de la Commission, du 25 juin 2003 (JO L 159, p. 46), pour démontrer qu’un adjuvant ne saurait être assimilé à un principe actif.

21 La juridiction de renvoi considère que la question soulevée dans l’affaire au principal, au regard des arguments invoqués par GSK, ne relève pas de l’acte clair. Par ailleurs, cette juridiction indique que, tandis que les services compétents de la propriété industrielle espagnol, italien, luxembourgeois et autrichiens ont accordé à GSK des CCP à la fois pour l’AS03 et pour la composition constituée d’un antigène et de cet adjuvant, et ce sur le fondement du brevet européen (UK) nº 0 868 918, les services compétents suédois ont refusé de délivrer les deux CCP en question. Les autorités portugaises ont, pour leur part, refusé un CCP portant sur l’adjuvant AS03 pris isolément, mais ont octroyé un CCP pour le produit en composition. Enfin, les autorités compétentes italiennes et chypriotes ont délivré des CCP sur la composition, mais sur le fondement, cette fois, du brevet européen (UK) nº 1 618 889.

22 C’est dans ces conditions que la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patents Court), a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Un adjuvant, dépourvu d’effet thérapeutique propre, mais qui renforce l’effet thérapeutique d’un antigène lorsqu’il est associé à cet antigène dans un vaccin, est-il un ‘principe actif’ au sens de l’article 1er, sous b), du règlement (CE) nº 469/2009?

2) En cas de réponse négative à la première question, une composition constituée d’un tel adjuvant et d’un antigène peut-elle néanmoins être considérée comme une ‘composition de principes actifs’ au sens de l’article 1er, sous b), du règlement (CE) nº 469/2009?»

Sur les questions préjudicielles

23 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

24 La Cour estime que tel est le cas dans la présente affaire, comme le lui ont d’ailleurs suggéré explicitement le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission européenne ainsi que, implicitement, les gouvernements tchèque, français et néerlandais, compte tenu, en particulier, de l’arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité.

25 Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 doit être interprété en ce sens que relèvent des notions respectives de «principe actif» et de «composition de principes actifs» au sens de cette disposition, d’une part, un adjuvant et, d’autre part, une composition de deux substances dont l’une est un principe actif doté d’effets thérapeutiques qui lui sont propres tandis que l’autre, un adjuvant, permet d’accroître ces effets thérapeutiques tout en étant dépourvue, en elle-même, d’effet thérapeutique propre.

26 Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009, «on entend par ‘produit’ le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament».

27 En l’absence de toute définition de la notion de «principe actif» dans le règlement nº 469/2009, la détermination de la signification et de la portée de ces termes doit être établie en considération du contexte général dans lequel ils sont utilisés et conformément à leur sens habituel en langage courant (voir, en ce sens, arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité, point 17).

28 En l’occurrence, il importe de relever que l’expression «principe actif» n’inclut pas, dans son acception commune en pharmacologie, les substances entrant dans la composition d’un médicament qui n’exercent pas une action propre sur l’organisme humain ou animal (arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité, point 18).

29 À cet égard, il y a lieu de souligner que, au point 11 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement mentionnée au point 15 de la présente ordonnance, il est indiqué que le «produit» est entendu au sens strict de substance active et que des changements mineurs apportés au médicament, tels un nouveau dosage, l’emploi d’un sel ou d’un ester différent, une forme pharmaceutique différente, ne sont pas susceptibles de donner lieu à un nouveau CCP. Ainsi, la forme pharmaceutique du médicament, à laquelle peut contribuer un excipient, n’entre pas dans la définition de la notion de «produit», celle-ci étant entendue au sens strict de «substance active» ou de «principe actif». En effet, le caractère nécessaire, pour assurer l’efficacité thérapeutique recherchée du principe actif, d’une substance n’exerçant aucun effet thérapeutique propre ne saurait, en l’occurrence, être considéré comme un critère ayant un contenu suffisamment déterminé (voir arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité, points 19 et 21).

30 Ainsi, une substance n’exerçant aucun effet thérapeutique propre et servant à obtenir une certaine forme pharmaceutique du médicament ne relève pas de la notion de «principe actif», laquelle à son tour permet de définir la notion de «produit» (arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité, point 25).

31 Dès lors, une telle substance associée à une substance dotée elle-même d’effets thérapeutiques propres ne saurait donner lieu à une «composition de principes actifs» au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 (voir, en ce sens, arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité, point 26).

32 Le fait que la substance n’exerçant aucun effet thérapeutique propre permet d’obtenir une forme pharmaceutique du médicament qui est nécessaire à l’efficacité thérapeutique de la substance dotée d’effets thérapeutiques n’est pas susceptible d’infirmer cette interprétation (arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité, point 27).

33 À cet égard, il n’est pas exceptionnel qu’une substance, n’ayant pas en elle-même d’effets thérapeutiques propres, ait une incidence sur l’efficacité thérapeutique du principe actif d’un médicament (voir, en ce sens, arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité, point 28).

34 Aussi, une notion de «composition de principes actifs» d’un médicament qui inclurait une composition constituée de deux substances dont l’une seulement est dotée d’effets thérapeutiques propres pour une indication déterminée et dont l’autre permet d’accroître les effets thérapeutiques du médicament, accroissement qui est nécessaire à l’efficacité thérapeutique recherchée de la première pour cette même indication, serait, en tout état de cause, de nature à introduire un élément d’insécurité juridique dans l’application du règlement nº 469/2009 (voir, en ce sens, arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité, point 29).

35 Ces considérations valent également dans une situation telle que celle au principal mettant en cause un adjuvant, lequel, en raison du fait qu’il n’a pas d’effets thérapeutiques propres, ne saurait être considéré comme un «principe actif» au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009.

36 Une telle distinction entre «principe actif» et «adjuvant» ressort également explicitement du point 3.2.2.1 figurant dans la partie 1, intitulée «Exigences du dossier standardisé de demande d’autorisation de mise sur le marché», de l’annexe I de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63, laquelle annexe énumère les renseignements et les documents devant être présentés à l’appui d’une demande d’AMM conformément, notamment, à l’article 8, paragraphe 3, de cette directive, telle que modifiée.

37 Ce point 3.2.2.1 exige ce qui suit:

«Une description du produit fini et de sa composition est à fournir. Cette information comprend la description de la forme pharmaceutique et de la composition avec tous les composants du produit fini, leur quantité par unité, la fonction des composants de:

– la ou les substances actives,

– du ou des composants de l’excipient, quelle que soit la nature ou la quantité utilisée, y compris les colorants, conservateurs, adjuvants, stabilisants, épaississants, émulsifiants, aromatisants et correcteurs de goût, etc.,

– les éléments de mise en forme pharmaceutique, destinés à être ingérés ou en général administrés au malade, (capsules dures, capsules molles, capsules rectales, dragées, comprimés pelliculés, pastilles, etc.),

[…]»

38 Ainsi, dans le contexte de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2003/63, les notions de «substance active» et d’adjuvant sont clairement distinctes et il doit en être également ainsi, dans le contexte du règlement nº 469/2009, s’agissant de la notion de «principe actif», laquelle ne saurait inclure en tant que telle un adjuvant.

39 Il résulte de ce qui précède que, d’une part, lorsqu’un brevet protège en tant que tel un adjuvant, à l’instar du brevet européen (UK) nº 0 868 918, un CCP ne peut pas être délivré pour un tel adjuvant étant donné que celui-ci ne saurait être considéré comme un «produit» au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009.

40 D’autre part, lorsque, à l’instar du brevet européen (UK) nº 1 618 889, un brevet protège en tant que tel un principe actif, en l’occurrence un antigène, utilisé avec un adjuvant, un CCP peut certes, ainsi que l’ont suggéré le Patent Office et la juridiction de renvoi, être délivré pour ce «principe actif», ce qui permet à son titulaire de bénéficier d’une période d’exclusivité supplémentaire à l’expiration du brevet de base destinée à compenser, au moins partiellement, le retard pris dans l’exploitation commerciale de son invention en raison du laps de temps qui s’est écoulé entre la date du dépôt de la demande de brevet et celle de l’obtention de la première AMM dans l’Union européenne (voir arrêt du 11 novembre 2010, Hogan Lovells International, C 229/09, Rec. p. I 11335, point 50).

41 Dans une telle situation, conformément à l’article 5 du règlement nº 469/2009, un CCP délivré en lien avec un tel produit confère, à l’expiration du brevet de base, les mêmes droits que ceux qui étaient conférés par ce brevet à l’égard de ce produit, dans les limites de la protection conférée par ledit brevet telles qu’énoncées à l’article 4 de ce règlement. Partant, si le titulaire de ce même brevet pouvait, pendant la période de validité de celui-ci, s’opposer, sur le fondement de son brevet, à toute utilisation ou à certaines utilisations de son produit sous la forme d’un médicament consistant en un tel produit ou contenant celui-ci, y compris une utilisation au moyen d’un adjuvant, le CCP délivré à l’égard de ce même produit lui conférera les mêmes droits pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration dudit certificat (voir arrêts du 24 novembre 2011, Medeva, C 322/10, Rec. p. I 12051, point 39; Georgetown University e.a., C 422/10, Rec. p. I 12157, point 32; ordonnances du 25 novembre 2011, University of Queensland et CSL, C 630/10, Rec. p. I 12231, point 34, ainsi que Daiichi Sankyo, C 6/11, Rec. p. I 12255, point 29).

42 Cependant, un tel CCP ne saurait protéger l’adjuvant en tant que tel, de sorte que ledit CCP ne saurait permettre à son titulaire, à l’expiration du brevet de base invoqué à l’appui de la demande ou d’un brevet protégeant l’adjuvant en tant que tel, de s’opposer à la commercialisation d’un médicament contenant un principe actif, autre que celui protégé par le CCP, utilisé avec ledit adjuvant.

43 S’agissant de l’arrêt Neurim Pharmaceuticals (1991), précité, il convient de constater que, dans cet arrêt et ainsi que le lui avaient suggéré la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division), la Commission ainsi que l’avocat général Trstenjak dans ses conclusions présentées dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la Cour a notamment jugé, au point 24 de celui-ci, que, désormais, à l’instar d’un brevet protégeant un «produit» ou d’un brevet protégeant un procédé d’obtention d’un «produit», un brevet protégeant une application nouvelle d’un produit nouveau ou déjà connu peut, conformément à l’article 2 du règlement nº 469/2009, permettre l’octroi d’un CCP qui, dans ce cas, conformément à l’article 5 de ce règlement, confère les mêmes droits que ceux qui étaient conférés par le brevet de base à l’égard de cette nouvelle utilisation de ce produit, dans les limites énoncées à l’article 4 dudit règlement.

44 La Cour n’a toutefois pas infirmé, dans le même arrêt, l’interprétation stricte de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009, retenue dans l’arrêt Massachusetts Institute of Technology, précité, selon laquelle la notion de «produit» ne saurait couvrir une substance qui ne répond pas à la définition de «principe actif» ou de «composition de principes actifs».

45 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 doit être interprété en ce sens que, de même qu’un adjuvant ne relève pas de la notion de «principe actif» au sens de cette disposition, une composition de deux substances dont l’une est un principe actif doté d’effets thérapeutiques qui lui sont propres tandis que l’autre, un adjuvant, permet d’accroître ces effets thérapeutiques tout en étant dépourvue, en elle-même, d’effet thérapeutique propre ne relève pas de la notion de «composition de principes actifs» au sens de ladite disposition.

Sur les dépens

46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:

L’article 1er, sous b), du règlement (CE) nº 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens que, de même qu’un adjuvant ne relève pas de la notion de «principe actif» au sens de cette disposition, une composition de deux substances dont l’une est un principe actif doté d’effets thérapeutiques qui lui sont propres tandis que l’autre, un adjuvant, permet d’accroître ces effets thérapeutiques tout en étant dépourvue, en elle-même, d’effet thérapeutique propre ne relève pas de la notion de «composition de principes actifs» au sens de ladite disposition.